Consigne 74 (Borsolina)
Le matin.
Encore une fois, machinalement, elle m’attrape par le manche. Après m’avoir enduit d’une pâte, elle appuie sur mon bouton, et je me mets à vibrer de tout mon corps. Ah au réveil, ça fait du bien ! Je vais pouvoir me faufiler dans tous les moindres recoins et lui redonner le sourire.
Après m’avoir utilisée, elle me rince toujours et me repose, bien droite dans mon verre posé sur le lavabo. Hé ! A quoi vous attendiez-vous ? Je ne suis qu’une brosse à dents, mais à pile m’sieur-dame !
Je travaille beaucoup pour elle, trois fois par jour. Il paraît que ce n’est pas le cas de toutes mes congénères. Certaines ne sortent de leur pot qu’une fois par semaine, et ont les poils tellement écrasés et noirs… pouah, je ne peux imaginer ça ! Moi, ma maîtresse, elle me dorlote, me bichonne, et me parfume tous les jours à la menthe. Même une fois, elle m’a opérée du ventre et m’a changé un truc. Je peux vous dire que les vibrations ne m’avaient pas chatouillée comme ça depuis mon déballage.
Il lui arrive parfois aussi de me mettre dans une sorte de mini-valise. J’aime pas. J’suis serrée, il fait noir là-dedans. Il y a toujours les tubes de gel douche ou de démaquillant qui se frottent à moi. Ils sont vraiment sans gêne ceux-là. Rhooo la la, ça me fait penser qu’une fois, le flacon de shampooing n’a pas pû se retenir et s’est vidé dans la trousse. Il s’est sacrément fait engueulé à l’arrivée, et on est tous passés au karcher.
Et puis, je ne sais pas ce qu’ils font à l’extérieur, mais on est ballotés, secoués dans tous les sens. Par contre, je dois l’avouer, quand elle me sort enfin de cette trousse, et que je prends place dans la salle de bains d’un palace, je ne suis pas peu fière !
L’autre soir.
C’était un mauvais soir. Je ne sais pas ce qu’elle avait mangé… ni bu ou fumé d’ailleurs. Mais on peut dire que j’ai pas chômé. Y avait un de ces boulots. Mais le pire, le pire de tout, et là, d’ailleurs je n’ai pas compris… c’est qu’elle m’a prêtée ! J’ai atterri dans la bouche d’un type… Mon dieu, quelle horreur. Je me demande bien où elle l’avait trouvé celui-là. En plus il m’a fait mal, il avait plein de trous bizarres dans les dents. Je n’avais encore jamais vu ça.
Depuis quelques jours.
Ma vie est lamentable, finie, terminée. Elle m’a remplacée par une jeunette… avec tête rotative qu’elle m’a dit. Je suis tout à fait inutile, dans mon verre à dents. Je me dessèche, mes poils se durcissent. Quelle triste fin. Elle ne me regarde plus, je n’existe plus pour elle. Je vais me suicider. C’est décidé !
Mais alors que j’étais prête à faire le grand saut dans le tourbillon d’eau des toilettes, elle m’attrapa et m’emmena avec elle. Si j’avais pu le faire, j’aurais remué la queue. J’étais folle de joie, elle ne m’avait pas oubliée, elle m’aimait encore et… blurp bluuup glouuu glou… aaah mais j’ai failli me noyer ! Où suis-je ? Oh non, je crois comprendre, elle me recycle. Me voilà en train de nettoyer les parois de son aquarium. Beurk y a plein d’algues, c’est dégoutant… ça pue !
Et depuis les jours passent, et je nettoie chaque semaine les vitres pleines de vase et le moteur encrassé de la pompe. Mon seul réconfort est qu’elle me rince toujours tendrement après chacune de mes corvées.
Hier soir.
Je n’y croyais pas, je ne réalise d’ailleurs toujours pas. Le bonheur, je ne me souvenais même plus comme cette sensation était agréable… elle m’a à nouveau prêtée !