C’est l’anniversaire de Franck et il attend Rita, sa copine de toujours. Ils iront souper dans le petit bistro “L’italien” avant d’aller au cinéma.
Il est content de la revoir, ce soir, elle est reposante, elle sait tout de lui, ou presque, ses conquêtes passagères, ses ruptures, ses coups de blues. Elle l’appelle en riant “boureau des coeurs” et se moque un peu quand il rétorque:
- Au fond, la seule femme qui compte, c’est toi!
Lui faire la cour? Non, l’idée ne l’effleure pas. Elle est une amie, presque une soeur. Mignonne, certes, toujours en jeans, un anorak, l’écharpe, les bottillons, prête à grimper derrière lui sur sa moto, ou à partir en randonnée pédestre, avec Jean et Théo. Avec elle, il est bien. Tiens, la voilà. Puis il se ressaisit, ce n’est pas Rita. La fille qui s’avance porte des bas résille, des talons aiguille. Le regard de Franck remonte en catimini: cette jupe courte, ce corsage avantageusement échancré, voyons, il n’a pas la berlue, ce n’est décidément pas Rita!..Et pourtant...
Elle l’entoure de ses bras en une accolade amicale et mutine, elle rit sous cape, il en jurerait!
-Tu ne m’as pas reconnue, je l’ai bien vu, tu m’as prise pour une autre. Tu étais estomaqué ou en tous cas, intrigué. Comment tu me trouves?
Il la trouve belle, différente surtout. Elle l’impressionne. Cette fille naturelle, toujours si simple, a ce soir la féminité troublante d’une inconnue et ses yeux savamment mais discrètement maquillés ont une lueur inhabituelle.
Chez “L’Italien”, ils mangèrent peu mais parlèrent beaucoup. Franck,surtout, qui posait des questions, voulait en savoir davantage sur elle, sa vie d’avant, ses relations. Rita était très gaie, un peu pompette peut-être, même si elle avait l’air de boire du petit lait.
- Mais que m’arrive-t-il, se demandait Franck, un peu étourdi. C’est Rita, je la connais depuis longtemps. Et ce dîneur qui la reluque, ce qu’il m’agace! Elle fait semblant de ne pas le voir, mais elle lui a souri furtivement, j’en jurerais...
De fil en aiguille, ils en oublièrent l’heure du cinéma . En sortant, il lui prit la main. Elle la laissa dans la sienne. Puis brusquement il la serra ocontre lui et murmura sur ses lèvres:
- La seule femme qui compte, c’est toi...
Elle ferma les yeux. Elle le savait depuis si longtemps!...