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Le défi du samedi

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1 mars 2014

Rencontre sous vert (Epamine)

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Après avoir fait une centaine de mètres, ils aperçurent en aval, un espace moins dense sur la rive du canal, une courte entaille dans cette forêt luxuriante et oppressante, un peu comme une petite cicatrice dans la moustache d’un blessé de guerre.

Une… deux… trois amples coulées de bâton dans l'eau jaune dite blanche et les voilà sur la berge !

grumes-de-sciage--Amarillo-(Terminalia-amazonia)--Panama - CopieIls se retrouvaient bien loin de leur village mais les anciens leur avaient dit que c’était le long de ce canal, alors ils avaient navigué jusqu'ici ! Une fois la pirogue amarrée, ils empoignèrent chacun leur petit baluchon et pénétrèrent lentement dans la moite pénombre, toute chargée de l'odeur âcre de l'humus, ici éclairée d'un vol de plumes écarlates, là, illuminée d'un trait de lumière tombant du ciel. Partout, de la canopée aux plantes rampantes, fusaient inlassablement, comme diffusés en boucle, des cris perçants, des sifflets stridents, des craquements et des bourdonnements. Tous trois savaient que la grande forêt sombre est la même partout: mille périls à éviter et mille merveilles à admirer.

PHOc8d0f46e-37e6-11e3-837d-6500372d5a47-805x453Enjambant, escaladant les énormes racines en échafaudages des maîtres du lieu dont ils ne verraient jamais la cime, les trois garçons avançaient prudemment sur le sol meuble grouillant de vie. Un peu comme dans une cathédrale aux piliers vertigineux de hauteur, Chico, Raoni et Kanato veillaient à ne pas déranger l'esprit de la forêt. Religieusement, ils écartaient avec précaution les branches qui gênaient leur passage, frôlaient délicatement les feuillages avec leurs jambes et prenaient soin de ne perturber aucun animal dans ses activités diurnes. Le sang des seringueiros coulait dans les veines des trois garotos et ils savaient ce que leur peuple devait aux arbres. Ils étaient venus jusque là pour retrouver la plante ancestrale qui sauverait leur village et leurs familles… Ils la rapporteraient mais cela ne devait pas nuire à la grande forêt !

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Après avoir marché longtemps, un peu découragés de n'avoir toujours rien trouvé de prometteur à glisser dans leurs baluchons, les trois gamins s'immobilisèrent brutalement! Aucun jaguar ni puma, pas le moindre serpent vert, pas même une impressionnante mygale face à eux! Non! Des voix ! Juste des voix humaines aux sonorités inconnues, des cris enthousisates et des rires clairs qui se mêlaient aux bruits coutumiers de la forêt. Sans échanger le moindre mot mais se comprenant d'un regard, les trois garçons s'approchèrent doucement de l'endroit d'où venaient les voix et quelle ne fut pas leur surprise quand ils virent... une poignée d'hommes enfermés dans une cage et quelques autres s'agitant tout autour. 

cageOublié l'Hevea brasiliensis ! Perdu de vue l'enjeu majeur de leur mission au plus profond de l'immense forêt ! Les gamins intrigués et inquiets à la fois s'approchèrent un peu trop près et finirent pas se faire remarquer. Les hommes prisonniers de la cage comme ceux à l'extérieur leur firent signe d'approcher avec un large sourire amical et quelques mots en tupi...

Curieux, Raoni fut le premier à répondre à l'invitation et à franchir les quelques mètres qui le séparaient de la cage. Ses deux compagnons l'imitèrent bientôt. Dans un chaleureux et vivant mélange de portugais et de tupi, petits et grands expliquèrent les raisons qui les avaient amenés jusque là. Kanato raconta la détresse de leur village et l'inexorable désertion de ses habitants vers la ville. Chico expliqua que ses amis et lui-même avaient défié les vieux sages du village et s'étaient engagés à rapporter des plants sains d'hévéa pour remplacer petit à petit tous les arbres abattus de leur plantation. Des familles entières comptaient sur eux!

Les adultes, quant à eux, présentèrent aux gamins leur projet de film et leur montrèrent quelques photos d'animaux qu'aucun des trois garçons n'avait jamais vus et qu'ils pensaient n'être que des légendes comme le dauphin rose, l'hoatzin huppé, le kinkajou ou le peixe-boi. Le film "Amazonia" devait raconter l'histoire d'un petit singe capucin né en captivité qui se retrouvait perdu dans la forêt amazonienne suite à un accident d'avion... 

Ils parlèrent de leurs univers loin des mondanités, échangèrent sur la nature et ses beautés, partagèrent leurs repas, se firent des confidences sur leur humanité... Le temps passa très vite, au plus profond de la grande forêt, ce soir-là! Après une nuit peuplée de rêves inattendus, d'animaux méconnus et d'avions dans les nues, les trois enfants se réveillèrent les premiers, quittèrent sans un mot le site du tournage et reprirent leur quête, plus déterminés que jamais à préserver leur forêt contre la prédation humaine et le non respect de la vie sauvage. La veille, un des guides leur avait donné une carte qui permit aux garçons de trouver rapidement de jeunes plants de seringueira. Ils les prélevèrent avec délicatesse puis ils retournèrent vers leur pirogue avec leur précieux butin, impatients de tracer un jour prochain les réguliers sillons sur les troncs gigantesques...

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1 mars 2014

Le doigt et la poudre (Joe Krapov)

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La pirogue glissait rapidement sur l'eau. Ils entrèrent dans un canal qui débouchait de l'autre côté de la rivière. Il était très étroit et l'embarcation y passait de justesse. Ils pointèrent la pirogue vers le canal. Ils avançaient lentement, tête baissée, à cause des branches qui pendaient au-dessus de l'eau. Après avoir fait une centaine de mètres, ils aperçurent le fleuve, négocièrent le virage et prirent la direction de Davenport où ils avaient l’intention de faire escale.


Il y avait là, sur la rive droite du Mississippi, l’auberge de Big John Crosby et l’habitation de Scott Young le trappeur à qui ils livraient eux aussi à l’occasion le produit de leur chasse. Big John n’était plus le même depuis que la rivière avait emporté sa petite Emmylou. Il s’adonnait à l’eau de feu plus que de raison pour y noyer son chagrin. Scott Young était un homme honnête mais les trois Cherokees se demandaient si ses deux fils seraient à la hauteur pour reprendre l’affaire de leur père. Le deuxième surtout n’avait rien de guerrier, frêle, souvent malade lorsqu’il était enfant, avec un regard noir et torturé, toujours fourré dans les bouquins, à lire tout ce qui lui tombait sous la main.


- Qu’est-ce que tu fous, Dragging Canoe ? Tu as failli nous faire chavirer !

- Désolé ! On vire à droite, Sequoyah ! Il y a un bateau en face !
- Qu’est-ce que c’est que cet engin ? Une canonnière ?
- Mettons-nous à couvert sous les lianes et observons.

Regarde m’man, il y a un bateau blanc sur la rivière ! Il a une cheminée rouge, il arbore un drapeau,et il y a un homme sur le pont. Tu f’rais bien d’appeler Big John ! Je n’pense pas que ce raffiot-là vienne pour nous distribuer des lettres ! Il est à moins d’un mile maintenant. J’espère qu’il ne va pas s’arrêter ! Il a des numéros inscrits sur sa coque. Il porte un grand canon et il déplace de grosses vagues !

 

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C’était effectivement un grand bateau blanc, avec une cheminée rouge et un long canon à l’avant. Il remontait silencieusement le fleuve et d’ici trois ou quatre minutes il serait à hauteur des deux bâtiments en rondins de bois de Davenport. Sur le quai, le deuxième fils de Scott avait aperçu lui aussi le navire. Il semblait hésiter sur ce qu’il devait faire. Il cria en direction de quelqu’un à l’intérieur de la maison mais ni son père, ni son grand frère ne sortirent pour le rejoindre. Sans doute étaient-ils partis chasser ou relever leurs pièges ?

Papa est parti et mon frère chasse dans la montagne.

Big John serait-il de bon secours ? Il boit trop depuis qu’Emmylou s’est noyée dans la rivière. Du coup c’est moi qui représente l’autorité mais j’ai bien trop souvent tendance à tergiverser. Je viens juste d’avoir 22 ans. Je me demande bien quoi faire face à ce truc. Et plus elle se rapproche, cette canonnière, plus l’hésitation en moi augmente !

Le gamin entra dans sa demeure et en sortit avec une carabine presque aussi grande que lui. Il demeura en retrait du quai de débarquement, posté derrière un tonneau.

Avec le fusil de mon père entre les mains, je me sens plus rassuré. Papa m’a toujours dit : «Si tu vois rouge mets-toi à courir ! Ne te soucie pas des chiffres ! ». Qu’est-ce qu’il a bien pu vouloir dire ? Quand le premier coup de feu a frappé le quai, j’ai vu arriver mon destin en même temps que la réponse ! J’ai ajusté le fusil tout en me demandant pourquoi je faisais cela, pourquoi ils nous tiraient dessus. Et puis il y a eu un grand trou noir, mon visage a éclaboussé le ciel, et je suis tombé à la renverse.

Il dut y avoir une mésentente de part et d’autre. Ou alors les occupants du navire n’étaient pas des représentants des autorités américaines. Toujours est-il qu’un type en maillot rayé et en casquette tira deux coups de fusil en direction de Davenport. Ses balles ricochèrent sur le quai de débarquement. Qu’est-ce qui se passa dans la tête du gamin ? Il épaula son fusil, mit son doigt sur la gâchette mais avant que la poudre ne parle, une balle mortelle l’atteignit.
Le bateau ne s’est pas arrêté. Quand il est passé près de nous notre canoë s’est soulevé comme poussé par un raz-de-marée puis le fleuve s’est calmé et le troisième d’entre nous, un vieux chaman qui avait pour nom Cheval fou se mit à psalmodier dans notre langue quelque chose qui signifiait :

Eloigne de moi la poudre à fusil, le doigt trop leste ! Empêche-moi d’appuyer sur la gâchette du bâton de feu ! Pense à moi comme à quelqu’un dont tu n’aurais jamais cru qu’il se serait effacé si jeune avec tant de choses non finies, non vécues. Rappelle-toi de mon amour pour toi car déjà tu me manques.

Nous avons traversé le fleuve redevenu calme et nous sommes allés consoler la mère du jeune Neil et Big John qui était enfin sorti de sa taverne en claudiquant. Puis nous avons repris notre route. Ce n’étaient pas nos affaires. Depuis que les visages pâles ont envahi nos vallées et nos prairies, ils sèment la violence, la mort et la désolation autour d’eux. Quelque chose de grand en naîtra, sans soute aucun, mais comme dit Cheval fou : « De transformation en transformation, de paysage en paysage, nul ne sait où conduit le chemin des humains ni ce que nous récolterons sous la lune des moissons. De l’homme mort naîtra la poésie de l’homme qui rêve. Pour celui-là, il faudra simplement qu’il troque son fusil contre une guitare dans sa prochaine vie».

Librement adapté du texte de la chanson "Powderfinger"de Neil Young :

1 mars 2014

La rencontre (EVP)

La pirogue glissait rapidement sur l’eau.
Ils entrèrent dans un canal qui débouchait de l’autre côté de la rivière. Il était très étroit et l’embarcation y passait de justesse. Ils pointèrent la pirogue vers le canal. Ils avançaient lentement, têtes baissées, à cause des branches qui pendaient au-dessus de l’eau. Après avoir fait une centaine de mètres ils aperçurent
…L’orbe menaçant de l’anaconda et son effroyable frou-frou sur les feuilles pourrissantes de la rive, le piaillement aigu d’un tout jeune pirarucu déchira un instant la stridence mécanique des insectes. Ils eurent juste le temps d’apercevoir la funeste gueule et le corps puissant se redresser pour déglutir le cri avorté. Une infime pulsation de silence puis les feulements sourds, les froissements d’élytres, les trilles pointus de l’irapuru et le claquement rauque du toucan reprirent aussitôt leur cacophonie tranquille.

Je voyais les frissons duveteux sur les épaules maigrichonnes d’Alberto, devant moi.
-          Berto ! Ne t’inquiète pas, il est loin maintenant.
Puis j’interpelais João, Il faut qu’on retrouve le fleuve rapidement, sur sa berge nous trouverons un coin tranquille.
João avait vu comme moi, le changement à peine perceptible, comme un flottement dans la densité du vert qui nous baignait. La fin de l’après-midi était proche. Nous enfonçâmes nos pagaies plus loin, plus fort, plus vite.
Heureusement, le canal s’incurva au bout d’une heure environ et nous sentions, à l’allègement de l’oppression végétale, que la rivière, ignorante de la persévérance des rives, allait son chemin, imposant à la forêt ses lisières.
Le courant était rapide plus loin dans le fleuve mais João, à l’avant, me désigna une petite plage brune avec un petit pré dégagé.

Nous avons rapidement accosté puis tiré la pirogue sur le gravier.
Les herbes s’embrumaient à peine de sons ténus.
Je pris Alberto dans mes bras à l’intérieur du ventre du bateau qui nous servait d’abri.
Il me fit son sourire tremblant de petit garçon courageux.

Le crépuscule mourait dans un épuisement de couleurs.

1 mars 2014

Participation de Prudence Petitpas

La pirogue glissait rapidement sur l'eau.

Une eau vive et transparente les emportait bien loin du danger qu’ils fuyaient…

Ils entrèrent dans un canal qui débouchait de l'autre côté de la rivière.

Le canoë restait droit et les jeunes garçons stoïques, concentrés, se mordaient la langue et n’osaient respirer…

Ce canal était très étroit et l'embarcation y passait de justesse. Ils durent manœuvrer et se félicitaient mentalement d’avoir écouté leur vieil oncle sur la façon de faire dans un cas pareil.

Ils pointèrent la pirogue vers le canal. La végétation se densifiait aux alentours, les eaux se troublaient par des algues nauséabondes, la nature devenait de plus en plus hostile et les jeunes garçons se demandaient où ils se trouvaient. Ils ne s’étaient  jamais aventurés si loin et les anciens racontaient des histoires horribles sur ces contrées lointaines.

Ils avançaient lentement, tête baissée, à cause des branches qui pendaient au-dessus de l'eau. Le premier jetait quelques coup d’œil afin d’avertir ses coéquipiers du danger…

Après avoir fait une centaine de mètres dans le canal, ils disparurent… et on ne les revit jamais…

 

1 mars 2014

Une île provisoire (petitmoulin)


Une île provisoire
Sur le courant du fleuve
Leur offrait un espace
Dans l'embrasure du temps
Nouée entre les rives
Elle leur tendait la main
Comme on ouvre sa porte
À un matin tout neuf.
Le vent qui ne sait rien
Ni du poids de la crainte
Ni de l'éclat du rêve
Souffla jusqu'à la proue
De leur saison première.
D'aubes désirantes
En silences conquis
De parfums de fruits mûrs
En foudres passagères
De blessures cousues
En hivers consolés
Ils parcoururent la terre
Qui leur était prêtée.

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1 mars 2014

Capybara! Capybara! (Vegas sur sarthe)

La pirogue glissait rapidement sur l'eau. Ils entrèrent dans un canal qui débouchait de l'autre côté de la rivière. Il était très étroit et l'embarcation y passait de justesse. Ils pointèrent la pirogue vers le canal. Ils avançaient lentement, tête baissée, à cause des branches qui pendaient au-dessus de l'eau. Après avoir fait une centaine de mètres, ils aperçurent le gros iguane vert perché dans son arbre dont leur avait parlé Panara, le vieux chef Kayapos. Ils ne l'avaient pas imaginé si gros!

Ils étaient donc sur le bon chemin bien que prisonniers d'un boyau étranglé de vilaines lianes et de branches moussues.
Enfin le canal s'élargissait sensiblement et il leur tardait de piéger les dauphins roses que le vieux Panara leur avait décrit et qu'ils étaient autorisés à approcher depuis qu'ils avaient tous trois été “introduits dans la maison des hommes” en grande cérémonie...
Diogo, Luis et Vitor avaient dévalisé le stock de peinture corporelle du vieux Panara et aussi quelques “kotékas”, des étuis péniens en coloquinte, symboles de rang social.
Fidèle à lui-même, Diogo en avait volé un si gros qu'il le perdait sans cesse, ce qui faisait rire les autres aux éclats.
“Ti scoubidou! Ti scoubidou!”
Comme il le rajustait une fois de plus en grommelant, Luis se mit à hurler : “Capybara! Capybara!”
Excellent nageur, l'énorme cochon d'eau fonçait sur leur pirogue et sa grosse tête rectangulaire aux yeux vifs fendait l'eau du marigot de façon inquiétante.
A l'avant, Vitor avait pointé sa maigre sarbacane et l'ajustait en tremblant comme une feuille sur le rongeur en furie quand un cri perçant lui fit lever la tête.
Une harpie féroce au bec crochu fondait du ciel sur le rongeur, toutes griffes sorties.
Son “Wheeeeee” suffit à décourager notre capybara qui plongea sans plus attendre.
Malgré leurs peintures, les trois guerriers étaient bien pâles et - sans doute sous l'effet de la peur - Diogo avait définitivement perdu son “kotéka”.
Avec de grands cris la harpie décrivait d'inquiétants cercles autour d'eux.
Subitement la forêt leur parut hostile et sans un mot, les jambes flageolantes et le ventre pris de crampes ils échangèrent leurs places dans la pirogue pour un demi-tour stratégique.
Sans aucun doute la Déesse Amazone venait de prendre la forme de la harpie pour les punir de leurs mauvaises intentions.
Jamais on ne vit pirogue filer aussi vite sur la rivière...
1 mars 2014

Participation de Fairywen

 

 

Le roi de la forêt.

La pirogue glissait rapidement sur l'eau. Ils entrèrent dans un canal qui débouchait de l'autre côté de la rivière. Il était très étroit et l'embarcation y passait de justesse. Ils pointèrent la pirogue vers le canal. Ils avançaient lentement, tête baissée, à cause des branches qui pendaient au-dessus de l'eau. Après avoir fait une centaine de mètres, ils aperçurent, perché sur un arbre, une silhouette qui les regardait de ses yeux d’or. Les garçons se figèrent respectueusement, conscients d’avoir la chance rare d’être en présence du roi de la forêt amazonienne. Il se leva avec une grâce nonchalante, ses muscles puissants roulant sous sa fourrure tachetée. Ses griffes jaillirent, se plantant dans l’écorce de la branche sur laquelle il avait élu domicile. Tel un gros chat, le jaguar s’étira voluptueusement, fermant à demi les paupières. Il n’avait pas encore décidé s’il allait ou non laisser passer ces inconnus qui osaient s’aventurer dans son domaine.

Dans la pirogue, les garçons, serrés les uns contre les autres, ne quittaient pas des yeux le roi de l’Amazonie, parfaitement conscients que de lui dépendait leur vie ou leur mort. Le grand jaguar, à présent dressé de toute sa taille, fouetta l’air de sa queue. Autour de lui, la forêt retenait son souffle, attendant la décision de leur monarque. Un rayon de soleil se faufila à travers les frondaisons, éclaboussant d’or la fourrure soyeuse de l’animal, qui s’avançait majestueusement au-dessus de la rivière, jusqu’à surplomber la pirogue. Sans un mot, les garçons s’inclinèrent avec déférence devant lui, reconnaissant ainsi sa souveraineté. Ils avaient bien compris que ce n’était pas un simple félin qui les jugeait, mais qu’ils avaient devant eux l’esprit tutélaire de la forêt, qui pouvait frapper et tuer sans avertissement qui contrevenait à ses lois. Ils tressaillirent mais ne bougèrent pas quand le jaguar sauta sur leur embarcation et se mit à tourner autour d’eux. Il les effleura de ses moustaches sensibles, s’enroula autour de leurs jambes, conscient de leur peur et appréciant leur courage et le respect qu’ils lui manifestaient. Il avait perdu le compte de ceux qui avaient saisi leur fusil en le voyant, ne pensant qu’à s’approprier sa magnifique fourrure, et qui avaient fini sous ses griffes et ses crocs, la forêt se chargeant de faire disparaître définitivement les corps.

Mais ces garçons ne lui voulaient pas de mal, et ne voulaient pas non plus de mal à sa forêt. D’un bond souple, le jaguar regagna sa branche et poussa un rugissement qui retentit dans toute la forêt. Le message était clair : les garçons pouvaient passer. Souriants, ils relevèrent les yeux, s’inclinèrent une dernière fois devant le roi et poursuivirent leur route. Le rideau de lianes se referma lentement derrière eux tandis que la pirogue disparaissait dans la végétation.

 

Ce qu’ils devinrent, nul ne le sut vraiment. On ne retrouva que leur pirogue, qui dérivait lentement sur le fleuve, leurs affaires bien rangées au fond. La légende, elle, dit que depuis ce jour, trois jaguars aux yeux bleus patrouillent avec le roi de l’Amazonie…

 

Défi 287 du samedi 22 février 2014 : le roi de la forêt

1 mars 2014

Trois garçons en Amazonie (par joye)

La pirogue glissait rapidement sur l'eau. Ils entrèrent dans un canal qui débouchait de l'autre côté de la rivière. Il était très étroit et l'embarcation y passait de justesse. Ils pointèrent la pirogue vers le canal. Ils avançaient lentement, tête baissée, à cause des branches qui pendaient au-dessus de l'eau. Après avoir fait une centaine de mètres, ils aperçurent…

…trois crocodiles.

Le premier était vieux et gravé de cicatrices. Le deuxième, gros et luisant. Le troisième était chétif. Il traînait par derrière.

Le premier s’approcha de la pirogue.

-    Bonjour ! héla-t-il les trois garçons.  Je m’appelle Bébert. Je suis né en Louisiane et je vous préviens que j’adore manger les pirogues !

Et il repartit pour nager autour de la pirogue. Les remous firent balancer férocement la pirogue.

Le deuxième crocodile sourit aux trois gars.

-    Bienvenue, les gars !  Je suis Hector et je suis né en Colombie et je suis doux comme une colombe. J’aime peindre et jouer de la guitare la nuit sous la pleine lune. Vous n’avez rien à craindre de moi.

Hector fit un tour subite et frappa la surface de l’eau avec sa grande queue. De nouveau, les trois garçons sentirent les remous forts qui suivirent ce mouvement et ils avaient du mal pour encore se tenir debout.

Le troisième crocodile arriva enfin et les regarda d’un air de compassion.

-    Hello, les gars, c’est moi Clément. Ils ne vous ont pas fait trop peur, j’espère, mes deux copains ?

-    Non ! répondit Guilherme, le capitão de la petite pirogue. Il tremblait nerveusement.

-    Eh ben, tant mieux, tant mieux, sourit Clément.  Bonne journée, les gars !

Sur ce,  Clément repartit doucement vers la rive où Hector et Bébert somnolaient aux ombres voluptueuses de la canopée.

La pirogue continua alors son parcours avec Guilherme et ses camarades, Bruno et Mateus, tous poussant un soupir de soulagement.

Plus tard dans la nuit, sous la lune, on pouvait entendre les notes d’une guitare, et la voix profonde d’Hector qui chantait une plainte pour un amour perdu. Bébert, lui, ronflait de nouveau, et puis se réveilla en sursautant. Il rota.

-    Bon sang, que c’était bon, cette pirogue, mais les trois gars un peu maigres, j’ai encore faim, moi ! La prochaine fois que tu fais couler une pirogue, Clément, faudra que tu en prennes une avec une équipe plus substantielle, tu veux ?

Clément regarda ses deux compagnons, et sourit tendrement, des larmes plein les yeux.

22 février 2014

Défi #287

 

La pirogue glissait rapidement sur l'eau. Ils entrèrent dans un canal qui débouchait de l'autre côté de la rivière. Il était très étroit et l'embarcation y passait de justesse. Ils pointèrent la pirogue vers le canal. Ils avançaient lentement, tête baissée, à cause des branches qui pendaient au-dessus de l'eau. Après avoir fait une centaine de mètres, ils aperçurent .......

A vous de continuer à votre façon ce texte d'Antonieta Dias de Moraes intitulé :

"Trois garçons en Amazonie"

Pirogue et enfants

Bon voyage et belles découvertes !

Nous attendons vos récits à

samedidefi@gmail.com

A tout bientôt !

22 février 2014

Ont franchi la porte dans la forêt

22 février 2014

J'ai tout vu ! (Walrus)

De ce terreau nourricier qu'était l'œuvre de l'immense auteur français surgissait  à présent une profonde forêt, image de ce qu'avait coûté à la nature l'édition toujours renouvelée, en d'innombrables formats et collections diverses, de ses élucubrations aristoguignolesques, fléau qui n'avait eu de comparable à ce jour que la déforestation massive de la planète par les planteurs d'Elaeis guineensis Jacq attirés par les bénéfices tout à la fois honteux et plantureux des pirates de l'industrie agroalimentaire, ceux-là même dont on raconte qu'ils ne sont guère à cheval sur le respect du bœuf, fût-il sur le toit.

Mais je m'égare ! Un peu à l'image d'Albertine (prénom obtenu en associant intimement Alice et libertine) perdue dans la forêt dont question ci-dessus et la parcourant en tous sens autant que pédestrement depuis que son cheval s'était emplafonné sur un arbre en bois dur, transformant la fière et fringante amazone que fut sa cavalière en sauvageonne coureuse de bois.

Son huit-reflets élégamment drapé d'un vaporeux voile de soie était irrémédiablement perdu, lui qui avait à l'instar des carrosseries déformables de nos modernes automobiles encaissé la majorité du choc protégeant ainsi la cervelle d'oiseau (voir défi précédent) de la charmante écuyère.

Elle avait donc abandonné la chose auprès de la dépouille de l'animal qui, contrairement au casoar, était dépourvu de casque autant que de haut-de-forme protecteur et n'avait donc pas survécu à cette rencontre inopinée avec le géant de la forêt qui s'était subitement dressé devant lui dans sa course effrénée.

Depuis le temps qu'elle errait à travers la futaie, elle commençait à se trouver peu futée elle-même de n'avoir cédé à cette pulsion libératoire qui l'avait fait se précipiter au triple galop dans la forêt pour échapper à son geôlier que pour s'y retrouver tout aussi irrémédiablement prisonnière que dans la sombre demeure de son bourreau.

C'est en ressassant ces funestes pensées qu'elle se trouva soudain nez à nez avec un mur lequel lui sembla de papier. Elle tendit la main, palpa la matière, aucun doute !

"Oh, une maison japonaise !" s'écria-t-elle tout en ajoutant immédiatement, car elle  était auvergnate, "Ch'est gai cha !" Et elle poussa la porte.

Mal lui en prit, car comme les portes des maisons japonaises traditionnelles se glissent mais ne se poussent pas, elle défonça le panneau de papier pour tomber à genoux devant un jacuzzi où macérait un vrai, un dur, un tatoué de chez tatoué, en un mot : un yakuza !

- Sabre de bois! s'écria ce dernier, fervent adepte du kendo, Vous être défoncée, parole ! Pas parce que vous vautrer vous sur tapis persans avec copain en marcel que vous devoir aussi fumer moquette, même si persane qualité supérieure est, vous contenter plutôt vous de cigare à moustaches d'ami à vous, Baronne !

- Je ne suis pas Baronne, même si j'ai noble allure, je m'appelle Simonet !

- Baronne Simone est, je savoir source sûre !  lui répondit le baigneur tatoué.

- Simone l'est peut-être, mais moi je suis Albertine, la libertine...

- Ahah ! Vous être sorte Geisha ? Vous jouer Shamisen ?

- C'est parce que vous marinez que vous me parlez de misaine ? Seriez-vous capitaine au long cours ?

- Longs, courts, falloir choisir, vous pas pouvoir avoir deux, mais peut-être moi pouvoir trancher en biais , shah ! Grand coup katana, lames japonaises parfaites pour tailler cheveux belles dames...

- Mais, cet animal veut saquer ma coiffure !

- Saké ? Femme pas boire saké, plutôt faire thé matcha...

- "Femme faire thé matcha..."  Non mais tu t'entends ? Je vais te faire infuser,moi, gros macho !

Et elle plongea dans le bain à bulles.

Ce qu'il advint par la suite nous restera à jamais inconnu, la diligente domesticité japonaise s'étant précipitée pour réparer le panneau à grand renfort de papier de riz (wagami).

 

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22 février 2014

Renaissance (MAP)

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Pages blanches ou imprimées

-Senteur de bois et doux feuillages-

vous formez un si bel ouvrage

-lettres et mots disséminés-

 

Voici qu'au fond de votre coeur

-âmes des arbres égarées-

renaît la forêt oubliée

instant de fugace bonheur !

22 février 2014

Elle (Célestine)

 

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Ça a débuté comme ça.

Un matin de fin d’hiver tout gris. Le petit chat est mort.  Dans sa chemise de soie pâle, Elle est sortie dans l’air glacé, sans même penser à s’habiller. Elle a couru dans le bosquet à moitié nue, le givre perlait à sa bouche. Son chagrin ne sortait pas. Aucun cri. Aucune larme.

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir ! a dit la mère supérieure d’un ton sévère. Mais que sait-elle, la vieille,  de son jardin secret ? Ne sait-elle pas que pour Elle, depuis toujours, l’enfer c’est les autres ? Murée dans son autisme, Elle parcourt la vie avec des ailes de géant échoué sur le sol. Etre ou ne pas être, est-ce vraiment la question ? Pour elle rien d’autre n’existait que cette boule de poils. Mais que diable est-il allé faire dans cette galère ?  Hélas ! Il a vécu ce que vivent les roses, l’espace d’un matin…

Les arbres menaçants tendent leurs doigts de griffons vers le ciel. La terre est bleue comme une orange.

«  Il faut cultiver notre jardin, dit Sœur Eliette. Car là, tout n’est qu’ordre et beauté.

-Jardin?...Dessine-moi un mouton, dit Elle.

-Pour remplacer ton chat ? Tu es folle, bien sûr, mais va, je ne te hais point. »

Les bouleaux se penchent vers Elle, comme des bras. Elle voudrait dormir pour toujours, dans les draps soyeux de la neige de mars.

 

 

Amusez-vous à retrouver les 12 citations qui se cachent dans le texte...

 

22 février 2014

Participation de Prudence Petitpas

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22 février 2014

L'Arbre et le Livre (JAK)

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22 février 2014

Les arbres de papier (KatyL)

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22 février 2014

Le livre vert (Epamine)

 

Le livre vert

♦♦♦

Il était assez moche le vieux bouquin! Enfin, moche, plus très beau, quoi!

Il avait été beau un jour, assurément, mais ça, c'était avant! Il y a longtemps, dans la pâle lueur d'un matin d'hiver, au milieu des odeurs de cuir et de colle, de papier et d'encre, de ficelle et de carton, on l'avait relié puis habillé, non pas d'une peau de chagrin (il n'était pas un triste livre!) mais d'une élégante toile d'un joli vert mordoré. Pour finir, on avait illuminé sa couvrure par le nom de l'auteur et le titre au fer à dorer.

C'est vrai qu'il était beau!

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Hélas, la toile avait jauni et le bord des pages, mille et mille fois feuilletées, avait un peu bruni (sans être Carla quand même!) depuis qu'on l'avait remisé au grenier, dans un carton, avec d'autres vieux pots et potes d'étagère dont certains étaient couleur vert-de-gris!

Mais par un bel après-midi d'avril, le carton fané fut ouvert! Le livre tout vert mais fermé fut de nouveau dans la lumière, dans le fragile rai de lumière douce et poussiéreuse que lançait l’œil-de-bœuf du grenier.

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Après de nombreux et chaotiques déplacements en caisse à porteurs, de mornes heures vides et sombres, longues comme de vilains jours sans vélin, le livre vert se retrouva enfin dans une grande caisse verte, Quai Voltaire, éclairé par le soleil d'été, sous le ciel de Paris.

Longtemps, hélas, il resta là, las...

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Septembre ou peut-être octobre. Un dimanche. Elle s'arrête devant la grosse boîte verte du vieux bouquiniste. De ses mains douces mais déterminées, elle choisit le petit volume vert, feuillette délicatement le vieil ouvrage, observe certaines pages, sourit en caressant une illustration, referme le livre avec émotion, tend quelques pièces jaunes au vieux camelot et, le visage toujours éclairé d’un discret sourire, elle emporte le vieux livre vert qui n'est plus vraiment vert d'ailleurs mais un peu vermoulu...

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De l’autre côté de la Manche, at the tea-time, sous la lumière forte, aiguë, acérée d'une lampe d'atelier, commence la gracieuse sarabande des doigts de la fée du papier.

A côté d'une tasse de thé vert, les pages du vieux livre sont mesurées, incisées, triturées, découpées, creusées, percées, roulées, collées, badigeonnées, colorées, dentelées, courbées, redressées, élevées...

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Comme par magie, l'un après l'autre, des arbres en feuilles aux branches sans feuilles, des arbres à mots, des poémiers d'automne, poussent sur les pages ouvertes du vieux livre vert.

Et sortant d'outre-page, éclairée par une luciole, une fillette d'un autre âge s'apprête à descendre du livre pour ouvrir sans bruit la petite porte secrète de son rêve de papier!

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ep

22 février 2014

Participation de Flo

flo

Cela me rappelle l’œuvre qui me tient particulièrement à cœur où je vous dévoilais l’histoire du livre vivant. Vous rappelez-vous ?

« Ce n’était pas Olivier qui sortait prendre l’air. C’était moi, Flo, cette autre moi-même, de chair et d’os qui dessine à reflets son ombre et son ciré, d’or et d’argent la vie qui défile, égayée du regard de la toile miroitée, signée et torsadée par ces lignes qui se sait ». Vous souvenez-vous ?

Là, le fil n’est pas rouge, il est vert.

Pourtant Olivier qui trouvait le temps long se retrouvait bien loin éloigné de son ban parce que au-delà des douze piliers d’une certaine forêt car encore plus loin que celle où l’homme avait déjà planté des glands.

Cette œuvre me fait sortir du carrefour dans lequel j’étais emprisonné. Vous avez créé la porte. Je l’avais évoquée. Vous l’avez dessinée. Elle l’a façonnée ! La porte s’ouvre. Grâce à ce livre vert de couverture, la porte est dorénavant ouverte. Mister so blanco se colore. Que se passe-t-il ?

Je change de sexe. Je suis aveuglé par tant de luminosité. Je n’ai plus besoin de mes lunettes de soleil parce que je vois double. Je vois en tant qu’homme. Je vois en tant que femme. Finalement je vois avec et sans sexe. Je me plonge dans ce récit sans fin, dans cette inspiration si fertile, dans cet amour de m’imaginer à paginer et pianote les hymnes à la vie pour ne pas dire l’ode à la joie.

Oh, merci les amis de me permettre de me retrouver dans l’explosion des sens et l’exposition du sens sans sexe ! Vous avez brisé le sortilège dans lequel j’étais emprisonné. Je ne pouvais que contempler comme organiser vos vies par divers sortilèges derrière ce lorgnon. D’ailleurs, j’ai donné à l’un/e d’entre vous pendant son rêve une boule de Cristal avec de la neige éternelle. Je vous remercie car c’était un vrai calvaire à seulement vous scruter comme divinement vous enfumer par de multiples évaporations de l’essence.

Maintenant mortel, je vis ! OUF !!!

 

22 février 2014

Suite pour EVP (Sergio)

Je m’étais levé tôt ce matin .Le soir j’avais préparé minutieusement mon matériel, ma canne Orvis (neuf pieds pour soie de cinq) mon moulinet favori, un Vivarelli une soie neuve et un bas de ligne tressé, ma casquette, quelques biscuits, un coca & mon gilet multipoches, jamais lavé contenant tout un tas de fils, boites à mouches, pinces, ciseaux etc. Tout un fourbi plus ou moins utile mais qui a valeur de talisman. Comme tous les pêcheurs, depuis des temps immémoriaux j’exécutais un rite immuable. Départ sous cycle lunaire, adoration matinale du soleil, sacralisation du matériel et port de gri-gri s’imposaient. Sans cela je ne serai pas accepté par la rivière & la pêche serait mauvaise.

J’aimais cet instant ou la nature se réveille ou la lumière revient & nous rassure. A ce moment précis j’étais entré dans la rivière. Dans ce calme paisible  qui fait suite à des passages nerveux, chaotiques où les eaux se chahutent & se bousculent. Dans cette partie plane je faisais le héron, attendant dans une bienheureuse quiétude que l’ensemble m’accepte, non plus comme un pêcheur, un prédateur mais comme une pièce du puzzle & là dans la douce attente, dans le jour naissant j’étais immobile. J’avais toujours fait cela. Je pensais « je suis là depuis un million d’années » Cette pensée me rassurait.

Un craquement, faible mais incongrue en cet instant me fit tourner la tête vers la berge. Il était là. Dans sa tenue camouflage je n’aurai pu le voir. Des éclairs de dysharmonie troublèrent le lieu. Soudain j’eu peur. Personne ne m’avait entendu partir de la maison & je tenais ce lieu secret. Tant d’histoire circulaient sur le fils Borne, additionnées de nos affabulations. Il me sourit & passa son chemin. Je remarquai que lui aussi avait une canne-fouet et marchait avec des waders. Cela me rassura. Je pêchai calmement une partie de la matinée relâchant consciencieusement les belles imprudentes. Je les trouve plus belle dans le courant.

Vers dix heure je sorti de la rivière & me dirigeait vers une petite clairière où un rocher ombragé faisait une halte idéale. Sur de mon territoire j’arrivais sans le remarquer. Il était là, sur mon banc .Je m’arrêtais mais il me fit signe d’approcher, se leva et me tendant la main me dit «  tu ne serais pas Sergio le fils d’Antone L… »J’étais sans voie& bafouillait un OUI haché & peu audible. Il se rassit m’invitant d’un geste à partager ce banc naturel si bien placé. Une longue minute silencieuse s’écoulât.

  • OUI j’en étais sûr. tu ressembles à ton père, comme deux gouttes d’eau.
  • Comme deux gouttes d’eau, on nous le dit souvent.
  • Tu viens souvent ici ?
  • Dès que je peux, le plus souvent possible. J’aime beaucoup cette vallée calme & oubliée.
  • Ah, c’est drôle. J’étais comme toi, à ton âge mais nous pêchions au toc & nous avions un matériel plus rustique. Tu es bien équipé, dis donc ! et tu pêches à la mouche. C’est nouveau dans la vallée.
  • Environ dix ou quinze ans, dès que les usines ont fermé et que la station d’épuration a été mise en service des truites ont été réinstallées & la communauté de communes a pris en charge le nettoyage des cours d’eau. C’est comme cela, avec l’école que j’ai participé à cette tache & ai découvert ces endroits puis la pêche à la mouche. Mon instituteur m’a refilé ce virus. Ma mère dit que je suis piqué. Et vous ?
  • D’abord pas VOUS mais TU. Nous sommes presque voisins & même si l’ambiance n’est pas des plus amicales. Mais c’est un peu de ma faute, je suis renfermé et j’ai appris à être silencieux.
  • Tout le monde se demande pourquoi vous OH pourquoi tu es revenu ?
  • C’est une longue histoire. je suis simplement revenu pêcher chez moi. je ne fais plus que cela. Quand je pars, tu as du le remarquer, comme tous les autres …………………..je pêche. Je prends mon barda, quelques vivres, mon hamac & je remonte une rivière, une gorge seul pendant deux, trois, cinq jours, le temps nécessaire. Il faut peu de choses pour vivre. Le soir, un hamac, un bon livre, une frontale & sous la voie lactée j’ai les plus belles soirées du monde.
  • Pensée « j’aimerai bien mais il faudra convaincre les parents … et ???
  • Je suis surtout revenu à cause d’un gamin, comme toi, même âge mais plus frêle que j’ai croisé par hasard.

C’était il y a six ans dans une très belle vallée, la vallée d’Uzbin en Afghanistan. Une belle vallée comme tu aimerais, sauvage, éloignée dans les montagnes, oubliée avec une belle rivière claire & tempétueuse   qui serpente dans des gorges magnifiques. Quelques habitants, quelques hameaux ou vivent des paysans. Le tout surplombé par des montagnes gigantesques, rocheuses, poussiéreuses, écrasées de soleil ou de froid. Mais dans cette vallée s’était invitée la folie des hommes & avec elle la barbarie & la mort.

Nous étions cette fin d’après-midi au bout de la piste empruntable par nos VAB, juste après un petit village ocre gris écrasé de lumière que l’on aurait jugé désert. Là, seul au bord de la piste étroite & enclavée j’ai vu un gamin pied nu qui me souriait. Il tenait dans ses mains un drôle de petit théâtre de marionnette  qu’il avait dû fabriquer. Dans ce théâtre de poche, un décor sinistre fait d’arbustes gris, figés, pétrifiés. Ce garçon, seul être vivant que nous avions rencontré me souriait et ses yeux gris bleu s’illuminaient. Je lui rendis son sourire & lui fit un salut amical. Il détala à toutes jambes.

Toute la nuit, jouant au chat & à la souris, après une marche éprouvante nous étions arrivés près d’un groupe de masures couleur muraille que des drones espion avaient identifié comme étant un poste de commandement & un dépôt de munition de talibans. Nous étions huit en position, deux guetteurs excentrés, deux en appuis, tireur d’élite et arme lourde d’appuis équipée d’un M16 beowulf échangé à des ricains contre une demi palette de Viognier Gangloff 2006 comme quoi même les ricains ont de vrais valeurs  (dans un accrochage le beowulf tire du calibre 50 BMG anglais, autrement dit du 12.7x99 mm Même un fanatique baisse la tête et tente d’entrer dans le boitier de sa montre.) Et enfin deux binômes chargés de la pose au plus près des désignateurs laser. Ces sources qui n’opèrent pas dans le spectre visible pour l’homme illuminent la cible pour un missile de type AS 30. La pose effectuée, j’étais en poste à environ cinq cent metres et envoyait le signal codé. Dans ma lunette je vis la porte d’entrée de la ferme fortifiée et qu’elle ne fut ma stupeur quand je vis le petit garçon sur le pas de porte comme me regardant de son regard enfantin. Il n’était pas possible qu’il m’est vu, aussi loin et enterré mais ce fut l’impression troublante que je ressenti, d’autant qu’il regardait vers le soleil levant. Il ne vit ni n’entendit le missile largué par un avion une dizaine de kilomètres avant .Celui-ci se ruait vers sa cible, croisant à trente metres du sol à une vitesse de quatre cent cinquante metres par seconde. Il était plus rapide que le son. De fait on ne pouvait l’entendre arriver. Au moment le plus beau de la journée dans ce petit jour naissant, dans cette lumière pure, dans ce calme absolu du  petit matin une boule de feu accompagné d’un hurlement cataclysmique déchira, en un instant la petite vallée. Une minute après il ne restait plus rien qu’un amas dévasté & fumant .le petit garçon n’était plus. Son image était restée imprimée sur mes rétines. J’envoyais le signal crypté de la mission réussie. Nous restâmes toute la journée enterré dans nos trous individuels, que nous avions pris soin de creuser la nuit précédente, silencieux, écrasés par le soleil. Toute la journée je vis ce petit garçon. Nous nous repliâmes de nuit.

De retour le lendemain, je me présentais au commandant de compagnie, posait mon FAMAS, mes grades et ma plaquette d’identification et lui dit sans commentaires que, jamais je ne retournerai au combat. Apres une tentative que je n’écoutais pas je fus mis aux arrêts, puis transféré dans un hôpital ou des psys bavards déclarèrent doctement que j’étais victime d’un BURN-OUT. Je ne leur parlais pas du garçonnet avec son petit théâtre d’enfant. Que peuvent comprendre des militaires à cela .Je fus démobilisés au vue de mes états de service & pensionnés. J’ai mis six années à revenir, à pouvoir regarder un enfant et à pouvoir supporter le bruit d’une cour d’école.

Tu es le premier à qui je reparle.

ser01

22 février 2014

Participation de Venise

On atteint ici le dépouillement absolu là où le langage bascule dans le blanc ;

Proche du haïku japonais ces arbres de papier attestent que la vie quelque part pulse encore et que la poésie est l’ultime recours contre la mort.

Où alors on est passé dans le degré zéro de la détresse

 Elle s’est réveillée sous une fine bruine, le temps lui faisait la barbe

Elle trottinait sans hâte vers la vielle ABBAYE, personne pour lui prêter un vélo ou lui permettre de téléphoner.

Pourtant nous n’étions pas aux siècles derniers et un Smartphone aurait pu être à sa portée.

Mais le pivot de la sensibilité enfantine de l’auteur ne pouvait offrir à la malheureuse qu’un plat de champignons.

Si boiteuse que soit cette histoire je ne pouvais empêcher qu’elle soit cuite et recuite

J’eu le désir de voir la jeune fille mettre trois ans pour sortir de ce conte.

Et de transformer le foret en véritable ménagerie. Je me suis installée là au bord de la feuille et je l’ai  attendue !!!!!

L’émerveillement que j’ai éprouvé dans cette attente était doublé par les plantes hallucinogènes que le conteur m’avait procurées.

Et la neige s’est mise à tomber sur les arbres.

 

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