Ont senti le souffle du dragon
Laura ; Joe Krapov ; Lecrilibriste ; Walrus ;
maryline18 ; Kate ; TOKYO ; Minuitdixhuit ;
bongopinot ; joye ; Adrienne ;
99 dragons : exercices de style. 50, Style cocasse (Joe Krapov)
Bien le bonjour, joyeux lecteurs de la chanson de Ricochet ! C’est la toile de Pénélope ici ! On tapisse, on retapisse, on détapisse partout, même dans les toilettes ! Ça a beau être pareil, ça n’est jamais la même chose, ce mythe qui nous vient tout droit des neiges d’antan ! Et tant pis donc si en passant je donne un soufflet à Ronsard ou mets ce bon Vaugelas en pièces !
***
Ça aurait pu se passer à Dache, à Chquoufougnouze ou à Saint-Profond-du-Lointain. À Perpète-les-Bains, à Pampérigouste ou à Saint-Pisse-qu’en-Coin. Mais non, c’est bien à Trillebardou, chez Jean Guillemette, que le dragon a fait son apparition. C’était un glouton mémorable, du genre qui avale la rue des Lombards.
- Mais quand t’arrêteras-tu de boulotter mon troupeau ? demanda le paysan.
- Mardi s’il fait chaud ! répondit le dragon ! À la venue des coquecigrues ! À la Saint-Glinglin !
Comme les paysans du coin n’étaient pas du genre à jeter les épaules de mouton toutes rôties par les fenêtres, ils appelèrent à l’aide.
- Sire, sire, il a plu sur notre mercerie !
***
Le monarque demanda à ses chevaliers d’aller faire sa fête à ce bestiau bariolé comme la chandelle des rois mais il trouva face à lui des visages de bois.
Ces vassaux-là se croyaient sortis de la côte de Charlemagne mais ils n’étaient en vérité que des carabins de la comète qui, éternellement, tranchaient de l’éléphant sans jamais quitter la table ronde où la chère était si bonne. Bref ils se chauffaient à l’espagnole et se caressaient l’angoulême, ces rodomonts, ces Ramasse-ton-bras, ces dépuceleurs de nourrices !
Ils lui répondirent «Niet !».
***
Ce bon roi était franc comme l’osier et dans cette situation où il apparaissait roulé comme un soleil d’hiver, il lâcha la bonde :
- Jamais je ne fus tant étourdi du bateau ! Ah je suis bien entouré ! Des vendeurs d’épinards sauvages ! Des « Prend-à-gauche toute ! L’autre gauche ! » Des goulafres ! Mais je n’irai pas à travers choux pour ma part. Pas de ça Lisette ! Pas question de jouer de l’épée à deux talons, de faire un trou à la lune ! Je vais la prendre avec les dents !
Il s’en alla trouver le dépanneur du coin, un nommé Larchevêque. Il tenait boutique à l’enseigne de « Crois Robert, c’est un expert ! »
Après avoir encaissé une palanquée de « Tranquille Emile, c’est trop facile », de « À l’aise Blaise on t’le dépèce » et de « Cool Raoul j’lâche le pitbull » le souverain eut droit à sa solution miracle : « Laissez faire Georges, c’est un homme d’âge ! ».
Et de fait Larchevêque semblait de taille à tirer de l’huile d’un mur.
***
Il nous faut faire à présent un détour par les appartements de la princesse.
- Il y a de l’oignon ! s’énervait-elle.
La princesse était toute épaplourdie. Que dans cette version-ci aussi on passât sous silence les exigences sexuelles de la bête, cela l’avait ébarnouflée puis lui avait mis le cœur sur les lèvres. Mais comme à cette époque-là on demandait aux filles de garder les manteaux ou de compter les clous d’une porte, que pouvait-elle faire d’autre que bâtir des châteaux en Asie, rêver d’un hashtag #Superwomanbatledragon, se pimprelocher devant le miroir et rêver qu’un bel homme vînt lui déclamer : « Ma mignonne, ma mie, ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantoufle …» tandis que les ans filaient ?
***
Et donc Larchevêque envoya Georges pour faire rendre gorge au souffleur de la forge.
Le chevalier Georges avait la mine renfrognée d’un soupe-tout-seul, la tête d’un vendeur de vache foireuse : il ne riait jamais.
Il était logé chez Guillot le songeur. Pour un peu c’eût pu être aux petites maisons, c’est à dire qu’il avait un grain, des visions, des rêves. Mais comme il avait la force virile et la science des armes de poing, il était devenu mercenaire mystique, ce qui lui permettait de concilier ses deux extrêmes et d’avoir un rôle social à jouer dans les récits d’édification religieuse de l’époque.
Il avait donc été recruté par un endormeur de mulots de la Sainte Eglise et de la pire espèce, un grand architecte de fourbes qui prenait des airs penchés. Depuis il voyait vaches noires en bois brûlé ! Il avait ses rats, ses hannetons sous le chapeau, qui lui faisaient croire qu’à force de combattre l’hérétique de façon hiératique il deviendrait saint !
Le combat eut lieu et il fut tout sauf silencieux :
- Tu ne fais que de l’eau claire, mon joli !
- Tu prends ton nez pour tes fesses !
- Je te promets que tu vas rire du bout des dents et même ne plus rire du tout d’ici peu !
- Tu chantes Guillemette, jeune homme !
- Ris t’en Jean ! On t’frit des œufs !
- Ferme ta boîte à camembert ! Tu l’ouvriras pour le dessert !
- Sur quelle herbe as-tu marché ?
- Tiens prends ce cataplasme de Venise ! Et une giroflée à cinq doigts, une !
- Garde ton onguent de miton-mitaine ! Tu me canules !
- Adieu la voiture ! Patatras Monsieur de Nevers ! Passez muscade ! Va te coucher, Basile, tu sens la fièvre !
- Ah qu’est-ce qui se passe ? Le marchand de sable est passé ! Le petit bonhomme me prend ! Je m’endors ! Je me meurs ! Tu vas me le payer Aglaé ! Je n’ai plus d’encre au cornet ! Je vois des anges violets !
Bourouloulou ! Quel choc ! Quelle tempête quand le chevalier frappe la bête avec la clé de l’autre monde, son épée Ascalon ! Et bientôt, c’est cuit de jeudi pour l’animal à quatre pattes !
- Nous mangerons du boudin, la grosse bête est par terre ! O notre bon roi, le dirons-je ? Ça fait hideur quand on y songe !
***
Il est bien évident que dans cette version-ci la rose qui naquit dans le sang du dragon fut de la variété « Cuisse de nymphe émue » !
Cela ne donna pas pour autant l’idée au bon chevalier Georges d’aller désennuyer la petite princesse. Enfin, bon, les personnages font ce qu’ils veulent ! Comme on disait jadis, les volontés sont libres !
Kiki carabi mon histoire est finie pour aujourd’hui !
Inspiré par le très recommandable livre de dame Catherine Guennec . - A Trillebardou chez Jean Guillemette. - Paris : First editions, 2019.
Strange thing (Lecrilibriste)
À l'intérieur tout feu tout flamme
mais immobile sur sa stèle de pierre
le robot-dragon rêve d'un souffle de vie
que lui apporterait un vent de folie
Il y a urgence car son âme s'enflamme …
Depuis quelques temps, rien ne va plus
son pater avec son ADN
l'a créé, fabriqué, connecté, installé
et sur cette implantation formaté,
asservi à cracher des flammes virtuelles
alors qu'il pouvait marcher, cracher, ruer ...
Avec les nouvelles technologies
il a pris quelque envie de vie
Les touristes s'approchent et s'arrêtent
« Strange thing » « Strange thing »
c'est drôle quand on le regarde dans les yeux
y'a quelque chose qui bouge
Il fait peur, il a l'air dangereux.
Au fait, sont-ils verts, noirs ou bleus ?
Si on regarde de ce côté, il a l'air triste et désolé »
Il n'est pas désolé,voyez-vous, il est triste et furieux
Et ses yeux sont rouges, mesdames, messieurs !
Mais Fifi, ado sublime et audacieux
phénomène en informatique spécifique
rode autour de la chose insolite
et frayant pour de bon avec la jet-set
des hackers, des pirates et des asiatiques
bidouille sa babasse en lui caressant la tête
Et dit « t'en fait pas mon vieux, on va s'envoler
sur ton dos jusqu'en Chine, j'irai m' balader »
quand j'aurai fini d' ficeler mes algorithmes
C''est ainsi qu'en août, une belle nuit
lors d'une nouvelle lune en lion
Fifi s'envola sur le dos du dragon
jusqu'à la muraille de Chine ;
L'histoire ne dit pas s'ils ont bien atterri
Mais on n'a jamais revu ni dragon ni Fifi
Dans la famille ... (maryline18)
Dans la famille Tapudkeur, la mère Martine, s'en va chez'l docteur pour soigner ses aigreurs.
Dans la salle d'attente elle reconnait Madame Matuvu, Garocou, Putsavon, quejtepic, et Monsieur Jetesoul et keujteurluk.
Le docteur Garotuil est un As, il appelle tout son p'tit monde par son p'tit nom pour lui faire croire qu'il l'aime bien ! Martine n'est pas dupe...
_ Bonjour Martine, rentre ! Qu'est-ce qui t'arrive ?
_Bonjour Docteur, j'ai des aigreurs, des brûlures d'estomac et comme du mal à digérer ces temps-ci et je dors mal aussi !
_Je vois, je vois...
( Il ne voit rien d'autre que son décolleté puisqu'il y plonge déjà ses yeux de merlan frit...) Il faut bien dire, à sa décharge qu'entre les renouvellements de médicaments et les aspirines à prescrire pour soigner les effets indésirables du verre en trop de la veille ( ou de l'avant veille, ou de l'avant l'avant veille, il s'ennuie un peu le bougre...)
_ Ouvre la bouche et tire la langue !
_ AAAAH !
( Il fait un bond en arrière ! )
_ C'est quoi c'brasier !? Ferme malheureuse !
_Respire ! Souffle ! NON, PAS SUR MOUAAAAA !
_ C'est grave Docteur ?
( Il est rouge écarlate avant même d'avoir posé son stéthoscope sur son soutien-gorge ! )
_ J'y vois rien, c'est en feu ! T'as pas fait les choses à moitié, dis-donc ! J'te prescris de l'eau, de l'eau sous toutes ses formes : en tisanes, excellentes pour le sommeil, tu y ajouteras une cuillère de miel et queques fleurs de tilleul, mais aussi pour immersions et ablutions. Il faut refroidir tout ça ! Tu me feras en parallèle des exercices de respiration au grand air, mais attention aux forêt, j'veux pas d'ennuis si près d'la r'traite hein !
_ Bien docteur !
_ Surtout évite les courants-d'air, gare aux retours de flammes ! Si ça arrive, fais le 18 ! Mais attention, c'est à tes risques et périls, tu comprends...l'uniforme...t'es pas à l'abri d'un pyromane !
_ Fais-moi voir ton carnet !
( Elle lui tend le petit carnet rose tamponné ici et là mais presque illisible avec le temps ).
_Il faudra penser à te faire vacciner quand ça ira mieux, j'aurais juré que tu l'étais, à ton âge !
_ Oh mais moi aussi Docteur !
_ Il vaut toujours mieux prévenir que guérir Martine, il ne faut qu'une petite étincelle pour allumer un grand feu, pas vrai ? ( Un brin de malice s'est glissé dans son regard...)
_ Pour sûr Docteur, mais quand le feu est dans le vieux bois, on ne peut plus l'éteindre...j'espère qu'il n'est pas trop tard pour la vaccination !
Martine paie et se dit qu'une fois de plus, il ne s'est pas mouillé pour établir son diagnostic...et aussi que son ordonnance ne coûtera rien à la Caisse !
_ Au revoir Docteur ! ( Elle serre sa grosse main moite et s'en va ). Elle fonce vers la mer méditerranée ou...vers la mère "Médite tes années".
Suffit-il ? (Kate)
Suffit-il d'un dragon
Pour évoquer un donjon
Construit en moellons
Avec force sueur au front
Suffit-il d'un dragon
Pour qu'on fasse un plongeon
Dans la piscine au fond
Assez profond
Suffit-il d'un dragon
Pour que nous construisions
Des théories d'explication
Du monde qui donnent le ton
Suffit-il d'un dragon
Avec tous ses boulons
Pour que nous réfléchissions
D'où nous venons
Suffit-il d'un dragon
De petits vers de mirliton
Pour que nous enfilions
Quelques perles pour de bon ?...
Photos de l'auteur, août 2019, n° 1, 2, 4 tirées de "Histoire de la France" de Georges Duby ; n° 3 et 5, collection personnelle
Le sentier de l'étrange (Walrus)
Alors, comme ça, vous ne connaissez pas Ellezelles ?
Alors, c'est bien normal que vous ne connaissiez pas le sentier de l'étrange non plus...
Nous l'avons parcouru en 2007 avec nos petites-filles lors d'un séjour au gîte du Vieux Pommier (là où en jouant au foot avec elles j'ai malencontreusement perdu, en fin de séjour, les ligaments croisés de mon genou gauche).
C'est de là que j'ai rapporté l'image-sujet de ce jour. En compagnie de quelques autres.
Une (toute) petite sélection ?
Le parcours fait six kilomètres environ, ça ne nous posait (à l'époque) aucun problème, sauf à Louise qui n'était pas toujours très enthousiaste à l'idée de tricoter des guibolles.
Alors, pour l'aider à surmonter ses réticences, je la faisais marcher au pas avec moi au son de cette chanson (idiote) :
En avant, en avant,
En avant plein de soupe, plein de sel et les gamelles et les bidons,
J'ai, j'ai,
J'ai kék'chose au pied qui m'empêche d'avancer !
Et ric et rac, on va sketter* l'baraque,
Et rac et ric, et on verra les briques !
Et quelques autres (mon fonds culturel est riche) tout aussi stupides.
* Pour la traduction de "sketter", voir Madame Chapeau, as usual...
Le monstre (TOKYO)
J’avançais dans le parc avec la tronche d’un cendrier. J’avais qu’une envie me barrer d’ici et me la couler douce sous un grand parasol.
Quand je suis tombé sur ce monstre. On avait dû m’assaisonner le pâté du matin au crack. Ce monstre me demandait de l’adopter, me suppliait de ne pas l’abandonner ici..
La créature au visage hideux, abandonnée certainement par un Frankenstein de carton-pâte semblait prête à persécuter toute la ville encore endormie .
Je n’étais pas un Avengers pot avec les superhéros de la galaxie, ni le filleul des super-Dupont .
Puis je fus pris d’un fou rire à la simple idée de me balader avec ce chien fou dans mon quartier / surpriiiiise je viens acheter ma baguette de pain avec toto mon chien fou !!
Surpriiiise , toto pisse devant les hortensias de la mairie .Non Monsieur le Maire il ne mord pas !!
Bon les surprises c’est rigolo une fois par an mais là l’animal devenait encombrant d’autant qu’il venait de sauter de son piédestal pour me lécher la joue.
Combien je regrette aujourd’hui de ne pas avoir eu sur moi ma redoutable caméra et sur fond de Cui Cui d’oiseau le voir dévorer le gardien du parc.
Un vrai pataquès cette balade dans ce parc alors que moi je voulais simplement me faire cuire le cul au soleil.
Je vous le dit et vous le redit du crack dans mon pâté en croute.
Quand j’arrivai dans ma ville, celle-ci était infranchissable. Elle avait été découpée en zone étanche. Des flics partout. Je n’étais pas à Biarritz pourtant en plein G7. Quoique le monstre avait de profil une légère ressemblance avec TRUMP. Tout le monde ne parlait plus que du Monstre.
Ma vie était devenue une interminable pochette surprise, Le monstre n’obéissait qu’à moi.
P’tit frichti sur le pouce ? Deux-trois radis ?!!
je ne savais plus comment le nourrir d’autant que j’avais à mes Basques un mur de photographes et de caméramans parce que ce serait tout de même dommage de ne pas immortaliser un truc aussi spontané. !!
Je le surveillais comme le lait sur du feu du coup il plissait son large museau et se roulait par terre comme un labrador. Aux premières pluies il s’est mis à rouiller Il était devenu modeste modeste vous dis-je !!
La seule chose qui l’incommodait c’était l’effluve des chaussettes des humains et le piment d’Espelette là je le tenais plus .
Hier soir dans son sommeil je l’ai foutu dans le hangar, la pluie, ça mouille trop , il ne supporte plus ,ces articulations sont paralysées . Pauvre bête finir comme ça !!
Depuis mon hangar est devenu une machine à cash pour amateur de shows télévisés.
Gestes figés (Laura)
Gestes figés par la photographie ou la peinture
Gestes d’un art sportif immémorial en noir et blanc
Gestes des danseuses saisis par Degas, motif obsédant
Gestes du travail des raboteurs de parquet par Caillebotte
Gestes retenus des proches du Christ qui se lamentent
Souffrance et respect saisis par Giotto dans une chapelle
Geste précis et violents de St Georges combattant
Le dragon, combat transmis par Vitale de Bologna
Gestes douloureux que le sacrifice d’Isaac par son père
Sur le panneau précieux crée par Brunelleschi, l’orfèvre
Gestes enfin inclus dans une vraie perspective
Piero della Francesca en est un des meilleurs exemples
Gestes tragiques et majestueux de la Vierge
Dans les Piéta comme celle de Michel-Ange à Rome
Gestes sublimes dans la Tempête de Giorgione
Paysage hyperbolique admiré à l’Academia de Venise
Les dragons de Tolkien (Minuitdixhuit)
— Mouais… avait dit le Docteur, c’est que votre garçon, il est tout simplement en train de devenir un homme.
J’avais le short et la culotte aux chevilles et il inspectait scrupuleusement mon zizi.
— Tout va bien, c’est que votre garçon, il est tout simplement en train de devenir un homme, avait-il répété à ma Mère au visage défait. Faut lui donner des vitamines, il va en avoir besoin, et aussi des jaunes d’œufs crus et beaucoup de sport.
C’est la bonne Angolaise qui avait tout cafté en exhibant, rigolarde, le pantalon de mon pyjama sous les yeux effarés de Maman.
— Ah, ça, c’est une belle carte du Portugal, y’a même les colonies, le Brésil, le Cap-Vert et là c’est Timor… se réjouissait-elle de ses admirables gencives.
De larges taches aux contours géographiques constellaient le tissu et moi je me demandais bien ce qu’il était en train de m’arriver.
À peine sorti du cabinet de médecine, j’avais été propulsé au presbytère.
— Mouais… avait dit le curé, c’est que votre garçon, il est tout abominablement en train de devenir diabolique.
J’avais cadenassé d’un triple nœud mon short, mais j’avais peur malgré cela que son âme perçante dénonce les deux poils roux qui m’étaient poussés en si peu de temps.
— C’est épouvantable, votre garçon, est en train de devenir onanique, avait-il affirmé à ma Mère au visage mortifié. Il perforait d’un doigt moite la Bible ouverte sur Genèse 38-9-10. « Ce qu’il faisait déplut à l’Éternel, qui le fit aussitôt mourir. »
— Faut lui attacher les mains dans le dos quand vous le couchez, il va en avoir besoin, et aussi des pénitences de pain dur et beaucoup de confessions. Qu’il vienne faire contrition tous les… (il consultait son carnet)… Jeudis, à 18 heures, après les scouts.
Je n’imaginais pas que cela fut grave à ce point.
La nuit, dans mon lit, avec la lampe de poche que je m’étais bricolée selon le modèle du manuel des Castors-Juniors, je lisais avidement les Contes Inachevés de Tolkien et voilà qu’à présent on allait me lier les poignets pour m’empêcher de rêver.
Maman ne m’avait infligé ce supplice qu’un seul soir et cela n’avait servi à rien. Pendant mon sommeil, comme chaque fois, j’avais combattu le Dragon de Fer de toute mon énergie, faisant rempart de mon corps à ses morsures, protégeant avec un courage inouï la Laure, ma petite camarade de classe qui pourtant me malmenait dans la cour de récré. Mais c’est ainsi que mes rêves me concevaient, défendant la fragilité contre la terreur, me sacrifiant valeureusement pour la vertu d’une Princesse ingrate…
De ces combats oniriques, j’émergeais en sueur et en larmes, tremblant, poisseux, mais vainqueur du Dragon Infernal vaillamment terrassé.
Il me faut avouer que j’avais une arme secrète. Quand il s’y attendait le moins, de ma lance magique je l’aspergeais de l’épais jus de navet qui bouillonnait dans mes veines et le monstre subjugué s’écroulait dans des râles éloquents que je n’ai à nouveau entendus que bien plus tard dans mes nuits d’adulte et curieusement, plutôt dans les moments de la câline compagnie de Laure.
Mais cela est une autre histoire.
L'enfant solitaire par bongopinot
Un enfant solitaire
A brisé les barrières
Les yeux pleins de lumières
Il part dompter la bête légendaire
Sur les traces de son imagination
Dans un royaume fantastique
Sur le sentier de ses créations
Il retrouve un peuple magique
Et pénètre dans l’antre du dragon
Dans les entrailles de la terre
Il est pris de frissons
Sa poitrine se serre
Puis son angoisse et sa peur
Finissent enfin par le quitter
Il ressent même une douce chaleur
il se sent chez lui comme protégé
Dans la pénombre il entend un souffle
Et ensuite distingue un œil perçant
Il avance lentement le pas souple
Dans un silence apaisant
Il vient de dénicher un joyau inestimable
La magie la féerie des grands rêveurs
Avec le sympathique dragon intouchable
Qui sommeille et veille en prère protecteur
Maintenant plus d’inquiétude
Il peut retrouver le monde réel
Il a obtenu réponses et certitudes
Alors il continue son chemin de pastel
Ont mis le nez à la lucarne
La curieuse (Laura)
Cette petite fille m'a fait penser à un petit personnage que j'ai dans ma bibliothèque que la personne qui me l'a offert a qualifié de "curieux." Cette petite fille curieuse me fait penser à moi : ma curiosité insatiable ne me laisse guère de repos. Le jour du retour de vacances, je nous ai fait faire six kilomètres à pied pour voir l'endroit où je pourrais mieux sentir la présence de Nerval il y a presque deux siècles. C'est souvent que je cherche le paysage que j'ai lu dans un livre ou vu dans un tableau. Parfois, c'est le tableau qui représente un endroit vu que je cherche et pour ça, je parcours la France, l'Europe et le monde. La curiosité, un vilain défaut? Je préfère penser que ceux qui passent mille fois pendant des années près d'un lieu sans avoir envie de le voir de plus près ont du sang du navet dans les veines.
En haut du Triforium (Lecrilibriste)
Mais quelle est cette petite frimousse espiègle d' ange qui apparaît soudain dans une ogive sculptée du triforium, à côté du visage de pierre du grand Saint Louis ?
Bien sûr, c'est Louisette ! Qui voulez-vous que ce soit ?
Avec ses jambes toutes neuves de 10 ans, toujours avide de découvrir le monde, elle a grimpé à toute vitesse dans le noir la volée de marches en colimaçon, devant ses parents qui montent à un rythme plus lent et le sculpteur ami qui leur fait visiter le triforium de l'abbaye qu'il restaure actuellement.
Attend nous, Louisette crie maman ! Attention Louisette ! Crie le sculpteur, attend s'il te plaît et surtout ne te penche pas …
Mais Louisette ne bouge plus. Elle reste plantée immobile, scotchée devant ce qu'elle découvre de derrière son ogive.
Comme c'est drôle de regarder d'en haut ce qui est en bas. Les choses ne sont plus pareilles !
On ne les voit plus de la même manière.
Quand elle était en bas, les colonnes lui semblaient immenses … au moins 20 fois plus grandes qu'elles. D'ici, elle les découvre autrement en plongeant son regard dans la nef , elle voit tous les détails. Elle est à côté des feuilles d'acanthe en relief qui s'enroulent autour de chaque chapiteau de colonne. Elle pourrait presque les toucher.
Elle regarde fascinée la vaste nef , les colonnes de pierre qui soutiennent le ciel de voûte et les visages sculptés des personnages qui l'entourent juste à son niveau. C'est bizarre, Il y a même des diables...Le plafond bleu étoilé d 'or ressemble au paradis. Et surtout, surtout, les vitraux, éclairés par le soleil envoient des taches de toutes les couleurs sur les murs, sur les bancs, les chaises, sur l'autel et sur les dalles de pierre, partout, dans tous les coins . C'est beau toute ces éclats de lumière colorée.
Les adultes l'ont rejointe dans la galerie du triforium creusée en haut du mur de chaque côté de la nef. Le sculpteur explique, raconte l'histoire de l'abbaye. Il fait remarquer les graffitis qui sont inscrits dans le mur du triforium. Il explique que ce sont les ouvriers qui ont travaillé à ériger l'abbaye . Ils ont signé ainsi leur travail pour laisser leur trace, laisser quelque chose d'eux aux générations futures.
Louisette impressionnée avance maintenant avec précaution et en file indienne dans l'étroitesse de la galerie du triforium .. . On est si haut ici.
Elle regarde, elle écoute …. Chacun admire, touche la pierre, détaille les sculptures vues de près . Le sculpteur fait remarquer… la précision du ciseau sur l'aile de l'ange, sur sa main qui tient la flûte, sur le doigt qui tient la note jusqu'au son pur...
Louisette regarde, écoute … Elle entend la musique de l'ange...
Confesse (Vegas sur sarthe)
Si j'aurais su j'aurais pas v'nu
je ne serais pas monté là
échelle et tout le tralala
au risque de déconvenues
On m'avait promis du spectacle
du spirituel et du mystique
au prix d'efforts acrobatiques
pour entrevoir le tabernacle
Au lieu de ça, pauvre de moi !
je vois la bonne du curé
agenouillée, transfigurée
son arrière-train en émoi
On croirait qu'elle est à confesse
rien que ce mot me fait rougir
de mon perchoir j'entends rugir
le jeune vicaire qui professe
De génuflexions en courbettes
la pénitence s'éternise
Faut-il avouer des bêtises
pour être châtiée en levrette
Elle clame sa repentance
implore ses saints, ses grands dieux
son tourmenteur a l'air radieux
d'avoir appliqué la sentence
Sur mon perchoir j'ai trébuché
je suis dénoncé, découvert
chacun remballe l'éventaire
et je me vois sur le bûcher
J'ai déguerpi … mea-culpa
ça m'a coûté deux malabars
mais le spectacle était jobard
même si on ne me croit pas
Il eût suffi (Kate)
Il eût suffi
Que Louis Denis
Mit sa face
À la surface
Pour nous faire une farce
Il eût suffi
Que le bruit
Du présent
Soit rattrapé par le temps
Du passé et des grands absents
Il eût suffi
D'un simple petit
Déclic magique
Pour que le loustic
Devint soudain
Connu du public
Photos faites par l'auteur sur internet, août 2019 ; l'auteur n'ayant actuellement pas la possibilité de se rendre à Vulcania, d'accéder au DVD des Visiteurs, de disposer du livre sur Woodstock et n'ayant pas non plus la force suffisante de recopier la conjugaison du verbe suffire
Tu t'es vu quand t'as bu? (Adrienne)
- Là! là il y a une tête!
Le pépé pointe sa canne vers le haut du mur.
- Ben oui, dit le fils en haussant les épaules, c'est des sculptures, il y en a partout dans cette église.
- Mais non, non, s'énerve le pépé, là! là! une tête qui bouge!
- Faudra arrêter de picoler, pépé, rigole le fils, ça ne te vaut rien, le Vosne-Romanée.
Dans la galerie supérieure qui fait le tour de la nef, Camille darde un regard qu'elle veut sérieux et menaçant à faire peur, chaque fois que le vieil homme lève la tête, puis disparaît à nouveau sans être vue des autres. Ça l'amuse toujours beaucoup de faire ce genre de blague aux touristes.
- Mais enfin! là, je vous dis! une tête rousse!
- Ah! pépé, ça suffit, s'exclament maintenant les uns et les autres, excédés. Et mémé ajoute, en marmonnant:
- Il est rond comme un boulon.
Alors, pour le punir d'avoir des visions sous l'effet de l'alcool, il est privé de vin pendant toute la suite du voyage en Bourgogne.