Sont restés Zen sur leur tatami
Laura ; Vegas sur sarthe ; Pascal ; Venise ; Kate ;
Sarah ; tiniak ; Ghislaine53 ; maryline18 ; Walrus ;
JAK ; bongopinot ; Joe Krapov ; joye ;
L’Origami (Kate)
Avec votre (aimable) collaboration puisque ce texte ci-dessous s’entend sur la musique de la chanson de Christophe « Les marionnettes ».
Excuse-moi Christophe d’avoir mis d’autres paroles mais cela relève de la tyrannie de l’ « inspiration » (un bien grand mot) et ses lois prennent des chemins qu’il faut parfois expliciter (un tant soit peu)…
Christophe "Les marionnettes" (live officiel) | Archive INA
Moi à Paris
J’ai un restaurant
Sa carte se dépliant
L’Origami
Kakemono
Soupe miso sushi
Tofu bento
Saveurs umami
Algues nori
Thon sashimi
Riz au curry
Akinori
Asayoshi
Thé genmaicha
Ou thé matcha…
Moi à Tokyo
J’ai un restaurant
Sa carte se dépliant
La Tour Eiffel…
Moi fabriquer
Poupées kokeshi
Avec du bois de cerisier…
(collection personnelle)
Participation de Sarah
"J'aurais voulu être un oiseau aux grandes ailes de plumes noires de jais. J'aurais aimé voler de branches en branches, profiter d'une liberté jamais limitée. J'aurais voulu sentir le vent, la pluie, le soleil et tous les éléments. J'aurais aimé chanter dès le soleil levé. J'aurais rêvé de construire un nid douillet et d'y déposer ma famille tant aimée. J'aurais aimé aller par monts et par vaux, survoler rivières et ruisseaux, virevolter au gré du vent, me laisser porter vers les océans. J'aurais vécu d'amour et d'eau fraiche, de paysages ensoleillées et de migrations groupées. J'aurais parcouru le monde, et un beau jour, enfin rassasié, je me serais éteint au soleil couchant. Redevenir poussière de la terre.
Mais moi, plus malheureux qu'un oiseau en cage, je ne verrai jamais aucun paysage. Mes milles couleurs ne sont qu'artifices et cachent un coeur froid et factice. En moi, je suis tout replié, jamais je ne me déploie pour m'envoler. Ma gorge est serrée et aucune note ne sort de mon bec cloué. Et j'ai mal de mes ailes pliées et pincées, dépliées et repliées. Je ne suis pas né de mon nid douillet et je n'y couvrirai jamais mes petits. Je suis né de mains expertes, agiles, fières de me faire, moi, oiseau de misère. Jamais je ne volerai, attaché à mon fil doré. Je suis une belle chose, qu'on admire... et entre leurs mains, ils me défont, je disparais. Ils m'ouvrent les entrailles pour observer mes moindres traits. Un mauvais pli et me voilà défiguré. Je reste amer quand je les vois faire un double de moi, un autre malheureux, un être inexistant. De plus en plus vite, ils me font et me défont, montrent leur talent au plus offrant. Et moi, moi je souffre de mes pliures. Mes ailes sont toutes endommagées... mes ailes de papier... Je ne m'éteins pas, je me déchire dans un cri de papier. Je finis en miettes, un déchet. Je n'étais qu'un origami, un oiseau de plis."
Origami honey (tiniak)
J-13, guéridon 8
Deux ans que je fréquente ce bar de quartier, dont l’ambiance familiale anime un public éclectique. Aux temps froids, je m’installe à ce guéridon dans un coin de la salle du fond, devant un verre de Chablis, de Cheverny ou de Mâcon, mon carnet de poèmes ouvert sous la main, avec vue sur le zinc et l’oreille aux aguets.
Ce jour-là, une nouvelle tête prit place au comptoir, au bout à droite. Plutôt jeune – disons, la trentaine, une silhouette féminine agréablement proportionnée habillée avec soin, une coiffure complexe encadrant un visage où persistait une rondeur enfantine; elle s’exprima avec discrétion pour passer commande et demander le quotidien local mis à la disposition de la clientèle. Dans son recoin, elle s’attela à composer le sudoku du jour. Une oie blanche dans l’agitation bruyante et familière des habitués qui l’observaient du coin de l’œil.
J-6, comptoir
Le printemps tarde, bien que l’on soit déjà passé à l’heure d’été depuis dix jours.
La « nouvelle » se révèle plus ouverte, pimpante et rigolote qu’il ne m’avait semblé. C’est la quatrième fois qu’elle vient. Nous nous sommes rapprochés autour du canard quotidien. A elle, le sudoku, à nous (Abel, un joyeux drille de retraité et moi-même) les mots fléchés, les mots croisés étant plutôt mon pré carré.
Nous sympathisons. Elle se prénomme Rébecca.
J-4, guéridon 16
Malgré un petit vent d’est un brin mordant, je m’installe en terrasse. Je suis fumeur, c’est pus commode. Rébecca m’y rejoins avec son tango-fraise, occupe l’autre chaise. Nous devisons. Cariste de son état, elle n’est pas dénuée d’un humour assez hommasse, goûte la blague salasse et lâche des éclats de rire spontanés, tonitruants, aux accents graves, l’œil coquin, la canine acérée. Rock’n’Roll, la poulette !
Ce soir, c’est vendredi. C’est « ma soirée ». J’anime le bar autour d’une sélection thématique de clips vidéos musicaux ou comiques. A cette occasion, le bar ferme plus tard. A dix heures, nous décidons, elle et moi, de prolonger la fête en ville.
Nous finissons la nuit chez elle, en toute amitié, échangeant des titres de pop music, de punk, de rap, même de musette – Rébecca ne buvait pas que du tango, elle le dansait aussi. Je la quitte en milieu de matinée après lui avoir rendu un petit service tandis que nous prenions un copieux petit déjeuner. Somme toute, elle n’était guère plus âgée que ma fille aînée. Sur sa table, dans un papier qu’elle a plié façon origami (un gallinacé !), j’ai laissé mon numéro de téléphone.
Jour-J, commissariat, salle d’audition 4
Dégoûté, fatigué, étourdi, tout à la fois, je signe ma déposition.
Le capitaine me dit, en manière de consolation, je suppose : « vous savez, M. Filoqueur, grâce à vous, nous aurons au moins la satisfaction d’avoir mis fin à ces arnaques en série ». La belle affaire ! En attendant, me voilà déplumé comme un canard à l’orange, moi ! Moi qui ai eu l’imprudence de payer un billet de train à Rébecca, pour « rejoindre (sa) mère malade, ce week-end », avec ma carte… sur son ordi…
Le lendemain, soit hier, dimanche à midi, je constatais avec stupeur que mon compte avait été proprement nettoyé ! « Filée » et « logée », mon Oie Blanche avait été prise en flag par la Brigade des Fraudes.
Dans la rue, je charge une play-list aléatoire pour regagner mon logis en me changeant les idées. Je t’en fiche ! Le premier titre qui déboule entre mes oreilles martèle : « Gimme all your money, and I’ll make some origami honey »… Le couac !!
L'Origami pour les Nuls (Vegas sur sarthe)
O rientez une feuille A5 de manière à ce que la droite passant par l'angle supérieur droit et l'angle inférieur gauche soit orienté sur un axe Paris-Shanghai.
Attention: si votre feuille A5 n'a pas d'angles, changez de feuille.
Conseil: La couleur de la feuille s'accordera au motif à réaliser (vert pour une souris, rose pour un éléphant, écossais pour un monstre du Loch Ness, et-cetera pour un et-cetera, etc...)
R epliez bord à bord les bords opposés soit environ 4 bords pour une feuille A5.
Remarque: si votre feuille A5 n'a pas de bords, essayez avec une feuille A4
I nversez les bords: un bord du centre devient bord d'aile et vice-versa.
Remarque: si votre feuille A5 n'a pas de vice-versa, retournez là recto-verso ou verso-recto
G rattouillez chaque pli afin d'éliminer les faux-plis. Si vous Frattouillez au lieu de Grattouiller, vous êtes en train de faire un oriFami et non pas un oriGami; dans ce cas, arrêtez tout de suite
A ppliquez 4 plis pétale aplatis suivis de 4 plis pétale pas aplatis puis 2 plis en double oreille de lapin sur la base de la grenouille. Vous y êtes ? Pas moi.
M arquez chaque pli avec votre ongle droit ou gauche selon votre latéralisation ou tout autre ongle (conjoint, descendant, ascendant, oncle ou tiers)
Remarque: Si vous utilisez l'ongle d'un tiers, répéter trois fois l'opération
I nscrire un chiffre de 1 à 8 sur chaque triangle ainsi formé: Bravo ! Vous venez de réaliser une salière ou coin-coin ou pouce-pouce ou pouet-pouet ou "Combien t'en veux?" c'est à dire une cocotte en papier.
"En route" vers la salva... (maryline18)
L'avion venait de nous déposer en forêt amazonienne. Willy nous avait fait grâce de son plus beau sourire, en nous souhaitant un bon séjour. En pilote aguerri, il avait l'habitude de ces trajets, mais restait sur ses gardes. De retour vers Satipo, il lui faudrait, comme toujours, beaucoup de discrétion pour ne pas avoir à en découdre avec les narco-trafiquants, qui eux, en manquaient cruellement. Débarquées en pleine saison des pluies, après avoir survolé la Cordillère de Vilcabamba, il nous restait encore au moins six heures de marche, en terrain souvent escarpé. En proie à tous les dangers de la faune, si riche, de cette salva (forêt) préservée et impénétrable, ou presque...Je suivais Jéromine Pasteur, à la trace. Je posais mes pieds juste après les siens, sensiblement aux mêmes endroits. Dans les sous- bois, mieux valait rester concentrées pour éviter les morsures de serpents. Avec habileé et rapidité, elle fauchait de son outil la végétation dense et m'ouvrait un chemin.
Bientôt, les difficultés se décuplaient, je l'observais. Avec application et par mimétisme, mes mains agrippaient la roche aux mêmes endroits qu'elle. Nous faisions corps avec la montagne qui nous élevait jusqu'à eux...Entrainée depuis plusieurs mois pour préparer ce voyage sportif, à visée humanitaire, j'allais réaliser mon rêve de petite fille : partager le quotidien des Ashanincas. Ma fascination pour ces peuples vivant en parfaite opposition avec le monde des "blancs", c'est-à-dire en privilégiant le groupe à l'individu et respectant la nature nourricière en ne lui prélevant que l'indispensable, m'habitait depuis l'enfance. Nous nous rendions sur le plateau du Tonkare, à 1200 mêtres d'altitude, sur les rives du Cutivireni. La tribu de Shirampari (le chef), nous attendait en compagnie du clan, venu de Parijaro, la deuxième famille de Jéromine, qu'ils nommaient : Chaveta (papillon). Elle les avait préparés à nôtre visite qui était l'occasion de répertorier le nombre d'enfants et d'en vérifier la bonne santé. Dans mon sac à dos, en plus de ma trousse d'urgence contenant l'anti venin, (indispensable, face à une éventuelle morsure de serpent), des feuilles de papier attendaient d'être pliées. Est-ce que je parviendrais à organiser cette pause créative, sans doute saugrenue à leurs yeux et qui porte le non : d'origami ? J'étais prête à relever le défi !
Un radeau confectionné par Birriti, qui viendrait bientôt à nôtre rencontre, nous attendait à l'endroit prévu. Mon guide n'en était pas à sa première immersion en forêt amazonienne. J'en étais l'admiratrice, chanceuse et confiante. Après avoir traversé le torrent, nous avions fait une courte pause. Chaveta avait sorti de son sac une tunique de couleur brune et me l'avait tendue :
"Cushma, mets-la, tu seras mieux acceptée par nos hôtes !
J'enfilai le vêtement et elle, le sien. Depuis la descente de l'avion, nous parlions peu. Jéromine prenait un tout autre visage, empreint de sérénité. D'autres attitudes semblaient s'imposer très naturellement à elle. Les sens en alerte, son regard scrutait l'alentour et elle humait la bise chargée des odeurs qu'elle retrouvait... presque animale. Je ne l'avais jamais trouvée aussi belle que dans sa cushma. Les quelques mots que j'avais appris en ashaninka allaient me servir maintenant qu'elle reprenait son identité choisie, fille adoptive des Ashanincas. Ses pieds nus, enfoncés dans la glaise, les jambes légèrement écartées, elle avait levé la tête, sa main droite en visière, vers le ciel. Soudain, son visage s'était illuminé d'un large sourire à la vue d'un couple d'aras, sortis bruyamment du faîte d'un arbre, juste devant nous. Ils nous avaient offert leur envol en cadeau de bienvenue !
Jéromine s'imprégnait de toute la force vive de cette nature flamboyante, encore triomphante ici, des hommes et de leur folie. En contrebas, des centaines d'acajous et de cèdres, prisés pour leur bois résistant étaient abattus, sans compter le massacre des hévéas depuis des années, pour produire toujours plus de caoutchouc. L'homme ne s'arrêtera donc jamais... Les indiens qui ont refusé de devenir les esclaves d'exploitants sans vergogne, ont été obligés de s'enfoncer toujours plus loin dans la jungle pour survivre. Leurs premiers ennemis ont pris l'apparence humaines, contrairement à toute logique. Combien de temps résisteront-ils encore face aux pressions qu'ils subissent de la part de notre société si "moderne"! ?
Tout à coup, je m'étais sentie observée et avais dirigé mon regard vers les fougères géantes qui couvraient la totalité de l'humus qui s'étalait sur le sol, aux alentours. Il était là, nous observant peut-être depuis longtemps, et veillant sur nous, l'oeil noir, le sourire rieur ; Enfin, je faisais sa connaîssance : Barriti.
Jéromine avait joué l'indifférence et avait avancé soudainement à grands pas pour prendre de l'avance. Leur jeu m'avait amusé. J'avais alors deviné la tendresse qui les liait. L'homme avait sifflé entre ses mains et s'était rapproché, rapide comme le jaguar. Il s'était adressé à mon amie :
"Aviro !" (Toi) !
"Narobe," (Je suis là), lui avait-elle répondu, sans arrêter sa marche. Il lui avait barré le chemin pour la forcer à le regarder. Les yeux dans les yeux, les paroles étaient devenues superflues, le bonheur était palpable. Elle s'était détournée vers moi et lui avait dit : "Origami !"
Les villageois qui m'attendaient m'avaient déjà donné ce nom et c'était bien ainsi. J'avais hâte de faire la connaissance des femmes de la tribu : Origa, Ira, Matha, Ivitoria, Tilloray et Shama, la guérisseuse qui utilisait les plantes comme lui avaient appris sa mère et sa grand-mère. Nous avions bourré nos sacs de boites de thon, qu'ils appréciaient beaucoup.
L'arrivée au Tonkare s'était faite sans aucune démonstration d'affection. Ce peuple introverti vit le moment présent et n'accorde pas d'importance au passé ni au futur. Jéromine m'avait présenté et nous avions été conviées très naturellement à partager autour du feu, le repas que les femmes avaient préparé. Installées en tailleur, nous avions dégusté une soupe de poisson dans des écuelles de terre cuite, des grenouilles grillées et du manioc. C'est au troisième passage de la calebasse : récipient, remplie de pearentsi, sorte de bière préparée avec les "masato", des pommes-de-terre croquantes et juteuses, machées et recrachées par les femmes dans le chaudron, (la salive aidant à la fermantation), que je me suis réveillée !
Vous imaginez ma déception, moi qui rêvais de m'étendre auprès de Chaveta et de partager sa couverture en attendant le levé du soleil, ou de découvrir la lumière rosée du crépuscule en sortant d'une case au toit de palme et à la litière d'écorces douces ou de feuilles...de m'émerveiller devant les sarato tissés, des heures durant, par ces femmes si courageuses au teint cuivré...mais hélas, "hariokara !" (c'est fini !)
Adieu les toucans, les aras, l'odeur des bûches qui brûlent et qui rassemblent ceux qui luttent, mangent, dorment, devant des flammes dansantes au vent léger, tourbillonnantes et montant en nuées jusqu'aux étoiles par milliers.
Adieu les parties de pêche dans le torrent, les baignades, nue, au pied des cascades...Adieu à tous ces plaisirs simples auxquels tu as pris part, auxquels tu as goûté, Jéromine, et que je n'aurais jamais eu le courage d'approcher, d'aller chercher, aussi loin de nôtre civilisation occidentale ! Bravo à toi que rien de prédestinait a cette vie d'aventurière, toi enfant du Jura et surtout merci pour ton livre qui m'a fait rêver et que je viens de découvrir !
Au patronage par bongopinot
L’hiver, les jeudis après-midi
Avec les enfants du voisinage
On allait faire des jeux entre amis
On se retrouvait donc au patronage
Qui se trouvait dans un ancien garage
Il y avait une multitude d’activités
Peinture lecture écriture dessin pliage
Jeu de fléchettes et jeu de société
Et c’était souvent après le goûter
Que l’on se retrouvait pour faire des origamis
On n’était pas toujours très doués
Pour faire des chats et des petites souris
Certains perdaient patience
D'autres essayaient de s’appliquer
Il régnait un drôle de silence
Et parfois quelques enfants s’endormaient
Voilà comment se passaient nos Jeudis
Mais quand arrivaient les beaux jours
Fini le patronage et les origamis
Place aux jeux en plein air et aux balades dans le bourg
Origami (Laura)
Origami, de oru, « plier », et kami,
« Papier »,du chinois zhézhǐ ,
"Pliage de papier[1]", l'origami
Est japonais comme le jiǎnzhǐ ,
"Papier découpé" et le chiyogami,
L'ensemble des arts du pliage, le bushi
Est celui qui doit maîtriser l'origami.
Pour ma part, mes amis
Je ne maîtrise pas l'origami
Juste un peu le shifumi.
Comme toujours, j'ai mal dormi
Et je sens comme des fourmis
Dans mes mains, mes ennemies
Alors pour moi, l'origami
Je le fais dans une académie
Imaginaire des mots amis
Et des arts affermis
Je plie les vers en sushi
Les rimes en catimini
Assis sur un tatami
Où je blêmis et frémis
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Origami
ORIGAMI DE Ghilaine53
Tu as beaucoup d'oriblogamis comme ça dans tes petits papiers ? (Joe Krapov)
Je trouve que l’on devrait aimer davantage le Japon et les Japonais(e)s !
C’est miracle que soient sortis, d’une si petite île, autant de concepts, d’inventions et de merveilles qui donnent à réfléchir à l’humanité toute entière. Citons par exemple :
- L’origami : là où nous autres occidentaux, dès lors qu’on nous donne une feuille de papier, nous nous obstinons à tartiner des phrases qui n’en finissent pas pour fabriquer des livres qui n’en finissent pas de remplir les rayons des bibliothèques, le Japonais plie savamment sa feuille et en fait sortir fleurs, personnages ou animaux qui enchantent le regard et l’âme alors que Marcel Proust par exemple, avec son papier noirci, ne fait rien qu’à énerver les nerfs de notre oncle Walrus. En même temps, c’est vrai, dans « écrivain », il y a « vain » alors que dans « origami » il y a « ami » ;
- Le judo : là où le Gaulois Obélix file un méchant coup de menhir sur la tronche du touriste romain qui suivait son petibonum de chemin pour visiter ce pays étranger où il ne pleut jamais – que des coups ! -, la Bretagne, le Japonais enfile son pyjama de cérémonie (kimono), déroule un tapis rouge pas rouge (tatami) et se lance dans une série de salamalecs gracieux mais compliqués pour exprimer à son hôte (judoka) l’idée « Après vous, je vous en prie, je n’en ferai rien » ;
- Yoko Ono : Il n’y a pas mieux que ce produit japonais pour semer la zizanie dans une bande de mecs qui font de la belle musique ensemble (oltouguézerno). Même quand on la cache sous un drap – le live à Toronto de 1969 – on ne voit et n’entend qu’elle. Yoko Ono, la reine de la caYokophonie !
- Fukushima : cette fabrique de « feux de bengale pour égayer le nouveau monde cher à notre Président » n’est pas sans nous rappeler que nous dansons tous sur un volcan. Bien involontairement, les Japonais nous l’ont déjà signalé par le passé. Ca s’appelait Hiroshima, mon amour, et Nagazaki ne profite jamais (Sttellla) ;
- L’ikebana : dîtes-le avec des fleurs ;
- Le bonzaï : dîtes-le avec des arbres ;
- Le Fujiyama : dîtes-le avec un disque de Léo Ferré qu’ « avec le temps va tout volcan » !
Je m’arrête là. Je pourrais vous parler du manga, du sudoku, du saké, du haïku, du mikado, du pays du soleil levant, de Mishima mais je suis sous l’empire de la décence : je me souviens que l’oncle Walrus est encore à Colmar (en cure d’intoxication au Gewürztraminer) et je ne voudrais pas lui envoyer ma copie ce soir entre 23 et 24 heures. D’autant que mon intention première était juste de vous refourguer cette histoire de judoka français qui fabrique des origamis avec ses adversaires aux abattis aplatis. J’avais livré la version studio en avril. Voici une version enregistrée « en public » dans un café rennais.
N’est-il pas exquis, mon sabir japonais ?
Les avions de papier (Pascal)
Quand mon frère a continué ses études universitaires du côté de Grenoble, je me suis retrouvé tout seul dans la chambre des garçons. Ma chambre ! Mais c’était un véritable terrain de jeux ! Quand je fermais la porte, j’étais chez moi, j’étais dans mon monde…
(C’était défendu de fermer la porte parce que maman n’entendait pas les bêtises…)
Sur le bureau-porte-avions de mon frère, j’avais confectionné des escadrilles entières d’avions de papier ! Les exercices de pliage, c’était en catimini, dans mon hangar de montage ; fusées, planeurs, biplans s’alignaient sur le pont d’envol.
Tous mes cahiers d’école se réduisaient comme peau de chagrin quand je m’employais à leur construction méticuleuse ; d’après mes calculs, ceux qui volaient le mieux avaient leurs feuilles immaculées de toute encre, de toute marge et de tous carreaux, grands ou petits. Avec les doubles-pages, j’en confectionnais des plus grands ; ils étaient mes bombardiers !
Je les avais coloriés dans l’ordre de mes batailles aériennes ; naturellement, cocardes et croix gammées se battaient dans le ciel de ma maison. Parfois, j’en brûlais un pour faire comme s’il avait été touché en plein vol ! J’en froissais d’autres, j’en déchirais aussi ! Je concassais les ailes et les carlingues et c’était des accidents de guerre !...
C’est fou tout ce que l’on peut faire avec un avion en papier. Quand j’en lançais un dans le couloir de l’étage, il planait un instant autour de la grosse ampoule ; après un demi-tour, il s’engouffrait dans les escaliers en rasant les marches, il partait heurter les coins des murs ou il se posait en catastrophe sur les habits des portemanteaux ! Parfois, il disparaissait dans le hall avec des circonvolutions de planeur curieux. Un jour de beau temps ou de courant ascendant, j’en ai même retrouvé un qui avait atterri sur la table de la cuisine ! Autant dire, à dix mille kilomètres du porte-avions de ma chambre !
J’étudiais ses comportements en vol, sa façon de s’incliner ou de piquer du nez, son aisance à planer ou à tourner, ses exécutions acrobatiques ou ses dégringolades de kamikaze. Pour parfaire son vol, je soufflais mon haleine prometteuse sur la pointe de mon avion !
Après l’atterrissage, je le récupérais et je peaufinais mes réglages de traînée et de portance. Ceux qui volaient le plus longtemps avaient la faveur de mes plus beaux coloriages. Je passais des heures à fignoler les plis, les becs, les empennages, les gouvernes. Tout l’après-midi du jeudi ne suffisait pas à mes jeux d’aviateur !
Et la check-list sur la piste d’envol ?!... De la mobylette de mon frère à la voiture de mon père, en passant par le camion des poubelles, j’imitais tous les bruits de moteur que je connaissais ! Au ralenti ou vrombissant, j’exécutais les manœuvres de décollage avec une application millimétrée. Souvent, je le gardais dans la main et nous allions visiter les panoramas de la maison. Aux livres de mon frère, ceux de Saint-Exupéry, sur les étagères, les Courrier sud, Vol de nuit, Pilote de guerre ou Le grand cirque de Clostermann, j’étais le pilote émérite de tous les avions !
Les couvertures tire-bouchonnées du lit, c’étaient des montagnes élevées, des forêts et des campagnes sauvages ; les draps défaits, c’étaient des tempêtes d’écume sur des vagues océanes. Moi, je ronronnais avec mon avion dans la main ; je promenais dans tout l’étage comme si je visitais des paysages. Quand une de mes sœurs me parlait, je devais me poser avant de lui répondre.
On descendait les escaliers ; avec mon avion préféré, je surfais sur les arrondis de la rampe ou je slalomais entre les balustres. Il m’emportait dans des cascades vertigineuses où seuls les bruits de ma voix-moteur répondaient aux échos du couloir. Lampe allumée, c’était le jour, lampe éteinte, c’était la nuit…
Sur les dernières marches, on rasait les manteaux accrochés à la patère. Les bruits des wc, c’était les chutes du Niagara, le carrelage du hall, c’était le désert du Sahara ; pour refaire le plein, je me posais sur la table de la salle à manger. Bien sûr, elle ne devait pas être encombrée par des livres et des journaux ! Sur la pointe des pieds, je me voyais dans le grand miroir. Au-dessus de ma tête, je contemplais mon avion dans une autre perspective de lévitation. Je montais sur une chaise pour l’envoler encore plus haut !
Après quelques passages en rase-mottes, le long du parquet ciré, on allait jusqu’à la fenêtre entrouverte pour regarder le temps du dehors. Entre les doigts, je serrais un peu plus mon petit avion car j’avais toujours peur qu’il lui prenne l’envie de s’envoler pour de bon. Le soleil illuminait son fuselage ; derrière la vitre, il avait plein de reflets tellement difficiles à colorier quand je le rapportais au hangar d’entretien du porte-avions. La tapette dans une main, mon avion dans l’autre, on partait à la chasse aux mouches !...Il fallait voir les poursuites, les piqués, les acrobaties, les tirs en rafales !...
On planait un moment dans la cuisine jusqu’à ce que l’ouragan de maman, en plein repas, me somme de déguerpir de son tablier. Du côté du placard, c’était des senteurs capiteuses de vanille, de réglisse et de cannelle des pays lointains ; au-dessus des casseroles bouillonnantes, c’était des volcans de vapeur chaude ; près de l’évier, on sentait la fraîcheur de la cascade du robinet. On s’échappait en fonçant au garage et je bombardais le chien avec quelques sifflements, quelques gentils coups de pied dans sa niche, quelques caresses appuyées avec ma main libre.
Dans le grand vide de la voiture absente, on survolait la banquise du glacis, on frôlait le portail, comme pour donner l’envie à mon père de rentrer plus tôt, et on repartait à l’aventure du sens inverse. Enfin, après d’autres péripéties de vol, on se posait sur le bureau-porte-avions de ma chambre ; j’avais la bouche fatiguée d’avoir tant ronronné, tant postillonné, tant crié son moteur exalté. Je le garais à côté des autres ou sur les livres de Saint-Exupéry, comme si, moi aussi, j’étais un héros des airs…
Quand mon père rentrait du boulot, j’oubliais mes jeux d’aviateur et je fonçais à sa rencontre. Pourtant, je dévalais les escaliers en écartant les bras ; je volais dans la descente et, j’en suis sûr, je ne touchais plus les marches…
Comment pourrais-je raconter tout cela à mes petits-enfants ? Autant qu’ils le lisent ici, avec ces souvenirs allongés d’encre brodée, quand je ne serai plus là, quand je serai planant dans le Ciel et les étoiles, avec… mon petit avion en papier…
Participation de Venise
Du papier, trois fois rien , de petites mains habiles voilà toute la richesse de l’enfant moine TIHOUBE.
Cet enfant s’ennuie comme tous les enfants de son âge dans ce monastère.
Il n’est devant aucune question existentielle, même la présence de la lune dans le ciel le laisse indifférent.
Il est lui-même toutes les questions du Monde puisqu’il sera le prochain Dalaï-lama.
Nous sommes aux X siècles après Jésus-Christ .
Comment échouer quand on a l’émerveillement au fond de soi ?
TIHOUBE prend les papiers, il est magnifiquement armé d’un sourire , et sa robe pivoine luit dans le soir .
Il n’a jamais été aussi beau dans la poussière du monde, il commence à jouer des pliures des papiers.
Les vieux moines passent devant lui sans le déranger. Qui pourrait déranger celui qui triomphe dans ses rêves éveillés ?
Quelque chose est en train de se passer dans ce monastère, quelqu’un chuchote à l’oreille de l’enfant moine.
Quelqu’un que l’œil humain ne peut percevoir.
Des formes pleines d’ombre surgissent entre ses doigts et une gaité sans objet assaille tout le monastère.
Il va où le monde n’est plus qu’une note de papier il donne vie froisse, défait refait . Les formes s’enchainent, donnent vie, voyagent entre ses petits doigts, toute la bassecour y passe .
TIHOUBE ne rêve pas le monde il le voit dans les pliures du temps, il marche dans le pas des paysans, donne vie à l’oie blanche, la poule , le canard .
D’où viennent tous ces gestes de l’enfant et ce regard sur des animaux communs, qu’il saisit et fait disparaitre.
Nous sommes ces ombres de papiers devant le mystère de la vie. Nous aussi nous perdrons nos vêtements de langue et restons comme TIHOUBE dans un éternel présent.
Dix mille ans et des poussières nous séparent de TIHOUBE et ses ORIGAMIS nous sont parvenus.
Nous avons reçu la joie qui va avec, sans quoi la gravité n’est que lourdeur.
Les enfants remettent le monde d’aplomb à chaque fois qu’un être de papier surgit entre leurs doigts.
C’est dans ce monde de papier que les colères font faillite et qu’on apprend que dans ce monde il y a une place pour chacun.
Participation de JAK
Omar se grimait et affectionnait de créer des origamis où miroitait toute sa poésie
Rival de cet engouement, son ami Mario, aigri, en avait maigri car il n’aimait pas les origamis
Inimitié vint entre deux complices qui s’étaient jurés unis pour la vie
Guéguerre décuplée lorsque qu’une Geisha vint trouer leur bulle, leur belle tour d’ivoire.
Avec son savoir, elle s’immisça, munie de papiers soie en chiyogami qu’elle choyait à fond.
Maniérée dans l’art de la conversation, elle avait aussi la poésie du pliage, l’art de soumettre des feuilles où luisent les katazome-shi, et vous l’aurez compris toutes sortes d’origami
Imbattable, pour plisser une grue, jamais nul ne l’égalât, Omar exultait.
Notre Mario larmoyant était écarté, car Omar aimait la belle geisha.
Il raffolait s'ébattre avec ses kusudamas, il s’y amusa longtemps, en devint maboule.
Il faut toujours s'méfier des petits papiers
Ont examiné les choses de près
Vegas sur sarthe ; Laura ; Kate ; Venise ;
maryline18 ; La Licorne ; Pascal ; Walrus ; Joe
Krapov ; joye ; Nana Fafo ; bongopinot ;
Par ici la monnaie (Vegas sur sarthe)
J'avais hérité de mon grand oncle Hubert d'une belle pièce montée sur la bague de fiançailles de ma grand tante Anastazia représentant la décapitation du grand vizir Kara Mustapha en 1683 sous les murs de Vienne par le sultan Ibrahim 1er; il était grand temps de la monnayer et d'en tirer de quoi offrir à Germaine cette suspension baroque à pampilles dont elle rêvait depuis des lustres.
J'avise donc le guichet d'une officine où quelqu'un avait pris soin d'inscrire les horaires de fermeture ce qui me permet d'en déduire les horaires d'ouverture... à moins qu'on ne nous cache un troisième horaire.
Le guichet est sensé ouvrir à quatorze heures et comme il est quatorze heures et des poussières vu que le ménage laisse à désirer, je me permets de frapper au susdit guichet.
Dans la poussière un vieux rond-de-cuir déboule du fond de la pièce par une porte dérobée.
On reconnait les portes dérobées aux espèces de vieux gonds qui la tiennent et les vieux rond-de-cuir à leur blues rapiécé.
Celui-ci a l'air d'avoir un sacré blues et me lance avec un fort accent turc un "On n'est pas aux pièces!" que je rattrape au vol.
Histoire de lui rendre la monnaie de sa pièce, je lui rétorque que s'il n'est pas aux pièces je me demande bien qui d'autre peut l'être ici.
C'est qu'il a son franc parler le préposé, il est à l'emporte-pièce le bachi-bouzouk !
Je lui soumets mon bijou de famille, pièce à l'appui car mon grand oncle Hubert ne faisait pas les choses à moitié tout comme sa moitié... ma grand tante.
On n'avait jamais trop aimé les pièces rapportées dans ma famille mais cette grand tante avait du bien et du coup toute la famille trouvait ça très bien.
Le vieux rond-de-cuir s'empare de mes pièces, s'endort dessus un bon moment avant d'émettre un grognement de désapprobation.
Il a consulté ses archives dorées sur tranche, disséqué ma pièce rapportée et mon bijou de famille... je n'aime pas me faire tripoter !
"Ce faux-document a été créé de toute pièce" bougonne t-il en me rendant le certificat d'authenticité.
"Quoi ma pièce ? Qu'est-ce qu'elle a ma pièce ?" fulmine-je.
(Oui, je sais, ça n'est pas facile de dire fulmine-je)
"Je constate que Kara Mustapha n'a pas été décapité en 1683 par Ibrahim 1er comme vous le prétendez" insinue le vieux débris "mais étranglé par le fils d' Ibrahim 1er, le sultan Mehmed IV qui lui succéda à l'âge de 6 ans" et il referme son foutoir et son guichet sans se soucier des horaires de fermeture.
J'ai envie d'en étrangler un qui n'est pas grand vizir mais le guichet est imprenable, taillé d'une pièce dans du bois d'arbre, du tremble ou du frêne mais surement pas du charme...
Je trouve le lieu approprié pour le mettre en pièces, si seulement je pouvais passer la barrière du comptoir.
Le vieux en profite pour se dérober par la porte du même nom en faisant geindre les espèces de vieux gonds.
Pour la seconde fois je fulmine :"Qu'est-ce que ça peut bien foutre que ce Mustapha se soit fait dessouder par Ibrahim ou par Mehmed ? Je vous demande la valeur de cette pièce montée... c'est pas sorcier !"
La porte se dérobe brutalement sous le coup d'épaule d'un sorcier patibulaire qui vient droit sur moi.
Les espèces de vieux gonds sont restés coi et je décide de les imiter.
Le costaud s'empare de mon bijou et y croque un grand coup: si sa mâchoire est d'acier, le silence est d'or mais pas ma pièce démontée !
"C'est du toc" aboie t-il d'une voix de mutant en me balançant ce qui reste de mon bijou de famille: Mustapha a morflé, décapité pour de bon.
Ma grand tante Anastazia nous aurait tous entôlés ?
Je sors de l'officine en me retournant une dernière fois.
Sur l'enseigne je peux lire "Par ici la monnaie" et en dessous "Ibrahim & Fils depuis 1650"