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Le défi du samedi
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3 août 2019

Des instants de vie, sur papier glacé. (maryline18)

 

Emprisonner tous nos instants de bonheur, tendre le filet lumineux de l'appareil pour les attirer, les attraper, quand ils déploient leurs ailes, comme autant de papillons qu'on ne laissera plus s'envoler. Les épingler ou les mettre sous verre. Prolonger à l'infini les frissons que nous procurent leur beauté, leurs  couleurs. Capturer toutes leurs vibrantes joies éphémères... 

Le défi est de taille pour les aventuriers des temps modernes, les nostalgiques des moments merveilleux, les adeptes des : " c'était mieux avant ", les collectionneurs des douceurs périmées et des sourires évaporés.  Peu importe le flacon, pourvu qu'on en ait l'ivresse...Enfouies dans une simple boite en fer, elle même rangée au fond d'un placard, ces photos attendent le bon moment pour être savourées à nouveau, comme une bonne liqueur, lentement, seul ou à plusieurs.

Précautionneusement, dans un album dernier modèle, figées, tout comme les émotions multiples qu'elles conservent, posées sur un papier cartonné, on les recouvre avec délicatesse, telles des pépites fragiles, du plastique protecteur. Cette fois, le temps n'aura pas le dernier mot, le bonheur sera préservé. Les photos restent là, émotions mortes, joies empaillées, comme s'il fallait cette matérialisation pour ne pas oublier que ce qui donne tellement de sens à la vie, c'est l'amour qui s'en dégage.

Hélas, il suffit parfois, d'un regard sur ces joies d'hier, oui, d'une seule de ces photos assassines pour vous faire éclater le coeur et pour en faire jaillir des rivières.

Toutes les occasions sont pourtant bonnes pour "faire sortir le p'tit oiseau". De la rencontre de "l'autre", au défilé des saisons et des fêtes, des mariages aux vacances, des naissances aux anniversaires, ces belles photos, si précieuses nous rassurent, donnent plus de sens à l'énergie déployée en toutes circonstances. Elles attestent que nous sommes bien en phase avec une époque où l'image tient une place primordiale.

Et puis un jour, arrive le point de non retour. Ce jour-là, le bonheur sur papier glacé ne vous réchauffe plus le cœur mais dangereusement, vous écorche et vous fait détourner le regard. Alors, vous baissez la garde et les sourires, les yeux pétillants, les joues rosies, tout, vous prenez TOUT en pleine face comme un violent coup. Sonné, c'est le "KO".

Un silence implacablement lucide de fin du monde vous traverse alors. Pour pouvoir réagir Il faudra attendre la tempête salvatrice, celle qui déchire les espoirs et toutes les promesses bruyamment ( celles bêtement signées mais aussi, plus dévastatrices, celles, implicites, dont la quantité augmente au fil des jours, au fil de la confiance qui accompagne l'abandon de soi ). Que faire quand tout est cassé, abimé, saccagé, si non établir le dernier état des lieux et récupérer l'essentiel, le minimum vital, avant de reprendre la route.

Pour soigner l'intérieur, se remplir d'extérieur... en inspirer chaque molécule d'oxygène, jour après jour, panser ses blessures et se laisser griser par cet air léger du renouveau, du nouveau "moi". Accepter ses nouvelles cicatrices comme autant de preuves incontestables que l'on est vivant, toujours vivant ! Mes émotions les plus violentes, mes flashs les plus éclairés restent coincés dans ma réalité intime. Dans cette partie de moi, ils ne jaunissent pas, ne se perdent pas lors d'un déménagement, d'un tri sélectif, d'une liquidation spontannée de la vie...d'avant. Oui, parce qu'il y a tant de vies dans une parfois...

A l'inverse de ces poupées gigognes, de plus en plus petites, j'espérais que mes vies successives seraient de plus en plus grandioses ! J'ignorais que le véritable chemin qui était à faire, l'était au centre de mon être et qu'il était sans fin.

Toutefois, il suffit parfois d'une chambre noire ou juste sombre, pour que se développent les clichés de mon imagination, à l'infini. Je t'imagine dans un tricot et en pantoufle, traînassant un livre à la main... ou encore devant la télévision, l'air faussement intéressé, rêveur...L'autre jour, tu m'as accompagné au bord de la mer ; le panorama était sublimé par ta présence à mes côtés. Tout ce que je partage avec toi est plus beau, plus pétillant, plus troublant... Je voulais encore y rester longtemps, comme toujours, mais tu étais grognon, tu avais raté ton feuilleton...Je t'aime aussi quand tu es grognon.

Tu ne pourrais pas avoir ta place dans un album car tu as un visage interchangeable, une existence malléable, un passé flou et un avenir trop lumineux pour apparaître net à ma réalité objective. Tu es le phare qui éclaire mon intuition, mon rayon d'espoir, la preuve chimérique qu'il existe quelque part, cet "autre" qui me ressemble tellement, qui me comprend sans effort, presque sans parole. Je te réinvente chaque jour avec ma propre sensibilité.

J'ai perdu le goût des photos si ce n'est celles des paysages, ces dernières m'offriront toujours leur beauté et leur réconfort.

 

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