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Le défi du samedi
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27 septembre 2009

Ont déjà perçu le pas léger du diplodocus

diplodocus_porrentruyOncle Dan ; Anthom ; Vegas sur sarthe ; Martine27 ; tiniak ; Papistache ; Stipe ; Berthoise ; Poupoune ; Joye ; MAP ; rsylvie ; Borsolina ; Laura ; Tilu ; Captaine Lili ; Joe Kaprov ; Jo Centrifuge ;

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26 septembre 2009

La consigne #75

Les petits bruits de la maison

la nuit

vous tiennent compagnie ...

Rassurants ou bien inquiétants ?

Racontez-nous.

Veuillez glisser dans votre récit le mot

DIPLODOCUS. Merci !

Vos envois ...

Toujours à la même adresse : samedidefi@hotmail.fr

A très vite ...

26 septembre 2009

consigne #74‏ (Vegas sur sarthe)

Un yoyo de bois blanc au fil enchevetre
par un curieux hasard est tombe du grenier
entrainant malgre lui le plus beau scoubidou
que j'avais autrefois torsade a mon gout.

"Me lacheras tu donc" rouspete le yoyo
"j'ai bien assez de noeuds et nul besoin de toi".
"Moi, ce sont tous mes noeuds qui me rendent si beau"
repond le scoubidou, "ne compte pas sur moi".

L'un fait, l'autre defait, la bataille fait rage
les deux echeveles me prennent a temoin;
mais dans mes souvenirs je suis deja tres loin;
le livre de la vie a tourne bien des pages.

Mes joujoux de gamin n'ont qu'a se debrouiller,
d'un grand coup de ciseau je ne saurais trancher
et j'ai tant de plaisir a les voir s'animer
que je vais rester la, tout pres d'eux a rever.

 

26 septembre 2009

Raté ! (Walrus)

Plein d'enthousiasme, j'allais vous parler de mon réveil-matin, lorsque j'ai pris conscience qu'il était... animé !

Raté, donc.

Un qui, par contre, aurait pu prendre conscience de l'inanité de ses dires, c'est le scripteur de l'alexandrin, là.

Il a sacrifié la logique à la rythmique, ma parole. Il devait bien savoir qu'inanimé, étymologiquement, veut dire "sans âme". Que nous bonit-il là ?

Ah, Fonske*, Fonske*, pathétique romantique !

Quoi ? Que dites-vous ?

Oxymoron ?

Et volontaire ?!?

Indécrottables chauvins toujours prêts à défendre la France, même si ce n'est que Lamartine.

* C'est ainsi qu'on dit Alphonse dans ma région.
 

26 septembre 2009

Consigne 74 (Borsolina)

Le matin.

Encore une fois, machinalement, elle m’attrape par le manche. Après m’avoir enduit d’une pâte, elle appuie sur mon bouton, et je me mets à vibrer de tout mon corps. Ah au réveil, ça fait du bien ! Je vais pouvoir me faufiler dans tous les moindres recoins et lui redonner le sourire.

Après m’avoir utilisée, elle me rince toujours et me repose, bien droite dans mon verre posé sur le lavabo. Hé ! A quoi vous attendiez-vous ? Je ne suis qu’une brosse à dents, mais à pile m’sieur-dame !

 

Je travaille beaucoup pour elle, trois fois par jour. Il paraît que ce n’est pas le cas de toutes mes congénères. Certaines ne sortent de leur pot qu’une fois par semaine, et ont les poils tellement écrasés et noirs… pouah, je ne peux imaginer ça ! Moi, ma maîtresse, elle me dorlote, me bichonne, et me parfume tous les jours à la menthe. Même une fois, elle m’a opérée du ventre et m’a changé un truc. Je peux vous dire que les vibrations ne m’avaient pas chatouillée comme ça depuis mon déballage.

Il lui arrive parfois aussi de me mettre dans une sorte de mini-valise. J’aime pas. J’suis serrée, il fait noir là-dedans. Il y a toujours les tubes de gel douche ou de démaquillant qui se frottent à moi. Ils sont vraiment sans gêne ceux-là. Rhooo la la, ça me fait penser qu’une fois, le flacon de shampooing n’a pas pû se retenir et s’est vidé dans la trousse. Il s’est sacrément fait engueulé à l’arrivée, et on est tous passés au karcher.

 

Et puis, je ne sais pas ce qu’ils font à l’extérieur, mais on est ballotés, secoués dans tous les sens. Par contre, je dois l’avouer, quand elle me sort enfin de cette trousse, et que je prends place dans la salle de bains d’un palace, je ne suis pas peu fière !

L’autre soir.

C’était un mauvais soir. Je ne sais pas ce qu’elle avait mangé… ni bu ou fumé d’ailleurs. Mais on peut dire que j’ai pas chômé. Y avait un de ces boulots. Mais le pire, le pire de tout, et là, d’ailleurs je n’ai pas compris… c’est qu’elle m’a prêtée ! J’ai atterri dans la bouche d’un type… Mon dieu, quelle horreur. Je me demande bien où elle l’avait trouvé celui-là. En plus il m’a fait mal, il avait plein de trous bizarres dans les dents. Je n’avais encore jamais vu ça.

 

Depuis quelques jours.

Ma vie est lamentable, finie, terminée. Elle m’a remplacée par une jeunette… avec tête rotative qu’elle m’a dit. Je suis tout à fait inutile, dans mon verre à dents. Je me dessèche, mes poils se durcissent. Quelle triste fin. Elle ne me regarde plus, je n’existe plus pour elle. Je vais me suicider. C’est décidé !

Mais alors que j’étais prête à faire le grand saut dans le tourbillon d’eau des toilettes, elle m’attrapa et m’emmena avec elle. Si j’avais pu le faire, j’aurais remué la queue. J’étais folle de joie, elle ne m’avait pas oubliée, elle m’aimait encore et… blurp bluuup glouuu glou… aaah mais j’ai failli me noyer ! Où suis-je ? Oh non, je crois comprendre, elle me recycle. Me voilà en train de nettoyer les parois de son aquarium. Beurk y a plein d’algues, c’est dégoutant… ça pue !

Et depuis les jours passent, et je nettoie chaque semaine les vitres pleines de vase et le moteur encrassé de la pompe. Mon seul réconfort est qu’elle me rince toujours tendrement après chacune de mes corvées.

Hier soir.

Je n’y croyais pas, je ne réalise d’ailleurs toujours pas. Le bonheur, je ne me souvenais même plus comme cette sensation était agréable… elle m’a à nouveau prêtée !

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26 septembre 2009

"T R E M O L O dans la voix, ou merci à vous" (Rsylvie)

Pst…. J’ai peur »

l’ordinateur se retourne. Machinalement le clavier s’arrête.

Une voix venant du fond de la pièce se fait entendre à nouveau.

elle range tout. … elle fait du vide… je vous avoue avoir très peur »
dit la voix ( ( le premier qui ose rappeler que l’obligation de sponsor c’était la consigne précédente, et qu’il n’est pas futé de ma part de vous imposer LA VOIX,,, celle communément appelée mystère sur TF1… HA vous ne regardez pas SECRET story !!!! ben moi non plus d’ailleurs c’est juste ma bande d’ados qui….. )….. )

Pst…. J’ai peur »

ha oui, la voix !

La boite informatique ne semble pas disposé à faire un effort. Le clavier quant à lui ne voudrait d’aucune façon contrarier

l’unité centrale. Alors tout deux décident de faire comme s’ils n’avaient rien entendu.

P A U S E

Pst…. Soyez sympas, aidez moi » reprend la voix qui semble tirer profit de cette consigne. Ben oui, depuis le temps qu’elle laisse ses p’tites participations par-ci par-là.

Enfin un défi à sa hauteur. « Objets inanimés, avez vous donc une âme ... »

pas besoin d’être écrivain pour deviner que LA Sylvie l’aime plus ».

T R E M O L O S

-« Pas une caresse, un effleurement… Rien !
Par contre des babioles ? ha ça oui, j’en suis couverte !
Alors comment voulez vous que je travaille » ?

S O U P I R S

Pst…. Dites lui, que je lui pardonne, insiste la voix

dites lui combien j’aime la caresse de ses doigts sur mes touches,

la résonance du frappé sur mes cordes,

le souffle de sa voix sur la partition ».

V I B R A T O

Rien ni fait, LA Sylvie est en pleine crise de rangement

Ni tambour ni trompette

 de bousculer guitare et piano..

et d’astiquer les vieux meubles

 et de dépoussiérer l‘instrument
V E L O C I T E
La suite... LA suite...


Et bien là, en cet instant que je tapote le clavier avec toute la vigueur de mes années de gammes et solphége derrière moi, je ne sais quelle direction faire prendre à cet article

.… Petite puis jeune fille, j’ai détestais mais aussi appréciais (si si c’est vrai j’aimais) de passer du temps à chanter au clavier de mon piano  (une splendeur moderne, à la boiserie incomparable qui illuminait la pièce. Ce qui faisait que le premier coup d’œil en entrant dans le salon allait vers lui.. et forcément de demander à La Sylvie de jouer… mais là , j’avoue (si si c’est vrai j’aimais pas du tout) détester faire le spectacle. Alors devant les yeux rougis de ma mère qu’une fierté innommable inondait de larmes et le sourire peu fier de mon père, je m’exécutais et en mourrais à petit feu comme la maladie qui les rongeait discrètement , pour me les enlever un matin d’hiver… emportant dans leur sillage les partitions du bonheur partagé.

….Ma voix et mes doigts, comme la lumière d’une bougie qui s’éteint au loin, n’ont plus illuminé le piano qui s’est désaccordé, la guitare détendue et les aigus inaccessibles.

Et puis le printemps est arrivé, joliment accompagné de l’été,
aussitôt chassé par une autre saison que les années ont propulsé jusqu’à ce jour,
où non loin du piano j’écris ces quelques mots emplis de nostalgie.

M E T R O N O M E

Mais le cœur n’y est plus, et tant de travail

à reprendre à zéro pour à nouveau faire chanter l’instrument…

Un jour peut-être ?

Oui, un jour certainement !

N O I R E …. B L A N C H E ….

Et si ce jour était maintenant ?

M E L O D I E

26 septembre 2009

Parti pris des choses (Phil)

Il se prend encore pour un grand poète, c’est sûr.
A vouloir ainsi donner une âme aux choses.
Normalement je suis un objet inanimé.
Personne n’est censé savoir que j’ai une âme.
Et voilà que lui, le poète du dimanche, se met à se prendre pour Francis Ponge, et à nous prêter toutes sortes d’intentions farfelues. A nous, les choses. A moi. Pourquoi moi ? Qu’ai-je donc de si particulier ?
Je suis rouge. C’est entendu. Mais je pourrais être d’une autre couleur. J’en ai connu des blancs ou des verts, des tels que moi. Par exemple.
Je suis rouge. Peut-être que c’est cela qui l’inspire. Peut-être est-il un poète du dimanche rouge. Un poète maudit.
Je suis rouge et je suis rangé (normalement) avec deux de mes semblables. L’un d’eux est mon jumeau, quoique le poète l’ait acquis après m’avoir perdu. L’autre, le petit dernier, comment dirais-je ? Il est plus pop, on va dire. Plus dans le vent. Mais rouge aussi.
Je suis rouge, hormis la partie fonctionnelle de mon anatomie, qui est tout bêtement couleur de ferraille. Parfois le poète en éprouve le fil avec le gras de son pouce. Il fait ça avec circonspection comme si j’allais le mordre. Qu’il se rassure : s’il ne fait pas de geste maladroit, il n’y a pas de raison que son sang coule. Mais c’est déjà arrivé, hein, un matin de vendange, si ma mémoire est bonne. Sa main gauche saignait, saignait…
Je suis rouge, mais ce n’est pas une raison pour qu’ils me confondent avec une mara des bois. Si ? Parce que le poète, ou sa femme, je ne sais plus lequel des deux était le coupable, m’a un jour oublié purement et simplement sous le ciste qui s’étale paresseusement sur l’empierrement de l’allée. Sous un ciste. Vous parlez d’une idée. Je n’ai jamais rien eu à faire avec ce ciste, je vous assure. Sinon il ne s’étalerait pas aussi paresseusement.
Et lui, que croyez-vous qu’il écrit, dans son poème farfelu ? Que je me suis caché. Oui, vous avez bien lu. Caché. Comme si c’était ma vocation de faire mumuse. Comme si c’était marrant de rester des semaines durant sous un ciste. Pas étonnant que je sois tout tavelé maintenant. Ben oui, j’ai plein de taches de rouille sur ma robe rouge. A cause de ça.
La vérité, c’est qu’ils m’ont abandonné, oui, et ça, c’est une chose qui ne me fait pas tellement plaisir. Remarquez, pour ne pas faire de jaloux, ils ont oublié mon jumeau aussi, une autre fois. Sous un tas de mauvaises herbes. Qui a pourri sur place pendant des mois. Ce qui fait qu’il a fini par se trouver enterré. Alors qu’il n’était même pas mort. C’est fou comme les gens ne sont pas soigneux. Du coup il est tavelé tout pareil que moi, le jumeau. Il n’y a que le petit dernier qui s’en sort bien. Mais il grince, lui, j’ai remarqué.
Le nouveau, c’est comme un enfant, voyez, alors ce doit être pour cette raison qu’il a les faveurs de la femme du poète (je ne dis pas la poétesse comme on dirait la présidente ou la générale, elle n’écrit pas, elle, elle ne se prend pas pour un grand poète, mais ça ne l’empêche pas d’être moyennement respectueuse des objets).
C’est donc le jumeau ou moi qui avons la joie d’être pris en main par l’autre grand rêveur. C’est l’archétype du distrait, ce mec. Un poète, quoi. Même du dimanche. C’est d’ailleurs souvent le dimanche qu’il s’acharne sur l’un de nous. Il se dirige vers un buisson, et je peux vous garantir que dans ce jardin il y en a une pléiade, des buissons, de la main gauche il s’empare d’une poignée de branches, et de l’autre main, il m’envoie au charbon. Evidemment, comme il est distrait, il fait à peu près n’importe quoi, ce qui fait qu’il jure à n’en plus finir et que le boulot est mal fait et qu’il s’en prend à moi et disant que c’est moi qui fais n’importe quoi, que je suis complètement ouf, et là cela va sans dire que j’adapte mon langage, hein, parce que je ne voudrais pas qu’un des non-mousquetaires des défis du samedi en vienne à me censurer.
Le pire, c’est quand il s’attaque à la treille. Parce qu’avec les pampres et les vrilles qui s’entortillement partout, j’ai beau être vigilant, je n’y peux rien si sa main droite a deux mains gauches et qu’on récolte des feuilles à la place des grappes bien dorées, ou si on confond le fil du téléphone avec un sarment sec. Après ce coup là, j’étais toujours dans la poche arrière de son jean quand il a pris son portable pour appeler piteusement le service de dépannage.
Voilà. Aujourd’hui c’est le forsythia qui a morflé. Je vais regagner la caisse où m’attendent le jumeau, le nouveau et d’autres objets plus ou moins utilitaires tels que le plantoir, la serfouette, et les gants renforcés. Enfin, s’il daigne me ranger, évidemment.
Avec tous ses effets de style et ses tours de phrases, le poète du dimanche n’a même pas songé à me nommer, je remarque. Et bien tant pis. Je suppose que ses lecteurs comprendront quand même qui je suis. Non ?

26 septembre 2009

Déclics (Virgibri)

Elle n’en a jamais rien su. Des nuits à l’attendre dans le noir, de la poussière qui s’entassait sur mon corps, de la sueur qui coulait le long de mes hanches lorsqu’elle me tenait. Rien non plus sur la jouissance qu’elle me donnait du bout des doigts, des fenêtres qu’elle ouvrait sur ma vie, des pupilles qui se dilataient, encore moins de ma solitude dans le coffre de métal qui devait me protéger.

Elle sait pourtant le bonheur du soleil d’hiver sur mes joues, et mes paupières délicates. Les ombres ne m’ont jamais fait peur. Je ne pouvais pas avoir peur : elle était là.

Jamais elle n’a tremblé.

Ah, si, une fois. Enfin, elle a eu peur de trembler. Elle a craint de rater l’image parfaite, de ne pouvoir la saisir. Je sais qu’elle aime les portraits. Elle dit qu’elle rend les gens beaux. Qu’elle ressort d’eux cette beauté, parfois insaisissable.

C. était là, dans la lumière déclinante du début de soirée, après une promenade dans les monts auvergnats. Les pantalons et les pulls avaient souffert, mais nous étions arrivés jusqu’à Saint-Nectaire. Nous étions passés par les champs interdits. Les chemins de traverse. Le moment était parfait.

C., assise sur un banc de fortune, perdue dans le fil de ses pensées, vraisemblablement heureuse à ce moment-là, précis et infime. Prête à se lever, seule sa main se mouvait, comme un signe de départ.

Elle m’a pris entre ses mains légèrement tremblantes, à la fois empressées et savourant l’instant parfait. La lumière. L’arbre noueux en arrière-fond. Ne pas manquer le tronc ancien, qui entourait le visage de C.. Les yeux de cette dernière ont braqué notre regard, et ont ébauché un sourire. C’était le signal.

Elle n’a pas tremblé. Le portrait serait parfait, forcément. En noir et blanc, forcément.

Plus tard, quand C. sortirait violemment de sa vie, elle me rangerait dans une valise rembourrée. Je l’ai attendue des mois, des années peut-être. Ma meilleure amie. Ma plus belle amante. Celle qui se cache derrière moi pour mieux se voir au travers des autres. Inconnus ou personnes aimées.

Il y a maintenant des milliers de cadeaux que nous avons faits ensemble. De l’infiniment petit. Des nus. Du très proche. Des œuvres d’art. Paris. Beaucoup de portraits.

Elle n’a jamais tremblé. Juste failli une fois. C’était il y a longtemps. Des mois, des années, c’est sûr.

Elle n’en saura jamais rien. Des nuits à l’attendre dans le noir, de la poussière qui s’entasse parfois sur mon corps, de la sueur qui coule le long de mes hanches lorsqu’elle me tient. Rien non plus sur la jouissance qu’elle me donne du bout des doigts, des fenêtres qu’elle ouvre sur ma vie, des pupilles qui se dilatent, et encore moins de tout l’amour que l’on s’échange, entre deux miroirs…

 

26 septembre 2009

Il y a une pierre dans mon jardin (Sandrine)

Il y a une pierre dans mon jardin, posée au bord de la mare. On l’a mise là, il y a neuf ans, six mois, trois heures et vingt minutes. Depuis, elle fait partie du paysage. Lorsque j’observe mon petit poisson rouge qui s’ébat dans l’eau, c’est près d’elle que je me mets. Je l’ai toujours aimé ce caillou, je ne sais pas trop pourquoi : je suis du genre à tisser des liens affectifs avec les objets. J'aime à me planter près d'elle pour observer mon petit poisson rouge tout en mouvement. Quand mon poisson chatouille le reflet du rocher dans l'eau, un petit bien être et comme un rire semblent sortir de la pierre. Oui, quand on tisse des liens avec les choses, on devient parfois le jouet de sa propre imagination. Mais le plus souvent, je ressens comme une peine, un vague à l’âme, un je ne sais quoi de triste qui émane d’elle. Alors, un jour, j’ai murmuré tout bas : « ne dit-on pas ‘malheureux comme les pierres’ ».

-Et voilà, ça recommence.

 

Hein quoi, mais !?! Non, fichtre ! Etait-ce possible ?

 

-Et maintenant, vous allez embrayer sur le cœur de pierre. Je me trompe ?

 

-Oh, ben ça alors ! Ainsi, tu as vraiment une âme ?

 

- Ben oui et j’ai même un cœur, un cœur de choux à la crème d’amandes et de pistaches, mais mon petit cœur, il ne sert à pas grand chose, j’existe pour presque personne, il n’y a que le petit poisson qui vient me taquiner à l’occasion et puis…

 

Oh, avez-vous déjà entendu une pierre soupirer, c’est d’une tristesse à fendre les dolmens.

 

-Tu veux que je dépose près de toi, un autre rocher ?

 

-Oh, non, moi ce que je voudrais, c’est avoir un manteau de mousse qui me recouvre et me tienne chaud l’hiver. Un manteau pour moi et un matelas pour la fée qui vient parfois causer avec moi.

 

-Une fée ? Il y a une fée dans mon jardin ?

 

-Oh, oui, une toute mignonne, avec des ailes en chiffon et une robe en papier. Elle aime bien ma conversation, mais elle reste toujours un trop bref instant. Elle ne peut pas se poser sur mes arrêtes saillantes. Vous comprenez ? Ses petites ailes toutes molles ne la supportent pas bien longtemps et quand elle se pose à terre, je ne l’entends plus : j’ai les oreilles sur le dessus du caillou et sa voix est toute petite. J’attends, j’attends et ça fait bientôt dix ans que je me prive de mon plus grand bonheur : rouler. La nuit quand toutes les pierres du jardin se mettent à faire des pirouettes et des cavalcades, je reste stoïque et je ne bouge pas d’un quartz. Comme ça, un jour, j’amasserai la mousse et elle viendra se poser et converser sur moi…

 

La patience est une grande qualité presque toujours récompensée, mais des fois, les choses parviennent trop tard, l’avez-vous remarqué ? Alors, pour éviter que pareil drame n’arrive,  j’ai arpenté tous les coins de mon jardin pour récolter de quoi coudre une parure moussue et l’enfiler à ma petite pierre, en prenant bien soin de ne pas recouvrir les oreilles au dessus. La pierre a frissonné de joie.

 

Depuis ce temps là, la fée vient prendre sa rosée du matin et discuter avec son ami le rocher. On entend les murmures de leurs voix s’élever parfois jusqu’à la tombée de la nuit et quand elle part, la petite pierre chante pour accompagner son vol et rester avec elle, encore un instant…

26 septembre 2009

La complainte du « Sacateb » (Teb)

(sur l’air de « Le Chanteur – Daniel Balavoine »)

J’me présente, j’m’appell « Sacateb » 

J’vais vous dir’, c’qu’ell m’fait avaler… Sans pitié ….

L’est sympa, ell’m’emmèn’ partout

Mais parfois j’suis bien fatigué

Car voilà… elle ne sait pas se séparer des choses …

 

J’suis l’sac à main, j’garde tous ses p’tits secrets

Mais faut pas dir’, que j’vous raconte tout ça, non faut pas.. hein !!

J’pince les doigts d’tous les indiscrets

Et j’coince les fermetures éclair

Pour protéger toutes ces p’tit’s choses qui sont rien qu’à elle !!!

 

Et partout dans les poches…

Porte feuille, agenda

Crème de soin, sudoku

Quelques jolis crayons

Le p’tit cal’pin pour les grandes idées …

Voisinent avec, les chéquiers…

 

Dans la poch de devant

Les clés d’ses assoc

Et encore des crayons,

Et puis, au fond, bien à l’abri

L’APN qu’elle ne quitte pas, Et ses piles…

 

Oui mais moi j’suis bien fatigué

Faudrait quand même pas abuser, J’suis trop plein ….

Comme si elle avait b’soin d’tout ça !!!

Y’a plein d’trucs qui lui servent pas

Oui mais trier, ça elle veut pas, quel mulet !!!

26 septembre 2009

Objet (Martine27)

Dans le lave-vaisselle un couteau et une fourchette taillent le bout de gras.

"Si tu savais ce que j'en ai marre de couper de la barbaque morte, d'étaler du beurre, de couper du pain !" s'exclame le couteau.

"Et moi, piquer dans la même bidoche, pelleter la purée ou les petits pois, ras le bol aussi" réplique la fourchette.

"Remarque des fois j'arrive à déraper quand je m'attaque au pain et là, paf je coupe autre chose que de l'inerte" soupire le couteau avec bonheur.

"Moi j'ai plus de mal, éventuellement quant elle fait la vaisselle à la main, j'arrive parfois à la piquer mais c'est pas évident" regrette la fourchette.

Les deux ustensiles restent un moment silencieux, jettent un coup d'œil autour d'eux, la vaisselle qui les entoure reste paisible et paraît ne pas s'occuper de leur conversation.

"Tu sais" reprend le couteau dans un murmure "parfois je rêve de trancher dans de la vraie chair vivante, de sentir le sang gicler sous mes dents, d'entendre autre chose qu'un petit ouille de rien du tout".

"Oh oui" réplique la fourchette "m'enfoncer dans un oeil, dans un sein tendre ou dans un ventre bedonnant, que ce serait bon !"

Toujours sur un mode confidentiel le couteau précise "J'ai entendu dire que certains d'entre nous, surtout les couteaux, arrivent à influencer, voire même à rendre fou celui qui le tient et ils se lancent dans des massacres délicieux. Ni vu, ni connu et c'est l'humain qui est accusé. Bien sûr après ils se retrouvent aussi enfermés dans des sacs mais quel moment de gloire quand même !"

"Arrête, tu me fais saliver !" soupire la fourchette.

Après un moment à soupirer de nostalgie ils se tournent l'un vers l'autre et s'exclament en chœur

"Et si on essayait ?"

Au même moment, une voix venue de nulle part retentit.

"Nous, grand dieu de la vaisselle, ne pouvons vous autoriser à dévier de votre rôle subalterne de petit découpeur et de petite piqueuse, nous nous voyons dans l'obligation de vous éradiquer avant que vous ne perpétriez l'impensable et nous mettiez tous en danger !"

Un grand silence s'empare du lave-vaisselle.

"Tiens" s'exclame l'humaine qui règne sur la cuisine en ouvrant son lave-vaisselle "Que s'est-il passé ? Mon couteau et ma fourchette préférés sont tout abîmés !"

Et elle sort un couteau édenté et une fourchette complètement tordue.

"Tant pis, direction la poubelle"

Amis humains faîtes attention au petit peuple de votre cuisine, sait-on jamais ce qui peut lui passer par la tête !

26 septembre 2009

Toutes les nuits (Val)

Je dors avec elle toutes les nuits. Même son mari n’a pas ce privilège. Chaque soir, c’est le même rituel : elle s’étend sur moi, se blottit tout près, tout près, m’entoure de ses deux bras nus, et sa joue vient se coller à mon corps.
Je suis le compagnon de toutes ses nuits. Ou presque. Elle m’a choisi imposant exprès, mes dimensions la rassurent.  Elle dort nue, et j’épouse à chaque fois sa poitrine à la perfection, sans la sangler… je suis si doux…
Je suis le garant de l’équilibre de ses nuits. Quand elle est triste, elle me sert fort jusqu’à me déformer, et j’absorbe ses larmes en silence. Je respecte son chagrin, j’en bois les perles salées sans rien dire. C’est un pacte de retenue et de pudeur, que l’on a signé.
Je suis le spectateur impuissant de ses rages et de ses insomnies. En ami bienveillant et compréhensif. Je la laisse me malmener autant qu’elle en éprouve le besoin, me pincer un peu, me mordre parfois, me secouer souvent, me jeter avec fureur. J’aime autant qu’elle passe ses nerfs sur moi, je ne crains rien, je suis habitué. Tout lui est pardonné.
Je suis un voyeur discret et muet, le plus fidèle auditeur de ses soupirs de plaisir. Je suis un jaloux, je l’aime farouchement, et j’en tire une satisfaction orgueilleuse, je l’avoue, lorsque c’est moi plutôt que Lui qu’elle agrippe, dans l’abandon de ces moments-là…
Je suis un peu elle. Mes sens ne sont éveillés que pour elle.  Je suis imbibé de tous ses parfums. Je connais l’odeur légère de son shampoing, celle, plus forte, de son eau de toilette, le parfum un peu passé de son déodorant, celui, plus discret, de sa crème de nuit. Je connais le goût de ses larmes, celui de sa sueur, le souffle de son haleine.
Je mesure la qualité de son sommeil au rythme de sa respiration, et les battements de son cœur, qui résonnent en mon intérieur, me disent si elle est bien ou non.
Je suis son docteur. Elle me fait toute confiance. Elle jure que je suis son meilleur remède contre la migraine, elle ne m’échangera pas.
Oh, parfois elle m’est infidèle. Elle découche à l’occasion. Si le séjour est court elle ne m’emmène pas. Qu’importe, je ne suis pas inquiet, elle revient toujours. Et puis, avec les autres, ce n’est pas pareil, ils ne partagent pas la même intimité, ils ne la connaissent qu’en surface. J’ai vu comment elle faisait… ailleurs, elle dort vêtue. Il n’y a que sur moi qu’elle s’endort nue. Je suis son préféré, je l’ai toujours su.

Non, je ne suis pas un vulgaire objet. J’ai un cœur… même s’il est en plumes d’oie.

26 septembre 2009

PORTE-BONHEUR (Joye)

C’était un samedi, le 26 septembre, lorsque j’ai vu ces deux bambins pour la première fois. Lui, barbu, frisé ; elle, cheveux blonds et longs, lunettes, le sourire en permanence. Tous les deux aux yeux bleus, c’est quand même assez rare dans un couple…

J’ignore combien de temps j’avais passé sous le verre chez ce bijoutier à Shenandoah, mais du moment où je les ai vus, je savais que moi et ma compagne rentreraient avec eux. Ils étaient adorables, ces deux. Ne voulant pas prendre trop hâtivement la décision, ils ont tout étudié, longtemps. Elle avait tout essayé, ce n’était pas une question de fric, mais juste ma simplicité tout courte qui l’attirait.

Après trois heures, ils sont partis. Sans achat. Mais je savais qu’ils reviendraient, et j’avais raison. Et ils nous ont choisies, moi et ma compagne. Et puis une autre, plus large, pour lui, le frisé aux beaux yeux bleus.

Elle n’a rien dit à ses copains, mais c’était son ami bibliothécaire le premier à voir ma compagne sur son annulaire et j’ai bien ri, parce qu’il paraît qu’il a crié comme une fille quand il l’a vue.  Moi, j’ai passé l’hiver en solitude, mais j’ai enfin rejoint ma copine un soir d’avril.

Cela fera bientôt vingt-huit ans que je ne quitte plus son doigt. Ma compagne a pris sa retraite, je sais où elle est, mais je ne la vois presque jamais. Je ne lui ai pas dit que la blonde n’avait jamais vraiment voulu d’elle, ce serait les blesser inutilement, ma copine et son diamant. Mais elle s’amuse à côté de l’autre car il est trop dangereux pour le barbu de le porter lorsqu’il travaille.

Quant à ma blonde, on a vécu bien des moments. Mais je ne l’ai fait pleurer qu’une seule fois.

Ce matin-là, elle faisait du pain, et pour bien pétrir sans me salir, elle m’a ôtée. Et puis elle m’a perdue et ne pouvait plus me retrouver. Qu’est-ce qu’elle a pleuré, cette petite ! Elle s’est jetée au bras du frisé, inconsolable. Mais quand il lui a dit de retracer ses pas, elle m’a retrouvée dans le jardin à côté de la véranda où elle avait secoué un torchon recouvert de farine. Moi, j’ai profité de ma sieste interrompue pour me promener dans l’herbe, mais le soleil m’a décelée, je brillais pour lui aussi, et, trahie, mais heureuse des retrouvailles, j’ai été vite remise à ma place.

Depuis, on travaille, on joue, on dort ensemble. Oui, on a dû se séparer pour quelques séjours à l’hosto, mais c’était le règlement, pas son idée à elle.

Tiens, ce samedi, c’est encore un samedi, 26 septembre…

J’avoue que je n’ai pas vu passer le temps.

26 septembre 2009

Post mortem (Papistache)

Quand l'ordinateur de Monsieur Louis rendit l'âme, le brave homme crut qu'il s'en accommoderait. Il se trompait.

La sienne, d'âme, s'était si étroitement mêlée à celle de la machine qu'il perdit en moins de vingt-quatre heures le goût à l'existence.

Au matin du second jour, son épouse le trouva pendu par le câble d'alimentation du PC à un barreau de l'escalier.

La bonne femme crut qu'elle ne se remettrait jamais du suicide de son compagnon. Elle se trompait. Un jeune parent qui s'était déplacé pour la crémation de son aïeul explora les entrailles de l'ordinateur et au prix de quelques incantations païennes lui rendit souffle et vie.

Il appela sa grand-tante qui découvrit que son époux avait gravé, sur le disque dur de l'outil, une profusion de pages qui, toutes, chantaient l'amour. Elle se fit expliquer l'art d'accéder aux secrets du dérisoire boîtier ; son mari, tout entier, s'y tenait : il l'attendait.

26 septembre 2009

Objets inanimés avez-vous donc une âme-sœur ? (Poupoune)

Assez paradoxalement, je ne me suis jamais senti plus utile que depuis que je suis ici, sur cette étagère poussiéreuse dans l’obscurité d’une cave humide.

 

Il faut dire qu’avant d’être arraché à mon milieu naturel et entreposé ainsi, j’étais affreusement seul. J’évoluais dans un environnement froid et sans surprise. Si la possibilité m’en avait été donnée, je n’aurais ressenti que douleur, regrets, remords et frustration. Mais même ça m’était interdit. J’étais ignoré, étouffé, relégué à un rôle très secondaire et purement mécanique.

 

Mais avec elle tout a changé. Avant même qu’elle ne s’empare enfin de moi, je sentais bien déjà qu’elle cherchait à toutes forces à me donner l’âme qu’il m’avait volée, la beauté qu’il m’interdisait, la place qui me revenait. Elle s’est confiée et offerte à moi bien avant de me posséder. C’était insupportable pour moi de ne pouvoir lui témoigner en retour ne serait-ce que ma gratitude, à défaut d’un amour égal au sien. Tout ça à cause de lui, qui restait désespérément incapable de me laisser m’exprimer et de m’entendre.

 

Jusqu’au jour où enfin elle m’a arraché à son emprise. Elle s’est alors occupée de moi avec soin, apaisée de pouvoir m’aimer comme elle l’entendait, sans avoir plus à se trouver confrontée à la froideur et l’incompréhension de mon ancien propriétaire.

 

Pour moi, ce fut une libération. D’autres m’ont rejoint sur cette étagère depuis et chaque nouvel arrivant est l’occasion de ce que j’appelle la cérémonie. Elle est toujours très agitée, troublée, nerveuse quand elle prépare le nouveau en silence. Une fois prêt, elle nous descend tous de l’étagère, qu’elle nettoie soigneusement. Elle lave ensuite un à un nos bocaux et c’est là qu’elle commence à se calmer en nous parlant. Elle se confie à mesure qu’elle nous repose sur nos rayons, propres, brillants et plus beaux de cet amour qu’elle nous donne.

 

Nous lui répondons, elle sait nous entendre et lorsque le dernier a trouvé sa place, elle semble enfin sereine et rassurée.

 

C’est beau une femme qui écoute son cœur. Elle, qui écoute non seulement le sien, mais aussi tous ceux qu’elle conserve précieusement ici, resplendit littéralement.

 

26 septembre 2009

MUTATIS MUTANDIS (Jo Centrifuge)

Le plantureux postérieur de Madame Irma, médium de son état, appuya fermement sur l'assise.

Malgré le poids, Monsieur Fauteuil en aurait battu des accoudoirs tellement sa joie était grande.

Bien entendu, ces trois petits morveux de tabourets de bar qui lui faisaient face depuis bien trop longtemps pouffaient de la situation, mais qu'importait. Un être apte à écouter se présentait enfin à Monsieur Fauteuil. Il était bien résolu à saisir sa chance même s'il fallait essuyer les pitreries des petits dégénérés.

"Je sens une présence dans ce garage." dit Mafame Irma à son auditoire inquiet, "un esprit plein de tristesse."

"Elle m'entend" se réjouit Monsieur Fauteuil. Il se concentra alors autant qu'il put et se prit à relater, comme une prière son triste destin.

Il se revit, jeune homme de bonne facture, dans l'échoppe d'un menuisier, sa douce Eloïse à ses côtés. Ils étaient si beaux tous deux, vêtus d'un velours carmin surpiqué de clou de cuivre, qu'un notaire les acheta un bon prix pour y assoir sa clientèle.

Dans le feutre de l'étude, on discutait, presque en chuchotant, histoires familiales, affaires immobilières, successions et code civil.
Durant ces années bénies Eloïse resplendissait à ses côtés et il emeurait fasciné par l'intelligence et la subtilité avec laquelle elle savait commenter les affaires du moment. Ils demeurèrent longtemps ainsi, s'émerveillant chaque jour de leur bonheur.

Parfois, la nuit venue, ils assistaient en retenant leur souffle aux affres notariales : les veuves épleurées, les secrétaires et même une fois un jeune clerc. Monsieur Fauteuil se délectait de l'air mutin qu'arborait toujours Eloïse en pareille occasion. D'abord un peu gênés par ces démonstrations, ils exorcisaient bien vite leur embarras par de grands éclats de rire.

Oui, vraiment, ils auraient pu vivre ainsi jusqu'à la fin des temps. Mais il vint ce jour terrible où un rugbyman déshérité saisit vivement la pauvre Eloïse et, de colère, la fracassa sur le bureau de l'étude.
La suite est d'une bien triste banalité. A une immense douleur on ajouta le bannissement. Puisque seul désormais, Monsieur Fauteuil fut d'abord relégué à la salle d'attente. Puis, le temps et les modes passèrent et on le confia à un brocanteur. C'est ainsi que, dans ce garage, un bricoleur en manque de courage l'oublia là.

Madame Irma se leva subitement : "Cet esprit est la victime d'un meurtre affreux. Il crie vengeance !"

Bien sûr, madame Irma n'était qu'une pythie de vogue. Elle n'avait rien entendu de la triste histoire de Monsieur Fauteuil. Ce dernier était accablé par la déception.

De leur côté, les tabourets de bar se déchaînaient :
- Eh ! Louis Philippe ! T'as fini ton rêve ?
- Ouah, l'guindé ! Tu croyais quoi en radotant tes vieilles histoires à c'tte folle ?
- Eh les gars ! Visez sa tronche !

C'en était trop et l'incroyable arriva.

Poussé à bout Monsieur Fauteuil se mit à agiter ses vieux pieds vermoulus. Dans sa fureur il prit en chasse tous ces fâcheux et chacun, tabourets de bar, voyant et consorts se retrouvèrent, morts de frousse, chassés avec fracas hors du garage.

26 septembre 2009

Ce qui s'appelle meubler la conversation (Sebarjo)

Hier soir, je me suis assis pour dîner, seul face au mur. Blanc.

 

Noir.

 

Un silence étouffant et écrasant régnait en maître lorsque soudain, celui-ci fut réduit en miettes. Par mon assiette.

En effet, celle-ci me mit à parler, me recommandant de manger bien vite car les macaronis au ketchup qu'elle portait en son creux, l'alourdissaient. Elle s'est plainte quelques instants encore, mais bien vite a stoppé toute conversation, se rendant sans doute compte que je n'étais pas...

dans mon assiette.

Les couverts, craignant peut-être mon coup de fourchette légendaire, ont préféré se taire et, pour ne plus me voir, louchaient vers le mur. Blanc.

 

Noir.

 

Ils voulaient ne pas me mettre le couteau sous la gorge et éviter surtout de devoir me ramasser à la petite cuillère. Je restais calme. Stoïque, ni hic ni coup de torchon. La vaisselle passerait encore une fois la nuit au fond de l'évier en inox terni, baignant dans un fond d'eau stagnante.

 

Mais le silence devenait si lourd que cette fois-ci c'est moi qui me mis à converser. Avec ma table. Elle nappe a... Non, elle n'a pas réagi de suite. Finalement, elle m'a répondu et voyant que j'avais le c.. entre deux chaises, elle me demanda de tout déballer. En somme, elle me demandait de passer...

à table. Comme je décidais de ne rien dévoiler de mon spleen, habitué à être mis au ban(c) de la société, je me levai, préférant quitter le siège. Et tombai, me cognant la tête contre les murs. Blancs.

 

Noir.

 

Le tabouret s'exclama, se foutant de moi : « t'es bourré, t'es bourré !!! »

Je me relevai et m'assis sur un fauteuil, pensant retrouver un peu de réconfort. Hélas, j'avais laissé traîner ici même, se retrouvant alors sous mon saillant seyant, un vieux coussin péteur délaissé par mon petit cousin. Il s'exprima vivement. A sa façon. Mais ses élucubrations ne méritent pas d'être retranscrites dans ce récit. Pétant les plombs, pris de colère, Je l'envoyai valser vers les cannes à pets, appelés également, banquette ou sofa.

 

Finalement, je décidai d'aller me coucher ne voyant pas de meilleure chose à faire.

 

Je m'endormis bien vite. Mon lit voulut me raconter sa vie mais voyant mon état de fatigue se contenta de rester à mon chevet et, me voyant dans de beaux draps, me berça jusque dans les bras de Morphée.

 

Le lendemain, je m'éveillai en sursaut me dressant soudainement, face à mon dressing. Cette espèce d'armoire à glace ne me faisait pas peur. Elle voulait m'intimider mais je lui montrai bien vite que je n'étais pas commode non plus. Je ne voulais plus rester parqué ici, aussi me levant du bon pied, je débarassai bien vite le plancher. Je ne voulais plus faire partie des meubles . Ainsi, ils verraient que j'en avais dans le buffet en les abandonnant à leurs palabres ridicules et farfelues !

 

Et puis de toute façon mes potes m'attendaient au bahut. Quittant la table, je pris mon cartable.

26 septembre 2009

Qui ? (Stipe)

Qui, plus que moi, sait son intimité ?

Qui, moins que moi, n'a été respecté ?

Croyez bien que j'en ai vu des vertes et des bien mûres

Croyez bien que j'étais là quand il avait ses coups durs

Il m'a trimballé partout, et surtout ailleurs

Il m'a trimballé jusqu'à des pas d'heures

L'été, il n'avait d'autres que moi

L'été, je dissimulais mal ses émois

Et l'hiver, même malade, je l'ai caché

Et l'hiver, je lui apportais la chaleur camouflée

Oh, pour d'autres il m'a bien changé

Oh, sur d'autres il s'est déchargé

Mais toujours j'ai été son favori

Mais toujours j'ai porté ses outils

Combien de fois, pour une fille, il m'a jeté ?

Combien de fois, pour un fantasme, il m'a souillé ?

Avec lui, toujours on a fait la paire

Sans moi, toujours il a fait son affaire.

Je l'ai vu descendre en rappel

Je l'ai vu prendre des râteaux, des pelles

De Superman, je porte le sceau

De Superman, je donne l'air faux

Des strips comic du super héros

Des strips comiques du super zéro

Peut-être vous, m'avez déjà vu

Peut-être vous, vous êtes souvenu

Si le hasard, sur votre chemin m'échoit

Si le hasard, s'il vous plait enlevez-moi

C'est pas une vie que d'être un caleçon

C'est pas une vie de l'être de ce garçon

 

26 septembre 2009

Foyez en paix (tiniak)

Sur la table en noyer
finement marqueté
la tasse en grès anglais
nargue le mazagran
près de sa tisanière
qui ne fait plus la fière
- elle est bien trop vidée

Aux flancs du canapé
couvrant des coussinets
en toiles ouvragées
et cousues de fil blanc
la cascade d'un châle
semble pousser un râle
- peut-être le dernier ?

Un orage est passé
délaissant le parquet
pour le sol carrelé
au damier noir et blanc
puis l'épaisse moquette
où pleure une chaussette
- privée de sa moitié

Dans leur paix retrouvée
les bibelots sonnés
ont fini de trembler
et de claquer des dents
sur la bibliothèque
et les meubles en teck
- c'est enfin la journée !

ils sont partis, les agités.

26 septembre 2009

Grave et non transpositeur… (Zigmund)

basson

Je suis beau,  grand, sombre et rare, à tel point que je  soupçonne   Zigmund, mon maitre de m’avoir  choisi, plus pour flatter son ego, que par véritable amour. Déjà quand il m’a acheté à Edwige, une vraie professionnelle,  il a avoué sans honte qu’il travaillait peu, qu’il était flemmard, et que finalement il allait m’offrir une belle retraite…
Passent les jours et les semaines où je reste puni,  enfermé dans ma boite. Parfois, il me sort de ma prison, et prend le temps de me monter : grande branche, petite branche sont insérés dans  le morceau inférieur, puis installation du bocal et du pavillon. Quand tout est prêt, il me fixe au collier,  pose  une  l’anche  amoureusement choisie  dans une boite, après  en avoir tiré un son hideux aigu qui fait sursauter tout le monde (il dit que c’est son moyen personnel de savoir  si l’anche lui convient).
Parfois il me regarde avec un air coupable et  caresse en rêvant  mes clefs couleur d’argent  et mon corps  de palissandre. Coupable il l’est, c’est une évidence, il n’en fout pas une ramée et quand arrive le jour de son cours,  il trouve des excuses toujours différentes  pour justifier son niveau lamentable  auprès de son professeur consterné.
De nos vingt ans de  vie commune, je garde, néanmoins  quelques bons souvenirs : quand il a arrêté de fumer, plutôt de s’exciter sur un punching ball, il s’est mis à travailler à chaque fois qu’il avait envie d’une clope… (Et il était souvent en manque !) Et puis cette promesse  toujours tenue, de ne jamais m’abandonner dans une voiture… du coup, il m’emmenait partout avec lui, même sur les plages naturistes de Bretagne.
Le temps a passé, je trône, unique dans l’orchestre, à l’extrême gauche le plus souvent, proche de mes copains les violoncelles qui doublent ma partition pour camoufler les couacs de Zigmund. Vous  verriez comme il se pavane, quand il  entre dans la salle de concert, en me tenant  comme un fusil sur son épaule, et qu’il  rejoint son pupitre*, fier** devant les spectateurs (lesquels chuchotent : « c’est quoi cet instrument ? »)…pourtant il devrait avoir honte, tout juste capable d’aligner quelques noires, s’étouffant à la moindre série de doubles croches, et prêt à m’accuser de ses nombreux canards.

bassoon

On ne me verra plus jamais briller dans Pierre et le Loup (dans le rôle du grand père), ni dans l’apprenti sorcier, et encore moins dans le concerto de Vivaldi, néanmoins, ce piètre musicien a tenu sa promesse de retraite calme et finalement heureuse,  je sers de   camouflage aux chats sur le fauteuil du salon où j’aime à intriguer les visiteurs en attendant qu’il se décide à travailler.

  (* « Pupitre fait de la résistance »
** « fier comme un petit banc »,
sont les calembours préférés de mon maitre)

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Le défi du samedi
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