Défi # 92
Un éditeur de livres pour enfants a perdu par mégarde l’histoire qui accompagnait cette illustration. Pourriez-vous l’aider à mettre des mots (conte, poème, chanson …..) sur ce visage d’homme tronc ?
Merci d’avance pour votre participation à envoyer
avant le 06 février 2010 00 H 01
à samedidefi@hotmail.fr
La boîte (Kloelle)
<p><p>Elle passait chaque lundi matin à la même heure</p></p>
Elle passait chaque lundi matin à la même heure. La rue, déjà peu animée, était le plus souvent déserte et j’avais pris l’habitude d’oublier mes livres et mes tableaux pour l’observer. Le même imperméable bleu de Prusse soigneusement boutonné, des chaussures d’un autre temps ou d’une autre contrée et ce cabas fermement ramené contre la poitrine, improbable matrice à contenir tous les rêves du monde. Je me souviens qu’elle peinait à avancer, donnant à chacun de ses pas l’impression d’arriver au terme d’un long voyage. Le bout du monde dans une rue où les éclaboussures d’essence défiguraient chaque recoin…
C’est arrivé au numéro 24, devant les grilles d’une maison de longue date abandonnée, que les choses prenaient une tournure étrange dont je désespérais de découvrir jamais la signification. Du cabas, elle sortait une enveloppe, blanche, lisse, quelconque, une à ne rien vouloir accrocher des extravagances de notre monde. Elle la glissait alors avec le plus grand détachement dans la boite aux lettres et poursuivait son cheminement, sans se retourner.
On se damne à tirer les fils désordonné de sa curiosité. Qui était cette femme singulière, que contenaient ces lettres et par quel étrange processus, la boite, jamais surchargée, se trouvait prête à accueillir semaine après semaine ces ponctuelles missives.
La maison était inhabitée, j’en avais eu la confirmation. Il m’était bien sûr venu la tentation d’approcher, de tenter de d’ouvrir la boîte, de forcer ses secrets, mais j’étais resté à chaque fois immobile, les bras ballants, incapable de briser ce rythme qui semblait m’assujettir en dépit de tout.
Le premier lundi où elle ne vint pas, le vide prit place en moi toute la journée et je m’endormis avec le sentiment d’avoir été dépossédé, puis les jours passèrent et je finis par m’approcher de la boite. Curieusement elle ne me résista pas.
La déception s’engouffra si vite que j’eus la tentation de la refermer aussitôt : elle était vide.
Puis, mon regard fut
attiré vers quelques mots gravés à même le
bois, sur le fond : ICI MEURENT ET RENAISSENT LES RÊVES.
Les premières enveloppes qui arrivèrent dans ma boite aux lettres me surprirent à peine. Les rêves d’amour étaient souvent dans des enveloppes roses, les rêves de statut social dans des enveloppes plus sérieuses, les rêves d’enfant me plaisaient particulièrement. J’avais compris sans plus de complication qu’il me fallait les ouvrir et les mettre dans ces petites enveloppes blanches, uniformes, épurées. Tous les lundis, je traversais la ville pour me rendre dans cette ancienne rue piétonne aux si nombreux commerces désertés. C’est dans la boite très banale d’une ancienne mercerie, au rideau de fer baissé, que je glissais ma lettre.
Dire combien d’années je me suis acquitté de ma tâche, je ne sais pas exactement. Je pose des rêves, d’autres les emportent et tentent de les faire renaitre ailleurs. Je n’ai pendant toutes ces années jamais cherché à savoir qui venait, chaque semaine, prendre mon offrande blanche.
Depuis quelques temps, je me demande si quelqu’un détaille, derrière la fenêtre d’un des immeubles alentour, le vieux monsieur que je suis devenu. Je crois que le temps du passage est arrivé. L’autre matin, il y avait cette inscription sur ma boite aux lettres.
Prenez mes rêves et portez les loin.
J'avoue que je n'ai pas vu passer le temps ! (Joye)
Un jour, au cimetière des Moins Grands Écrivains Les Moins Connus du Monde – tous éclipsés par les Grandes Hauteurs du Défi du samedi, bien sûr - je lisais ci et là des épitaphes :
*
*
On ne badine pas avec la mort non plus, hein ? – Rocky de Divorcévaux
*
Madame Otarie ? Ouate de phoque ! – Gustave Polarbert
*
Où sont les sièges d’Antan ? – Père Lachaise (lui-même)
*
Rude journée pour l’arène. – Papa Hemingvoie
*
Notre père qui êtes aux cieux, me voici enfin! – Jacques Prévu
*
Adieu ma mie ! - Alain Pain-Grillet
*
La mort, c’est rasoir mais guère outil. – Guillaume d’Auchan
*
À l’aise, Blaise. – Mme Pascal
*
Et finalement, gulp ! j’ai vu la mienne qui disait :
Make A Tombstone Memorial
Au cimétière de la Mère Tabouret (Sebarjo)
Au cimetière
de la Mère Tabouret
Au cimetière de la Mère Tabouret, tel un DJ vampirique, je suis allé scratché sur vos tombes.
Puis, sur
une stèle instable, entre le trépied bancal et le dolmen érodé,
je me suis assis et ai pris la forme statufiée du Penseur de Rodin.
Dans les
allées de ce square macabre, les tombes poussent et s'alignent tel
un champ de maïs où l'on trouve de jolis grains sous leurs
épi-taphes...
J'en ai
collecté une hante-au-logis gravée sur le granit rose, le
marbre gris, le bois noir ébène qui forment les écueils ceignant
les cercueils de ce parc ombragé. Me voici comme un haijin fossoyeur
car chaque épi de ces staffs, est une épitaphe sous forme de haïku.
Je vous en
livre ici un florilège :
Ami souviens-toi
Du feu maréchal Putain
Qui tua sans merci
Père, grand-père
Des enfants du marais, seuls,
Sous les fleurs d'Honfleur
Etouffé Jimi
Ta guitare s'est évanouie
Putain de vomi
On te voit danser
Le long des nuages clairs
Chanteur de la mer
Te voici vieux loup
Près de ton petit garçon
Bien loin de Paris
Adieu l'ami
Tu es loin de tes Marquises
Mais sans nous quitter
Mais mon préféré, celui que je
garde pour ma fin, le voici :
Faut pas trop s'presser
On a toute la vie
Pour pouvoir crever
A graver sur gravats quand l'allègre vie s'aigrira et s'aggravera...
C'est-à-dire au plus tard !!!
©Photographie de Keisuke Mutoh. Trouvée sur Wikipédia ici-même...
In memoriam... (Tiniak)
Épitaphe
Je flottais.
Ne sachant plus d'où j'arrivais, l'habit moins chiffonné que l'intérieur, le pied bien maladroit et le regard absent, il était temps pour moi de marquer une pause après une nuit bien remplie, comme on dit pour ne pas dire ce qu'on ose, loin des pensées à l'eau de rose.
J'allais au cimetière.
C'est une lubie que j'ai, subite, par moments, quand j'ai besoin de faire de ma vie un roman et d'y mettre des fleurs. Des tulipes, toujours. C'est mon petit bonheur. Puis, j'erre parmi les sépultures, lisant les épitaphes. C'est ainsi que je tombai, ce jour-là, interdit, devant ce court paraphe : « C'est sympa d'être passé ».
Merde ! Peste ! Fait chier !
C'était là, au mot près, ce que j'avais l'idée d'inscrire pour moi-même et mon dernier séjour en éternel repos. Alors, de chiffonnée, mon humeur fut maussade. Je massacrai le gravier des allées, donnant des coups de pied comme un malade, une bonne heure durant, me sembla-t-il. Et dans cet intervalle, un soleil déchirait les nuées matinales dans un ciel incertain de son sort, hésitant, ne sachant trop que faire des couleurs lui faisant, bayadère, un front horizontal, strié du bleu à l'or.
Et voici qu'un cortège avançait dans la travée vers la tombe.
Oui, vers la tombe même qui m'avait rendu tout un blême, sombre, aigri, désolé que la vie me fasse l'ironie de narguer mon esprit badin.
J'y reconnus quelqu'un !
Puis cette autre, et cet autre, et ces deux-là aussi, que j'avais pour amis quand j'étais en Allemagne. Ah ça ! ai-je connu celui qu'on accompagne dans son cercueil écru comme une porcelaine aux dorures champagne ?
Et quand je vis mes filles, ma compagne d'alors… nul doute, je le compris dans l'instant : j'étais mort.
SI-METIERE Martine27)
Ça fait un petit moment que je marche au hasard.
Je me suis engagée dans un sentier que je ne connaissais pas encore.
Tout au bout, une grille me barre le passage. Aucune importance, je ne sais pas d’où elle sort mais j’ai dans la poche la clé qui l’ouvre.
Clic-clac ! Me voici dans la place.
Je m’avance dans une allée ombragée.
Autour de moi, des bouteilles, de grandes bouteilles opaques.
Je m’approche pour regarder de plus près ces étranges récipients.
Pas de doute, ils sont en marbre.
Des bouteilles géantes en marbre de toutes les couleurs et de toutes les formes !
Cela demande des explications, pas de doute.
Je m’approche donc de la première et la détaille de plus près.
Gravées en lettres d’or s’inscrivent les lettres « Et si j’avais dit la vérité – 1963 ».
Etrange !
Plus loin, une autre bouteille propose « Et si j’avais accepté cette proposition – 1977 ».
Et encore une nouvelle « Et si j’avais dit non – 1985 ».
« Et si j’avais pris cette route – 1980 » « Et si j’étais monté sur ce vélomoteur – 1975 » « Et si je n’avais pas bu cette eau – 1962 » « Et si je n’avais pas passé ce concours – 2000 »
De loin en loin, les bouteilles se succèdent. Toutes les inscriptions reprennent ce lancinant « Et si », mais qu’est ce que cela veut dire.
Tout à coup, à côté de moi surgit un drôle de bonhomme, lui aussi en forme de bouteille. Il soulève son bouchon, pardon je veux dire son chapeau et me sourit d’un air aimable.
« Vous êtes un peu perdue semble-t-il ! Puis-je vous aider ? »
« Avec le plus grand plaisir, quel est cet étrange endroit ? »
« Mais voyons c’est votre si-metière »
« Pardon ? Mon cimetière ? »
« Mais oui ma chère, votre si-metière, celui dans lequel sont ensevelies toutes les personnes que vous auriez pu être si au lieu de dire « Et si » vous aviez dit « J’y vais ». Chacun de vos choix vous a ouvert une route et en a définitivement fermé une autre. Vous auriez pu être toute autre, vous en rendez-vous compte »
Un peu dépassée je réfléchis, c’est vrai ce que dit ce drôle de bonhomme, tant de choix se sont offerts à moi, ai-je toujours fait les bons ? Cela importe-t-il d’ailleurs ?
Nous continuons à marcher en silence et nous finissons par arriver devant une fosse ouverte, près de laquelle repose une vraie pierre tombale, une épitaphe y est gravée « J'ai suivi ma route et j’en suis heureuse – 20… »
Je détourne vite le regard avant de lire cette dernière date.
Mon accompagnateur m’observe en souriant.
« Vous avez bien fait de ne pas regarder la date, allez savoir ce qui aurait pu se passer ! »
A mon tour je lui souris
« De toute façon je souhaite être in-si-nérée ! »
Il me raccompagne vers la sortie et je me réveille, contente de cette nouvelle journée qui commence et de me sentir tellement vivante.
Consigne 91 (rsylvie)
Bon ben apparemment il semblerait que l’affaire ait mal tourné, puisque je me trouve au pied du mur. Pourtant elles sont bien belles ces pierres.. Bleues comme j’aime. Vraiment il n’y a rien à redire. Tout semble parfait. Sauf que je ne suis pas encore prête pour le grand voyage. Tenez, je n’ai pas la moindre idée de la date à laquelle nous sommes. Mais entre nous, ça m’est bien égale, car j’avoue ne pas être pressée de la connaître. Surtout que pour le moment j’ai d’autres chats à fouetter. Comme celui qui vient depuis quelques jours conter fleurette à mademoiselle mounette, notre petite protégée.
Je vous dis cela, car je l’ai surprise l’autre soir à la tombée de la nuit, toute miaulante sur le toit de la cabane du pêcheur, en compagnie d’un jeune rouquin à peine plus âgé qu’elle. D’esquives à pas feutrés en galipettes félines, ils roulèrent vers le sol, pour disparaitre tous les deux par delà les sous-bois. J’ai bien essayé de l’appeler mais rien n’y a fait. Et depuis ce soir là, je suis tout le jour à me languir de son retour. Quand hier, chemin faisant dans ma jolie voiture bleu, de les apercevoir par la vitre de gauche, entrain de se courser pattes dans pattes au travers des allées du cimetière voisin.
L’est pas bien grand notre cimetière, mais suffisamment pour y accueillir papa et maman. Bien sur il y a grand père et sa femme, une tante et bon nombre d’oncles et cousins. Aussi bien d’autres personnes du village que je ne connais pas bien. Enfin, que je ne connais pas du tout. Mais à force de se visiter, j’ai comme l’impression que l’on fait un p’tit bout de chemin ensemble. Alors on finit par tisser des liens. Pourtant je ne sais rien d’eux, ou presque, un nom, une date, une épitaphe.
« Il n’y a pas de plaisir comparable à celui de rencontrer un vieil ami, excepté peut-être celui d’en faire un nouveau » Rudmyard Kipling
« Souris même si tu es triste. On sait jamais qui pourrait tomber amoureux de ton sourire » S.T. Coleridge
« La paix n’est pas un don de dieu à ses créatures. C’est un don que nous nous faisons les uns aux autres » Elie Wiesel
« On ne nait pas femme, on le devient » Simone de Beauvoir
Allez savoir pourquoi, j’ai soudain pensé à mes filles qui s’amusent à me narguer en regardant toutes mes peintur’lures au mur :« Il faut être un homme vivant et un artiste posthume » à laquelle je préfère : « Les grands artistes ont du hasard dans leur talent et du talent dans leur hasard » Victor Hugo Mais celle qui fait le plus rire mon époux est celle-ci :
« Versez sur ma mémoire chére,
Quelques larmes de chambertin,
et sur ma tombe solitaire,
plantez des soles… au gratin » Charles Monselet
Soudain un geste brusque, le temps d’entendre un miaulement plaintif.
Et me voici à écouter les jérémiades de deux chérubins
qui s’amusent à vouloir me persuader que dans peu de temps, je finirais par détester ce bleu que je chérie tant !
« la façon de donner vaut mieux
que ce qu’on donne » Pierre Corneille
post scriptum ...
il me semble que les montages d'écriture
sur les photos
ne passent pas bien.
C'est pourquoi
des épitaphes
tout au long du texte tu poseras
amen.
Ci metière m’était conté (Zigmund)
Etes- vous sûrs de vouloir pousser cette porte et me suivre ?
Je crains de ne pas être bien drôle, mais croyez bien que j’aurais adoré savoir vous faire hurler de rire en visitant un cimetière(je parie que certains défiants y parviendront )
Parce qu’on aura beau dire ou faire, un cimetière quel qu’il soit, est forcément un lieu de mélancolie.
Ne regardez pas le désordre, il ressemble à celui qui meuble mon existence.
Faites attention où vous mettez les pieds, les allées ne sont pas entretenues, jardinage et desherbage ne sont pas ma tasse de thé.
Voici la tombe des fleurs, car, à la grande question existentielle : « que met-on sur la tombe d’une fleur ? » la réponse évidente fuse : « une autre fleur ! » Quelques femmes de ma vie ont méprisé ou refusé les fleurs que je leur offrais en gage d’amour. Non, inutile de chercher la tombe des diamants ou des bijoux refusés.
Dans le même style et pas très loin sont d’ailleurs enterrés les cadeaux rejettés par leur destinataire.Une simple tasse revenue entre mes mains après avoir été offerte en est le symbole.C’est dans cette tasse exclusivement, que je prends mon café pour ne pas oublier cette blessure. (Je vous épargne la description des autre objets hétéroclites qui tiennent compagnie à cette tasse,et l’explication de ces rejets ; qu’au moins si je n’arrive pas à vous faire rire, je ne vous fasse pas pleurer.)
Un peu plus loin, vous pourrez visiter le caveau de l’enfance heureuse, bien sûr, mais prématurément disparue : images fugaces d’un théatre de verdure, d’une piscine, d’un jardin public où nous allions manger des glaces « au créponé » (citron). Me voici, riant aux éclats, juché sur le dos de mon papa transformé en cheval fougueux .Et là, devant cet avion, je fais la gueule parce qu’on ne m’a pas autorisé à y faire un tour…mais dans quelque temps, d’un avion bien plus grand je regarderai pour la dernière fois la ville blanche écrasée de soleil …
Moins triste, le coin des « futurs –disparus » ou « foutoir des divers regrets »
Vous y rencontrerez divers animaux lions et tigres, témoins de mes rêves d’être dompteur ou vétérinaire(dans un zoo), des partitions de musique, un piano et un basson, des methodes de langues étrangères variées, des livres non lus, seulement feuilletés qui attendent sagement que je leur consacre le temps qui leur est du . Il y a des sabres et des épées et des poignards (ben quoi, on a le droit de se rêver samouraï, champion d’arts martiaux ou lanceur de poignards dans un cirque !).
De tous les rêves qui m’ont éffleuré j’en ai réalisé un qui comble mon existence : j’ai eu la chance de devenir médecin puis ophtalmologiste. Seule (minuscule) ombre au tableau, mon temps est compté et je n’aurai pas de successeur. Je peux supposer que mon épitaphe ressemblera à un truc comme : « zut, et comment on va faire pour se soigner maintenant ? » ou bien « salaud ! il est mort sans me fournir un rendez vous chez un confrère ! » signé « les malades desespérés ».*
Ne cherchez pas les papiers administratifs procrastinés, ils ont fini dans un feu de joie et j’ai pris plaisir à disperser leurs cendres.
Et si vous le voulez bien, pour terminer sur une note plus gaie, écoutons ensemble les musiques que je ne saurai jamais jouer, (et dites vous que la musique en sort grandie ! ), regardons les photos floues que je n’ai pas le courage de détruire, rions des calembours ou contrepéteries que je n’ai pu placer, fouillons mes quelques souvenirs de voyages, possibles ou impossibles.
Je vous laisse, car dehors, m’attend la réalité d’un contrôle URSSAF, des consultations et du courrier en retard(« finiront par avoir ma peau ! ») soyez gentils, refermez la porte derrière vous…
*amis défiants, ne vous inquiétez pas de ma santé,(que je suppose bonne) quand je dis que mon temps est compté, c’est simplement que j’approche doucement d’une retraite sans succeseur.
Tarentelle pour un massacre (Tiphaine)
La première fois que je suis morte, j'avais
9 ans.
J'ai vu partir mon père, j'ai cru qu'il ne reviendrait
jamais.
J'ai vu partir ma mère, j'ai cru qu'elle ne reviendrait
jamais.
J'ai vu couler mon sang entre mes jambes, pour la première
fois.
Je suis morte bêtement : il paraît que j'étais devenue une
femme.
"Elle a vécu, mytho, la jeune tarentule."
La seconde fois que je suis morte, j'avais 18 ans.
J'ai quitté le
village pour la grande ville, j'ai cru que j'y trouverais la gloire.
J'ai quitté mes parents pour mes amants, j'ai cru que j'y trouverais
l'amour.
J'ai quitté mes illusions pour celles des autres, pour la
première fois.
Je suis morte fièrement : il paraît que j'étais devenue
une adulte.
"Elle avait cul, minot, la jeune tarentule."
La troisième fois que je suis morte, j'avais 27 ans.
J'ai vu
partir mes rêves, j'ai cru devoir les enterrer.
J'ai vu partir mes
amours, j'ai cru devoir en souffrir.
J'ai vu mentir les mots, pour la
première fois.
Je suis morte en hurlant : il paraît que j'étais devenue
une femme.
"Elle a vécu, miro, la jeune tarentule."
La dernière fois que je suis morte, j'avais 36 ans.
J'ai quitté mes
carapaces, déposé mon manteau au vestiaire.
J'ai quitté mon métier,
déposé plainte pour non assistance à personne en danger.
J'ai quitté
mon passé, déposé les armes pour la première fois.
Je suis morte en
riant : il paraît que je suis devenue moi-même.
"Elle a vaincu,
mille eaux, la jeune tarentule."
Si me taire... (Poupoune)
Pour la première fois, j’allais enfin pouvoir visiter le fameux
cimetière fictif. Le principe ? Un vrai cimetière, avec de vraies
tombes et de vraies pierres tombales, de vraies cérémonies, même, pour
les jusqu’au-boutistes, mais pas de vrais morts. Le but ? Que les gens
tuent fictivement et non plus réellement. Et bien croyez-le ou non, ça
a marché.
Comme l’endroit est immense, je commence par une halte
auprès du gardien qui me propose un plan et semble tout disposé à me
faire la conversation, alors je m’attarde.
- Chaque allée correspond à une catégorie, vous voyez ?
- Comment ça ?
- Ben là par exemple, Allée des belles-mères, c’est là qu’on enterre…
- Les belles-mères je suppose ?
- Bien sûr. Allée des petits chefs, pour ?
- Ben les petits chefs !
- Et les grands patrons. C’était deux faciles, mais vous verrez, y en a des marrantes.
- Allée des anges ?
- Ah… j’aime pas celle-là. C’est pour les enfants.
- Ah.
- Hm. D’un autre coté, hein…
- Oui, sûr. C’est toujours mieux ici… Et Allée du roi des Heaulme ?
- Ah ! Elle est super celle-là ! Vous voyez pas ?
- Euh… non… Ah ! Pour les tueurs en série ?
- Ah ah ! Vous êtes fortiche ! Et celle-là : Allée de Mandragore.
- Hm… ’tendez, hein, me dites pas… euh… mandragore… mandrag… Oui ! Les crimes sexuels ?
- Vous êtes déjà venue !
- Non ! Promis ! Mais la mort, les criminels, tout ça… j’aime bien.
- Ah ?
- Oui,
enfin… Bref. Mais c’est pas un peu ennuyeux, un cimetière comme ça ?
Pour vous, je veux dire ? Doit quand même pas y avoir souvent des
cortèges, par exemple. Des grandes cérémonies, tout ça…. ça doit être
plus sympa dans un vrai cimetière, non ?
- Ah ça, je peux pas dire, j’y ai jamais bossé.
- Non ?
- Non.
J’étais gardien de prison avant. C’est chez nous qu’ils recrutent les
gardiens pour ces cimetières, vu qu’on a moins de boulot dans les
prisons, du coup. C’est un genre de compensation, vous voyez ?
- Ah ouais… C’est bien, ça.
- Sûr ! Et puis franchement, les tueurs, je préfère les voir ici qu’en prison.
Plan
en main, j’ai commencé mon exploration. L’endroit paraissait un peu
foutraque, il y avait des tombes de toutes les formes et de toutes les
tailles, même chose pour les pierres tombales, mais l’ensemble
répondait néanmoins à une logique et une organisation remarquables.
Je
suis arrivée Allée des frivoles. Au moins une stèle sur deux portait la
mention « salope ». La poésie du cocu. Allée des coureurs, c’était
infiniment plus original ! Déjà les épitaphes étaient beaucoup moins
laconiques, plus cyniques aussi, et il y avait des tas de photos de
types aux yeux crevés, des poupées transpercées de clous ou d’épingles,
des figurines démembrées… Amusant. Un petit groupe de gens en train de
cracher et pisser sur une tombe a attiré mon attention. Je suis allée
voir. Allée Sarko. Ben tiens.
Il y avait aussi Allée des voisins,
Allée loup y a (pour les crimes religieux), Allée les bleus (pour les
footeux), Allée Papas, Allée Mamans, Allée… merde ! Allée Poupoune !
Ben ça… Evidemment, à ma façon, j’en avais tué, du monde, mais de là à
ce que le monde se venge au point que j’aie toute une allée à mon nom…
et les épitaphes… certaines m’évoquaient bien vaguement quelque chose,
d’autres pas du tout. Il y avait « Gaffe, je bande encore ». Plusieurs
« Poupoune m’a tuer ». Et « Je suis PAS roumain ! », « Même pas mal »,
« javé pa fé espré ». Et ça : « Alors, on la ramène moins ? » Hé hé… et
OH ! Oh c’est trop mignon, ça ! Oooooh... « moi aussi je t’aime, ma
petite maman chérie ».
Dis (Captaine Lili)
Dis, où vont les mots qui s’éteignent ?
Ils vont avec les rêves qui filent. Mais c’est la vie qui s’éteint, pas les mots.
C’est comment cet endroit ? Est-ce que les rêves filent comme les bas et les collants ?
Non, bêta, ils filent comme les étoiles. Et sous ses étoiles, il y a des milliers d’îles.
Mais comment connais-tu cet endroit ?
Oh, c’est que je connais trop la mort, alors elle m’a donné la clef.
Mais la mort ne donne rien, elle prend !
Pourtant, j’ai la clef de ces îles où se perdent les mots et les rêves. Peut-être à cause de ma ténacité à vivre... N’oublie pas que je suis capitaine.
Mais que fais-tu de cette clef ?
Oh, je… c’est une grande question ! J’y voyage parfois.
Pourquoi ?
Que d’indiscrétions ! Il y a des morceaux de moi, là-bas.
Des morceaux ? Comme un puzzle ?
Oui, non. Ce n’est pas une histoire de pièce manquante. Là-bas, il y a les voix de qui s’est tu. Je suis liée à plusieurs d’entre elles.
Comme une ficelle de cerf-volant alors… Mais dis, qu’est-ce que tu fais lorsque tu vas dans ces îles ?
J’écoute les mots et les rêves perdus. J’ai failli y laisser les miens, tu sais. J’ai failli être de celle qui se tait alors que je n’étais pas encore sortie de l’enfance…
… Et que fais-tu de ces mots, de ces rêves ?
Je les prends avec moi, je tente de les sortir du silence, de vous les partager. Je fais gagner la vie.
C’est un combat perdu d’avance… La vie s’éteint toujours.
Mais la vie gagne lorsqu’on la sème. Sur ces îles aux mots tus, aux rêves éteints, je trouve du terreau.
Alors tu es une semeuse de bouquets de vie !
Elle ne répondit rien, sourit seulement, comme pour elle-même.
Un carré d’herbes folles (Caro_carito)
Elle eut à peine le temps d’enlever son tablier et de fermer la porte, il était en haut de la colline. Les blés courbaient la tête sous les rayons drus. Il avait raison, dans deux heures à peine, il faudrait déjà songer à clore à demi les persiennes. Elle sentit le trousseau chargé de clefs inutiles qui valsait au fond de la poche de sa blouse. Elle poussa la grille du cimetière. Elle s’amusa de son invite rouillée. Elle le vit s’approcher des trois pins, au fond à droite. Elle marcha vers le fouillis fripé de coquelicots et de monnaies du pape. Les amarantes qu’elles avaient semées au printemps passé avaient avalé le muret de pierres blanches, grignotant les guérets des Béard.
Elle tourna la tête vers le carré nord. Il s’était sans doute agenouillé car sa silhouette voutée avait disparu dans les hautes herbes. Elle se demandait avec qui il s’entretenait, chaque matin. Un jour, elle s’était approchée et avait perçu des mots feutrés, sa tête chenue penchée sur l’ombre. Etait-ce un mot un peu plus grave ? En tout cas, un souffle d’air indiscret lui avait rapporté ce prénom, Sybille. Plus tard, elle avait examiné l’endroit avec soin, en vain ; il n’y avait que graminées, un papillon et des noms oubliés. A ses pieds, ne dormaient que quelques morceaux de pierre lisse et des âmes oubliées. Le vent, le gel, les averses avaient emporté leurs initiales.
Elle marcha le long des chardons. Ici, il n’y avait qu’une tombe ramenée à grand frais pour le père Gabriel. Ses enfants l’avaient commandée en ville ; ils avaient sans doute jugé cela suffisant car ils n’étaient plus jamais venus lui rendre visite. Elle bifurqua pour se perdre dans le dédale de plaques en grès beige. Le village était trop pauvre pour d’autres sépultures. La terre sèche et un rectangle de pierre protégeaient les morts pour l’éternité. Elle s’assit près d’une souche et sortit de sa poche un livre qui s’ouvrit machinalement à la page cornée.
Elle ne l’entendit pas partir, perdue près du canal San Barnaba. Elle relisait religieusement la strophe biffée de gris : l’eau luit ; le marbre s’ébrèche … quand on passe à l’ombre du Palais Rezzonico.* Elle s’amusa à franchir les montagnes qui l’enserraient de toute part, l’Italie n’était pas loin. Il suffisait d’un rien, d’un vol d’oiseau pour découvrir le campanile de Saint Marc. Le marbre s’ébrèche. Elle fixa longuement la plaque grège qui gisait sur le sol. Pour elle, il était trop tard. Jamais elle ne quitterait sa maison, jamais elle n’irait plus loin que ce cimetière à l’abandon. Elle se dit qu’elle aurait aimé rester un peu, et voir les mots, qu’elle avait choisis pour ce long voyage, inscrits au milieu de ce sol rouge et sec, effleurés par une tige frêle… et voir Venise.
Le portail grinça en se refermant, un nuage de poussière se posa sur la forêt de tournesols qui se hissaient de toutes leurs forces vers le ciel doré. A petits pas, elle descendit le chemin.
- Contes vénitiens Henri de Régnier
Le cimetière des filets mignons en croûte et des illusions sur la liberté (Joe Krapov)
Dimanche, nous sommes tous morts. Nous tous, Mademoiselle Z., Monsieur J., Madame M. et moi. Oui, dimanche dernier, nous sommes morts de rire. Eclatés, explosés, pliés, dilatés ! C’est à cause de Monsieur J. qui nous a raconté sa dernière mésaventure. Comme dit Donald Westlake, ça n’arrive qu’à lui !
Depuis plus d’un an maintenant, Monsieur J. vit tout seul dans un appartement situé au rez-de-chaussée dans un quartier calme d’une ville que nous nommerons R. afin de ne froisser aucun pompier en France, en Navarre ni même en Bretagne et encore moins en Ille-et-Vilaine.
Dans son appartement, Monsieur J. a une télévision. C’est Madame M. et moi-même qui payons la redevance mais c’est lui qui la regarde. Samedi soir, sur FR3, Monsieur J. a revu le film « Blade runner » de Ridley Scott. On diffusait le « director’s cut » (non, ce n’est pas un gros mot, juste un concept un peu incompréhensible pour les fans âgés d’Eric Rohmer qui doivent aller sur Wikipédia pour constater que le cinéma hollywoodien est d’abord un commerce. Voir aussi le carnaval de « Brazil » de Terry Gilliam !).
« Blade runner » est un film américain adapté d’un roman de Philip Kindred Dick. J’adore le titre français de ce livre : « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? ». A une certaine époque, avant que je ne rencontre Mademoiselle M. puis ensuite Monsieur J. et Mademoiselle Z., je lisais beaucoup. Entre autres choses, j’ai lu pratiquement tous les romans et les nouvelles de Monsieur Dick. Ils parlent de paranoïa, de manipulations, de drogue. Avec lui, nous naviguons en pleine science-fiction ! J’adorais la S.F. à l’époque. J’avais commencé enfant avec la bande dessinée « Les Pionniers de l’Espérance », j’avais aimé ensuite «Valérian et Laureline», «Le Vagabond des Limbes», lu les «Chroniques martiennes» de Ray Bradbury, dévoré l’intégrale des romans et nouvelles de Clifford D. Simak, Robert Sheckley et Fredric Brown.
Maintenant qu’on a dépassé le cap autrefois fatidique de l’an 2000, je ne lis plus de S.F. parce qu’on est en plein dedans. Le monde actuel est, ni plus ni moins, un roman de Philip K. Dick. Du moins, il me fait cet effet.
Dans son appartement, monsieur J. a aussi un ordinateur qui lui donne accès à Internet. Comme beaucoup de djeunns dgens de son âge, Monsieur J. laisse des messages sur Facebook. Tout de suite après la fin du film, il est allé partager avec ses blogamis ( ?) du réseau social ses impressions sur ce visionnage. Impression est un bien grand mot puisqu’il s’est borné à inscrire une phrase prononcée dans le film en ajoutant que c’était « une putain de chiée fin que la fin de Blade runner » (je traduis à ma façon « Fucking Blade Runner Ending »).
Puis il vaque à d’autres occupations sur la toile ou dans son logis. Peut-être fait-il sa vaisselle ou du rangement (les parents sont toujours optimistes et très naïfs dès qu’il s’agit de leur progéniture !) ? Peut-être concocte-t-il de sa géniale musique ? Toujours est-il que, vers une heure du matin, il se déshabille et s’apprête à se glisser dans ses draps. C’est à ce moment là que les Martiens ont frappé à la porte !
Ce n’est pas tous les jours que Mars attacks ! Histoire de ménager le suspense et de justifier le titre de cette histoire, je voudrais signaler que quelque temps auparavant, je m’étais occupé de mon côté à faire cuire dans ma cocotte-minute un filet mignon avec du vin blanc, des oignons, champignons, tomates et noix. Ensuite, avec Madame M., nous avions regardé « Liberté-Oléron », dévédé d’un film quelque peu dispensable de Bruno Podalydès mais on ne pouvait pas le savoir avant de l’avoir vu. A l’issue de ce visionnage, j’avais sorti le morceau de viande de la cocotte avec ses ingrédients et avais mis le tout à figer au réfrigérateur.
Les Martiens ont posé leur véhicule dans la cour de l’immeuble de monsieur J. Ils en sont sortis un par un. Ils sont au moins dix d’après le narrateur. Ils ont allumé leurs grosses lampes, balayé la surface des immeubles aux alentours du faisceau de leurs projecteurs. Ils portent des combinaisons à bandes fluorescentes et, avant de sortir l’artillerie, ils frappent à la porte. Si un jour cela vous arrive, faites comme Monsieur J., ouvrez et écoutez-les. Il m’est d’avis que si vous restez au lit avec vos boules Quiès à rêver comme un sourd ils auront tôt fait de défoncer votre huis à coups de hache pour venir vous sauver du danger.
Quoi ? Les Martiens sont bienveillants ? Oui, plus que vous ne pourriez le penser. Ils habitent la planète 18, leur camion est rouge et pour vous sauver du péril quand vous habitez à l’étage ils ont une grande échelle. Ce sont bien les pompiers de la ville de R. qui sont-là.
- Qu’est-ce qui se passe, demande Monsieur J. en leur ouvrant la porte, en slip, torse poil et jambes nues. Il y a un incendie ?
- Non. On vient pour vous. On a téléphoné déjà mais vous n’avez pas répondu. Vous n’avez pas l’intention de vous suicider ?
- Me suicider ? Non, pas vraiment. J’allais me mettre au lit, comme tous les soirs.
- Pourtant vous avez bien déposé un message en ce sens sur votre Facebook ?
- Sur mon F… Ah oui, la citation de Blade runner ? Mais... Non je vous rassure, c’est juste une citation.
- Bon faudrait voir à mieux contextualiser, la prochaine fois, hein ? Allez, bonne nuit monsieur. Et puis, la citation, vous l’enlevez, hein ! ».
Sur le Facebook de monsieur J, on peut lire ce dimanche matin : «Quel est le con qui a appelé les pompiers ?» Mais apparemment dans les relations fesses-bouquineuses de monsieur J., il n’y a pas de cons. On en a discuté, morts de rire, autour de l’apéro-vodka familial. Il doit exister, à la caserne Saint-G. ou ailleurs à R. ou en France une cellule de prévention du suicide qui veille, le samedi soir, sur les moteurs de recherche. Dès qu’ils voient apparaître le mot « mourir », ils envoient une escouade avec un parapluie. Une cellule efficace : même pas une heure après la publication de ceci («Tous ces instants seront perdus dans le temps, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir. »), les anges gardiens avaient téléphoné, trouvé l’adresse du zigue, embarqué dix gus dans le camion et déboulé chez le lecteur-spectateur de SF en slip. Efficace, non, les Big brothers watching you ? Comme quoi une courte phrase postée par monsieur J. a bien plus d’effets sur le monde que les milliers de romans-feuilletons à la con que monsieur K. publie sur le Défi du samedi, Kaléïdoplumes ou les Impromptus littéraires ! Mais ça, grâce à Monsieur Walrus, on le savait déjà.
Je peux les rassurer, les gars du commando anti-suicides. Un type qui boit du Saint-Nicolas de Bourgueuil sans cracher dessus et reprend deux fois du filet mignon en croûte de madame Eliane (c’est elle qui nous a filé la recette) revisité sauce Krapov, je ne le vois pas en train de se passer la corde au cou. Pas même une cravate du reste, bien que j’aie des photos compromettantes au sujet de cet ustensile inutile et du bonhomme dont je cause.
Il n’empêche, ce lundi midi, ma pitance était mince dans ma gamelle au boulot. Le filet trop mignon avait rejoint le cimetière de nos estomacs, il ne m’en restait qu’une petite rondelle et juste deux cuillers du kilo de haricots verts de la veille. Et je ne rigolais plus non plus côté «liberté d’expression et identité nationale».
Vous comprenez, de puis samedi, moi j’écris des épitaphes sur le Web. D’ici à ce que les trois Parques viennent toquer à ma porte ce soir à minuit et m’embarquent pour concurrence déloyale ! D’ici à ce que les infirmiers du Centre Guillaume Régnier ne viennent me passer la camisole de force ! D’ici à ce que la police ne fasse une descente et ne demande comme au bon vieux temps du KGB : « C’est ici Joe Krapov ? ». Difficile de répondre « Non, c’est en face ! » : on n’a pas de voisins de palier !
Voilà pourquoi, je le proclame haut et fort, « je suis immortel, j’aime la vie, je ne mourrai jamais ! Et tout ce que j’écris ou dis, c’est pour de rire ! » Et il faut croire que je fais tout ce qu’il faut pour ne pas avoir besoin de la police, de la justice, des médecins et des pompiers. La preuve, voici mon épitaphe personnelle, très révélatrice là-dessus :
« Ici s’angoisse Joe Krapov
qui n’avait pas de tics ni d’éthique mais des tocs :
a-t-il bien fermé le gaz en partant ? ».
Cimetier’s killer (Oncle Dan)
Il se retourna, comme pour me faire signe de le suivre.
J’hésitais car je ne lui faisais pas confiance plus loin que je ne puis jeter un éléphant.
Un vent glacial s'infiltrait partout et on avait l'impression qu'une horde de loups affamés rôdait aux alentours. Je frissonnais.
─ Allez ! Suivez-moi ! Dit-il. Vous vouliez voir le cimetière des bonnes intentions ? Je vais vous le montrer.
Une bourrasque de vent s'engouffra dans sa houppelande aux allures de linceul sur laquelle la flamme jaune et vacillante de sa lanterne faisait remuer des ombres suspectes.
Toujours sur mes gardes, je me décidai à le suivre car il est des devoirs de curiosité qu’on ne peut se dispenser d’accomplir. Après avoir descendu un chemin rocailleux, il poussa enfin la grille grise et grinçante du cimetière.
Il connaissait parfaitement l'endroit et se dirigeait sans hésiter entre les tombes pour s’arrêter bientôt devant une crypte gothique ornée de nombreuses gargouilles cauchemardesques qui s'appuyaient sur des crânes probablement d'origine humaine. L’endroit était fantastiquement lugubre et désolant.
Pourtant, je ne pus retenir un gloussement en lisant l’épitaphe : « Revenez quand vous voulez. Je ne bouge plus d’ici. »
Il sursauta et me lança un regard froid et réprobateur… celui qu’un tatillon qui n’est pas amateur de chenilles adresse à celle qu’il vient de découvrir dans son assiette de salade.
Derrière lui, une ombre fantomatique apparut et je crus défaillir avant de comprendre que c’était la mienne.
─ Il faut redonner vie aux cimetières, sinon un jour les gens refuseront de mourir, lui dis-je, pour me donner une contenance et détendre l’atmosphère.
Je décelai dans son regard l’amorce d’un soupçon concernant la stabilité de mon équilibre mental. De toute évidence, il ne me situait guère au-delà de l’orang-outan sur l’échelle de l’évolution.
Il eût un rire sarcastique intérieur qui m’aurait sans doute impressionné s’il avait été extérieur, mais mon attention était davantage concentrée sur le sourire méchant figé au coin de sa bouche cruelle et ridée.
Il me toisa de haut en bas, suggérant implicitement que c’était des types comme moi qui causaient la moitié des problèmes de l’humanité et susurra entre ses gencives édentées que dans tout vivant il y avait un mort qui sommeille.
Sur ce point, je ne pouvais le contredire, étant donné que nous étions entourés de signes extérieurs de vieillesse, de gens qui avaient passé l’âme à gauche et de champions de l’apnée.
J’approuvai en lui confirmant que même ceux qui ne sont pas des lumières finissent par s’éteindre.
Il partit d’un long rire bas et amer et me faisait penser à ces meurtriers qui se sentent inutiles lorsqu’ils n’ont personne à tuer.
Il regarda autour de lui avec un air de conspirateur et plongea la main dans sa poche.
Je ne souhaitais pas que ce cimetière soit ma terre promise et je n’avais pas envie de faire une croix sur ma vie. Si un homme averti en vaut deux, un mort averti fera toujours moins un.
Je lui sautai dessus avec la ferme intention d’en faire un nœud et nous roulâmes en une masse grouillante sur le sol.
J’avoue que j’étais prêt à lui ouvrir des droits à la charité en le gratifiant d’infirmités supplémentaires. Je lui saisis le bras qu’il venait de plonger dans sa poche avec une telle violence qu’il perdit dans l’instant une fraction non négligeable de sa capacité à traverser l’atlantique à la nage. Il émit quelques protestations inarticulées mais lorsque je suis dans cet état d’énervement, vous ne pouvez pas m’arrêter avec des protestations inarticulées.
Je ne sais si vous avez jamais essayé de faire lâcher sa proie à l’homme des neiges, probablement pas, car peu de gens en dehors de Tintin en ont eu l’occasion, mais, si vous l’avez jamais fait, vous vous êtes sûrement attendu à un geste de mécontentement de la part du migou.
Celui-ci était particulièrement mécontent et son regard prit cet éclat que j’ai parfois entendu qualifier de vitreux. Il réussit à sortir de sa poche un bout de papier qu’il me lança.
C’était un ignominieux parchemin sur lequel était inscrite une liste de péchés épouvantables, une sorte de calendrier du crime.
─ Je vais pouvoir y ajouter le vôtre, dit-il. Et sa voix ressemblait aux soupirs du vent qui errait en gémissant comme une âme en peine.
Vue imprenable sur le cimetière de la pensée confuse du sieur P (apistache)
Samedi 23 janvier 2010
P. était né dans un cimetière. Enfin, pas tout à fait, mais de violentes contractions avaient jeté sa mère au sol pendant une cérémonie funèbre. Un parent que famille et amis conduisaient à ce que, par euphémisme, on nomme sa dernière demeure...
P. posa sa plume... malade, il se savait condamné ; il se demanda s’il fallait vraiment consacrer le peu d’énergie qu’il lui restait (ou qui lui restait : les deux se disent) à raconter ce qui tenait entre deux parenthèses : (il était né dans un cimetière, il y retournait... les contractions de sa mère, les douleurs du crabe...)
Arrête, tu vas faire pleurer,
va plutôt laver la voiture, elle en a bien besoin...
Dimanche 24 janvier 2010
Cimetière
Sim t’y erres.
Cimt’ hier.
Scie meuti Hyères.
six m’tiers
6 m’tiers
merci m’tiers
6 m’/tiers
Simplifions.
6 par trois, deux
3 par 3, un
6 m’/tiers = 3 m’
3 m minute = 3 m/min
3 x 60= 180 3m/min = 180 m/h
Pi-toi-iable !
Lundi 25 janvier 2010
Chanson :
«J'suis l'fossoyeur des Lilas
Le gars qui creuse et qu'on n' regarde pas
Y a pas d'soleil sous la terre
Drôle de croisière...»
A cet instant, P. se dit qu’un cimetière qui porterait le nom d’une fleur lui serait agréable qu'il lui serait doux de creuser son emplacement de louer sa dernière demeure au
- Cimetière des Ancolies edelweiss edelweiss
- Cimetière Magnolia for ever
Cimetière des Chrysanthèmes, non, trop téléphoné, plutôt :- Cimetière de la Dame de Onze Heures***
De nouvelles idées lui vinrent : établir un annuaire des meilleurs cimetières avec un système de notation inspiré des guides touristiques, organiser des excursions de reconnaissance pour
Creux !
Mardi 26 janvier 2010
La lourde porte du cimetière s’ouvrit. La porte du cimetière, lourde, s’ouvrit.Lourde, la porte du cimetière s’ouvrit.Le vent ouvrit la porte du cimetière.Le vent ouvrit la lourde porte du cimetière de Lourdes.Le cimetière n’avait pas de porte. On y entrait comme dans un moulin, sauf qu’il n’y avait pas d’ailes, c’est pourquoi une porte suffisait, parce que dans un moulin on trouve deux portes et pas parce qu’il y en une pour entrer et l’autre pour sortir.Le cimetière avait poussé sur la colline, personne n’avait eu le temps de bâtir un enclos ; les morts, de toutes façons, ne risquaient pas de s’échapper. Pour mener ses vaches à la pâture communale, la Mère Françoise allait au plus court. Le plus court nécessitait de traverser le cimetière. Les remontrances du maire n’y changeaient rien ; la Françoise allait aux communaux.Le conseil débattit. Nos morts ne supporteront pas d’être enfermés...
Pppppp ! Je ne vais pas refaire Clochemerle....
Mercredi 27 janvier 2010
Jane ouvrit démesurément les yeux. Le spectacle était grandiose : au bas de la falaise, une forêt d’ossements et d’ivoire, dans la lueur du soleil couchant, dessinait des ombres inquiétantes.
Tarzan pas tressaillir. Tarzan pas avoir appris montrer émotions. Lui reconnaître odeur vieille éléphante avoir enseigné lui barrir. Pluie couler des yeux de Jane. Tarzan aimer goût du sel. Sel bon pour faire pousser longues défenses. Tarzan lécher sel.
à biffer
Jeudi 28 janvier 2010
Mesdames, messieurs et les petits enfants,
approchez, approchez, venez découvrir, pour la modique somme de quinze euros, l’unique, l’extraordinaire, l’excellente, la pharaonique, que dis-je la pharaonique, la sarkonique reconstitution du plus grand cimetière de nains de jardin jamais découvert sur les hauts plateaux javanais. La précision est fabuleuse, l’émotion palpable...
Demi-tarif pour les militaires et les bonnes d’enfants, entrez, entrez... en avant-première mondiale dans la salle des fêtes de votre commune, entrez et emportez le souv
N'importe quoi !
Vendredi 29 janvier 2010
— Aaaaah !
Épouse-Arrachée-Au-Sommeil pose une main sur sa poitrine :
— Amour-Benêt-De-Ma-Vie, que t‘arrive-t-il ?
Le vieux P., en sueur, peine à reprendre sa respiration. Il pantèle :
— Mowgli, notre Mowgli, mon Mowgli, notre petit-fils entre les petits-fils, l’enfant blond aux boucles torsadées, Mowgli venait d’achever de graver mon épitaphe sur une pierre molle au-dessus de ma sépulture...
Épouse-Rassérénée embrasse le front — qu’il a large et bien dégagé — de son époux transpirant :
— Eh, quoi, c’est le destin, tu ne voudrais pas qu’il disparaisse avant nous. Rendors-toi !
Le docile vieillard repose la tête sur l’oreiller. Il ferme les yeux ; l’enfant blond s’éloigne, marteau dans une main et burin dans l’autre :
Içi J-P.
1 maniac
2 l’orthographe
Qu’il repôse en P
Tant pis, je fais l'impasse...
je leur dirai que j'ai essayé...
ils comprendront...
ou pas...
Exegi monumentum aere perennius (Walrus)
Dans mon rêve, j'ai vu le monument qu'une épouse éperdue (la mienne ?) avait fait élever à ma mémoire et à grand renfort de subsides publics (c'est bien d'être une gloire nationale). Ils étaient tellement certains de la pérennité de mon empreinte sur la foule de mes admirateurs et de leur descendance qu'ils n'y avaient pas inscrit mon nom. Simplement "Monument du souvenir". J'ai vu et j'ai compris que le moment était venu d'y ajouter moi-même mon épitaphe.
Quand la main de la Parque s'abattit sur ma pomme,
Ils m'ont dit : "Votre gloire appelle un monument
Qui marque à tout jamais la mémoire des hommes !"
En construisant la chose, ils pensaient sûrement
Au célèbre sonnet de l'arrogant Shakespeare,
Croyant, les imbéciles, faire un bon placement
Et sur cette mémoire étendre leur empire.
Le poids du souvenir lézarde leur ciment.
Le souvenir de qui ? Nul ne peut plus le dire...
Les Doudous (MAP)
Où s’en vont les Doudous
perdus par nos « P’tits bouts » ?
Cimetière à Doudous ????
..................................
Mais où donc êtes-vous ?
Demande à Sieur Hibou,
fouille le champ de choux
soulève les cailloux
-il faut être à genoux !-
« Doudous répondez-nous !!! »
On a besoin de vous
vous êtes nos chouchous
de Paris à Corfou !
Vous êtes des filous
comme dit ma Nounou
vous préférez Vishnou
ou le Grand Manitou !
Adieu gentils doudous
on vous aimait beaucoup
finis les calinous
………………..
J’ai vieilli tout d’un coup !
Ah oui, j’oubliais :
Je n’aurai pas de tombe
une urne contiendra
la poudre de mes cendres.
Sur l’urne on inscrira :
"ENTREE sur terre par hasard
a enfin trouvé la SORTIE !"
Cimetière d’un champ de bataille (trainmusical)
<p><p>Cimetière d’un champ de bataille (trainmusical)</p></p>
Pourquoi
est-ce un honneur ?
Quel
est vraiment ce bonheur ?
Pour
qui suis-je décédé ?
Pour
sauver quelle liberté ?
Pour
l’honneur de qui, celui de mon président ?
Tombé
sur un champ d’honneur, ce n’est pas un présent.
Où
suis-je parmi toutes ces sépultures ?
Perdu
dans ce champ vert, nous ne sommes pas purs.
Pourquoi
m’a-t-on enlevé de ma famille,
Pour
tomber sur le champ comme une quille ?
Dans
un lieu de haine et de cruauté
Comment
me suis-je fait embarquer ?
Pourquoi
ai-je dû apprendre aussi à tuer ?
Parce
que je n’avais pas compris la charité,
Et
que j’étais naïf d’un patriotisme
En
gardant en moi le mutisme.
Froideur
Peur
Malheur
Horreur.
-J’aspirais à une longue vie de bonheur
et de paix-