Avertissement
Une panne de bougie nous a privés du texte de Jakline.
La situation vient d'être rétablie.
Merci de suivre le guide.
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Êtes vous COLLECTIONNEUR
(ou bien connaissez-vous des collectionneurs)
Pour ce nouveau défi plongez-nous dans cet univers de passion !
Vrais ou inventés vos récits sont à envoyer à samedidefi@hotmail.fr
J'ai si peu de patience, en ce moment... Je dois réunir tout mon courage...
Pourtant, écrire là-dessus est possible... Il y a peu, mon quartier dans le grand Bruxelles s'est trouvé plongé dans une obscurité absolue.
Dehors, c'était le crépuscule, un crépuscule d'avril, avec des nuages courant dans le ciel rouge orangé violet.
Il y avait encore assez de lueur pour allumer ma première bougie et chercher ma torche électrique.
Ce n'était pas une panne dans l'immeuble, c'était bien une panne de quartier. Le noir complet dans une bonne partie de la commune.
J'adore les bougies. Je les collectionne: bougies d'anniversaire, torsadées, argentées, longue durée rouge et or; bougie énorme peinte et gravée par une amie artiste; (celle-là, je ne l'allumerai jamais!); bougies d'Amnesty International; bougies en forme de framboises dans des feuilles - parce que naguère, on me surnommait aussi Framboise, bref, j'avais de quoi illuminer mon appartement. Finalement, huit ou neuf bougies brûlaient sur la table du salon, sur le secrétaire, dans la chambre- bureau, à la cuisine. Il ne faudrait pas que j'oublie d'éteindre le tout, quand la panne serait finie, car j'ai gardé de mon enfance anxieuse dans une vieille maison une vraie phobie des incendies. La lumière était jolie, ça oui. Mais l'atmosphère était étrange - il n'y avait plus aucun bruit non plus, puisque l'ordinateur avait cessé de ronronner, le téléphone était mort, et le frigo, à l'arrêt. Plus de musique, plus de télé... Le creux des bougies absorbait silencieusement les premières gouttes de cire fondue. Et je pensais à toutes les horloges, micro-ondes, réveil dans ma chambre, que j'allais devoir remettre à l'heure - après.
Je ne faisais plus rien. Je me suis assise dans mon canapé, et j'ai décidé d'attendre. Et je me suis mise à rêver. Autour de deux idées: comment les peintres de jadis ont-ils fait pour poursuivre leur travail dans les conditions d'inconfort qui étaient les leurs: ni chauffage central, ni électricité, ni ascenseurs, aucune des facilités dont on bénéficie aujourd'hui. En été, cela va - les journées sont longues, bien que parfois grises et pluvieuses, mais en hiver et pendant les longs changements de saison?
Et même pour l'écriture. Ecrire à la lueur d'une bougie? Et encore ! Nous avons des bougies de bonne qualité ! Mais que valait la chandelle, combien de sous fallait-il pour se fournir en éclairage, au XVIIIème, au XVIIème? J'imaginais Balzac, à côté de sa cafetière nocturne, (je la voyais en émail bleu), mais écrivant peut-être à l'aide d'une lampe déjà plus évoluée qu'un simple chandelier. Et j'imaginais les vastes coins d'ombre dans les maisons - comme dans un tableau fantastique.
Et c'est vrai que l'atmosphère était lourde. En plus de la panne d'électricité - des sirènes de pompier et de police, dans les rues avoisinantes, - il faisait trop froid pour que j'ouvre les fenêtres afin de dissiper l'odeur et la fumée. Mais finalement, deux heures après, la panne était réparée. La chaussée la plus proche et le quartier jusqu'à l'église de A*** était de nouveau illuminé - je voyais les néons rouges et bleus du garage et marchand de pneus, un peu plus loin. Puis, ça a été à notre tour.
J'ai éteint mes bougies progressivement (j'avais un peu peur que la panne ne recommence), mais décidément, tout fonctionnait.
Quand j'ai éteint la dernière bougie, les marteaux ont commencé à résonner dans ma tête - sous la tempe gauche - ou droite, je ne sais plus. L'odeur de cire fondue et de fumée me soulevait le coeur... Le lendemain, ce ne serait plus jour de panne, mais jour de lit, car assurément, j'aurais la migraine...
Petite flamme dans la nuit de ma chambre ... là où j'ai posé ma bougie, tu éclaires les photos épinglées au mur. Flamme fragile, réveillant mes souvenirs d'enfant, brefs moments du passé, inscrits en moi à jamais. Et je vagabonde en ce temps retrouvé :
Ici je m'apprête à lancer des pétales de roses disposées dans une jolie corbeille décorée de dentelle qu'un ruban relie à mon cou ... ce devait être au mois de Mai, le mois de Marie ... Là, me voilà toute fière de « faire du vélo » dans les rues du village de mes grands-parents, faisant amie-ami avec le si gentil toutou des voisins, et surtout merveille des merveilles : doux et chaud souvenir de ce jour où l'on m'a permis de prendre un jeune agneau dans mes bras. Je l'ai serré tout contre moi, ses longues et fines pattes reposaient sur mon bras ! Je sens encore son petit cœur battre contre le mien !
Et plus haut sur le mur ............ Oh, je ne vois plus très bien ...........
FFFFFF
FFFFLLL
FFFFLLLAAA
FFFLLLAA MM EEE
La flamme s'amenuise : Ffffffff, Ffffffff …. Elle va, elle cille, elle vacille ...
Où va la flamme quand elle s'éteint ?
Où va la FLAMME ?
FLAMME ..........
FL'ÂME !!!
FF FF ff ff ff ff fffff fffff fffff
L’allumette a craqué. La bougie, trônant sur un tout petit pot de miel retourné, au fond plein de peinture sèche, s’est éclairée.
A l’orée de mon sommeil, flamme, tu ondoies comme un étendard.
Emmène-moi jusqu’à lui qui m’enchaleure !
Je l’aime, tu comprends ?
Est-ce mon ombre qui a tremblé ? Je t’ai entendue répondre « lui aussi ».
Tu dessinais une fleur sur le tapis.
J’ai regardé ta danse, elle calligraphiait mon amour. Silencieusement.
Tu ne t’es pas éternisée. Les bougies d’anniversaire, ça ne dure pas. Devenue langue bleue, tu es restée un peu ainsi, caressante, puis soudain il n’y avait plus qu’un tison rouge minuscule, qui s’est éteint aussi.
A l’orée de mon sommeil, flamme, j’écris ces quelques mots. Je rêve qu’il les entend. Et que dans sa nuit, mon marchand de sable chevauche avec cet étendard. Flamme de femme.
Une allumette a suffi. La bougie a poursuivi sa flamme au fond de mon cœur de miel, de verre et de poussières teintées.
Lueurs
Petit bonhomme de cire, bien droit sur son unique pied, il est là, il m’éclaire, il vacille au moindre souffle d’air mais il m’éclaire… Sa robe de cire, stricte et froide d’abord, s’orne peu à peu de broderies et de festons qui s’écoulent puis se figent en volutes ou arabesques parfois longues et minces, parfois courtes et obèses. Sa flamme qui danse projette sur le mur des ombres fantasques , souriantes ou grimaçantes. Quand on a l’impression qu’elle s’épuise, s’essouffle et va bientôt mourir ; tout à coup, la plus légère brise lui redonne vie et la voilà qui s’étire, se relève et, tel un mourant qui s’accroche à une dernière lueur d’espoir, elle laisse s’échapper un nouveau bouillonnement de dentelles qui recouvre le corps du petit bonhomme un peu plus encore…
Enfin, lorsque, à bout de souffle et de résistance, les derniers vestiges du petit corps de cire s’étalent en un magma informe et fumant, on sent partir avec lui les rêves qui ne se disent pas…
Jaqlin
Ami lecteur, amie lectrice, "c'est toi qui vois"... répète la consigne du défi #108. Oui, tu vois et c'est bon et c'est bien. Ouvre tes yeux. Viens avec moi et mon appareil photo. Il fait beau. Virevoltons en campagne. Des flammes qui s'allument, en voilà, là, à l'instant présent. Les capter, les capturer, les garder, les offrir, les habiller de quelques mots, oh, pas trop...
Ouvert ce prieuré du XIIème siècle et sur le mur inondé de soleil, de l'ombre déjà et la formule latine fameuse : carpe diem. Chaque moment compte, chaque moment est unique, fugace, exceptionnel, vivre et vive le moment présent.
Quelqu'un m'a sorti brusquement du tiroir en tirant bêtement sur ma mèche; sagement alignées dans leur papier de soie mes soeurs n'avaient pas bougi... pardon, bougé!
J'ai expliqué que ça ne servait à rien et que j'avais cette mèche rebelle depuis tout petit mais on ne sembla pas m'écouter...
J'ai crié plus fort quand on m'a crâmé le cul à la parafine fondue pour m'asseoir sur un plat d'étain froid et poussierreux; j'ai toujours aimé la parafine mais comme la prépare maman avec un peu d'essence de lavande ou de vanille à l'heure du goûter.
Après ça s'est mis à sentir le soufre, celui d'une allumette qu'on gratte et j'ai hurlé encore plus fort. Maman dit toujours que c'est mal de jouer avec ces bâtons de la mort et qu'un jour à cause des Suédois il arrivera un grand malheur.
Je ne voyais que la petite flamme au dessus de ma tête car on avait tiré les rideaux comme le jour où la vieille était morte... et en y repensant ça me faisait frissonner du pied jusqu'à la mèche.
Maman avait raison: la flamme ça fait mal, un mal de chien à ce que disent les chiens et j'ai senti aussitôt ma tête se ramollir pendant que ma mèche brûlait avec un petit crépitement ridicule.
"Au feu!" Instinctivement, je criais ce qu'on m'avait appris dès ma naissance mais ça avait plutôt l'air d'amuser ce crétin penché sur moi à m'observer
à travers ses lunettes double foyer comme un pauvre myope débile.
Seul et abandonné à ce pyromane irresponsable, je fondis en larmes mais mon flot de parafine n'éteignait en rien l'incendie; je crois même qu'il l'entretenait.
Que pouvait-il bien se passer dans le cerveau atrophié de mon bourreau alors que je brûlais inexorablement en m'étalant en une misérable flaque au fond de cette gamelle?
J'essayais de rester digne et bien raide en songeant à cette expression qu'employait mon père " Brûler Parler Debout!" et que j'avais du mal à comprendre.
Si encore j'avais pu me souffler dessus pour stopper le brasier qui me rapetissait de minute en minute... "Quand je serai grand je serai cierge pascal à la cathédrale saint Julien" avait prédit mon père qui voyait grand pour moi et je réalisai à cet instant que ça ne se ferait pas, et que tout ça était la faute de cet incendiaire binoclard, ce candle killer !
Nul doute que dans sa folie meurtrière il allait vider le tiroir en décimant toute une honnête famille de chandelles... plus personne pour porter le flambeau! Comme cette funeste pensée me submergeait, dans un chuintement imperceptible le dernier millimètre de ma mèche rejoignit la flaque tiède au fond du plat... et la vraie nuit tomba.
Le feu synonyme de passion peut tout dévorer sur son passage ....
Il ne faut jamais jouer avec les allumettes ....tout semble s'enflammer sur cette planète
les rapports entre les gens, les rapports dans le quotidien....
le rapport d'un pays à l'autre....
les volcans s'activent comme les hommes ....
qui a mis le feu ???
Depuis que l'homme frottait 2 silex pour avoir un peu de chaleur et de quoi griller sa viande, tant d'incendies ont ravagé les campagnes... les pays.... les idées.....
du silex à l'allumette quelques siècles ...
Mais sans le feu nous n'aurions pas fait grand chose, industrie, chauffage, cuissons diverses....
tout a été bouleversé par le feu...
Alors celui qui a pensé aux allumettes* ( au soufre) au frottement de celles-ci pour l'enflammer à fait comme le 1er homme des silex, il a pensé à tout ce qui en résulterait de positif....
Il n'a pas pensé aux feux de forêts, aux feux criminels, aux bombes .....
Il n'a pas pensé ( clin d'œil) que tout le monde penserait qu'elles sont suédoises* ! ! ( bof!)
alors de là à dire qu'il n'y a que les suédoises pour mettre le feu ! ! NON
J’allais avoir dix-huit ans. Le bel âge, celui que l’on envie peut-être en vieillissant. Je n’ai pourtant jamais trouvé, à l’instar de Paul Nizan, que la jeunesse était un cadeau.
J’allais avoir dix-huit ans, et aucune envie de les fêter. Ma mère y tenait, parce que mon père ne voulait pas me les gâcher. Il y aurait vu le signe que sa maladie m’empêchait d’être heureuse, ou quelque chose de cet ordre-là.
Mes parents –mais seule ma mère me l’a dit en leurs deux noms- allaient donc m’offrir une fête. Un repas. Je pouvais inviter qui je voulais. Comme elle travaillait en journée dans un commerce des Champs-Elysées, et en soirée dans un restaurant, tout se passerait en ce lieu : je ne voulais pas faire dépenser trop d’argent pour cet anniversaire au goût déjà amer.
Nous étions une vingtaine, je crois. Si je regarde les photos, la première pensée qui me vienne à l’esprit, c’est que plus aucun d’entre eux n’est près de moi. Tous ont disparu, pour une raison ou pour une autre. C’était pourtant ma sphère amicale, mon roc, les gens qui m’empêchaient de sombrer cette année-là dans la déprime ; ceux qui m’avaient soutenue pour passer le Bac, et m’encourageaient encore pour la Prépa. Pas un seul n’a disparu du socle de ma mémoire. Je pourrais encore pleurer d’en avoir perdu certains.
J’allais avoir dix-huit ans. Je souris sur les photos, pour faire bonne figure. Je me trouve pâle, et un peu fermée. Il paraît que j’étais jolie.
J’allais avoir dix-huit ans, un âge que l’on fête. Mon père était à quelques rues de là, dans une chambre d’hôpital.
Une photographie me rappelle qu’il y a eu un gâteau. J’en ignore la saveur. Je serais bien incapable de dire aujourd’hui à quoi il était. Mais ma mère, en l’apportant à bout de bras, retenait ses larmes. Elle aussi, elle aurait voulu qu’il fût porté à quatre mains. Cette image-là, je l’ai gravée.
J’ai vécu ce moment comme au ralenti. Tous les visages tournés vers moi, sachant tous ce qui rendait mon regard triste –pour ceux qui savaient voir.
On m’a demandé de faire un vœu, avant de souffler mes bougies.
J’y ai cru.
J’ai fait un vœu. Et j’ai soufflé, comme s’il y allait de ma vie.
Une semaine plus tard, jour pour jour, mon père mourait.
Je n’ai plus jamais voulu de bougies sur mes rares gâteaux d’anniversaire.
Moi je vais vous dire je pense à rien.. bon d'accord j'ai triché parce que j'ai pas de bougie et que la semaine dernière c'était l'anniversaire de mon grand mais on avait mis des trucs qui font des étincelles ! J'allais pas, en plus, aller chercher des bougies quand il fait jour, soleil et chaud ! Faut pas abuser les défieurs du samedi !
Si j'avais eu une bougie, chandelle ou cierge ( fais comme tu veux !) J'aurais, je le sais, fait comme d'habitude : trempé mon doigt dans la cire chaude, soufflé dessus pour faire refroidir et puis retiré délicatement pour voir mes empreintes digitales en creux.. Vous n'avez jamais fait ça vous ? Moi c'est depuis toujours, dans les églises et les chapelles où me trainaient mes mère, grand'mères, et tantes. À la procession du « mois de Marie » (le mois de mai ndlr) où on me faisait défiler en robe bleue et voile blanc chantant des « Ave Maria ».
Dès que mon chaperon avait les yeux baissés en contrition ou levés en adoration, je prélevais une goutte de cire sur mon index, pour l'en retirer au moment exact où elle était assez dure pour avoir fixé mon identité et assez molle pour ne pas se fendiller.
Je me rends compte qu'au lieu de m'unir au peuple de Dieu, à la sainte famille et à l'Église catholique je me préoccupais de ma petite identité personnelle, je refermais les voiles de ma mantille, j'introspectais plutôt que de m'élever dans la grandeur de Notre Seigneur..
Petite flamme vacillante, soufflée par les vents matériels de la société individualiste; mon âme a fondu dans le feu des passions terrestres, s'est tordue dans des bras chauds et charnels, mais il me reste, au bout des doigts, la douce coque de cire gardienne d'une inimitable identité.
1
Au lieu de ruminer dans le noir,
Essaie donc un peu de voir
Si quelque chose devant vaut qu’on se batte !
Par-delà les éclats du temps, chacun promène avec soi
Une flamme intérieure qui lui est propre.
A chaque pas que nous posons tout peut prendre un autre sens.
Pour sortir de la caverne allume un cierge !
2
Lorsque l’aube viendra sur nous,
Nous saurons que devenir ;
L'ancien monde s'effacera en musique.
Dans la rosace des âges, sur la route de l’Histoire,
Ce que nous choisissons ce jour fera Demain.
A chaque pas que nous faisons tout peut prendre un autre sens.
Pour sortir de la caverne allume un cierge !
3
Au lieu de ruminer dans le noir
Allumez une bougie !
Quelque chose devant nous s’appelle l’Espoir :
Sa lueur tremblante nous dit
Que notre moment est venu
Et que nous avons en charge la planète.
Allume un briquet dans le soir
Pour que d'autres puissent voir,
Le chemin le plus humain vers Demain
Instrumental
Allume un flambeau dans le vent
Pour que d'autres aillent de l’avant !
Allume un grand ciel d’azur pour le Futur !
(libre adaptation de la chanson de Neil Young « Light a candle »
qu’on peut écouter ici et voir là)
Dimanche soir 22 mai (Adrienne)
Un petit bout de bougie bleue, trois centimètres de minuscule chandelle torsadée qui restent de précédents anniversaires. La seule différence, c’est que cette fois-ci on ne la piquerait pas dans la petite fleur à pointe puis dans un gâteau.
Ce qu’il aimait, c’était qu’elle lui fasse une tarte à la crème d’amandes. Parfois il soufflait si fort que des gouttelettes de cire se retrouvaient sur le gâteau.
Combien de temps a-t-elle pour laisser vagabonder ses pensées ? Combien de minutes de sa vie ? De ce précieux temps qui coule et s’écoule et ne revient pas.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Justement, en ce dimanche soir, c’est son anniversaire. Elle a été un peu fêtée, c’est vrai, elle n’a pas à se plaindre. Des amis ont pensé à elle. Elle a eu des cartes, des mails, des fleurs, des chocolats. Même l’ex-homme-de-sa-vie se manifeste ces jours-là.
Mais dans cinq jours il y aura un autre anniversaire, infiniment plus triste. La vie, la mort. Panta rhei.
La mèche de la minuscule bougie est tout à coup très longue et la voilà qui se consume à un rythme d’enfer. Oh serait-ce prémonitoire…
Le temps s'en va, le temps s'en va ma Dame,
Las ! le temps non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame
+++
Non, ça ne me vaut rien de regarder se consumer un petit bout de bougie d’anniversaire en ce soir de mon anniversaire.
Tout le monde était d’accord : c’était chez Roxanne qu’on avait les meilleurs sleepovers.
Elle vivait en ville, sa maison était grande, et sa maman prévoyait toujours tout plein de gourmandises de leur épicerie au centre-ville. Oui, la vie était bonne pour celles qui se retrouvaient sur la liste d’invitées à passer la nuit chez elle !
Bien sûr que le comble de chaque soirée - à part les visites insolites des garçons qui souhaitent voir les filles en pyjama - était vers minuit, lorsqu’on éteignait la lumière, et l'on allumait la bougie qui se retrouvait au milieu du cercle pour faire une séance de spiritualisme.
La bougie jouait toujours à perfection son rôle, vacillant une fois si la réponse était non et deux fois pour oui, lorsqu'on lui adressait en murmurant « Dis-nous, ô Bougie, notre copine, toi qui ne mens jamais ... ».
Des filles comme Jessica et Paulette posaient toujours les questions de cœur…si Nicolas aimait vraiment Greta…non…si Jessica allait épouser Willy…oui…
Pour ces questions, la bougie répondait pour la plupart comme l'on souhaitait. Elle faisait rarement pleurer et souvent éclater de rire.
Mais c’était Andrée la meilleure interrogatrice, surtout parce qu’elle se fichait pas mal des petites escapades amoureuses de ses copines. Andrée croyait aux sorcières et à la magie noire, aux démons et aux monstres. Alors, ses questions étaient les plus fascinantes, concernant la vie, la mort, les crimes macabres, les secrets des squelettes oubliés dans quelques placards familiers.
- Dis-nous, ô Bougie, notre copine, toi qui ne mens jamais…
On se taisait devant les questions posées par Andrée. On
retenait le souffle jusqu’à ce que le danger soit passé, car impossible
de prévoir exactement qui finirait en larmes suite à des insinuations un
peu trop personnelles.
La bougie, elle, servait toujours de complice consentante. D’après elle, c’était absolument vrai qu’on avait tué une fille au lycée il y a quelques années ; que son corps se trouvait encore au sous-sol du vieux bâtiment ; que la nuit, après que tout le monde était parti, on pouvait l’entendre pleurer ; que si l’on éteignait la lumière dans la salle des douches et l’on fixait le miroir, elle apparaîtrait…
Oui… Oui… Oui…
Quelques petits cris de peur, quelques rires nerveux, et, souvent un ou deux petits soupirs imperceptibles de soulagement, étaient toujours la récompense pour l’art d’Andrée et sa bougie omnisciente.
Danielle figurait rarement sur la liste des invitées, et jamais sur celles de Roxanne. Tout le monde savait qu’elle concurrençait Jessica pour les prix académiques, et qu’elle avait carrément volé le petit ami à Roxanne, la garce ! et aussi qu'elle s’était violemment disputée avec Andrée une nuit après une séance particulièrement cruelle pour une de ses profs favorites. Alors, depuis, et tout naturellement, la bougie disait à chaque séance chez Roxanne que Danielle tomberait enceinte et qu’elle n’aurait jamais son bac, qu’elle finirait dans un asile, qu’elle commettrait des crimes macabres contre les professeurs populaires…
Jusqu’au soir où, vers minuit, quelqu’un sonna à porte chez Roxanne. Rigolant, quelques filles allèrent à la porte pour taquiner une dernière bande de garçons curieux.
C'était Danielle.
Elle entra sans invitation et s’installa devant la
bougie, sans saluer les autres communiantes dans le cercle de séance.
Et c’était elle qui posa
la toute dernière question qu’on poserait à la bougie :
- Dis-nous, ô Bougie,
notre copine, toi qui ne mens jamais…Andrée, n’est-elle pas la
nénette la plus pathétique du lycée ? Y en a marre de sa haine ! Elle
ferait mieux d’aller se pendre, n'est-ce pas ?
La bougie vacilla une
fois.
Et
puis une deuxième.
J’ai brûlé une première bougie en me disant que ça me ferait sûrement penser à l’amour qui a consumé mon cœur jusqu’à n’en laisser plus que des cendres. Ça n’a pas marché, j’ai seulement pensé que ça mettait drôlement longtemps à se consumer, une bougie.
J’ai essayé avec une deuxième, dont un peu de paraffine m’est tombé sur le doigt. Alors j’ai pensé que c’était étonnant que ça ne m’ait pas fait mal et j’ai joué avec les gouttelettes qui coulaient le long de la bougie jusqu’à me brûler. A partir de là, j’ai essentiellement pensé « putain de merde mais quelle conne ». Approximativement.
A la troisième bougie, je me suis souvenue de la question de ma fille deux jours plus tôt, qui me demandait pourquoi il y avait du bleu dans les flammes. J’ai pensé que je n’en savais foutre rien, mais que j’aurais pu lui répondre un truc bête comme « parce que ce sont les fleurs bleues qui brûlent d’amour ».
En allumant la quatrième bougie, j’ai pensé qu’il fallait absolument que je reste bien concentrée sur cette flamme et rien d’autre, pour que ça fasse naître de belles pensées. En la regardant brûler, j’ai pensé qu’il fallait absolument que je reste bien concentrée sur cette flamme et rien d’autre, pour que ça fasse naître de belles pensées.
Je ne vous ferai pas l’énoncé complet des pensées qui m’ont traversé l’esprit pendant la combustion des bougies 5 à 9, sachez simplement que la plus con était « tiens, mon frigo respire comme un ogre » et la plus profonde… non, oublions la plus profonde. Autant que vous puissiez croire que je suis effectivement capable de profondeur.
A la dixième, j’ai pensé que j’avais un sacré stock de bougies. Il faut dire qu’outre les « restes » traditionnels de l’anniversaire pas rond qui ne tombe pas sur un multiple de nombre de bougies dans une boîte, j’avais également un paquet neuf de bougies « princesses », acheté sans doute en trop lors des dernières festivités pour ma descendance. J’ai pensé aussi qu’il faudrait donc que j’en rachète pour son prochain anniversaire.
L’atmosphère commençait à devenir un peu étouffante. La fumée s’élevait, en volutes que je devinais élégantes à la faible lueur de mes bougies, mais mes pensées toujours pas.
J’ai fini par tricher en allumant deux bougies à la fois et j’ai essentiellement passé le temps qu’elles ont mis à fondre à me demander laquelle s’éteindrait la première. Mon incapacité absolue et très inattendue à me sentir inspirée par ces saloperies de flammes a commencé à me miner un peu.
Pour finir, il ne m’est venu aucune pensée digne de vous être donnée à lire ce soir. Aussi ai-je décidé, puisque je n’ai plus de bougies, mais qu’il me reste des allumettes, de m’immoler par le feu et d’essayer de vous envoyer mes pensées de l’au-delà.
Si ça marche, la prochaine fois, brûlez un cierge.
Une coupelle remplie de sable gris et une petite bougie dorée. Me voilà enfermé dans mon bureau plongé dans le noir ; j’ai éteint la radio et débranché la lumière de l’aquarium : au lit et plus vite que ça, les poissons !
M…c’est malin d’avoir posé la coupelle et les allumettes n’importe où, avec le désordre qui règne sur mon bureau, surtout en fin de consultation… A tâtons, je retrouve le « nécessaire à consigne », je plante la bougie dans le sable, et je craque une allumette morte (m…)puis une vraie,(enfin ! ) et me cale face à la flamme(« monte flamme légère, feu de camps si chaud si bon, dans la plaine ou la clairière monte encore et monte donc…. » -vieux souvenir de mes années de scout).
Fatigue… grosse fatigue … z’auront ma peau, les malades !
L’espace d’ une minute, je fermerais bien les yeux, plutôt que de fixer cette flamme….mais, c’est sûr dans moins d’une minute, je vais m’endormir et faudra pas compter sur les poissons pour me réveiller…
Bougie, consigne, écrire ou dormir il faut choisir.
Décrire la flamme qui vacille… Il y a peu, j’aurais passé l’index dans la flamme pour le retirer juste avant la brûlure, suis-je déjà trop vieux pour m’amuser ?
Je pourrais aussi, de mon plein gré, être enfermé dans un réduit, cette bougie éclairant un crâne et d’obscurs symboles, et là, (las ! ) j’écrirais mon testament philosophique avant de renaître à la lumière …mais non...
La bougie s’éteint progressivement : image de la cécité progressive du glaucome, ou tout simplement image de fin de vie.
La bougie n'est plus qu'un ridicule petit point sur mon appareil photo…
Et puis plus rien …
PS : c’est moi qui déprime ou c’est la consigne qu’est pas gaie ? (et moi qui rame …)
J’ai réuni les conditions.
J’allume la bougie et j’éteins la lampe.
Deux secondes et j’y vois comme en plein jour. On s’éclairait à la bougie autrefois. C’était donc cela.
Le mur, les cadres, la porte, le bureau, mes crayons...
Une étincelle jaillit à la base de la flamme. Petit éclair qui fuse vers la gauche.
Je le craignais, l’observation anesthésie mon imagination.
La mèche de coton est torsadée, je vois les fibres s’enrouler.
Une image remonte de mon passé. Mon livres de sciences naturelles. Un cerneau de noix est dévoré par une flamme jaune. Expérience destinée à mettre en évidence la présence d’un corps gras. Je n’ai pas tenté la manipulation, j’ai fait confiance. Parvient-on aisément à enflammer un cerneau de noix ? Se promettre d’essayer.
Mon souffle sur la flamme l’agite, les ombres dansent.
La flamme est aussi haute que la bougie.
La bougie raccourcit et la flamme reste toujours à la même taille.
La mèche dépasse de la flamme, elle ne tombe pas en cendres... ELLE TOURNE.
La mèche tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Je ne regarde plus qu’elle. Lentement, elle tourne.
Une rotation autour de la bougie représente une minute de vie gagnée. Trois tours. A observer la bougie, ce soir, j’ai gagné trois minutes d’espérance de vie. Quel âne ! Si j’avais sacrifié à la tradition, lors de tous mes précédents anniversaires, j’effaçais Mathusalem des tablettes.
La mèche est démesurément longue, noire et grise, elle se replie, se courbe, s‘affaisse... ELLE FAIT UN NŒUD ! La mèche fait un nœud qui se serre, se serre... ELLE ÉTRANGLE LA FLAMME !
J’ai compris le mystère de la bougie... le bourreau de la lumière se cache en son sein ; la mèche, corde assassine, agent double et retorse porte la flamme et la garrotte à son extrême fin. Ce ne sont pas trois minutes de vie que j’ai gagnées, ce sont trois années qui me seront retranchées de mon capital.
Funestes chronomètres sur le gâteau d’anniversaire, mes enfants, j’ai bien raison de ne pas vouloir vous laisser les poser sur mes choux à la crème. Abrégez de qui vous voulez la vie d’autant d’années que de révolutions de cotonnades boudinées mais ne me souhaitez pas l’anniversaire de ma naissance. VOUS N’AUREZ PAS MON HÉRITAGE. NE COMPTEZ PAS MES JOURS. JE NE VEUX PAS PARTIR. PLANTEZ DES CANDÉLABRES DE MARBRE OU DES CAROTTES GLACIÈRES TRI-MILLÉNAIRES SUR MA TOMBE PÂTISSIÈRE ET OUBLIEZ QUE JE VOUS AI, UN JOUR, APPRIS À FROTTER DEUX SILEX.
JE N’AI JAMAIS INVENTÉ LE FEU, VOUS N’AVEZ RIEN APPRIS. OUBLIEZ QUE LA TERRE TOURNE. REDEVENEZ DES BÊTES. VOUS ÊTES DES BÊTES. VOUS N’ARTICULEZ PLUS. VOUS GRATTEZ LA TERRE DE VOS ONGLES NOIRS. GRRRRAAAARRRRG !
Elle a brûlé près de 86 ans, elle a eu des éclats et des étincelles qui en ont brulé plus d'un autour d'elle, elle n'a pas toujours été mesurée. Elle a souvent fait preuve d'une certaine intolérance et de pas mal d'orgueil, elle a brûlé droit pour des principes qui manquaient de souplesse, et a eu à faire avec pas mal de vents contraires aussi. Mais elle a tenu bon, et maintenant elle jette ses derniers feux.
Les derniers vacillements de la flamme sont pathétiques, il lui en faut de l'humilité pour accepter de livrer un corps usé et sans force à des mains étrangères ou proches qui vont la lever, la laver, la nourrir, la transporter, la soigner. Et tout cela se fait dans la douleur, chaque mouvement arrache un gémissement, et chaque fois la petite flamme met un peu plus de temps à se remettre à briller, et chaque fois son éclat est un peu plus terne.
Hier, elle a demandé si c'était vraiment indispensable tout ça, si on devait à chaque fois réinsuffler l'oxygène nécessaire à la combustion de la petite flamme ...
Non, ce n'est pas indispensable, c'est pour cela que je suis venue passer quelques (derniers...) jours auprès d'elle, pour m'assurer que lorsqu'elle dira ça suffit, j'arrête, elle sera entendue, et que tout sera fait pour cela reste le plus confortable et digne possible.
La flamme va bientôt s'éteindre.