En
ouvrant la feuille, je l’ai vue immédiatement. Inutile d’oringuer pour
l’apercevoir. Elle était là cette petite famille de pingouins issue de quelques
gouttes de vinaigre balsamique. Elle croupionnait, folichonnait et vétillait
tant et plus. Les parents se tenaient tendrement et moitissaient leur petit serré
entre les deux. Pas facile de sorguer ni de ziber avec celui-là entre les
pattes !
- Je ne te demande pas combien tu as payé la
consultation ! Cher ?
- Cher. Mais ce n’est pas la peine de croupionner, Léo. Il
faut bien issir de cette situation, non ? C’est toi qui as dit que ça
urgeait de faire quelque chose !
Le père n’arrive pas à détacher son regard de la partie
blanche au milieu de la feuille.
- Cet enfant dessine très bien les artichauts. On dirait
qu’il a godronné toute sa vie ! On pourrait peut-être en faire un
jardinier, après tout ? Il dragonnerait, il paloterait…
- Cesse de dire des cochonneries devant le petit, Léo !
- Il n’est pas là pour l’instant et puis paloter, ce
n’est pas peloter ou palucher. De toute façon, côté cochonneries, il en
remontrerait à un régiment de bachi-bouzouks en goguette, le rejeton !
L’autre jour, quand il t’a répondu, à propos du champ de fleurs jaunes
« colza mon cul, ma tête est malade ! »… A cinq ans ! Mais
où a-t-il oringué tout ce vocabulaire de marin alcoolisée ? Qu’est-ce
qu’elle en dit, la psy ?
- Rien. Que notre fils est un surdoué.
- Un surdoué ? Cet animal qui écrit à sa cousine qu’il
aimerait sorguer avec elle, qu’il rêve de la tarmacadamiser, de lui béliner le
joyau, de lui couvrir le rigondonne voire de la houssiner ? Un surdoué du
vocabulaire égrillard, oui, voilà ce qu’il est, ce cochon !
- Elle a dit qu’il fallait juste le canaliser.
- Le psychanalyser ? Autant le bolchéviser ! Le
vocabulaire des psys, ce sont toujours des mots qui n’existent même pas !
Ca ne veut rien dire, canaliser !
- Notre enfant déborde d’énergie mais il n’a pas encore
trouvé le chemin de la sublimation.
- Ce qui est sublime, c’est qu’il ne fait que vétiller et
folichonner ! Je te rappelle qu’on a dû le retirer de l’école parce qu’il
avait commencer à ébousiner la petite voisine et qu’il avait appris à toute la
classe les mots « caca » et « boudin » !
- Il est quand même surprenant que, de nos jours, ce
deuxième crime soit jugé plus grave que le premier !
- Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir en faire ? Un rudenteur de colonnes Morris ? Un
japonneur de poupées de salon ? Il serait capable de leur faire leur
affaire, ce simili-zoophile !
Il retourne le dessin, mais ne semble pas convaincu du
résultat non plus. Quoique…
- On ne peut pas le ramener à la maternité ? Est-ce
qu’on nous l’a warranté, au moins ? On pourrait se faire rembourser du
prix qu’il valait à la naissance ?
- Léo, tu dis n’importe quoi. Et puis tu devrais arrêter de
licher autant de schnaps. Tu es encore plus moiti d’alcool que cette feuille de
papier ne l’est d’encre. D’ailleurs, tu interprètes mal. Ce qu’il faut
regarder, ce n’est pas le blanc, c’est la partie violette. Le petit y a vu deux
dames de la société qui se font des révérences.
- La partie violette ? La partie violette ? Des
révérences ? Ah ben zut, alors, c’est vrai ! J’ai été bien zibé, dis
donc ! J’avais pas vu !
Du coup, le père est pris d’un doute.
- Où est-ce qu’il est, d’ailleurs ? On n’entend plus
rien ! Il est pas encore en train de faire une connerie, au moins ?
Gottlieb ! Gottlieb !
- Je suis là, papa !
- Mais qu’est-ce que tu fais là, malheureux, avec ta
bouteille d’encre et cette plume d’oie ? Mon Dieu, Anna Maria ! Viens
voir la catastrophe ! Cet enfant a complètement salopé ma partition de la
Symphonie des jouets avec sa putain d’encre violette ! Il m’a foutu des
pattes de mouches partout !
- Des pattes de mouche avec une plume d’oie ? »
s’étonne la mère.
- Je ne l’ai pas salopée, Papounet chéri. J’ai juste chiadé
un peu le changement de tonalité vers
le si mineur du deuxième mouvement et ajouté un contrepoint de flûte avec des
septièmes sur le passage avec crécelles.
- Petit crétin ! Je vais te donner du martinet pour
t’apprendre à respecter le bien d’autrui. Viens-là, Schweinhund, sors des
toilettes !
- Arrête, Léopold, veux-tu ? s’interpose la mère. C’est
peut-être là un signe insigne du destin. Dis-moi Wolfie, est-ce que ça te
plaîrait plus tard de devenir musicien comme papa ?
- Oh oui Maman ! J’adore chier des pizzicati et
dégueler des ornementations pour des soprani à gros seins !
- Eh bien moi vivant, proteste le père, cela n’arrivera
jamais ! Mon fils intermittent du spectacle ? Musicien à la solde de
tous ces rois et archevêques emperruqués ? Non ! Ca suffit d’un, dans
la famille. Il n’y a pas d’avenir dans ce job, crois-moi et tu feras autre
chose comme boulot, mon fils, je te le garantis. Aussi vrai que je m’appelle
Leopold Mozart !
Ce jour-là,
une tempête rudente le quartier… Impossible de folichonner ou de godronner dans
les rues… Le ciel est tarmacadamisé…
Dans son
bureau, Monsieur Cépsy soupire. Pour la quatrième fois, il repose la question à
cet élève qui semble rêver… « Dites-moi, ce que vous voyez sinon, je
vous envoie licher ! »
« Inutile
de m’ébousiner ! Si je vous dis que c’est un volcan qui croupionne et qui
drageonne, me prendrez-vous pour un fou ? Si j’ajoute que dans la fumée, je
vois Icare qui s’élance pour mieux sauter, me sorguerez-vous que je suis
obsédé ? Ne me faites pas warranter inutilement ! Peut-être
préférez-vous que j’affirme que c’est un papillon ? Ou une
pensée ?... »
Donc : un fond orange, des bavures vertes un peu partout et c'est une... CIGALE (sisisi, regardez bien : la bouche,
les deux yeux et les antennes sur la tête) ! Eh oui, en orange et vert (ce
que c'est que la coquetterie), comme ça urgeait sérieusement entre deux commandes de
miellat, elle a ébousiné son stylo folichon sur un post-it ce qui a tarmacadamisé une partie de la surface en drageonnant les vétilles et hop : un japonnage d'autoportrait bolchévisé !!! Ndlr : dites,
m'sieurs-dames des défis, vous l'avez acheté où votre dictionnaire, hein
???
Quelque part entre 5 et 6 heures du
matin. Une cuisine mal éclairée. Une feuille de papier. Non, plusieurs. Une
tasse de café trop clair. Quelques gouttes sur la feuille. Pliage rapide. Je
folichonne, franchement, énergiquement. Un rond. Un rond un peu inégal, mais un
rond. Plusieurs gouttes alors. Un rond. Plus gros, plus bonhomme. Un rond
bonhomme qui me regarde en souriant. Un goguenard que l’on prendrait plaisir à
houssiner. Quoiqu’il en soit : un rond. Un rond, que vais-je avoir à dire sur un
rond. Moitir la feuille. Une bonne coulée de café en ce cas. Un rond encore. Un
rond énorme qui mange la feuille, qui mange la vie, qui engloutit avec bonheur.
Résignée. J’abandonne. Le fond d’une tasse de café dans l’évier...et puis….au
frais du matin… comme une évidence : ainsi, pour moi, il n’est de perfection que
dans la rondeur.
que vois-je croustiller, là, juste à la surface de cette déflorée naguère virginale qu'une ombre liquéfiée, coulante et dégueulasse aura bien mise à mal à force de moitir et avant de sécher ?
ma feuille, confidente où j'aime à l'ordinaire imprimer mon carné, seul dans ces sanitaires, tu fais bien triste mine
pour t'ainsi maculer, il faut un cœur de pierre l'âme en acier trempé et l'esprit mortifère que plus rien n'ébousine
j'ai tenté de licher cette croustade abrupte ma langue aurait fini tarmacadamisée pour peu, on m'eût prêté le goût pour la turlute qu'ont d'autres audacieux sur l'aire de Carpiquet
je n'ai pour le goudron vraiment pas d'appétit et ces grossiers boudins à tes bords godronnés n'ont pas l'heur de me plaire, oh! le vilain gâchis tu n'es pas de ces feuilles que l'on peut drageonner!
misère! misère!
je me tue la gamberge à trop me demander quel idiot plaisantin a pu folichonner sur ton pli de la sorte ?
et je n'ai alentour personne à rameuter je ne suis pas de ceux sachant bolchéviser sur le pas de la porte.
l'acte est aussi absurde et vain que le dessin abstrait, obscur, abscons, stérile et hermétique n'évoque rien pour moi que de très pathétique d'où que j'aille fouiller mon cerveau reptilien.
je suis un terre-à-terre et ne sais vétiller comme sur la frontière un ancien cardinal le fit raillant l'armée de Monsieur de Turenne
si je tente un bon mot, on vient me titiller tout au long du repas, du radis au Cantal je ne suis pas au self de ceux qui la ramènent.
je ne suis pas violent, mais pourrais houssiner celui qui s'en est pris à mon très cher feuillet car c'était le dernier qui se puisse oringuer en ce lieu où je suis entré en grande presse
me voici croupionnant les parois rudentées et lustrant cet émail que je fais japonner car je ne puis issir de ces commodités sans m'être proprement warranté l'entre-fesse,
Bon pour tout dire je ne sais pas trop ce qui s'est passé.
Depuis un sacré paquet de temps j'étais peinard, liquide, à sorguer tranquillement dans un petit flacon.
Et puis hier, quelqu'un a oringué le-dit flacon, l'a secoué et m'a fait tomber sur un morceau de papier.
J'ai donc fait floc et je me suis fait aplatir sévère dans le pli.
Résultat,
me voilà transformé en Lap'ache (pour Lapin et un mot que celle qui
folichonne à écrire ce texte n'a pas le droit d'utiliser).
Bon, ça encore ça peut aller, je me suis entre-aperçu lorsqu'elle m'a photographié, je ne suis pas trop mal.
Non le problème c'est ce qu'elle appelle mes oreilles.
Je ne peux que croupionner dans les brancards, mais y en a marre de ces deux trucs qui n'arrêtent pas de jacasser là-haut.
Et
vas-y que je vétille sur l'allure que j'ai, et que ce serait sympa de
se licher un petit quelque chose et que je queute sur les copines qui
sont restées dans le flacon et qui vont sûrement y moisir encore
longtemps.
Bref,
même en les secouant, en les pliant pas moyen de les faire taire les
deux jumeaux à tête d'obus qui orne ma tête, c'est pénible et en plus
si je les houssine c'est en fait moi qui vais avoir mal.
Et
l'autre, là devant le clavier qui se pajote le crane en se demandant ce
qu'elle va bien arriver encore à écrire sur son test de Rosarch, moi en
l'occurrence, ne m'est d'aucune utilité, et puis il faut reconnaître
que si elle m'ébousine les oreilles je ne ressemblerai plus à rien..
Bon,
si j'ai bien compris la photo qu'elle a prise elle va la mettre sur son
ordinateur et l'envoyer à un truc qui s'appelle "Défi du Samedi", en
fait le vrai responsable de mes ennuis, me faire sortir de mon flacon,
étaler sur du papier et subir les bla-bla de mes appendices
auriculaires. Donc, dès que j'arrive là-bas, je me transforme en
Lap'virus et je fiche la pagaille chez lui, ça lui apprendra à faire
tellement bouillir le cervelet de ma rédactrice qu'elle a du le moitir
de toute sa Contrex d'un coup.
Oncques ne fut "vétiller" mieux choisi ! Se trouve-t-il en effet chose plus
insignifiante que les figures maculées des tests de Rorshach ? Comme
il urgeait de mettre en ligne ma participation au défi, je me suis
conformé au mode d'emploi : de la pointe de mon stylo, j'ai laissé tomber
quelques gouttes d'encre sur le papier plié en deux. Je l'ai refermé et, plutôt que de le godronner,
j'ai marqué soigneusement le pli. C'est là que le bout de mon index a liché
le liquide, issu de la feuille pliée, se teintant de bleu royal. Queuté, je fus ! Fallait être le Papistache pour folichonner à imaginer une blague aussi stupide (et en être fier jusqu'à croupionner de satisfaction et moitir de plaisir).
Gamin, va !
Voyez comme les interprétations possibles varient avec l'orientation du chef d'œuvre : sur la vue de gauche, on pourrait imaginer un quelconque végétal drageonnant, tandis que celle de droite suggérerait plutôt un allien adepte du foot-ball américain vacillant sur ses crampons sur une route tarmacadamisée.
J'avais envie de m'esbigner par-dessus des fortifs, jocrisse que j'étais devant cette consigne quelque peu hommasse. Il faudrait toute ma sapience pour faire quelques fla-fla ou des coquecigrues afin de dire que je voyais un mannequin vêtu de pékin noir - gaffe aux tire-laine, hein ? -- mais je ne voudrais pas passer pour une cagoterie avec des carabistouilles coulant de ma plume ! Mais bon, je m'y suis mise, je ne voulais pas faire le clampin ! Non, pas moi ! J'en ai fait mon déduit. Personne ne potinera sur moi ! Hier, trotte-menu, j'ai frappé à l'huis de mon collègue, prof d'art - non, pas le jean-foutre, non ! l'autre, Mark, que diantre ! Il m'en a fait une, c'était carrément un papillon (ou un débagoulât) et derechef, il m'en a fait une autre ! Et puis la voilà, une radeuse marchant sur des génitoires longues et maigrichonnes. Soit cela, soit une péronnelle portant un brimborion habillé d'un vertugadin, une qui enverrait bien une billevesée à quelque argousin chargé d'incarcérer ce ruffian de Bernard Pivot - je lui filerais bien une nasarde ! - icelui qui semble penser que tous ces mots et certains d 'autres ne devraient pas disparaître de la langue française ! J'espère qu'on trouvera mon essai matutinal assez valétudinaire. Mais s'il le faut, je veux bien goualer mon béjaune.
Issu de mon imagination farouche, drageonnant dans le terreau de mes rêves, le loup est apparu. Ses oreilles tendues vers mes mots vétillants, les crocs oringués dans la lumière blafarde, il palote à l'ombre des mauvais rêves, il houssine dans le silence de mes nuits, il croupionne pour mieux me rudenter. J'ai appris à l'ébousiner, il peut toujours licher, je ne me laisserai plus moitir.
Le loup sorgue maintenant et je folichonne sereine, plus de mauvais café pour godronner mon sommeil.
Tu es moi. Ou… suis-je toi ? Tu sais mes désirs
refoulés. Tu perçois et comprends mes fantasmes contenus.
.
Tu es mon autre, et pourtant, nous communiquons si peu…
Tu me fais des signes amicaux et discrets que je ne traduis
pas toujours bien.
Tu es présent dans tous mes rêves. Tu te glisses dans mes
mots, dans mes phrases, dans certains de mes gestes.
.
Tu es mon autre. Tu te faufiles habilement dans mon quotidien,
tu me fais commettre des impairs que je nomme mes lacunes.
.
Notre relation ne saurait être polluée par tout ce qui
corrompt celles entre les individus. Notre union est pure, sans mensonge. Je
suis à toi dans ma nudité parfaite. Je ne peux rien te cacher. Tu sais tout. Et
tu es le seul, au fond. Tu en sais tellement plus que moi…
.
Tu es mon autre. Tu ne tolères aucune censure. Toute
confidence t’est due, et je te la livre de gré ou de force.
.
Tu es mon autre. Infiniment. Et j’aimerais te comprendre
comme moi tu me comprends. Et j’aimerais être à ton écoute, et t’offrir une
oreille attentive et une attention sans limite.
.
Tu es mon autre. Je ne rêve que de te recevoir, de
t’accueillir et te de prendre tel que tu es.
Je ne te jugerai pas.
.
Tu es mon autre. Tu es le moi immense que je cherche en vain
à toucher du doigt.
Je sais déjà qu’un jour, je viendrai te chercher. Je
fouillerai en toi jusqu’à ce que j’y lise comme dans un livre ouvert.
.
Dès lors, j’apprendrai à conjuguer tes désirs et les miens,
et à les accorder. Enfin, nous regarderons dans la même direction, toi et moi,
en frères aimants et inséparables.
.
Tu es mon autre. Tu
es mon inconscient.
.
Et pour l'oubli des verbes imposés, ce n'est pas ma faute mais la tienne: un acte manqué!
Un étonnant papillon léger et
aérien flotte dans les airs, il s’amuse comme un folichon à licher quelques
gouttes de miel dans les fleurs.
Qui aimerait s’accrocher à
ses ailes pour se poser de cœur en cœur entre la terre et le ciel ? Qui
aimerait franchir la clôture et découvrir le monde ?
A l’aurore sur la plage, la
mer a déposé ce merveilleux coquillage coloré. Modeste et sans prix, il s’est
transformé en une porcelaine japonnée que l’eau a sculpté et poli jour après
jour. Celle-ci semble nous inviter à un voyage…
Seul
à sa table de travail, Pierre veille. Lui, jadis auteur fécond,
sourire las et yeux fatigués, espère que sa muse, angelot peint par
Raphaël, animera sa plume.
Hélas, ce soir, comme tous les soirs depuis cet autre soir, de l’âme de Pierre ne sortent que volutes ectoplasmiques.
Indigentes pensées que l‘obscurité souligne.
Le néon brutal de sa lampe l’accable. Il est las. Las et vieux et
triste. La nuit s’infiltre en lui. Elle pèse sur ses épaules. Pierre
veille.
L’encre
qui se refuse à aligner trois mots coule sur la feuille immaculée.
Miroir de son âme ravagée. Vide intersidéral de sa pensée asséchée.
Pierre veille. Aucune idée ne lui vient. Bol immense qui grouillait
jadis. Bol vide et creux qu’il liche en vain et sur
les parois duquel il ne trouve plus un atome divin. Cette matière qu’il
croyait infinie, ce jus qui irriguait la moindre de ses soirées, nuque
penchée sur son travail. Pierre devient la nuit. Nuit de Pierre. Son
dos est raide, raide est sa fin.
Que tourne la roue !
Qu’une fois, une fois seulement, il retrouve la
grâce qui l’animait du temps d‘avant, d‘avant sa solitude et son
veuvage. Du temps où, auteur prolixe, il vétillait à l’envi. Elle est là pourtant. Sa muse est là, mais regardez, elle noue sa gorge.
Pierrot pathétique à la tête surmontée d’une raie moqueuse.
Que d’une trique arrachée à la haie vive, elle lui houssine une fois encore et l’âme et les joues ! Rien ! Pinocchio debout, dressé mais dérisoire et enveloppé d’ombre et de nuit.
Le simulacre écarte ses ailes et d’un sourire édenté
fait cascader son rire. Pinocchio, coiffé du poisson-requin, sent venir
la flamme qui le réduira en cendres.
Noir
et obscur destin de Pierre sans sa Colombine. Crachent leur venin les
vieilles qui pèsent sur ses épaules. Morve qui coule en filets gras sur
son cou. Pierre redresse la tête et n’écrit plus. Sa muse s’est tue. Du
temps où féconde sa pensée drageonneait en mille directions, il lui suffisait d’attraper une bribe et la magie opérait. Voyez le désert de son imagination tarie.
La cheminée du volcan ne crache plus qu’un souffle
d’air corrompu. Pierre n’écrira plus. Déjà son souvenir se disperse. On
l'a oublié. Il s'est oublié. Elle l'a oublié...
Prenez une feuille de papier, pliez-la en deux, ouvrez-la, jetez quelques
gouttes d'encre sur un des plis et refermez en pressant. Ouvrez et dites ce que
vous voyez. Vous pouvez rejouer autant de fois que vous voulez, vous pouvez
montrer les images obtenues (scanneur, photographie, dessin) ou pas. Si vous
n'avez pas d'encre, vous avez du chocolat, de la confiture, de la teinture pour
cheveux, du sirop de menthe, de grenadine, du miel, du ketchup, de l'huile
moteur, du sang de bœuf, de la peinture, du vernis...
Attention, bien sûr il y a des contraintes:
Décrire ce que vous voyez sans utiliser une seule fois le mot 'tache'
L'emploi de quelques verbes rares, comme bolchéviser, croupionner, drageonner,
ébousiner, folichonner, godronner, houssiner, issir, japonner, licher, moitir,
oringuer, paloter, queuter, rudenter, sorguer, tarmacadamiser, urger, vétiller,
warranter, ziber...
Trois ou quatre au moins, mais pour les plus aventureux, pourquoi pas... TOUS?
- Monsieur le Ju..., Monsieur le
ju..., Monsieur le juge, Mesda..., Mesda..., Mesdames et Messe et Messe et
Messieurs les ju..., les ju..., les ju..., les ju....
Tout à coup le silence se fait
dans la salle, je dois être très très vieux, tout le monde me regarde avec de
gros yeux en fronçant les sourcils. Je dois avoir fait quelque chose de très
très mal. Je ne sais pas quoi.
Grondement de stupeur dans
l’auditoire. Les jurés osent même quelques sifflets. Il me semble que ces gens
ont été très mal choisis. Mon avocat a dit que c’étaient des humbles, que c’était
bon pour nous, pour mon image, ce type est un incapable, je vais me faire
laminer...
Il reprend péniblement et
explique que le crime dont je suis accusé n’est pas abominable et qu’il demande
mon acquittement. C’est si long. J’entends quelques ricanements, mais qui donc
a pu inventer cette loi sur la discrimination positive ?, quelle connerie,
un avocat bègue pour MOI, mais quelle connerie...
- Monsieur Sark..., Monsieur Sark...,
Monsieur Sark..., mon CLIENT n’est pas un dicta..., dicta..., dictateur.
Certes, il s’est peu à peu à peu à peu imposé comme... comme... comme empereur
par la force MAIS il n’a pas zob..., zob..., zob..., zobligé qui que ce soit à
à à à ...
Ce salopard va me flinguer, il
faut que je l’oblige à se taire. Je me lève soudain et je hurle :
- Casse-toi pauvre con !
L’avocat et lacour me fusillent du regard, le juge
appelle la garde impériale à son secours, ils veulent me ramener dans ma
cellule à coup de Kärcher, je pisse dans mon froc, je crie, je hurle :
- Mère ! Mère ! Ils ne
savent pas ce qu’ils font !
.
Dans le lit de ses parents, le
petit surdoué est en larmes.
Sa mère le caresse tendrement :
- Ce n’est rien mon petit, c’est
juste un vilain cauchemar...
Son père voudrait bien se
rendormir :
- Ne t’inquiète pas, fils, plus
tard, tu seras PDG comme papa .
L’enfant s’interroge à voix haute :
- Ça veut dire quoi, PDG ?
« Président Directeur
Général », répond le père avec une pointe de fierté dans la voix.
Le petit sèche ses larmes d’un
geste nerveux et retourne dans sa chambre.
La nuit est calme. Il aligne ses
peluches autour de son lit, en rang. Il leur murmure des ordres invisibles, il
les déplace ou les renverse en éclatant soudain de rire.