Défi #414
Cinquième défi photo
de l'été :
Envoyez vos participations à
A bientôt le plaisir
de vous lire !
Cinquième défi photo
de l'été :
Envoyez vos participations à
A bientôt le plaisir
de vous lire !
Chers Défiant(e)s du samedi, un animal incongru est caché dans cette image. Saurez-vous le découvrir ? Si oui vous comprendrez pourquoi les carreaux sont cassés !
Eh oui, il s'agissait bien d'un kangourou !
(T'es pas le mauvais cheval, Joe Krapov, mais de temps en temps ce serait bien que tu retournes dans ton box(e) !)
Carreaux cassés murs fissurés
D’une maison jadis flamboyante
Moments passés, enfance envolée
Revenir sur les pas du lieu qui me hante
Je parcours le livre de mon enfance
Dans cet endroit où il faisait bon vivre
Où le temps n’avait pas d’importance
Où l’odeur des fleurs encore m’enivre
Et maintenant qui reste-t-il
Tout n’est plus qu’un tas de ruines
Et une larme coule le long de mes cils
Même le vent léger est d’humeur chagrine
Le temps a essayé de tout effacer
Mais mes souvenirs sont restés intacts
Je revois les murs blancs et le marronnier
Et puis mon grand-père et son allure décontractée
Ma grand-mère faisant ses confitures
Et les animaux gambadant dans le pré
Et je me revois grimpant dans les arbres
Et construisant une cabane dans le cerisier
Une simple maison qui nous rassemblait
Avec dans son antre des gens qui s’aimaient
Et des tas d’enfants qui se chamaillaient
Je ferme la porte sur mes souvenirs bien réveillés
Carreaux cassés murs fissurés
De mon palais jadis flamboyant
Enfance envolée mais pas oubliée
Je te quitte en chantant.
Il est des lieux abandonnés qui pleurent la vie du passé
Il faut les voir et les aimer. Il faut aussi les respecter.
Ici, la maison du papé
A bien besoin d’un vitrier !
Les vieilles pierres ont pris des rides. La vigne vierge a tout rongé
Les vitres sont toutes cassées, Mais la maison a résisté.
Si tu veux la faire revivre,
Ne pars pas sans la visiter.
On trouve encore les vieux outils de sa princesse tant aimée.
Celle qui a tout partagé, sans jamais rien lui demander.
Elle a toujours filé la laine
Au rythme lent de son rouet.
Dans ce village abandonné, comment peut-on imaginer
Que la vie ait pu exister, et nos ancêtres y habiter
La fontaine est pleine de larmes
Des âmes qu’on a oubliées.
Il faut les voir et les aimer.
Vingt fois que je passe devant cette maudite fenêtre ! Rien de vivant ! Pas le moindre reflet rassérénant, pas la moindre ombre accompagnatrice, pas la moindre silhouette attentive ! L’absence de carreaux, me direz-vous ! Mais, pléthore de cartésiens assoupis, les vitres ne réfléchissent que ce que l’on veut bien y voir ! Tout n’y est qu’hypocrisie, poudre aux yeux, mensonges ! Où est le fringant jeune homme poussé par l’allant de son inconscience ? Où est donc ce preux Roméo de grande échelle, ce conquérant de belles dentelles, ce flambant tourtereau pour fragiles et farouches tourterelles ?... J’en suis venu à cette seule conclusion : je suis translucide ! Mieux ! « J’inexiste ! »…
Remarquez, je m’en doutais un peu ; depuis quelque temps, rien n’est plus comme avant. Dans le miroir du matin, celui de la salle de bains, la rencontre est glaciale ; on se toise, on se grimace, on se cherche des nouvelles rides, des cheveux blancs, mais je ne me reconnais pas. Celui qui me regarde est un inconnu qui ne sait rien de moi…
Depuis que j’ai vieilli, les glaces sont déformantes, le reflet est fallacieux ; pire, je suis laid pour moi et particulièrement transparent pour les autres. Quand je me regarde dans le miroir d’une fontaine, irrémédiablement, il se froisse, il se détourne, il se plisse à sa surface, sans même un souffle de zéphyr ; aujourd’hui, je vis dans la peau d’un personnage qui ne transporte plus ma substance hardie mais qui supporte le poids de mon âge. Chaque jour passant, cette pénible vérité se confirme ; je suis une apparence, un ectoplasme, une fiction de passé, que chasse un simple revers de main, un courant d’air balayeur…
J’ai plein d’exemples ! Tenez, j’étais chez ma dentiste, une petite jeunette aussi frêle qu’énergique ; après un vague bonjour, à l’accueil du cabinet, on m’a placé dans la salle d’attente. Je me reconnaissais dans les grands miroirs, c’était rassurant. Est arrivé un couple qui s’est installé dans les sièges à côté de moi ; c’était le genre tandem moderne, celui qui n’a plus besoin de se séduire pour entretenir la flamme de l’Amour.
Lui avait le teint halé, une barbe de trois jours, celle qui racle furieusement, des godasses qui laissaient entrevoir la plante de ses pieds si noirs que j’ai pensé qu’il marchait à côté de ses pompes, et des grands soupirs nerveux à désamorcer la clim du local.
Elle avait encore le visage avenant comme si son surpoids avait gommé ses premières rides ; au milieu de ses cernes, si elle avait les yeux verts, elle croisait et décroisait les jambes et les marques visibles sur ses genoux étaient deux tribords rougeoyants. Pour ce marin des tropiques, elle était le corps d’attache, pensais-je, en souriant…
J’étais leur vitre déformante, c’est pour cela qu’ils ne me voyaient pas ; ces ingrats, ils réfutaient mes vérités de voyeur !...
Ils ont commencé à parler de choses qui ne me regardaient absolument pas ! Périodes de menstruation, gynécologue, meilleures positions « kamasoutresques », bébé, tout y passait ! J’ai pensé que je m’étais trompé d’étage et que j’étais dans la salle d’attente d’un médecin accoucheur ! J’avais beau tourner nerveusement les pages de mon magazine, ils ne s’en formalisaient pas ! Forcément, puisque je suis un simulacre !...
Quand ils ne se parlaient pas, ils jouaient avec leurs portables, ils s’envoyaient des textos ! Enfin, on l’a appelé, lui. Contre sa gueule de râpe, les petites mains d’artiste de ma jeune dentiste allaient souffrir. Ils se sont séparés comme s’il allait au peloton d’exécution ! Embrassades, je t’aime, regards mouillés ; oui, elle attendrait son retour, jusqu’au soir, s’il le faut…
Quand la porte s’est refermée, elle a repris son portable et s’est mise à jouer à un stupide jeu de bouboules ; frénétiquement, elle s’employait sur les touches du clavier comme si sa vie dépendait de son score. Les ding ding de son appareil me rendaient dingue ; c’est à ce moment que je me suis demandé si j’étais vraiment dans cette salle d’attente ou si ce n’était qu’une projection spectrale de ce mal de dent qui m’avait soufflé jusqu’ici ; ces miroirs ne devaient réfléchir que mon ombre souffrante… Pourtant, un peu plus tard, dans le fauteuil, ma douleur était bien réelle, de même que le sidéral devis de prothèse que ma jeune dentiste me collait sous les yeux…
Vous en voulez d’autres ? J’en ai plein et ils doivent ressembler aux vôtres ! Quand je porte mes fringues à repasser, au pressing, je les aurai dans quatre jours ; au quidam suivant, c’est dans deux ! Les rendez-vous chez le spécialiste ? Je n’ose même pas vous dire ! Je serai mort d’autre chose bien avant ! A la terrasse d’un bistrot, si je ne vais pas moi-même au comptoir réclamer mon café, personne ne vient s’enquérir de ma commande ! Au restaurant, c’est tout juste s’il ne faut pas que j’aille couper le pain pour re-remplir ma panière ! A la boulangerie, même les gosses me passent devant ! On me dit : « Il faut t’imposer… » Je veux bien affronter l’ennemi sur un champ de bataille, charger, la baïonnette au canon, mourir s’il le faut, mais pour une baguette ?!...
C’est simple, sur les passages protégés, je ne m’engage plus ; je suis sûr que les voitures ne me verront pas ! Je suis devenu un fantôme dans ce monde moderne ; je ne suis même pas sûr des reflets dans les vitrines des magasins.
Le voisin ? Il laisse gueuler son clébard toute la nuit comme s’il était tout seul dans le lotissement ! L’autre ? C’est sa pompe de piscine qui ronronne vingt-quatre heures sur vingt-quatre sous ma fenêtre ! Celui d’en face ? Tous les matins, avant de partir au boulot, il fait tourner sa bagnole pendant un quart d’heure !...
Mais des terroristes, des qui vous sabotent la vie, il y en a plein ! Par savantes touches d’incivilité, d’impolitesse, de jalousie, d’hypocrisie, de méchanceté, ils vous laminent à petit feu ! Dans leur entendement de perfides saboteurs, les cheveux blancs sur ma tête, c’est peut-être un drapeau de la même couleur qui, implicitement leur signifie : « Pouce, je me rends, faites sans moi » ; alors, ils en profitent, ces salauds…
Ouais ! Un jour de sédition, je vais m’imposer à coups de chevrotine dans la gueule de tous ces cons du quartier ! « Pétage de plombs », on lira, dans les journaux attristés ; ce sera la grande lessive, plus sanglante que les faits divers, avec de l’hémoglobine plein la rue ! On fera venir Cazeneuve pour médailler les courageux policiers qui m’auront occis au bout de leurs flingues de tueurs d’élites et des enquêteurs orientés pour naturellement me trouver des accointances avec tel ou tel organisme révolutionnaire. Les apparences seront sauves et la fange humaine continuera de se déverser largement dans la mascarade générale…
Parce que je ne suis pas si transparent que cela ! Il suffit que je traverse la place pour qu’une gitane à l’haleine sans filtre ne veuille, à son prix, me visiter les lignes de la main ! Sorti de nulle part, comme s’il m’avait reconnu, c’est le mendiant qui me tend la sienne ! On me réclame des clopes ! Les tirelires de la Croix Rouge, des Chrétiens, de la Mucoviscidose, des Polios, des Sourds, me sautent dessus ! En mai, les vendeurs de muguet m’assaillent ! Les camelots du marché ne font leur laïus que dans mes yeux !...
Les Impôts, aussi, ne m’oublient pas. Pour quelques sportifs de banlieue, chaque jour, la ville entretient la pelouse du terrain de foot en face de chez moi. En plein été, à six heures du matin, le courageux jardinier tond son herbe, disperse ses engrais, manœuvre au gré de ses travaux. C’est bon d’entendre le moteur rugissant de son tracteur arpenter le champ pendant ces heures fraîches. Avec de la chance, on peut même voir l’irisation du premier soleil prisonnière dans les jets d’eau inondant copieusement son herbe. Après les matchs, les rues alentour sont remplies de canettes, de papiers gras, de paquets de clopes vides, et la Ville s’emploie à tout nettoyer avec célérité. Sur ce terrain, mes impôts locaux sont un bon placement… Ce même jour de rébellion, j’irai fumer cet engin de malheur ; le transparent va réapparaître dans un dernier sursaut de matérialisation…
Ben non, on ne peut pas toujours aller se plaindre ! Imaginez !...
« Monsieur le policier, son chien a aboyé toute la nuit !... Je peux l’abattre ?... Non, pas le chien, le maître !… »
« Grosse conne, tu ne peux pas l’arrêter, ta merde de téléphone portable ?... Mais t’as quel âge ? Au bout de six mois, ton moutard, il sera plus intelligent que toi ! T’es sûre que tu veux un gosse ? T’as même pas fini de grandir !... »
« Dis-moi, ma mignonne arracheuse de dents préférée, tu m’as fait un devis comme si j’avais soixante-dix ratiches ! Ma bouche, ce n’est pas le hall d’exposition de tout ton savoir ! Alors, quand on est gamins, ces dents, il faut les entretenir coûte que coûte, surtout pour celui qui paie, et quand on est vieux, il faut les arracher au plus vite pour mettre des appareils à la place ! Sur ton devis, il y a plus de zéros que de la Terre à la Lune ! Quoi ? Comment ? C’est la Mutuelle qui mettra ce qui manque ?... Ha, les dentistes, c’est tous menteurs et compagnie et ma dernière dent… sera contre toi !... »
« Et ma main dans ta gueule, en pourboire, ça te dit ? Je vais te dessiner une ligne comac, du front jusqu’au menton, et tu pourras toujours te plaindre au Syndicat des Diseuses de Bonne Aventure ! Avec une balafre comme ça, t’auras droit aux places handicapés jusqu‘à ta retraite !... »
« Hé, voisin de merde, ta pompe de piscine à quatre sous, c’est un véritable supplice ! Je suis arrivé à te faire virer ton poulailler et sa puanteur abominable mais t’as mis du bruit à la place. Mais t’es un véritable conquérant, toi, un Jules César portugais, puisque tu t’appelles De Sousa. Tu t’agrandis en repoussant tes frontières ; t’as plus assez de ton jardin, sans vergogne, tu vas empiéter sur celui des autres avec de l’odeur ou avec du tapage. Monsieur le portos, le Vasco de Gama du dimanche, il est temps que tu comprennes que tu n’es pas en pays conquis… »
« Ma chemise, tu l’envoies en Chine pour la faire repasser ou quoi ? Toi aussi, un de ces quatre, je vais te mettre au pli… »
« Tu veux savoir où tu peux te la mettre, ta pile d’assiettes ?!... On commencera par la soupière, connard !...»
Je me vois bien gueuler à la terrasse du bistrot : « Un café, grognasse, et que ça saute !... » Au restaurant : « Il faut dévaliser une boulangerie pour avoir un bout de pain ?!... Oui, ben ton pourboire, je te le laisserai… en miettes !... » A l’hôtel de ville : « Avec mes impôts locaux, si chère madame le maire, tu ferais mieux de reboucher tous les trous de la rue ; on se croirait dans Beyrouth !... »
Oui, c’est drapeau blanc sur la tête, mais la guerre à l’intérieur… Il n’y a pas besoin d’être mort pour faire le fantôme… Depuis si longtemps, je crois plutôt que ce sont toutes ces vicissitudes journalières qui ont aspiré mon généreux conformisme sous ce déguisement désuet, cette enveloppe de vieux revenant fielleux ; c’est cet être acariâtre, désabusé, trompé, émoussé, fourbu, délavé, le reflet même de la salle de bains, qui se répand sur ce papier confession…
C’était quoi, le sujet du départ ? C’est fou comme le noir des carreaux manquants a des reflets de réflexion. Oui, je vais encore repasser devant cette fenêtre, on ne sait jamais…
Quatrième défi photo
de l'été :
Envoyez vos participations à
A bientôt le plaisir
de vous lire !
Elle avance lentement. Que sont devenus les jours où les larmes ne coulaient plus ?
Des questions incessantes qui lui engourdissent l'esprit, qui le tabassent.
Tout scintille. Tout l'aveugle. Ses yeux se plissent.
Un silence.
Il n'est pas pesant.
C'est celui de l'Univers je dirais. Celui qui nous permet de hurler sans se faire entendre.
Chut. Ecoute ce silence.
Tout scintille si fort. Ici la grande ourse, là-bas c'est Vénus et puis tout au fond, on voit Pluton.
Parfois une météorite la frôle. C'est si chaud, ça pétille. Comme la bouteille de Perrier au déjeuner.
Quand je la vis pour la première fois, la fée Fanfreluche n’était pas plus grande qu’un pois. Mais déjà je distinguai en elle ce quelque chose qui allait la différencier du monde entier. Peut-être ce petit chapeau rouge et coquin orné d’un pois blanc ? Ou sa jupe évasée blanche elle aussi et pointillée de rouge ? Non, ce n’est pas suffisant. Fanfreluche me semblait prédestinée ; elle habitait une maisonnette dans la forêt où elle ne recevait que d’exceptionnels visiteurs. De ceux qui perçoivent l’insolite où il est et l’acceptent. Sans discuter. Parce que c’est. Point final.
Je fus, je crois, la seule amie de Fanfreluche pendant longtemps. Elle avait pour la mode un goût immodéré ; je la vis mince et brune sculptée dans une robe immaculée, parsemée de points colorés, comme s’ils étaient arrivés là en coup de vent, sans ordre, se bousculant, et d’autant plus séduisants qu’on ne pouvait ni les compter ni les toucher. Elle se posait parfois sur une branche, songeuse. Je respectais son silence. Et soudain elle chantait ; Pour elle et pour moi seule, car personne ne l’a jamais entendue. Moi, je voyais les notes s’exhaler de ses lèvres et monter comme des ballons rouges et blancs, vers l’espace, vers le ciel. Et certains soirs de lune, alors que je cherchais en vain le sommeil, sa silhouette se dessinait soudain contre la vitre, levait les bras vers l’immensité en une complainte douce et lancinante, qui me berçait. ¨Puis, ouvrant un grand manteau de velours rouge parsemé de perles noires, elle s’offrait au vent qui l’emportait, laissant un sillage de perles d’or et d’argent comme autant d’étoiles.
La fée Fanfreluche était si belle qu’un Prince de la nuit lui demanda de l’épouser. Mais elle refusa : « Je suis née pour semer l’illusion, dit-elle, à ceux qui sont aptes à la saisir. Ma tâche me suffit. Pour guérir les cœurs, il y a tant à faire » !..
Elle était donc la semeuse des pointillés, des points, des semis en une sarabande inlassable. Un jour, je cessai de la voir. Et je sus, qu’ayant épousseté ma tristesse, elle s’en était allée distraire de ses multiples créations , la mélancolie du monde.
Je portais ma fille sur les épaules. Quand je courais quelques pas, elle m’enserrait le cou avec la jugulaire de ses petits bras en riant aux éclats du trot improvisé. J’avais pu me garer pas trop loin pour assister à cette apothéose du 14 juillet et nous descendions lentement vers la plage du Mourillon. Le crépuscule avait encore le bleuté caraïbe de l’horizon. Comme découpée, la silhouette de la ville se détachait lentement dans le paysage ; des brumes de chaleur s’élevaient au-dessus des toits et la rumeur grondante de la circulation semblait s’assourdir.
Comme si je voulais qu’elle ne rate rien du grand spectacle, j’avais accéléré ma cadence. On doublait les gens au grand plaisir de ma fille ; du haut de son promontoire, elle les regardait avec une forme de condescendance amusée ; elle se retournait même pour apprécier la distance grandissante qui nous espaçait d’eux. Prise au jeu, et nonobstant mes hennissements de fatigue, elle me criait des : « Au galop !... Au galop !... » exaltés dans les oreilles !
Enfin, nous sommes arrivés à un bel emplacement, un petit surplomb ; dans le calme relatif de l’endroit, on embrassait le paysage, le grand parking et les bateaux de l’école de plaisance de Toulon. Tout autour, c’était le défilé nerveux des voitures retardataires cherchant encore un endroit pour se garer. Sur les banquettes arrière, je pouvais traduire, sur les visages des gamins, toute leur excitation légitime et le malheur sidéral d’être encore emprisonnés dans les bouchons.
Sinon des effluves de la promiscuité, cette odeur de crème solaire, de friture, et d’accent parisien, poussés par des coups de vent du soir, il remontait de la plage des parfums de sable chaud et des refrains des doux clapots du ressac allant s’épuiser sur les galets.
Du haut-parleur de sa bouche enthousiaste, ma fille avait plein de questions ; et pourquoi ci, et pourquoi ça, et pourquoi le monsieur, et pourquoi le petit chien, etc. Posée sur son perchoir, elle reconsidérait le monde avec ses nouvelles prises de vue et ne pouvait s’empêcher de me tordre le visage pour que je regarde dans la direction de ses interrogations du moment.
Doucement la nuit s’était installée sur la grande rade du Mourillon ; au loin, on pouvait distinguer les hangars éclairés de la base aéronavale de Saint-Mandrier. Tout à côté, je devinais les grands piliers de la porte d’entrée du Groupe Ecole des Mécaniciens de la Flotte. Posés sur la brume de la mer, flottaient quelques bateaux de pêche ou de plaisance et on apercevait les fanaux verts falots ou rouges rances de leur bâbord et de leur tribord.
Le long de la montée de Cap Brun, l’enfilade des réverbères aux halos orangés semblait être un serpent gravissant lentement la colline. Bien sûr, la clarté de la ville empêchait d’apercevoir la plupart des étoiles mais on pouvait en distinguer quelques-unes, les plus tenaces, les plus blanches, les plus scintillantes, comme si elles voulaient qu’on les admire, semées sur le manteau de la nuit. La foule des badauds allait communier avec le Ciel…
En échange des ténèbres naissantes, s’étaient immiscés des prémisses de silence ; les murmures se taisaient, les têtes se levaient, les piétinements s’apaisaient. Naturellement, des pressés sifflaient leur impatience mais leurs stridulations se perdaient dans la moiteur générale. Tout à coup, il s’éleva dans le ciel une fusée qui tut aussitôt l’assistance ! En avant le spectacle ! Lézardant la nuit, son explosion brutale retentit dans toute la ville, dans toutes les oreilles ! La cataracte de ses éclats pétillants alla miroiter dans toutes les fenêtres, dans toutes les pupilles ! Ce grandiose effervescent s’incrusta sur la peau en vibrations frissonnantes tellement paradoxales avec la lourdeur de la nuit ; c’était le signal du début des hostilités féeriques…
C’est à peine si ma fille avait resserré les jambes contre mon cou ; avec son papa, elle n’avait peur de rien. Pourtant, j’ai senti qu’elle se bouchait les oreilles, trop surprise par tout ce tumulte d’éclairements bruyants. Convertie à la beauté de l’attraction, au bout de quelques secondes, elle se mit à applaudir avec frénésie.
Enfin, la nuit s’est illuminée. Tout là-haut, dans le jardin de l’obscurité, il se dépliait des bouquets de fleurs multicolores aux pétales brasillant ; des fusées montaient dans le ciel en tournoyant et, quand elles finissaient leur course folle, elles éclataient en mille scintillations crépitantes en éclats flavescents, en pétillements émeraude, en révélations écarlates. Ce soir, les étoiles filantes étaient or, argent, topaze, éméraldine…
Quand une gerbe de couleur s’éclatait en vert, je soufflais à ma fille : « Ho, la belle rouge… » et quand elle explosait en jaune, je disais : « Ho, la belle bleue… » et elle répétait en criant à la cantonade les couleurs que je lui avais murmurées. En souriant, les gens alentour se retournaient, plus intrigués par les véhémences enjouées de ma fille que par celles des pétarades célestes !...
Les échos des lumières fantastiques venaient se réfléchir dans la rade, si bien que l’enchantement se dédoublait devant nos yeux émerveillés. Sur la mer, on admirait des pendentifs mordorés, des bijoux sertis de paillettes, des crépitations incessantes, des rivières de gemmes, des pétillements en infinies rangées de perles, des guirlandes éphémères, des strass et des brillants ; et tout cet étalage de diamantaire disparaissait dans des nuages de riche poussière. Au bouquet final, nous n’avions pas assez de nos yeux grands ouverts pour tout admirer. La nuit s’était embrasée ; elle forgeait en nous ses souvenirs inoubliables. Les lumières tapageuses valsaient dans le ciel et s’imprégnaient sur l’eau pendant cette fantasmagorie générale…
Ma fille me tenait fiévreusement le cou comme pour se maintenir en équilibre devant tout cet enivrement d’enluminures. Sur le chemin du retour, elle n’avait plus de question. Tout ce qu’elle avait vu semblait avoir rempli son entendement de petite enfant. J’ai senti son étreinte se détendre ; j’ai récupéré ses deux mains ballantes ; sa tête s’est posée sur la mienne, elle s’est endormie. Il était temps parce que le cheval était… fourbu…
Bonsoir, c’est moi, petit’ Lucie !
Je m’appell-e Lucie Aule.
Je me promène partout dans la nuit,
Je dans-e comme une folle.
Tu auras vu ma bell’ lumière,
Tu diras mêm-e que je brille.
Je suis une jolie coléoptère,
Une scintillant-e fille !
Je signal’ à tous les copains
Que je suis prête à faire
Des centaines de petits gamins
Qui seront vers lumières !
Lors des soirées de ton été,
N’oublie pas de sortir au noir
Je serai là, pour tout éclairer
J’illumin-e le soir.
À Nancy j’ai fait une très belle découverte
En allant au musée des beaux-arts place Stanislas
J’ai pu admirer l’œuvre d’une très grande artiste,
Madame Yoyoi Kusama et sa belle audace.
Je suis entrée dans son univers dans un espace clos
Une grande pièce recouverte du sol au plafond de miroirs
Des ampoules colorées reflètent sur les glaces formant des tableaux
Et nous donnent l'impression d'être entourées d'étoiles illusoires
C’est magique tous ces ballons tous ces miroirs
Dans une pièce close entourée et couverte de lumière
Qui éclaire et se reflète dans l’eau jusqu’à nous émouvoir
Un lieu chargé d’une histoire et d’éclats de vie singulière
A voir et à revoir sans modération car l’endroit est fantastique
Pour les petits et les grands pour un moment vraiment fascinant
Poussez cette porte pour passer dans un monde à part mais idyllique
Pour n’oublier ni l’artiste ni son œuvre ni son travail époustouflant
Doucement je referme la porte
de ce lieu nommé : « Infinity Mirror »
Je me retrouve seule
au milieu
de ces « Fireflies on the water » !
J'admire, je rêve, je m'émerveille
de la beauté lumineuse de ces lucioles !
Pur moment de grâce
magie de la rencontre
de la lumière et de l'eau !
Au cœur de cette œuvre étonnante
ravissante, apaisante
le temps s'arrête
en un superbe rêve éveillé !
Troisième défi photo
Infinity Mirror Room de Yoyoi Kusama
Fireflies on the water
Musée des Beaux Arts de Nancy
Envoyez vos participations à
A tout bientôt !