Défi #788
Oui, je sais :
certains Français disent Bœuf (sur le toit ?) !
Mais bœuf ne débute pas par J et,
de surcroît, il prête à confusion. Alors :
Jam-Session
Oui, je sais :
certains Français disent Bœuf (sur le toit ?) !
Mais bœuf ne débute pas par J et,
de surcroît, il prête à confusion. Alors :
Jam-Session
... en proposant le sujet de la semaine : c'est tout moi !
Qu'ajouter à cela ?
Vous seriez pas en train d'essayer de m'énerver là?
Tas de bachibouzouks !
(Et là, j'ai plus le temps de trouver un programme de déformation de texte pour mieux souligner mon propos)
Mais par bonheur, mon neveu Joe m'a fourni via son blog un portrait de moi en action quand j'étais un brin plus jeune (bon, allez : moins vieux), vous allez enfin comprendre :
Ça y est, vous y êtes ?
C'est pas trop tôt !
Las, tu iras cible nouvelle
Rincer dans le ruisseau, le sel
D'un combat, qui n'en vaut plus la peine.
Au rendez-vous des irascibles
A pleine bouche hurle le vent
Et les éclairs zèbrent le temps
Les sourcils froncent
Les joues rougissent
Et les cous s’enflent
Prêts à exploser
Prends la porte,
Ça va barder !
Au rendez-vous des irascibles
Être de bonne composition
Et Trouver des subtilités
Pour changer la perspective
Hélas l’irascible né
Sans souci du chemin détourné
Revient direct à ses moutons
Vous couper l’herbe sous le pied
Au rendez-vous des irascibles
Va savoir sur quel pied danser
Quand l’autre prend la mouche
Sans savoir d’ailleurs
Quelle mouche l’a piqué
Si c’est possible
Et si la porte est à côté
Il vaut mieux filer
Au rendez-vous des irascibles
Face à une furie
Qui prend le mors aux dents
Foin de la bête est celui
Qui calera le premier
Laissant l’autre ragaillardi
Par la victoire gagnée
A force de grands cris
Et gestes menaçants
D'ire à cible
D'ire à cible
De l'ire à la cible
Du délire à l'inadmissible
Du soupir à l'inaudible
De Charybde en Scylla
Des bribes au "holà !"
Des diatribes aux éclats
Du sourcilleux au susceptible
Du furieux à l'irascible
Du pet de travers
À la guerre
De "Tout va très bien Madame la Marquise"...
A "La guerre de Troie n'aura pas lieu"
"Jusqu'au lavoir qui affirme !"
Cassandre
Acte 1, scène 1
"La guerre de Troie n'aura pas lieu"
Jean Giraudoux
Rien qu'à contempler la marche du monde actuel l’irascible en voit de toutes les couleurs ! Il commence par voir rouge, il entre dans une colère noire et finit souvent vert de rage. A ce moment-là il crache son venin sous forme de jurons et d'insultes. Ça vous rappelle quelqu’un n’est-ce pas ?
J’ai failli appeler mon billet « Le Retour du capitaine » mais j’ai déjà donné ce titre à ma contribution de la semaine dernière !
La façon d’être d’Archibald H., c’est humain et c’est aussi animal. Comme nous l'explique Zorrino dans « Le Temple du soleil » « Quand lama fâché lui toujours faire ainsi ! », moyennant quoi à la fin de l'album le capitaine Haddock s'en va boire à la fontaine et recracher son eau à la face d’un lama qui ne lui avait rien fait à part peut-être s’appeler Serge.
Le Capitaine Haddock est bien, sans contestation possible, l’irascible n° 1 de toute l’histoire de la bande dessinée. Le temps m'a manqué pour lister tout ce qui le met en colère mais entre la Castafiore qui ne sait jamais prononcer son nom, le professeur Tournesol qui n'entend rien à rien et n'en comprend pas plus du fait de sa « bsurdité » et le duo de détectives stupides à moustaches et chapeaux melons il y a déjà de quoi faire en matière de s'énerver les nerfs, non ?
Chez Astérix l’irascibilité « Cétautomatix » et quasi général ! Du « Non, tu ne chanteras pas, Assurancetourix" au bris de vases par Cléopâtre, du « Comment ça ? Il n'est pas frais mon poisson ? » à la bagarre généralisée et récurrente de tout le village gaulois, il n’y a très souvent qu’un seul pas que le génial scénariste et l’habile dessinateur n'hésitent jamais à franchir pour notre plus grand plaisir de fans rubiconds.
On doit à René Goscinny deux autres beaux exemples de colériques obsessionnels. Le premier, dessiné par Jean Tabary, est le grand vizir Iznogoud qui ne parvient jamais à devenir calife à la place du calife et que cela contrarie un maximum. Le deuxième est un nommé Joe Dalton que le simple fait de prononcer le nom de Lucky Luke fait se rouler par terre. D'autres personnages de cette série peuvent être rangés dans la catégorie des irascibles : le conducteur de la diligence de l’album homonyme et surtout Billy the Kid.
A certains coléreux du neuvième art le jury que je préside attribue des circonstances atténuantes : aux victimes du sieur Lagaffe Gaston né de la plume d'André Franquin par exemple. Prunelle, son employeur ; l’agent Longtarin, son souffre-douleur et le corpulent et insistant monsieur De Mesmaeker ne peuvent qu'être exaspérés par les inventions incessantes du petit chimiste amusant doublé d'un poète de l'écologie militante et encombrante qu'est Gaston. De ce fait on ne peut que conseiller à Greta Thunberg de lire ou relire les gags de Gaston et d'en faire son modèle si elle veut agacer encore plus les ceusses qui nous gouvernent et nous mènent à notre perte et mettre de son côté tous les autres.
Justement, au moment de sortir des livres, je passerai très vite sur les irascibles de la vie politique. Peut-être que tout a été dit et bien dit dans la formule de Monsieur Talonnettes : « Casse-toi pauvre con ! ». Je mentionnerai seulement l'insulte « Vipère lubrique » et le claquer de chaussure sur le pupitre de l'ONU du camarade Nikita Khrouchtchev. Je ne sais pas pourquoi ma mémoire retient des choses comme ça alors que les jeunes de moins de trente ans de ma connaissance ne savent même pas ce qui s'est passé en France en mai 1968 !
Au cinéma c’est Louis de Funès qui remporte la palme d'or de l'irascible à grimaces, enfin, le grand prix d’interprétation. Les personnages qu’il interprète dans ses duos avec Bourvil ou son Avare de Molière ont toujours des comportements et des emportements bien odieux.
Odieux ! Ô dieux ! Aux dieux de l'Antiquité, Zeus, Arès, Némésis, Héra, on attribue, paraît-il, de sacrées colères. Dans la principale religion en vigueur dans notre pays existe une chose musicale appelée "Dies irae". Cela signifie « jour de colère » pour ceux qui n’entravent que couic au latin de messe et de cuisine. C’est la bande son du Jugement dernier voire de l'Apocalypse que tout le monde nous promet pour demain. Ce morceau est devenu facultatif mais j'aime bien celui de la messe de Requiem de Verdi.
Pour en terminer avec la malotrutitude des gens qui ne savent pas garder leur calme j’ai une pensée émue pour le Concombre masqué de Nikita Mandryka : son « Protz et chniaque ! » et son « Bretzel liquide ! » lancés aux éléphants qui jouent au bowling dans son grenier ont enchanté mon enfance !
Et je vous livre, en guise d'apothéose, le sketch du permis de conduire de Jean Yanne qui vaut son pesant de cacahuètes-griefs !
Salut, je m’appelle Sébastien et je travaille au service client chez Fnac-Darty. Vous pouvez vous imaginer, hein, tout comme le saint pour qui je suis nommé, je suis souvent criblé de flèches et de vitupérations par nos clients irascibles.
Perso, je ne vois pas pourquoi les vioque sont si chian…euh, si irraisonnables. Ils achètent un truc et ils s’attendent à ce que ça dure aussi longtemps qu’eux. C’est franchement ouf. Moi, j’ai vingt-trois ans et je sais que je ne suis pas aussi performant qu’avant. En fait, je me demande bien comment ces soixantenaires se tiennent debout sans aide, sans parler de marcher. Or, si c’était un frigo, ils aurait été longtemps consignés à la voirie, ou, au moins, à la mairie où tous les anciens jouent au scrabble le jeudi aprèm.
Brefle, y en a marre de ces râleurs cacochymes. Et, croyez-moi, il y en a plein le c…enfin, y en a beaucoup. Mais j’ai une combine : je hoche la tête, je souris, je fais semblant de remplir un formulaire détaillé, et hop ! au panier dès qu’ils quittent la boîte. Après tout, le service client, c’est pas fait pour faire quelque chose, c’est pour faire semblant de faire quelque chose, et aussi de me fournir un boulot et des thunes. J't'dis pas.
Par contre, les mémères, j’adore, c’est rigolo.
Elles m’apportent des bonbons, des cache-nez qu’elles ont tricoté la veille, des photos de leurs toutous et parfois de leurs petites-filles célibataires. Des fois, j'arrive pas à distinguer entre le toutou et la nénette, alors, je hoche la tête, je souris, je fais semblant de remplir un formulaire détaillé, et hop ! au panier la tof de la vilaine une fois que la mamy s’en va.
À part ça, la vie est belle, je n’ai pas à me plaindre, au contraire de ces antiquités râleuses.
Mais qu’est-ce qu’ils ont tous, on met de la colère dans leur compôte ou quoi ?
La bonne chose, s’ils n’ont pas la force de me frapper, c’est déjà ça. Mais je fais gaffe quand même si un de ces Mathusalem a une canne, on ne sait jamais. Je me méfie aussi des bonnes soeurs qui ont une maîtrise experte en ce qui concerne les coups de férule. Si je ne fais pas gaffe, bonjour les hématomes, et si la situation s'aggrave, un pitoyable arrêt de travail...
Parfois, ils me demandent mon nom pour aller porter plainte ailleurs. Je leur dis que c’est Charles, tout comme c’est marqué sur mon badge. Bah, non, c’est bien marqué “Sébastien” mais il se trouve souvent que les croulants ne voient plus très bien, et alors ils s’en vont en menaçant ce maudit Charles.
Ben si, Charles, il existe, c’est le gros chauve naze au bout du couloir qui travaille en comptabilité qui est trop relou pour deviner que c’est moi qui lui envoie ces gâteuses. Z’avez qu’aller voir sa cabine tapissée des photos des moches à deux et à quatre pattes, si tu ne me crois pas.
En cet après-midi de début juin, je suis téléporté une nouvelle fois dans le hall des départs, le 14 mars à 8 h du matin.
L’enquête a permis d’identifier 87 patients zéro. Je connais le visage de chacun, son heure d'enregistrement, sa destination… La contamination a forcément eu lieu ici et maintenant. Avant l'embarquement du premier cas index, il me reste précisément 59 minutes pour répondre à trois questions : ou, comment et qui.
L’échec n’est pas une option. Je n'ai vraiment aucune envie de devoir participer au repeuplement de la planète avec la capitaine.
Bon sang, reste concentré, Luc pas de crise de nerf surtout
J' ai évoqué la semaine dernière les forêts limousines. Aujourd'hui je vais vous parler des forêts corréziennes que je connais quand même mieux même si elles se ressemblent. Ici abondent entre autres châtaigniers, chênes et des sapins principalement en haute Corrèze. Et devinez ce qui pousse à leurs pieds !
Quand la rumeur envahit les chaumières, celle qui donne la fièvre et déclenche la champignonite aiguë, tous les fêlés des cèpes ne pensent plus qu'à filer vers futaies et taillis pour inspecter leurs coins favoris et bien entendu secrets. Il y a urgence !
Mon époux et moi ne faisons pas exception. Quand le bouche à oreille fonctionne à fond parmi les initiés ou que la vision sur le marché de paniers où reposent sur leur lit de fougère les beaux spécimens dits « de Bordeaux » nous n'avons plus qu'une idée en tête : rejoindre au plus vite les bosquets.
Il y a tout un cérémonial et une préparation sérieuse avant de se lancer. La veille, on place dans le coffre de la voiture poches, cagettes, bâtons, bottes, couteaux, imperméables quand le temps est à la pluie. On n'oublie pas le casse-croûte parce qu'évidemment il faut partir très tôt si l'on ne veut pas être devancé. J'adore ces moments où l'on arrête de scruter le sol pour déguster la baguette croustillante achetée au passage chez un boulanger et que l'on accompagne de jambon de pays et de fromage de chèvre. S'il fait beau on a le bonheur de voir se lever le soleil sur l'étendue de la forêt. Il filtre à travers les arbres et sublime les couleurs automnales rendant le roux des fougères plus ardent et le vert de la mousse plus vif. Son concours est précieux : il va nous aider à mieux débusquer les bolets bien cachés. Les sens en éveil, la vue mais aussi l'odorat - très important l'odorat, c'est lui qui vous guide vers les têtes brunes – on avance doucement, prudemment, à l'affût.
Il arrive souvent que l'on rencontre d'autres chercheurs. On se salue poliment sans trop s'approcher. On parle de la pluie et du beau temps en évitant soigneusement de dévoiler ses trésors. Quand un curieux demande si la cueillette est fructueuse, on reste évasif et on minimise. Personne n'est dupe mais ça fait partie du jeu.
- Vous en trouvez ?
• Oh pas beaucoup. Ce n'est pas terrible cette année. Et vous ?
• Juste de quoi faire une omelette mais ça me suffit.
Tout le monde n'a pas la chance d'être propriétaire terrien et pourtant chacun veut une part du gâteau odorant et succulent. Il faut préciser qu'ici l'on a un sens très pointu de la propriété. La plupart du temps, les gens sont cependant tolérants et si la cueillette se limite à ses besoins personnels tout se passe bien.
Quelquefois la colère des détenteurs de bois est bien légitime. Certains cueilleurs n'hésitent pas à arriver en nombre pour entasser des clayettes bien remplies dans leurs coffres de voiture. Ils vendent ensuite à des marchands ou n'hésitent pas à « monter » jusqu'à la capitale pour que la somme rapportée par leur rapine soit plus conséquente.
D'autres n'ont absolument aucun respect pour les propriétaires et la nature. Pour être les premiers sur place, ils n'hésitent pas à labourer les sous bois sur leurs engins pétaradants et nocifs, les quads. Également aussi destructrices, des familles entières que nous avons vues armées de râteaux pour mieux écarter les feuilles et les brindilles. Après leur passage il est certain qu'il n'y aura plus de repousse. On peut comprendre au vu d'un tel désastre que les paysans – ce sont eux en majorité qui possèdent les bois – deviennent irascibles et emploient des moyens radicaux pour protéger leurs biens. Trouver ses pneus crevés était monnaie courante il fut un temps. Depuis qu'une réglementation a été mise en place avec procès verbaux à l'appui pour la récolte des bolets en trop grand nombre il y a moins d'exactions dans les deux sens et c'est tant mieux.
Voilà une activité, je dirais une passion qui n'est pas de tout repos. Arpenter les futaies souvent pentues, se focaliser sur la traque, cela exige bien des efforts physiques et de concentration. Pour moi s'y ajoutent invariablement une nuit blanche avant le jour J à cause de l'excitation et une nuit agitée par la suite car il m'est impossible de fermer les yeux : je vois des cèpes partout ! Une vraie maladie oui sûrement mais chose étrange : une maladie qui fait un bien fou.
Je sais que tu trouves ça étrange que je t’écrive mais j’aime prendre le temps de te décrire ma
Nouvelle vie sans que tu m'interrompes pour savoir si j’ai assez à manger et quels sont les
Derniers potins de la famille. Tu es si curieuse.
Ma petite Oummi il faut que je t’avoue quelque chose, et c’est également pour cela que je t’écris.
Je t’ai dit que j’allais étudier le droit mais ce n’est pas vrai. Je me suis inscrit en licence de sylviculture
. Je sais ce que tu vas dire, que je me prends pour une paysanne, que je suis devenu folle Je suis
Désolée Oumma
Puisque tu ne daignes plus m’adresser la parole, je continue à t’écrire car je ne peux supporter
D’être fâchée avec toi. J’ai traversée aujourd’hui de géants sequoias. Je m’assois sur les pierres et je les observe.
Est-ce que tu ouvres mes lettres ? L’automne arrive ici par petites touches. Les feuilles des arbres
Alentours se colorent. Je m’habitue petit à petit à ce nouveau référentiel, moi qui adorais les ocres
De notre belle Provence.
Je te parle de leur majesté leur silence et leur secret . il faut vraiment passer toute une nuit en foret pour la comprendre . La lumière voyage vite ici .
Certains individus sont condamnés à ne
jamais sentir le Beau couler dans leurs veines. Ce
N’est en soi pas un problème. Mais leurs
Tendances sont destructrices, et comme dans la
Fable d’Ésope, ce que ces renards ne peuvent
Atteindre, ils dénigrent. Il nous incombe de nous
Battre s’il le faut pour qu’ils n’e n’entachent jamais ce
Qui toujours leur échappera. Le foret en fait partie
Comme la Corrèze est appelée « le pays vert » principalement à cause de ses forêts, le Limousin est dénommé « pays de l'arbre ». Et l'arbre-roi local est naturellement le châtaignier. D'ailleurs sa feuille figure sur le logo régional. L'on nommait autrefois le châtaignier « l'arbre à pain » tant il est vrai que ses fruits, produits en abondance, nourrissaient nombre de familles pauvres dans les campagnes. Pas seulement les humains d'ailleurs mais aussi le cochon que chaque foyer se devait d'élever afin d'avoir de la viande. Celle-ci constituait pratiquement l'unique apport carné avec la volaille et les lapins de la basse-cour. La châtaigne est redevenue à la mode aujourd'hui et s'invite dans les assiettes des grands restaurants.
Le chêne figure en très bonne place dans nos forêts ainsi que bien d'autres espèces dont le hêtre que l'on appelle aussi fayard. Je connais une hêtraie absolument remarquable qui me fascine chaque fois qu'il m'est donné de l'emprunter. Une allée, constituée d'une soixantaine de feuillus plus que centenaires conduit à un haut lieu pourvu de richesses naturelles, culturelles et historiques : le Mont Gargan. Mais oui il paraît que Gargantua passa par ici ! Ce site avoisine le plateau de Millevaches et offre des paysages magnifiques de landes de bruyère, de forêts, de vallées verdoyantes jusqu'aux montagnes d'Auvergne dont le Sancy que l'on voit très bien par temps clair.
Quand je marche dans cette hêtraie splendide en automne surtout avec ses couleurs pourpres et or je suis troublée par ces arbres étonnants, aux racines tentaculaires qui s'agrippent au sol pour s'y enfoncer profondément, aux troncs trapus et vigoureux malgré leur âge. Les branchages tordus, noueux, violentés par un climat rude en hiver partent de très bas et dans tous les sens. On ressent ici un vent de liberté régnant sur le monde végétal. Mais pas seulement. Il y a eu au Mont Gargan des combats menés contre l'ennemi par le colonel Guingouin lors de la dernière guerre. Mais c'est une autre histoire où le mot « liberté « prend tout son sens.
J'aime marcher entre ces arbres majestueux dont les ramures en été forment une cathédrale de verdure où il fait bon flâner. Les oiseaux s'y égayent et s'égosillent, les écureuils furtifs donnent de ci de là des touches rousses qui allument les frondaisons. Il n'est pas rare d'apercevoir un chevreuil s'éclipsant, rapide et léger comme la brise qui agite mollement le feuillage. Ce lieu est vraiment magique.
Et au bout de cette allée superbe s'élevant jusqu'au plateau m'attendent d'autres trésors ensorcellants dont les ruines de la chapelle Notre Dame du Bon Secours, une fontaine cachée dans les genêts et des panoramas grandioses que je ne me lasse pas d'admirer. Mais c'est encore une autre histoire...
« Être ou ne pas être »
A l’ombre sous la hêtraie
En silence, je médite
A cette phrase si souvent dite
Je dirais qu’il vaut mieux être
Sous ce halo de fraîcheur
Quand le soleil plombe
Au zénith de sa chaleur
Même s’il est élégant et original
Ne pas choisir un hêtre pleureur
Si l’on a le cœur gros
Ça rajoute de l’intégral au mal
Plutôt choisir un hêtre pourpre
Si l’on a envie de flamber
Attention de ne pas rester rouge
Pendant trois saisons d’affilée
Ou un hêtre sylvetica Mercedes
Au feuillage fin et léger
Pour une bordure de haies
Qui te garderont au secret
Méfiat ! au hêtre tortillard
Qui tord son tronc et ses branches
Et choisit les chemins détournés
Plutôt que d‘hêtre un bon fayard
Que le professeur Tawhid, spécialiste de la langue arabe, habitât dans les Ardennes et que j’eusse à le rencontrer dans la ville-même où je m'étais marié jadis - et d'où je m'étais tiré vite fait ! - était une drôle de coïncidence. Mais les linguistes et les connaisseurs triés sur le volet, très rares en ce XIXe siècle, du Coran que j'avais entrepris de traduire en français, s'il eut fallut les poursuivre jusque dans leur retraite au bout du monde, dans le plus retiré des trous à rats qui fût, j’y fusse allé !
Pour la fin de ce voyage j'avais pris l'omnibus. Comme nous traversions la hêtraie Bois-en-Val je ne me sentis plus brisé par les chaleurs. Tandis que le cocher maltraitait son cheval je me remémorai les anciennes erreurs que j'avais commise par ici autrefois. J'étais alors un jeune reître, un soldat, et j'avais atterri sur les terres d'ici au gré d'affectations militaires qui me mèneraient plus tard en Algérie et en Crimée, sur le théâtre des opérations ou bien en tant que gestionnaire du maintien de l'ordre.
La Meuse s'étendait au pied du mont Olympe. Là c'était Charleville et là c'était Mézières, ville d'amours tranquilles, de grâces roturières et de folles jeunesses. C'était hier encore, c'était l'été indien et ce jour-là j'avais été attiré par la musique jouée au kiosque près de la gare. Un peu en retrait de la foule, assise sur un banc vert devant une haie de thuyas, une jeune fille solitaire coiffée d’une tiare de cheveux roux me fixait du regard avec l'air de me dire « Si tu me dis oui, je ne dirai pas non ». Cette fille du coin n'était pas une hétaÏre. Plus tard je la surnommerais ainsi :
- Vitalie, ma belle hétaïre ! Toi ma Hittite folie ! Mon petit train de fantaisie !
- Qu'est-ce que ça veut dire, "hétaïre", Frédo ? demanderait-elle.
- Ça signifie « Ma cocotte » en grec ! Viens te faire voir et m’en faire voir ! Viens donc là, ma poulette, qu'on se plume au plume !
J'entends encore son rire séduit. Elle était épatée par toutes mes connaissances.
Ce premier jour je l'avais abordée sans hâte, la jouant détaché, distant, hautain. Je maîtrisais très bien cet art de prendre les façons d’un nobliau, d’un aristo solaire ou d’un disciple zélé du dieu égyptien Râ alors que je n'étais qu'un pauvre hère, fils d’un tailleur du Jura, jeune engagé dans l'armée.
Je lui avais demandé :
- Vous aimez ces airs ?
Pour une raison que je n'ai pas comprise elle avait pouffé de rire.
***
Ceux qui se pencheraient sur notre histoire plus tard, si cela arrivait, auraient tort de penser que Vitalie, jeune paysanne qui avait hérité d'une ferme dans le hameau de Roche, manquait d'attraits physiques. Sa conquête se fit sans difficulté. Après avoir sacrifié aux rites nécessaires – fiançailles, mariage, lecture du code civil et repas de famille enquillés d'une seule traite, nos têtes s'étaient retrouvés à reposer après l'effort sur les taies d'oreiller voisines d'un lit large dans lequel fut conçu notre premier héritier. Ça n'a pas raté, ce fut un garçon, on l'appela Frédéric qui était également mon prénom.
Évidemment je ne peux pas taire le changement apporté pour le père aussi par la naissance d'un enfant : nous étions désormais deux à téter les seins de Vitalie ! Un jour pour Jupiter la nymphe devient Héra et, ça ne rate pas, le brave Dieu atterré découvre que l'amante est aussi une mère et que gérer une famille ça n’est pas sa tasse de thé (ou de nectar, plutôt) à lui.
Je n'eus pas le temps d’en prendre ombrage et de devenir amer car l'armée, autre nourricière guerrière à la mamelle jamais tarie, m’appela sur une autre aire de jeux : je fus envoyé en Algérie.
Je ne revis plus Vitalie qu’a mes rares permissions. Mon absence prolongée n’irritait pas plus que cela ma solide et patiente épouse. Les feux d'un bel amour couvaient toujours dans l'âtre et ils furent suivis de quatre autres naissances d'enfançons ou d'enfantiaux comme on dit en Suisse. L’un, l’une plutôt, ne survécut pas mais il n'y eut pas d'arrêt pour autant dans notre production de nouveaux êtres en ce siècle de conquêtes et de révolution industrielle et industrieuse.
Et puis aux colonies j’ai rencontré Rita qui fut l’arête dans le bifteck de notre couple. Vitalie se sentit trahie - elle l'était ! -, elle me traita de taré, tira un trait sur nos amours et, comment on dit à Rouen, « On les mit sous le tapis à l’aître Saint-Maclou ». Après la naissance de notre dernière, « Isabelle la Catholique », elle se fit passer pour veuve puis, à ce qu'on m'a dit, serra beaucoup sa haire avec sa discipline. Après le sabre, le goupillon ! Hare Krishna à mort !
Je ne puis la haïr de m'avoir mis dehors. C'est le destin du traître et le destin est traître lui aussi. La suite est un peu tarte : je me suis terré quelques temps avec Rita en Algérie mais comme elle en avait un peu plus dans la théière elle m'a laissé tomber vite fait pour un pêcheur de raies de la ria d’Etel : il s'appelait Modiano et prenait de l'éther si je me rappelle bien. Bizarre pour un Breton !
Puis j’ai fait la Crimée et je me suis mué, la retraite venue, en vieux savant décoré de la Légion d'honneur cherchant quelques rais de lumière sur la langue des Arabes, sur la pensée d’Orient, les autres religions dont, notamment, l’Islam.
Mais ite missa est ! Fin des confidences ! La patache s'arrête, nous voici arrivés sur la place ducale. Le grand cocher bourru maltraiteur de chevaux décharge nos bagages. Cet imbécile me dévisage avec intensité avec l’air de se demander si « hêtre ou ne pas hêtre ? » est la question que se pose certain loup-bûcheron qui sortirait du bois ! Drôle d'accueil, drôle de paroissien !
J'espère que le hasard qui fait si mal le tri parfois ne mettra pas Vitalie sur mon chemin.
Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je me sentirais sans doute obligé de lui demander : « Ces enfants que je t'avais faits, que sont-ils donc devenus ? » alors que franchement, maintenant que j'arrive au terme de mon âge, je m'en fous, des enfants Rimbaud-Cuif !
Comme un arbre
Hêtre ou
Épicéa ou
Tilleul ou
Robinier ou
Érable ou...
Comme un arbre
Pas dans la ville
Chêne et pas chaîne
Frêne et pas freine
Hêtre
Un arbre
Ses fruits les faines
Fait bruire ses feuilles
Circuler sa sève
S'épanouit parmi les autres
Hêtres
Dans la hêtraie
Entouré
De chênes
De frênes
Au fil du temps
Longtemps
Comme un arbre
Dont le bois fait les guitares
Tôt ou tard...
... vous me direz que c'est facile pour moi puisque je choisis les sujets.
La preuve : j'ai sélectionné le mot de cette semaine parce que, comme chacun sait, au sud-est de la ville où j'habite, il y a la Forêt de Soignes, une hêtraie de 5000 Ha, une des plus grandes forêts périurbaine d'Europe et qui se prolonge jusqu'en ville via le Bois de la Cambre.
Ceux qui me connaissent mieux pourront même révéler que pendant quarante ans, j'ai habité à deux pas du bois du Laerbeek, lui aussi planté de hêtres, même s'il ne fait que 33 hectares.
Facile dans ces conditions de me faire mousser, pas vrai ?
Bien essayé ! Tout faux vous avez !
En fait, initialement, j'avais choisi...
Hétaïre
Vous connaissez certainement ces sortes de courtisanes de luxe de la Grèce antique qui correspondaient un peu aux escort-girls d'aujourd'hui ou aux grandes cocottes de la belle-époque.
J'aurais bien aimé, mais c'est en recherchant des illustrations ad hoc dont voici les plus sages...
... que j'ai été pris d'un doute (très léger, mais enfin...) qui m'a fait me rabattre sur son seul anagramme :
Hêtraie
Vous avez compris ?
Eh bien, maintenant, allez donc vous promener "sub tegmine fagi" comme Tityre. Vous verrez, ce sera très... bucolique !