La dernière pluie (Pascal)
La pluie tombait sans discontinuer. La grisaille du dehors, celle de notre bateau fendant une mer tout aussi grise, les aboiements sporadiques des cheminées crachant leur fumée décolorée, c’était l’ambiance de cette mission lointaine. Le blouson de mer gonflé par la pluie, les pontus* revenaient trempés de leur faction sur la passerelle. En tant que jeune mécano, le seul plaisir que j’avais d’aller au quart, c’était de ne pas me noyer sous toutes ces trombes d’eau. Pourtant, j’allais fumer la clope pour me sortir de la moiteur de la chaufferie et de la morosité du poste. Sur la plage arrière, le sol était glissant, l’air était humide, l’atmosphère collante ; l’écume du sillage était vaporeuse ; elle se mesurait aux nuages bas, le temps d’une compétition de brume…
Parfois, un coup de vent volage balayait le pont, et la pluie et l’eau de mer se mélangeaient dans des flaques irisées de sel ; l’eau pure et l’eau salée s’enroulaient d’amour sur ces improbables pistes de danse, comme des partenaires insatiables…
Accrochées au bastingage, comme des jeunes hirondelles farouches, des gouttes de pluie éphémères se balançaient sans avenir. Elles s’éclaboussaient les unes les autres au rythme soutenu de leur apparition ; en rafale, en essaim, en perdition, en conquête, en trombe, qu’elles soient grosses, petites, lourdes ou menues, elles venaient se rejoindre, s’enlacer et s’allonger sur les fils tendus. Entre deux nuages, toute leur transparence giclait à la lumière ; pendentifs en diamant, bracelets argentés, ou rivières de perles, n’importe quelle sirène aurait pu surgir des abysses pour cueillir ces bijoux…
Chacune d’elles reflétait la mer comme si elle en avait l’entière possession, comme si elle n’en était qu’une infime partie mais, tout son ensemble, en même temps. Elles étaient les graines du sablier de la mer ; naître goutte de pluie, enfler ru, courir rivière, s’élargir fleuve, et retourner à la mer, la boucle était bouclée. A moins qu’elles n’en fussent les frissons, toutes les gouttes de pluie ressemblaient à la mer.
Peut-être que sur les fils de la rambarde, toutes ces larmes venaient s’écrire comme des notes de musique divine, en bémols, en dièses, en majeures, en soupirs ; peut-être que les sirènes apprenaient leurs chansons sur les gammes du bastingage des bateaux.
Moi, je secouais doucement les câbles de la balustrade pour qu’elles aillent naturellement vers leur destin. J’aurais été mal à l’aise de rencontrer une sirène ; au moindre de ses refrains, je serais devenu l’hôte assidu de ses profondeurs. Mais d’autres gouttes venaient se pendre inlassablement comme si l’aventure était irrésistible. C’était mes déductions intimes…
La fumée de ma clope perturbait toute cette grisaille environnante ; elle allait peindre des interstices fugaces, envelopper des paysages incertains, embarrasser tel nuage, embraser tel autre ou embrasser l’ombre fuyante du bateau, dans son aura bleutée.
A travers toute cette brouillasse de mauvais temps, tout n’était pas si moche, après tout. Jeune embarqué, j’étais l’importun voyeur traduisant les éléments, réceptionnant les événements, multipliant les sensations, imaginant d’autres sentiments, comme autant d’aventures intérieures. Ici, c’était le commencement du monde ; mon fier bateau naviguait au milieu de ce nulle part extraordinaire ; la signature de son sillage, aussi réel que fugace, en était l’illusoire certification.
Trempé, comme un des pontus de tout à l’heure, je faisais pourtant durer ma tige de huit comme quand on se sent bien dans un endroit, parce qu’il possède des bribes de réponses à nos questionnements existentiels ou, plutôt, celles qu’on apporte à nos réflexions, quand elles arrangent nos conclusions. Et la pluie mitraillait la mer, et les vagues les absorbaient, et les remous les engloutissaient ; cela n’en finissait jamais…
Tout à coup, un vieux chouf* cuistot vint dérégler toute la machinerie de mes cogitations spirituelles ! Il traînait une lourde poubelle comme le pénible boulet de son emploi du temps à bord ! Il a seulement râlé à cause de la pluie battante ; je ne sais même pas s’il m’a vu tant il regardait le pont pour ne pas glisser. Il ne comprenait rien aux flaques, à la lumière diffuse, aux paysages insaisissables !...
A travers l’entonnoir d’évacuation, laborieusement, à cause du tangage, il a commencé à vider ses ordures par-dessus bord ; pour parfaire son travail, il tapait sa poubelle sur le rebord du radier. Au tempo du ramdam, ses épluchures s’allongeaient dans l’eau comme des guirlandes de fête ; elles s’entortillaient et se débattaient dans le sillage, et l’écume blanchâtre les ornait de subreptices bulles de mer. Un instant, elles flottaient, mues par cette insubmercibilité provisoire, puis elles coulaient doucement comme un leurre mollement agité par un pêcheur désabusé…
Une grosse goutte de pluie avait éteint ma brune ; quand je la rallumai, je soufflai ma fumée sur le triste paysage de cet éboueur des mers. C’est à ce moment que je vis distinctement la chevelure d’une sirène ondoyant entre deux eaux ! Avec tout son raffut, il les avait attirées ! Mais non, ce n’était pas le ressac du sillage ! Mais non, ce n’était pas la bave blanchâtre d’une vague affamée ! Mais non, ce n’était pas un reflet de houle drossée sous la coque ! J’ai jeté mon mégot. Hypnotisé, subjugué, conquis, je me suis approché du spectacle en me bouchant les oreilles. Elles savaient me captiver… Feignant d’ignorer tout des choses de la Mer, le vieux cuistot avait remballé sa poubelle ; il me regarda comme si j’arrivais d’une autre galaxie mais comme il n’était pas de la dernière pluie, il me dit : « Tu crois, toi, que les sirènes mangent les trognons et les feuilles blettes des endives ?... »
Les pontus : ceux qui travaillent sur le pont.
Chouf : Grade de Quartier-maître chef dans la Marine.
Les perles du Nord par bongopinot
Je les appelle mes perles du nord
Elles sont fondantes ou croquantes
Elles se préparent sans effort
Mes petites endives ahurissantes
De novembre à mars je les déguste
En gratin ou bien en salade
Et son amertume atteste
De super goûts en escalade
Je les aime crue ou cuite
A la carbonara en soufflés
Depuis longtemps je suis séduite
Par ses plats chauds par ses entrées
Que je sois seul en famille ou entre amis
Avec elles je fais le plein de vitamines
De minéraux et ma digestion sourit
Et pour l’hiver fini la mauvaise mine
C’est pour cela qu’on la fête
Et on la met à l’honneur
D’une voix discrète
Pour un peu de bonne humeur
Participation de Venise
Un vent jeune et dynamique souffle dans la cuisine de mon grand père , cuistot dans l’ancien relais de poste d’ARLES , havre des toreros, il garde inchangé sa recette d’endives au Pastis qu’il servait à ELCORDOBAS, COCTEAU, HEMMINGWAY, PICASSO.
Une note orientale avec du sésame et de la coriandre cuites à sa façon dans un fond de Pastis.
Ce suprême d’endives était souvent accompagné d’un carré d’agneau avec sa gelée au Muscat de quoi vous faire tourner la tête !!.
A l’ombre des platanes, et du bosquet de peuplier dans ma maison natale je revois mon grand pére Cyprien fredonnant des chansons de Maurice chevalier , sous le regard goguenard de Monsieur Pagnol en personne .
Tiens pour demain je mijote une soupe de favouilles avec des petits croutons d’ail si vous passez par ici faites comme les col verts qui se perdent en Provence posez-vous sur la terrasse je vous servirai le défi samedi arrosé d’un muscadet !!
Au Nord, c’étaient les chicons (Laura)
Au Nord, c’étaient les chicons
En salade ou en gratins
Au Sud, c’étaient les melons
De toutes les formes et couleurs
Au Nord, il y a plusieurs Nord :
Le Nord où je suis né, en Champagne
Et celui où j’ai été adopté : le département
Anobli en région Hauts de France
Au Sud, il y a plusieurs sud
Le Sud –Est où nous nous sommes aimés
Et le Sud-ouest où nous avons habité
Et le Maroc où on nous a accueillis
Au Nord, il y a le Nord du Nord
Et le Nord du Sud, qui commence à Lyon
Voire plus bas selon les sudistes
Pour lesquels je suis une nordiste
Au Sud de Lyon, il y a St Etienne
Snobé par les nordistes et les sudistes
Qui ne font qu’y passer, du Rhône
A la Loire puis la mer et ses plages
Au Nord, il y a de si belles places
Qu’on n’y sent pas la pluie
Qui ne tombe pas tant que ça
Moins que les sourires et la fête
Au sud, il y a le Maroc qui me manque
Ses fraises en toutes saisons qui sont des points
Rouges dans le bleu du ciel alors que les melons
Sont des boules jaunes, vertes et orange près du soleil.
Au Nord, c’étaient les chicons
En salade ou en gratins
Au Sud, c’était les melons
De toutes les formes et couleurs
Et en même temps (Joe Krapov)
- L’endive et le chicon ? s’emporta le commissaire Van In en reposant bruyamment ses couverts dans son assiette de carbonade entièrement vidée. Mais c’est n’importe quoi, ce que tu racontes-là, Guido !
L’endive et le chicon, c’est comme Istanbul et Constantinople ! Combien de kilomètres pour aller de Leningrad à Saint-Petersbourg ! Combien de temps faut-il pour aller de Lutèce à Paris ? De Lugdunum à Lyon ?
Endive et chicon, c’est étourneau et sansonnet ! C’est Bossuet et aigle de Meaux ! C’est aronde et hirondelle ! Krapoverie et déconnade ! Don Diego de La Vega et Zorro ! Docteur Jekyll et Mister Hyde ! Hermès et Mercure ! Aphrodite et Vénus ! Macron et Jupiter ! Bonnet blanc et blanc bonnet ! Jus vert et vert jus ! Chou vert et vert chou !
L’endive et le chicon ! Qu’on me saupoudre de mimolette râpée si je blasphème mais on tombe sur la tête, là, Guido ! C’est Isaac Newton et Gotlib ! Pourquoi les paquebots belges ont-ils trois cheminées ? Parce que les transatlantiques ! Le nonsense et l’absurde ! Dat is allemaal vijfenzeventig ! C’est échanger quatre trente sous pour un dollar ! Six of one and half a dozen of the other !
L’endive et le chicon ! Quelle différence entre une montagne ?
L’endive et chicon ! Le topinambour et la truffe du Canada ! Le bombyx du mûrier et le ver à soie !
L’endive et le chicon ! N’importe quoi et Port’nawak !
- Mais enfin, Pieter, protesta Hannelore, qu’est-ce que c’est que ces salades ? Il n’a jamais été question ni d’endives ni de chicons ? Guido te disait qu’il était allé aux Maldives faire un stage de chi kung ! Tu deviens de plus en plus sourd, ma parole ?
- Non, ce n’est pas ça, Hannelore, protesta Versavel. C’est juste qu’après trois Duvel et deux bouteilles de vin rouge il n’a plus tout son entendement !
- N’avoir plus son entendement et être sourd, c’est un peu pareil, non ? répondit-elle désolée en contemplant son conjoint qui avait entre-temps piqué du nez dans son assiette. Comme le tournesol et l’héliotrope ? Le haddock et l’églefin ?
- Le chicon et l’endive ?
N.B. Les trois personnages de ce sketch imbibé sont empruntés aux romans policiers de Pieter Aspe dont l’action se déroule en général à Bruges. Ou à Brugge ?
P.S. 1 Si vous allez un jour en voiture à Bruges (ou à Brugge ?) sachez que pour revenir à Lille il vous faudra prendre la direction de Rijsel. Lille et Rijsel, vous l’avez deviné, c’est comme l’endive et le chicon ! ;-)
P.S.2 Evidemment, tout ceci vous est transmis « From Rennes (From Condate ?) witloof » !
M'en fous, j'étais au courant (Walrus)
Trompé par son maquillage
J'ai mal estimé son âge.
Et lui ai fait compliment
De sa forme à cinquante ans.
Elle m'a traité de vieux chicon
Et là, j'ai eu l'air d'un con !
Défi #456
En Belgique, on les appelle "Chicons "
En France "Endives "
Vous en faites ce que vous voulez,
des salades ou un truc gratiné,
à vous de voir !
Se sont laissé pousser (par le vent ?)
Déconnecter ! (Walrus)
C'est le mot d'ordre de mon épouse.
Elle a besoin de vacances pour déconnecter.
Et moi, je vais comme elle me pousse.
Cette année, j'avais espéré une rémission de dernière minute en déclarant que si Marine gagnait les élections présidentielles, je ne mettrais plus les pieds (ni les roues) en France, comme je l'avais fait pour l'Espagne au temps de Su Excelencia el Jefe del Estado.
Mais ça a tourné court.
Merci, les Français !
P.S. (mais non, pas le machin de Hollande) :
Si ça coince ce samedi sur ce blog, ne vous étonnez pas de mon silence : je suis en train de tester ma voiture aussi neuve que poussive (j'ai remplacé un diesel turbocompressé par un machin trois cylindres à essence écologique) dans la montée du col du Bonhomme, ça risque de ne pas être triste, surtout quand les cyclistes vont nous dépasser...
Va, j'te pousse (Val)
Va, mon petit brun. Pédale. Avance. Ne te retourne pas. J'te pousse. Je te donne l'équilibre. Je cours derrière toi. Aie toute confiance. Je suis ta boussole. Ton appui. Ton engrais. Et tu pousses.
Je serai les roulettes que Tonton vient d'enlever à ta bicyclette.
Va, mon titi. Je te pousse. Mais ne va pas trop loin de moi. A la bonne distance. Pas plus. Tu iras loin mon petit.
Va. Je te pousse. Aussi loin qu'on le pourra. Toi et moi. Je suis et je te pousse vers le meilleur. Toujours.
Va, petite fille. Je te pousse. Encore et toujours. Je te pousse de trop. Je te pousse à apprendre les tables de multiplications, je te pousse à te laver les dents, je te pousse de toutes mes forces. Et toi, petite fille, tu me pousses à bout. Tu ne m'aimes pas, justement parce que je te pousse. Tu ne m'aimes pas parce que tu aimerais vivre chez toi. Et ce n'est pas vers ta maison que je te pousse.
C'est pas juste, tu as raison. C'est pas juste mais c'est ta réalité. Et c'est vers un avenir que je te pousse. Jusqu'à ce que tu te retrouves devant le juge. Au moins jusque là.
Va, mon grand, je te pousse. Je ne te mets pas dehors, oh non. Mais je te pousse vers l'autonomie. C'est ma mission.
Je te pousse à travailler, à te lever le matin, à penser à ton avenir. Je te pousse à prendre tes responsabilités et ton envol, car bientôt il sera l'heure. De t'assumer seul.
Je sais, c'est difficile. Mais moi non plus, à ton âge, je n'avais plus mes parents. Et pourtant aujourd'hui c'est moi qui te pousse.
Va au lycée, va au boulot. Bouge. Je te pousse. Et réussi. C'est un ordre. Je te pousse.
Diptyque (Joe Krapov)
1
A la va comme je te pousse
Je vis ma vie d’escarpolette.
J’envoie dans l’atmosphère douce
Bérénice, Adèle ou Poulette.
Leurs vies sans se faire de mousse,
En l’air, deviennent chant d’alouette.
Le peintre saisit leurs frimousses
Et, des couleurs de sa palette,
Il fige pour l’éternité
Cet instant de légèreté
2
A la va comme je te pousse
Je glisse, verrou vénérable.
On vient ici pour faire, en douce
Des choses plus ou moins pendables.
Que l’on soit hétéro ou gousse,
On voit le loup, on tire le diable
Par la queue, à coup de secousses…
Seul mon silence est respectable :
Il fige pour l’éternité
Cet instant de légèreté.
Octobre 2007 (Thérèse)
En cet après-midi froid mais ensoleillé, j’ai voulu retrouver l’ancien chemin de terre, celui qu’on prenait jadis pour rejoindre le bois, celui qui longe la voie ferrée là-bas.
Partie avec mon chien, je retrouve le chemin. Bien herbicidé, sec, nu, ocre jaune, il longe des champs labourés. Sur un talus d’herbes mortes, herbicidées elles aussi, de hauts chardons rouillés espèrent encore renaître de leurs semences qui se balancent au gré du vent. Plus loin, un groupe d’arbustes, oubliés par les humains sans doute, agitent leurs feuilles encore vertes.
Le chemin rétrécit, se creuse d’ornières et, peu à peu, se couvre de cailloux, de gros cailloux tout neufs, genre ballast de chemin de fer. J’ai bien dû me tordre les pieds cinq ou six fois dans ce chemin suicidaire avant de suivre les pas de mon chien qui, lui, sait où marcher. Intelligente bête qui sait éviter les ornières profondes et les pierres qui roulent. Il me suffit de l’observer.
Soudain le chemin rétrécit encore, s’enfonce dans une sombre végétation. Les arbustes, de chaque côté, se courbent pour nous faire une haie d’honneur. Une odeur pénétrante, familière, qui me rappelle l’ancienne ferme près de chez mes parents, habite ce sentier qui est devenu boueux, glissant. Les ornières débordent d’eau saumâtre. Un troupeau de vaches a dû emprunter, depuis peu, cette voie.
Nous sortons enfin à la lumière sur un sol redevenu sec. J’aperçois tout près la voie ferrée qui longe le talus. Plus haut, de l’autre côté, deux humains qui bavardent, ceux-là sûrement qui ont conduit leurs bêtes.
Je cherchais le bois de jadis, je n’y trouve qu’une pépinière, arbres plantés trop droit, rectilignes comme des piquets. Plus loin des groupes d’arbres emprisonnés de barbelés et des panneaux révélateurs pour avertir les promeneurs qui pourraient avoir la bonne idée de chercher un bout de campagne. « Propriété privée – Défense d’entrer », « Attention Pièges », et plus loin encore « Attention tir à balles ». Il ne croit pas si bien dire, ce panneau ! Depuis déjà un moment on entend des coups de fusils qui tonnent. De loin en loin des salves vengeresses se répondent. Des chasseurs qui crient famine, peut-être, à courser une proie innocente !
Je sais à présent pourquoi ce silence pesant. Les oiseaux sont figés de peur dans leurs habits de verdure. Une boule de poils blancs roule en travers du chemin, derniers vestiges d’un lapin sans doute qui ne reverra pas sa famille. Peut-être vais-je, là, recevoir une de ces balles perdues. Mon chien, alors, saurait-il aller chercher de l’aide ou le prendrait-on aussi pour un sanglier !?
Je commence à fatiguer. Le chemin continue tout droit, plus haut. A droite pourtant un passage. Je crois le prendre pour raccourcir ma route mais il arrive en plein champ. Je continue, bravant les éteules de maïs, mais nous peinons tous les deux. Mon chien n’en peut plus. Je décide de faire demi-tour, de retourner par le même chemin. Sachs (c’est le nom de mon chien) a compris. Il accélère l’allure, pressé de rentrer chez nous.
Sur le chemin du retour, le calme est revenu. J’entends par là : le silence s’est tu, ce silence bavard rempli de peurs. Les oiseaux, timidement, dans les quelques arbustes disséminés reprennent leurs conversations. Peut-être parlent-ils du nombre des victimes, de la perte d’un voisin !
Sur la route, aux abords des maisons, une tondeuse ronronne au milieu d’une pelouse. Les gens se pressent, profitant des derniers sursauts du soleil.
Un jour prochain je retournerai dans ce chemin de terre. J’irai voir là-bas tout au bout où il m’emmènera. Peut-être qu’il existe encore ce bois ! Peut-être n’ai-je pas marché assez loin !
Porté par le vent par bongopinot
Portée par le vent
À la va comme je te pousse
Par n'importe quel temps
Le bonheur l’éclabousse
Sans aucun but précis
Sans peur du lendemain
Il marche sur ses soucis
Il croit en son destin
Au gré de ses chemins
Libre et sans contrainte
Un peu en vrac il est bien
Il se laisse aller sans crainte
Et il verra bien où ça le conduira
Et si les routes mènent bien à Rome
On aura un jour ses pensées lointaines
Rythmées au doux son de son métronome
Sa tête semble en désordre
Il s’en fiche il est heureux
Je le rejoins sans attendre
Même si cela n’est pas très sérieux
Les Quatre-fers-en-l'air (Vegas sur sarthe)
Je l'avais rencontrée à la Va-comme-je-te-pousse – une guinguette pour célibataires endurcis dont la devise était «Célibataire optimiste: votre lit est à moitié plein» – où on nous avait rangés sur deux lignes-de-mire: la ligne des Quatre-fers-en-l'air et celle des Feu-au-derrière.
J'étais dans celle des Quatre-fers-en-l'air et donc celle que j'appellerai Germaine se trémoussait d'impatience sur l'autre rang-d'oignon.
La lumière des vessies-pour-des-lanternes était si tamisée qu'on se serait crus aux toilettes; on n'y voyait goutte-qui-fait-déborder-le-vase, pourtant je vis qu'elle avait d'immenses yeux-plus-grands-que-le-ventre et une façon de pousser-mémère-dans-les-orties qui l'avait propulsée au premier plan-foireux.
Moi je n'avais que mes yeux-de-merlan-frit comme tous les vendredi et je ne voyais pas comment j'aurais pu en changer.
Pour nous mettre dans l'ambiance les organisateurs nous avaient proposé des canapés au beurre-dans-les-épinards et un cocktail tout-sucre-tout-miel à base de pissenlit-par-la-racine mais vu l'heure tardive j'optai pour un bouillon-de-onze-heures et elle une soupe-à-la-grimace dont elle but juste un doigt-dans-l'engrenage mais avec le sourire.
J'eus tout le loisir d'admirer sa belle paire de jambes-en l'air et ses chevilles-ouvrières, ses cheveux-sur-la-soupe qui frisaient-le-ridicule et ses airs-de-ne-pas-y-toucher.
De son côté – celui des Feu-au-derrière – elle ne semblait pas indifférente à mes poils-de-la-bête à défaut d'en deviner plus-si-affinité.
Comme elle me frottait le dos-de-la-cuillère, je la tempérai un peu, beaucoup, passionnément, pas enclin à me coucher-avec-les-poules.
Elle insista quand même pour monter-sur-ses-grands-chevaux malgré l'exiguïté de l'escalier.
Je pris sa main-au-panier mais sans le panier dans un premier temps.
Je trouvai la chambre ordinaire... Germaine non plus, alors je cessai de siffloter ce tube qui ne marche qu'avec les Félicie...
Tandis qu'elle ôtait sa jolie robe verte-et-des-pas-mûres, j'enlevai mon habit-ne-fait-pas-le-moine réparé à la diable-par-la-queue et cousu-de-fil-blanc faute de moyens.
Impressionnés – surtout moi – on se glissa sous la peau-de-l'ours-avant-de-l'avoir-tué; en effet la chambre-de-commerce empestait l'ours, un subtil mélange de gibier-de-potence et d'huile-de-coudes.
Avant même qu'on commence à crier-sur-les-toits, derrière les murs-ont-des-oreilles j'entends chanter un oiseau-de-mauvaise-augure. Tout ça ne présage rien de bon, Nom d'un chien-dans-un-jeu-de-quilles! je crois bien que c'était une levrette... on n'est jamais très sûr.
Comme elle m'avertit que son chat-échaudé-craint-l'eau-froide je la prends-avec-des-pincettes, je la mange-à-tous-les-rateliers, lui offre mon manche-après-la-cognée jusqu'au bout du rouleau-de-printemps (Passez-moi l'expression... non, ne me la passez pas)
Alors elle m'appelle son petit bonhomme-de-chemin, me baptise son cadet-de-ses-soucis, son inconnu-au-bataillon, puis son polichinelle-dans-le-tiroir, son as-de-pique et enfin son autre-paire-de-manches.
Je lui dois-une-fière-chandelle... je n'aime pas devoir.
Elle tourne-sept-fois-sa-langue-dans-ma-bouche, elle trompette-de-la renommée, elle aboie-et-la-caravane-passe (il y a foule tout à coup), elle rue-dans-les-brancards, elle s'en tamponne-le-coquillard... il va être temps de conclure quand un homme-averti-en-vaut-deux pointent leur tête à la mords-moi-le-noeud en demandant-si-c'est-du-lard-ou-du-cochon?
Péniblement je me remets-sur-mon-trente-et-un, je chausse petit.
Tuée, ma poule aux œufs dort-sur-ses-deux-oreilles, un ange passe-comme-une-lettre-à-la-poste... pas moyen d'être tranquille.
Dans le doute, absente-toi!
Je prends-mes-cliques-et-mes-claques, surtout mes claques... je me souviendrai du Va-comme-je-te-pousse.
A la va-comme-je-te-pousse (Laura)
Il y a des choses que j’ai toujours faites à la va-comme-je-te-pousse.
Il en est toujours ainsi pour la coiffure de mes cheveux : rapide et simple
Devaient être mes coupes : rares ont été les bouclettes et autres élégances.
Ils sont courts depuis l’effort de les laisser pousser pour le chignon du mariage.
Il y a des choses que je n’ai jamais faites à la va-comme-je-te-pousse.
Il en est ainsi de la lecture : ça n’a jamais été un passe-temps, au contraire ;
La lecture a dévoré mes yeux usés par la faible lumière sous les draps d’une torche
Nécessaire face à l’obligation d’éteindre : j’ai toujours dormi à la va-comme-je-te-pousse.
Il y a des choses que j’ai toujours faites à la va-comme-je-te-pousse.
Il en est toujours ainsi du ménage : ne croyez pas que j’aime la crasse
Je l’évite mais je ne traque pas-loin de là-le moindre grain de poussière.
Par contre, je n’ai jamais rangé ma bibliothèque à la va-comme-je-te-pousse
Il y a des choses que je n’ai jamais faites à la va-comme-je-te-pousse.
L’amour a toujours été important dans ma vie :qu’il soit de Dieu ou de la famille
J’ai choisi les hommes et les femmes à la va-comme-je-te-pousse, pas d’attente
De prince charmant dont les mères rabattent les oreilles de leurs filles à la va-comme-je-te-pousse