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Le défi du samedi

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30 janvier 2010

In memoriam... (Tiniak)

Épitaphe


          Je flottais.
Ne sachant plus d'où j'arrivais, l'habit moins chiffonné que l'intérieur, le pied bien maladroit et le regard absent, il était temps pour moi de marquer une pause après une nuit bien remplie, comme on dit pour ne pas dire ce qu'on ose, loin des pensées à l'eau de rose.
          J'allais au cimetière.
C'est une lubie que j'ai, subite, par moments, quand j'ai besoin de faire de ma vie un roman et d'y mettre des fleurs. Des tulipes, toujours. C'est mon petit bonheur. Puis, j'erre parmi les sépultures, lisant les épitaphes. C'est ainsi que je tombai, ce jour-là, interdit, devant ce court paraphe : « C'est sympa d'être passé ».
          Merde ! Peste ! Fait chier !
C'était là, au mot près, ce que j'avais l'idée d'inscrire pour moi-même et mon dernier séjour en éternel repos. Alors, de chiffonnée, mon humeur fut maussade. Je massacrai le gravier des allées, donnant des coups de pied comme un malade, une bonne heure durant, me sembla-t-il. Et dans cet intervalle, un soleil déchirait les nuées matinales dans un ciel incertain de son sort, hésitant, ne sachant trop que faire des couleurs lui faisant, bayadère, un front horizontal, strié du bleu à l'or.
          Et voici qu'un cortège avançait dans la travée vers la tombe.
Oui, vers la tombe même qui m'avait rendu tout un blême, sombre, aigri, désolé que la vie me fasse l'ironie de narguer mon esprit badin.
          J'y reconnus quelqu'un !
Puis cette autre, et cet autre, et ces deux-là aussi, que j'avais pour amis quand j'étais en Allemagne. Ah ça ! ai-je connu celui qu'on accompagne dans son cercueil écru comme une porcelaine aux dorures champagne ?
          Et quand je vis mes filles, ma compagne d'alors… nul doute, je le compris dans l'instant : j'étais mort.

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30 janvier 2010

Au cimétière de la Mère Tabouret (Sebarjo)

Au cimetière de la Mère Tabouret

Haiku_sur_pierre_Keisuke_Mutoh


Au cimetière de la Mère Tabouret, tel un DJ vampirique, je suis allé scratché sur vos tombes.

Puis, sur une stèle instable, entre le trépied bancal et le dolmen érodé, je me suis assis et ai pris la forme statufiée du Penseur de Rodin.

Dans les allées de ce square macabre, les tombes poussent et s'alignent tel un champ de maïs où l'on trouve de jolis grains sous leurs épi-taphes...

J'en ai collecté une hante-au-logis gravée sur le granit rose, le marbre gris, le bois noir ébène qui forment les écueils ceignant les cercueils de ce parc ombragé. Me voici comme un haijin fossoyeur car chaque épi de ces staffs, est une épitaphe sous forme de haïku.

Je vous en livre ici un florilège :


Ami souviens-toi

Du feu maréchal Putain

Qui tua sans merci


Père, grand-père

Des enfants du marais, seuls,

Sous les fleurs d'Honfleur


Etouffé Jimi

Ta guitare s'est évanouie

Putain de vomi


On te voit danser

Le long des nuages clairs

Chanteur de la mer


Te voici vieux loup

Près de ton petit garçon

Bien loin de Paris


Adieu l'ami

Tu es loin de tes Marquises

Mais sans nous quitter


Mais mon préféré, celui que je garde pour ma fin, le voici :

 

Faut pas trop s'presser

On a toute la vie

Pour pouvoir crever


A graver sur gravats quand l'allègre vie s'aigrira et s'aggravera...

C'est-à-dire au plus tard !!!

©Photographie de Keisuke Mutoh. Trouvée sur Wikipédia ici-même...


30 janvier 2010

J'avoue que je n'ai pas vu passer le temps ! (Joye)

Un jour, au cimetière des Moins Grands Écrivains Les Moins Connus du Monde – tous éclipsés par les Grandes Hauteurs du Défi du samedi, bien sûr - je lisais  ci et là des épitaphes :

*

 Il  écrivait comme un pied, mais oh ! quel talon ! – Guili-Guili de Maux de Pieds-Passants

*

On ne badine pas avec  la mort non plus, hein ? – Rocky de Divorcévaux

*

Madame Otarie ? Ouate de phoque ! – Gustave Polarbert

*

Où sont les sièges d’Antan ? – Père Lachaise (lui-même)

*

Rude journée pour l’arène. – Papa Hemingvoie

*

Notre père qui  êtes  aux cieux, me voici enfin! – Jacques Prévu

*

Adieu ma mie ! - Alain Pain-Grillet

*

La mort, c’est rasoir mais guère outil. – Guillaume d’Auchan

*

À l’aise, Blaise. – Mme Pascal

*

Et  finalement,  gulp ! j’ai vu la mienne qui  disait :

 


Make A Tombstone Memorial
23 janvier 2010

Ont fait graver leur épitaphe

Dieweg_07Joye ; Walrus ; Oncle Dan ; Papistache ; Vegas sur Sarthe ; Sebarjo ; Tiniak ; Martine27 ; rsylvie ; Zigmund ; MAP ; Virgibri , Trainmusical ; Tiphaine ; Poupoune ; Captaine Lili ; Caro-carito ; Joe Krapov ; Kloelle.

23 janvier 2010

Le défi #91

L’idée de ce 91e défi est née d’une conversation entre Valérie et moi. Valérie se demandait dans quel cimetière se retrouvaient les vœux de nouvel an qui ne se réalisent  jamais.



« Menez-nous vers un cimetière dont vous détenez la clef qui en ouvre la grille, ou vers celui dont la carte d’accès déforme votre poche, voire vers un autre de légende : celui des amours mortes, des illusions, des éléphants, des ambitions... un autre... d’autres...
Offrez-nous une balade, un séjour, une quête couronnée ou non de succès... »

Contrainte : Sur une des pierres tombales ou dans les plis d'un rêve, relevez une épitaphe que vous aimeriez voir gravée sur votre propre emplacement, donnez-la au moment que vous jugerez opportun.

P.

Envoyez votre texte à samedidefi@hotmail.fr

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23 janvier 2010

Papier (Jaqlin)

jaqlinpapier

23 janvier 2010

Le testament du calligraphe (Moon)

On a retrouvé dans une maison de Fès le testament du calligraphe Abd al Karim al Zahrani. Seules quelques parties de ce texte subsistent, le reste ayant été masqué par des taches d'encre répandue sur le papier.

 

12 Rajab de l'an 1122 de l'Hégire

 

Mon fils,

 

L'encre de ma vie disparait à présent. La page redeviendra bientôt blanche et le papier finira par retomber en poussière. Le royaume des lettres sacrées m'attend à présent.

Je peux partir puisque j'ai fini il y a deux mois le Mumyat al Abir que j'avais commencé il y a longtemps. L'interprétation des rêves par Ibn Jabir al Gassani, son auteur, a grandement stimulé mon imaginaire et les enluminures de ce texte sont, je crois, les plus belles que j'ai jamais faites.

Je veux avant de m'éteindre te donner quelques uns de mes secrets...

 

.... choisir ton papier.  Te souviens tu comment je le choisissais ? En le caressant, les yeux fermés, j'écoutais son bruit. Je crois que je peux reconnaitre l'origine de chaque papier à l'oreille. Comment te dire ?

Celui de Fès, la ville aux quatre cents moulins à papier, a le son le plus beau : fshssssshhht, comme un souffle de vierge endormie.

Celui de Sebta chante au crépuscule comme les martinets. Il dit : hisssssssshhhhhhhhhh

Celui des Andalous de Jativa accroche ton oreille au début mais donne sa douceur ensuite, femme vaincue : crefffffffffffffshhhhhhsh

Et celui de Fabriano, lisse mais sec, que je gardais pour les ouvrages mineurs, soupirait avant tout, comme une vieille lavandière : ffffffffffffffffffffffft

Les autres papiers ne sont qu'ombres et froissements aux mots de nos grands penseurs.

Les unis de Fès, au grain si velouté, aux fibres ordonnées siéent bien au regard de ton enluminure, ils apportent la lumière qui forcera ton or et tendra ton lapis.

Tu pourras y poser tes couleurs pierres, terres, bêtes et plantes sans que les contours ne fusent ou se mélangent.

Tes titres, ors ou blancs, s'y dresseront en toute majesté au cœur des ......

 

... le plaisir d'avoir dans ta main le qalam, roseau poussé au bord de l'oued.

Tu as appris à le préparer et le tailler mais n'oublie pas que tu dois choisir pour chaque texte si tu privilégies l'un ou l'autre de ses becs : le sauvage à droite, l'humain à gauche. Pour les textes sacrés équilibre-les, mais pour la philosophie insiste sur le bec gauche, pour la poésie sur le bec droit.

N'oublie pas l'adage qui dit "Mets souvent ton qalam sur ton oreille, il te dictera ce que tu dois écrire".

Sache aussi que, même si j'ai vénéré mes qalams, j'ai emprunté aux infidèles quelques unes de leurs plumes qui ont donné à mes livres un tour que n'avaient pas mes amis calligraphes.

C'est un lettré de France, voyageant en nos contrées, qui m'a appris que les plumes de corbeau, de coq de bruyère et de canard étaient utilisées pour les écritures fines alors que les plumes de vautour et d'aigle magnifiaient les écritures à traits épais.

Il me reste quelques exemplaires de chacune, qu'un marchand juif m'a rapportées et tu les trouveras...

 

 

...tes couleurs avec amour.

Comme soleil et lune alternent au ciel béni, place tes couleurs côte à côte car le bleu exalte l'orange, le vert soutient le pourpre.

Mais la couleur de l'ornement, la lumière sur les mots, c'est ton or que tu prépareras avec grand soin.

C'est la couleur du beau, du grand.

Rappelle toi que l'on disait du vizir Jafar El Barkami qu'il était beau comme l'or que le doreur étalait sur le livre.

Les arabesques soulignées d'or entraineront l'œil du lecteur dans leur tourbillon et ...

 

 

Son fils Al Majoub al Fasi fut l'un des meilleurs calligraphes du sultan Mohamed Ben Abdallah qui lui commanda sept versions du Coran.


enluminures


23 janvier 2010

Ornitho-Ecolo (MAP)

Depuis que j’ai trouvé ce boulot de pigiste pour le magazine « Ornitho-Ecolo-Montre-Moi -Tes Cornes », je peux enfin arrondir mes « faims » de mois ! Ce n’est pas un travail épuisant. On me demande un papier tous les quinze jours sur un thème imposé.
                J’écris et je dessine. La plupart du temps il faut rédiger un article sur tel ou tel oiseau –un domaine qui me sied particulièrement- !
J’ai déjà parlé du loriquet arc-en-ciel, une espèce haute en couleurs et très bavarde qui vit en Australie, puis ce fut l’oiseau-lyre qui n’hésite pas à s’approprier les terriers des wombats –ces si petits marsupiaux qu’on les surnomme « rats de poche » !
Le mois dernier on m’a demandé un papier sur le troglodyte mignon –un de mes oiseaux préférés- tout petit, le corps rondelet, c’est un oiseau très secret au chant très puissant. Je viens de terminer d’un jet une chronique sur les geais et je m’apprête à envoyer mon tout dernier article sur le roitelet.
Comme nous sommes au mois de janvier j’ai voulu illustrer ma prose en glissant un petit clin d’œil à l’Epiphanie en me moquant « légèrement » des chasseurs !

Roitelet

TIP, TAP, CLIC, CLAC,
Et voilà, message envoyé par mail incorporé !

23 janvier 2010

Origami (Walrus)

cocotte
La cocotte Kodack !

coq
Le coq corico !

poussin
Donc, poussin Pîp pîp !

paon
Un chasseur Paon !

aigle
Le vautour Miam miam !

23 janvier 2010

ÇA CANARDE À BOULOGNE (Tiniak)

Si casser des œufs pour une omelette
n'est pas casser trois pattes à un canard
ça demeure être vilain merle
que tuer dans l’œuf une perle
qui sait ? qui eût été douée pour l'art

Pi que l'oiseau sur une branche
mon pauvre, que tu es serin !
de te croire à l'abri, serein
dans ton bel habit du dimanche;
ici, on plume le pigeon
quand il porte chapeau-melon
et ne sait pas trousser ses manches

C'est pas en trouvant pi au nid
qu'on évitera l'anarchie

Oh là !
Ton papier, ça déchire !
C'est pour la gazette à venir ?

Et pan !
Dans son cul, la bourgeoise !
Ah ça, j'aime quand ça dégoise !

Ah, nom de nom !
C'est quelque chose
t'avoir avec nous pour la cause

Tu penses !
On n'est pas des aigles, hein...
L'école on l'aura vue de loin

Et tah ! et toc !
Comment qu't'as dit...
... quand t'ça finit par "anarchie" ?

Et rlaan !
Dans son cul, la bourgeoise !
Je t'en foutrai moi, des framboises

Aux fraises
qu'ell' peut toujours aller courir;
on dira ce qu'on a à dire

et la gazette
elle irait se torcher avec
se serait qu'un bonheur de plus
de la savoir dans son joufflu

Ah, mon colon...
Adieu patron ! Adieu patronne !
Y a pas que des cons à Boulogne.

23 janvier 2010

Papier inutile (trainmusical)

<p>Papier inutile (trainmusical)</p>


Grrrrr ! Ce devoir me pause problème. Je ne vais jamais (not french) pas y arriver. Je suis tout angoissé devant ma feuille de papier blanc. Horrible et déconcertant la feuille vide, c’est la panique. Mais que voulez-vous que je mette en place comme mots ? Je n’y arrive pas. Je me suis fait avoir comme un pigeon d’avoir accepté ce défi. Un bout de papier inutile.

En plus mon chauffage est défectueux, j’ai froid, glaglagla… Je me crois en Sibérie entouré de grives à ailes rousses dans la neige ou de grues de Sibérie… qui sont également blancs… comme ma feuille de papier.

Je préfère être au chaud, en Afrique, encadré par des marabouts d’Afrique. Quoique ça ne change rien à mon papier insipide.

Il faut que je boive, car ma très grande concentration intellectuelle me donne soif. Pendant ce temps, j’entends un bruit :
- lap-lap… C’est mon chat sous la table qui boit du lait… Le lait blanc comme ma feuille de papier, j’enrage…

Oh ! Mais que vois-je ?... Ma feuille n’est plus si blanche que ça, à force d’évoquer mes pensées par écrit, j’y ai déposé des mots…

Un… deux… trois… quatre… noms d’oiseaux. N’en manque qu’un seul.
Et un… deux… trois… onomatopées. Je dois deviner le quatrième.

Si je les trouve, alors je peux envoyer mon texte. Et vu ma très haute intelligence, le problème sera vite résolu.

Silence ! Ne pas me déranger, je cogite…

Je ne repère rien…

Je ne discerne toujours pas… Pourtant je ne suis pas si idiot…

Je transpire tellement, que je dois prendre du papier WC (Pas blanc mais brun…) pour éponger les sueurs de mon front.

Tant pis. Je vais expédier cette feuille de papier qui n’est plus dénudée, car garnie d’expressions très personnelles et confidentielles. Cependant, c’est un grand malheur pour moi de rater le quatre-vingt-dixième (not french) nonantième défi, juste pour deux mots manquants. Dommage, car on va me traiter de canard boiteux qui fait couac…

©Les éditions du papier très utile

23 janvier 2010

Tous mes papiers (Virgibri)

Sur mes papiers virtuels, j’écris des mots de nuit, des mots d’orage, des mots de pluie.

Sur mes papiers de cœur, il y a des hirondelles, du miel, des odeurs de sapin, quelques grammes de cannelle et un grain de poivre. Ah, l’aigreur du piment…

Sur mes papiers calque, je dessine les contours de mes vides, comme un aigle dans le ciel.

Sur mes papiers buvard, j’attends que tout s’absorbe, aussi patiente que la buse le long de la route. Han, les taches restent.

Sur mes papiers à bonbons colorés, j’écris le vol rapide du colibri, les ailes du papillon, le rayon de lune ou de soleil, et pffft ! tout s’envole sous l’empressement du vent à jouer avec eux.

Sur mes papiers chiffon, j’essuie mes larmes, de joie ou de chagrin ; j’arbore certaines fleurs entre deux fils ténus ; je caresse l’épais feuillet et lui fais de l’œil, telle une pie prête à voler…

Mais j’endors mes plumes, les range au fond des trousses et des pots à crayons. Hum.

Garçon, du papier et de l’encre !


23 janvier 2010

Papier (Sebarjo)

Papier à musique,

la Chanson de Gainsbourg


gainsbarre_noir_et_blanc


SHEBAM ! POW ! BLOP ! WIZZ !

La chanson des petits papiers s'envolaient ainsi dans la pièce enfumée. La combustion de divers papiers - arménie, cigarette, maïs et compagnie - enfumait sa chambre sous les toits, sans même une vue sur les autres gouttières de Paris. Seul, un oeil-de-boeuf aveugle, aussi petit qu'un trou de souris,  perçait le zinc ondulé de sa turne.

L'oeil chèvre, Monsieur Seguin tirait sur sa gitane et faisait danser le flamenco aux volutes bleutées qui s'échappaient de sa robe rougeoyante, dans les airs étouffés de ce réduit miniature. Il en avait plein le nez qui était long, en forme de bec, de ceux que portent élégamment les toucans. Ce grand noctambule avait également les yeux jaunes de la chouette harfang et ceux ébahis de l'effraie mais sans menace aucune. Une belle gueule d'ange Hydeux resculptée par le docteur J. Car il était plutôt séducteur, roulant des mécaniques de twister comme un paon spicifère - que l'on dit muet - déroule sa roue en silence. Il avait un peu de cette tronche à la Gainsbarre retouchée par Sfar.

Un air de jazz enchaîna. Une guitare déroulait des accords sur une ryhtmique assenée par une contrebasse. Un air violent et langoureux.

Il se laissait aller en claquant les doigts d'une main comme devant un bon vieux juke-box, et de l'autre, enserrant son glass de blended malt.

Puis, étendu sur son sofa au velours rubis, il pianotait dans la grisaille nicotinique sur un Pleyel imaginaire et noircissait de noires, de croches simples ou triplées et de soupirs alanguis, ses papiers à musique, immortalisant ainsi des symphonies raccourcies, chansonnettes mineures.

Piano crapaud, piano girafe ou piano trois-quart-de-queue (de pie par dépit), tout était bon pour écrire ses nocturnes à l'encre de Chine, sur des papiers Japon aussi précieux, que des velins raisinés.

Il devait se contenter de ce modeste grain, rester lisse sans même une seule vergeure et naître à nouveau pour n'être plus qu'un pondeur pondéré de variétés insipides.

Son rêve de peinturlurer des papiers jésus, coquille ou écolier, de les inciser à la pointe charbonneuse de ses fusains pour en faire d'exquises esquisses était déjà loin. Un point microscopique, qui s'est définitivement évaporé dans les brumes papivores de cette nuit et envolé dans l'air de la chanson des petits papiers...

Et c'est depuis ce jour-là que collé à son scotch, délaissant le papier pour le piano, Monsieur Seguin s'bourre et que les gains s' barrent...


23 janvier 2010

Une envolée d’oiseaux et de bois vert (Caro Carito)

 

Carajo ! Il attrapa de justesse un chiffon pour éponger le parquet et éviter la catastrophe. Qui se transforma en déroute car les lames de bois déteintes prirent des allures arc-en-ciel. En deux enjambées, il atteignit le coin gauche assigné à la kitchenette. Il vida le peu d’eau qui restait dans la bassine, passa un coup de serpillère et remis l’attirail en place sous la fuite. Le plic ploc de la pluie qui tombait du toit fissuré reprit sa marche militaire.

Il eut une pensée pour cet hijo de puta français qui lui louait ce galetas. L’odeur de moisi et les pannes de chauffage n’étaient agréables que dans un recueil de poèmes. Il n’avait décidément pas la désinvolture d’un Rimbaud, ni la démesure d’un Lautréamont. Ses pinceaux transis lui tombaient des mains au bout d’une heure. Près de la baie sale qui se gorgeait de tous les vents, se bousculaient esquisses et tubes de gouache, des photos voilées, des bouteilles en bataille et des assiettes de pâtes froides. Sur le chevalet, quelques traits de fusain présageaient d’un tableau hésitant. Presque malhabile tant les références à des Kandinsky, Miro, Dali s’alignaient sans rime ni raison.

Il remplit l’unique casserole de la mansarde et se promit d’attendre patiemment le gloussement de l’eau bouillante. Les tscchhh feutrés avaient la douceur des après-midi de Doña Laura, sa mère. Il pénétrait alors dans le salon d’été, étriqué dans son uniforme de collégien, pío pío la coupe de cheveux translucide. La Tia Maruja se tenait toujours à droite du piano français. Il embrassait quelques joues orangées qui laissait en bouche un goût de sucre éventé. Il dérobait un ou deux biscuits sous l’œil amusé des « «ladys ». Il aimait cet accent traînant, ridicule qui frisottait en un zzz grasseyant quand Asunción lui rappelait sur le chemin de la maison que c’était jour de thé, synonyme de gâteaux à l’orange et d’ongles propres et récurés.

L’eau trépignait. Les bulles s’éventraient contre les parois moussues de calcaire. Il posa sur le coin de l’évier les lettres qu’il avait en main depuis le matin. Dans l’une, Paolina lui signifiait la fin de leurs relations. Une âme bienveillante l’avait informé depuis quelques mois que sa fiancée fréquentait avec assiduité le tennis del Club Regata. Avec toutes les circonvolutions propres à la bonne société et à la troisième missive, il avait deviné quand, quoi, comment… et n’attendait plus que la touche ultime au tableau du cornudo. Il imaginait sans peine les gloussements de ses condisciples. Ja ja, sabes que, pobre Esteban… si, ella, con ese demonio de…  La deuxième enveloppe contenait une invitation officielle à exposer dans un Musée de cette désolante ville normande. Puta madre, pourquoi à ce moment précis ? L’hiver avait délavé ses illusions. Les cours d’histoire de l’art et les borborygmes d’artistes sur le retour lui abrutissaient l’esprit, martelant son imagination d’un tam tam pernicieux. Tout ce qui transpirait de son âme était aujourd’hui d’un tel convenu. Au mieux trois touches ocre bronze sur un grand vide. Il regarda flotter le sachet de mate de coca, ne sachant laquelle de ces deux nouvelles le désarmait le plus.

Oser s’avouer que l’été passé, il s’était réjoui de sa bourse, comme d’un Sésame vers un monde neuf, une élite qui n’étrillait pas ses meilleurs rejetons à la moindre audace artistique. Un bruit mat lui fit lever la tête. Sur le rebord de la fenêtre, un oiseau à la poitrine vermillonne picorait les débris de son petit déjeuner. Il se rappela avoir acheté à un bouquiniste un livre d’ornithologie avec force gravures. Il le dénicha sous une pile de livres. Il étudia attentivement les illustrations passées, hésita, rouge-gorge, pinson des arbres ? Ou alors bouvreuil pivoine ? Linotte mélodieuse ? Il se souvint avoir acheté ce guide parce qu’il avait été étonné des couleurs ternes des oiseaux européens. Même leurs  pio pio semblaient dérisoires. Il se souvint de cette expédition où il avait quitté Tarapoto à l’aube avec Jorge, son guide, pour plonger dans la forêt amazonienne et tracer quelque croquis de la faune locale. La pluie les avait surpris et ils avaient dû trouver refuge dans un village en bord de rivière. Il n’avait pu sauver de son sac à dos trempé que ses peintures et ses pinceaux. Mais le papier, lui,  était inutilisable. Ils étaient restés là quatre jours, une éternité pendant laquelle il avait déniché, cartons, documents fripés, pages maculées de graisse, vieux chiffons, pour reproduire ces oiseaux aux couleurs tapageuses. Il avait un souvenir très précis de cet ara qu’il avait peint sur un bout de bois, un Chloroptera aux coloris si vifs qu’ils semblaient irréels. En partant, il avait entassé dans un grand sac de toile ces œuvres insolites et les avait exposés ensuite dans un café de Tarapoto à la grande satisfaction des touristes et des locaux.

Son minuscule visiteur n’était plus là. Il s’approcha de la fenêtre. Après tout, pourquoi pas ? Il se saisit d’une feuille de papier de riz, lissa le grain délicat et décida de croquer au fusain, en vis-à-vis, le modeste serin qui avait picoré là, à la minute précédente, et l’exemplaire chatoyant qui voletait dans ses souvenirs. Puis changer ensuite de matière, un canson banal qu’il utilisait avec ses élèves. Ou même un buvard, et des pastels. De l’encre de chine sur un papyrus. Un papier calque appliqué sur un tissu… Jusqu’à l’œuvre finale où, abandonnant le papier, il coucherait sur le bois brut un envol de plumes brunes et colorées.

Lexique

 

Carajo                        merde

Hijo de puta               fils de pute

pío pío                        piou- piou en espagnol

Tia                              tante

Cornudo                     cocu

Club Regatas              Club chic de Lima, situé à Chorillos

Mate de coca              infusion de feuille de coca très courante au Pérou

Ja ja                            expression du rire

Puta madre                 expression de colère

Sabes que, pobre Esteban… si, ella con ese demonio de

Tu sais que, pauvre Esteban, elle, avec ce démon de…

 

23 janvier 2010

Défi papier (PIERRELINE)

BIP BIP BIBIP BIBIP BIIIIP BIIIIP

 

Zig lança une main au hasard, il l’aurait ce satané réveil et sa sonnerie insupportable !!!

 

BLING !

 

Il l’avait eu, il en serait simplement quitte pour en racheter un autre …

Se lever si tôt un dimanche pour cause de contrôle inopiné de l’URSSAF, il n’était pas prêt de s’en remettre !

 

Sa tendre moitié avait prudemment demandé l’asile politique chez leur fille aînée : « Tu comprends, il est en pleine crise, il a paumé ses papiers, c’est un vrai capharnaüm de toutes façons dans son gourbi, alors vaut mieux laisser passer l’orage, faire comme les pigeons et se planquer la tête sous l’aile en attendant que ça passe ! ».

 

Zig pestait : « J’ai vraiment une cervelle de moineau, c’est pas possible de ne pas se rappeler où je les ai mises ces satanées liasses ! »

Il avait fait l’autruche depuis des semaines, se disant qu’un miracle peut-être lui ferait retrouver les précieux documents, mais rien à faire et maintenant il payait sa tête de linotte et il devait faire face : Demain, à la première heure, l’inspectrice des contributions et spécialiste du recouvrement des impayés sociaux allait se précipiter sur lui comme l’aigle sur sa proie et n’en faire qu’une bouchée !

 

AAARRRGGHH !!

 

« Chéri ! Oh, Zig, !!!

 

« MMM ???

 

« Réveille-toi, t’entends pas le réveil ?

 

« HURMPH ;

 

« Que, Quoi, Comment ?

 

« Oh, toi, t’es encore en train de faire ton cauchemar annuel ! Elle est revenue, ta chère inspectrice de l’URSSAF ? Franchement, depuis le temps tu ne devrais plus arriver à te mettre dans des états pareils, chaque année c’est la même chose ! Tu sais bien que tes liasses tu les mets sur la table à la mi-décembre, et chaque année avant le réveillon tu balances tout dans un grand sac et tu le planques derrière le frigo ! Il n’a pas bougé, le sac, tu retrouveras tout dedans, les liasses, mais aussi le reste, la liste des courses du réveillon, l’ordonnance du véto pour les vers des chats, le programme du ciné, le plan des bus, quelques sachets de thé au jasmin, un bout de crayon mâché et tes grilles de sudoku, et même les papiers des papillotes avec leurs blagues que tu voulais lire au petit au repas de noël, tu te souviens ?

Allez, rendors-toi, on ira plus tard le dénicher ce satané sac aux cauchemars !!!

 

Zig soupira, ah oui, le cauchemar annuel, c’était comme ça, un truc de saison, un peu comme les cerises de juin, les colchiques en automne, janvier, c’était le mois du cauchemar URSSAF, y’avait des trucs comme ça, c’était immuable, on était bien obligé de faire avec.

 

Il cala sa tête dans le creux préféré de sa belle et se rendormit.

 

23 janvier 2010

La valise à Scherzos. 53, La cocotte en papier (Joe Krapov)

Dans la valise de Scherzos, Lemouton a laissé de côté les cahiers poussiéreux. Les trois autres locataires s’en occupent. Lui s’est emparé des chemises dans lesquelles il a trouvé des collages, des bouts de papier de toutes sortes, les cent mille milliards de poèmes (porqué no, Raymond ?) sur leurs feuilles à carreaux roses et la cocotte en papier faite avec une copie d’écolier à grands carreaux.

cocotte_photographii_e


Il la déplie et lit ceci : (ne vous abimez pas les yeux, cliquez sur l'image pour lire le texte ci-dessous ! Après ouverture, vous pouvez agrandir encore la taille d'affichage en cliquant sur ctrl et + plusieurs fois ; pour revenir à l'affichage normal faites ctrl et - ou ctrl et 0[zéro])

cocotte_depliee_1


cocotte_depliee_2

Sur une bande de papier séparée figurent la date, le nom de l’élève, sa classe, la nature du devoir et la correction en rouge du professeur. L’annotation de l’enseignant dit ceci :

«Elève Scherzos, vous avez une belle écriture mais vous êtes nul en ornithographe : vous n’avez compté ni les onomatopées, ni les noms d’oiseaux! Je mets 1 sur 20 pour l’encre et le papier».

23 janvier 2010

Pas pied (Captaine Lili)

L’ombre sur l’Oise, était-ce une grive ?

Pfffuit, me fit l’alouette : « t’as pas de tête ! »

Mais j’ai un cœur de rossignol et ma plume arrape les couleurs des aras !

Rondjudju,  grogna le pêcheur : « mais qui est cette écervelée ? »

Criiiiii, glatit le grand aigle : « c’est une poète ». Il avait vu le papier.

Tap-tap. Tap-tap-tap. Ca palpitait.

Le papier était plié comme un secret.

23 janvier 2010

même pas pied (Poupoune)

Depuis le temps qu’on attendait une vraie occasion de se racheter aux yeux du patron et de pouvoir être à nouveau dans ses petits papiers, on n’avait pas l’intention de se louper, sur ce coup, avec Lucien. C’était pas trop compliqué a priori : le gus à dessouder était ficelé dans un entrepôt sous la surveillance d’une petite nouvelle qui ne « devait pas se salir les mains », pour reprendre les mots du patron. On n’appréciait qu’à moitié l’idée de finir le boulot d’un autre – a fortiori le boulot d’une autre – mais on n’était pas en position de faire les difficiles.

La poule donnait dans le trafic de faux-papiers et, pour ce qu’on en savait, le gus était une balance qu’elle avait réussi à piéger. Pourquoi c’est pas elle qui s’en débarrassait, ça, mystère ! Une poule mouillée, sans doute. Quand on est arrivés, la donzelle nous a fait un accueil musclé qu’on se serait cru dans un film. Elle nous a fouillés et c’est tout juste si elle nous a pas demandé nos papiers. Jusque là je m’étais demandé pourquoi une des grues au patron était dans les affaires et pas dans un claque, mais elle devait peser un quintal et ceci expliquait cela. Lucien en menait pas large. Moi non plus, mais c’est lui qu’était entré le premier et je me planquais un peu derrière.

Quand elle a fini par bien vouloir nous croire qu’on était les tueurs au patron, elle a eu un rire que j’aurais mal pris si j’avais été du genre à me vexer et elle est partie, mais pas sans avoir préalablement collé une mandale sonore au gus saucissonné sur sa chaise et nous avoir lancé :

- Essayez d’pas foirer vot’ coup, hein, les buses !

Et elle a encore eu ce rire énervant. Gras et aussi féminin que Raymond quand il tousse depuis qu’il a son cancer.

Le gars ficelé sur sa chaise faisait des grands snurfl pour retenir le sang et la morve qui coulaient de son nez, que la camionneuse venait de lui broyer. Pour quelqu’un qui devait pas se salir les mains, elle l’avait eue plutôt lourde. La main. Lucien a tendu un mouchoir en papier au gars, mais vu qu’il était attaché…

- Bon, c’est quoi qu’il a dit déjà le patron ?

- Ben t’avais pas noté ?

- Ah si… ‘tends, je cherche mon papier…

- Une histoire de sphinx…

- C’était pas un lynx ?

- Je sais plus, Lucien, c’est pour ça que t’avais noté…

Evidemment, il avait paumé son papier, Lucien. Mais bon, le patron, tout c’qu’il demandait, c’est qu’à la fin le type soit clamsé, alors le truc du… sphinx, là, après tout…

- C’était sûrement sphinx, non ? C’est pour ça qu’elle lui a pété l’nez, tu crois pas ?

- 

- 

- Et il est mort comment, ton sphinx ?

- 

- Ou alors c’était lynx, et faut y crever les yeux ?

Du coup il les a écarquillés drôlement, le gus ! Et nous, faut bien dire qu’on n’était pas chauds pour ce genre de trucs. En plus, tout c’qu’on avait sous la main pour le faire c’était le coupe-papier de Lucien que le patron avait bien voulu lui laisser, alors ça nous emballait encore moins. Ah oui… parce que depuis cette histoire où j’avais malencontreusement tué son fils, au patron, il voulait plus qu’on soit armés. C’est pour ça que ça nous aurait bien arrangé que Lucien le retrouve, son papier, parce que ça nous aurait donné une idée de comment fallait qu’on le tue, le gars.

- C’était pas plutôt un truc genre Bouygues, qu’il a dit, le patron ?

- Quel rapport avec ton sphinx ?

- J’sais pas… mais c’était un truc de maison, j’crois, non ?

- Tu sais où ça vit, un lynx ?

- 

- 

J’voyais bien qu’il s’rappelait pas du tout, Lucien. Si au moins il avait pas paumé ce papier.

- Phénix !

On s’est retournés tous les deux comme un seul homme vers not’ macchab’ en devenir, qui faisait des blurp et des bulles avec son sang.

- Hein ? qu’il a fait, Lucien.

- Quoi ? j’ai ajouté.

- Phénix, qu’il a redit. C’est sûrement phénix.

J’ai regardé Lucien qui m’a regardé et j’avais pas l’impression qu’il se rappelait plus que moi. Le gars a lâché un long pffffff… avant de reprendre :

- Phénix. Comme les maisons. Et ça ressemble un peu à sphinx, non ? C’est sûrement ça qu’il a dû vous dire.

- Pourquoi ?

- Ben ça paraît plus plausible que lynx ou Bouygues, non ?

- Hm… développe.

- Vous savez c’que c’est un phénix ?

- 

- 

Au début pas trop, mais là je commençais à avoir un peu envie de le tuer. Il avait le regard comme le patron quand il s’moquait qu’on avait foiré un coup. Puis y a Lucien qu’a retrouvé son bout de papier :

- Ouais ! C’est ça ! « Faites pas encore le coup du phénix » qu’il a dit, le patron !

- Ah… et ça veut dire quoi ?

- 

On s’est encore retournés vers le moribond, qui affichait cette fois carrément un sourire en coin. Comme ça il me donnait finalement bien envie d’y crever les yeux.

- Un phénix, c’est un oiseau qui renaît de ses cendres, les ignares.

- Hein ?

- Ignares, ça veut dire…

J’ai pas vu partir le coup mais j’ai bien entendu le schlac dans sa tronche ! Lucien était plus irritable que moi.

- Humpf…

- Allez, explique, maintenant. C’est quoi ton phénix, là ?

- Et ben rien de plus ! C’est un oiseau qui meure pas ! Il brûle et après hop ! il renaît de ses cendres.

- Ben pourquoi le patron il a…

- Vous m’avez l’air de deux sacrées flèches, les gars ! P’t’êt’ qu’il a dit ça pour vous faire comprendre qu’il fallait pas m’rater, hm ?

- Je sais !

Lucien avait gueulé ça si fort qu’il m’avait fait sursauter. Et le frimeur aussi.

- Tu sais quoi ?

- Ben il veut qu’on le brûle !

Le mec faisait moins le fier d’un coup. Bien fait pour lui. J’étais pas sûr que c’était ça qu’il avait voulu dire, le patron, mais l’idée de cramer l’emmerdeur me plaisait assez.

- Ouais, tu dois avoir raison. T’as du feu ?

- Je dois avoir des allumettes, ouais.

- Super. Comment on va faire prendre le feu ?

Y avait rien à faire flamber dans c’t’entrepôt désaffecté. Le mec a repris son air narquois.

- Y a p’t’êt’ du papier-cul aux chiottes ?

- Y a pas d’chiottes, Lucien. T’as pas un livre, ou un truc comme ça ?... Ouais, non, t’as pas. Des mouchoirs en papier ?

- J’en avais qu’un et maintenant il est tout imbibé d’son sang, là.

- Merde. Ah ben le papier où t’as noté le sphinx !

- Ah ouais !

On n’a jamais réussi à faire partir le feu. Le gars a trouvé moyen de pisser sur les allumettes. J’vous jure, y en a qui reculent devant rien, hein… Alors pour finir on l’a laissé là et on a refermé la porte en partant. Il finirait bien par mourir de faim.

- Dis, Lucien, tu sais à quoi ça ressemble, un phénix ?

- Ben… c’est comme un genre de bergeronnette, mais plus gros. Enfin je crois.

 

23 janvier 2010

Extrait des petits papiers d’une institutrice de campagne (rsylvie)

« extrait des petits papiers d’une institutrice de campagne »

 

classe de mer CM1-CM2, à Pirou Plage / Cotentin

2ème jour  ... les bobos de l’âme

  

…."je n'ai pas pied" ! hurlait-elle.

Alors suivre Mélanie et Tristan par delà les vaguelettes du rivage, pas question !

Du haut de ses 7ans1/2 la petite, faisant face à ses aînés, se campa sur ses 2 pieds et ne bougea plus, que mademoiselle Coulicou n’arrive.


Inquiète et très intriguée par le comportement de la fillette habituellement si sage, la jeune maîtresse se dit que ce n’était pas ce qu’elle avait fait de mieux, en acceptant au pied levé de remplacer mademoiselle la directrice adjointe pour cette classe verte. Et puis qu’elle idée aussi, afin de rentabiliser au maximum la sortie pédagogique, d’avoir demandé aux plus petits de venir compléter les places laissées vacantes. On ne peut de la sorte, proposer à des enfants de 7 à 12 ans et demi les mêmes activités.

 

Pendant plus d’une heure, elle expliqua à la petite qu’il existait des méthodes très fiables pour apprendre à nager. Qu’il y avait même des moyens artificiels pour garder l’équilibre et que de toute façon, il n’était pas envisageable qu’un enfant se baigne sans bouée de sauvetage et brassards.

Mais rien n’y faisait.

Pour qui ne connaissait pas l’histoire que je vais vous conter par la suite, malgré toutes les blablat’ries enseignées en école préparatoire au métier d’enseignant, il était impossible de se douter, que ce qui pouvait passer pour de l'entêtement, ne l’était pas.

Marine, avait à peine dépassé l’âge des premiers PAPA ..MAMAN,

qu’elle connaissait déjà  tout de la vie de nos côtes normandes.

Des gliglis qui chatouillent entre les doigts de pieds quand on court de dune en dune, aux petits grains qui se faufilent au travers du maillot de bain, pour retomber en pluie fine sur le parquet de la salle de bain avant la toilette du soir. Du sable chaud que le soleil brûle de ses rayons ardents, au sablon humide dont on fait de jolis châteaux, que la mer engloutit à chaque marée.

De la vague qui vous lèche les mollets aux clapotis de l’eau sur les rochers. Du limon qui abrite crabes et crevettes, aux bois flottants qui font de jolis radeaux fiables et bien solides.

Le nom de tous les oiseaux qui survolent le rivage, de la mouette criarde, au froufrou silencieux d’un fou de Bassan , en passant par l’amusant déhanchement d’un albatros, au vol majestueux d’un goéland 

De la cloche du village, tintinabulant le retour des bateaux partis pour la pêche, au tocsin qui sonna si longtemps ce soir là. Qu’il résonne encore dans la tête de l’enfant. Rappelant une a une, les vagues martelant le bateau disparu corps et biens dans la tourmente.


Les années ont passé, tapissant d’amertume le cœur triste de la petite orpheline

qui du jour au lendemain, avait pris le premier train pour ailleurs.

n’importe où, avait pleuré sa mère,

pourvu qu’il n’y ai plus d’eau alentour » !

Ainsi débarquaient à Briouze, par un triste soir d’hiver,
d’un très vieux 
tchouchou
vert de gris en provenance de Granville,
quai 1 voie B, madame veuve Martin, tenant en sa main droite
celle d’une petite fille à peine âgée de 4 ans et dans l’autre, une valise ficelée à la hâte.

23 janvier 2010

BRICOLAGE FAMILIAL (Martine 27)

BRICOLAGE FAMILIAL
Au milieu de la mêlée, je me demande bien ce qui m'a pris.

Bon à ma décharge, ce sont eux qui m'ont proposé de choisir le nouveau papier peint de ma chambre.

Et j'ai choisi une petite merveille, d'énormes coquelicots (enfin je pense que ce sont plutôt des pavots psychédéliques) d'un beau rouge s'épanouissent au milieu d'une jungle de feuillage de plusieurs teintes de vert et d'ocre.

Mes parents contemplent mon choix avec horreur (aïe, aïe, aïe), mais on ne reprend pas une parole donnée, ils ont donc acheté LE papier.

Bon passons à ma chambre maintenant, le lit est installé dans un coin avec le plafond qui a cet endroit descend en pente, il y a bien sûr un grand placard et mes meubles qu'il faut stocker comme on peut pour accéder aux murs.

Et voilà mes parents plutôt néophytes dans l'art de poser du papier peint, jusqu'à maintenant nous avions habité dans des logements de fonction où tout était fait avant notre arrivée, donc autant le dire ma chambre est leur coup d'essai.

S'agitant comme des poules dans le poulailler, ils commencent par monter les tréteaux et la planche à encoller.

"Ouille mes doigts"

Puis il faut mélanger la colle.

"Mais bon sang de quel genre de cuiller ils parlent ?"

"Tu vois bien c'est marqué là, apprends à lire un mode d'emploi bon sang"

Bon petite précision dans la famille le bricoleur est une bricoleuse, ma mère. Mon père sait changer une ampoule mais ça s'arrête à peu près là.

Ils mélangent donc colle et eau, longuement.

"Tu crois que ça va coller ce truc ?"

"C'est normal les grumeaux ?"

"Où est le pinceau ?"

Mes parents commencent à mesurer le mur, reportent la mesure sur le papier, encollent, floc, tant bien que mal le-dit papier, le replie comme cela leur a été indiqué par le vendeur pour pouvoir barbouiller de colle la seconde partie.

"Et zut il y a de la colle par terre"

"Tant pis on verra tout à l'heure"

"Comment ça s'attrape ce fichu machin ?"

"Attends je grimpe sur l'escabeau, vas-y passe-moi le papier, vas-y déplie-le"

"Je n'y arrive pas ça colle"

"Remplace-moi sur l'escabeau je vais essayer"

"Barbe, c'est tout mouillé, ah ça y est j'ai le bout, ça va tu tiens bien ?"

"Oui mais dépêche"

"Martine, c'est droit là-haut"

Comme un moineau timide, je pointe mon nez dans la volière.

"Oui ça à l'air"

"Quoi ça à l'air, c'est droit ou pas ? Ne fais pas ta dinde !"

"Oui, oui c'est droit" 13 ou 14 ans à l'époque mais j'apprends la diplomatie sur le tas.

Le lai de papier peint est donc déplié et plaqué sur le mur.

Merveille, il épouse bien le coin du mur.

"La brosse pour lisser, où est la brosse pour lisser ?"

"Flûte, il y a des bulles !"

Et fiers comme des paons après avoir réussi à poser le premier lai en une demi-heure mes parents s'attaquent au second.

Léger oubli de leur part, ils ont oublié les raccords, et mes coquelicots sont bizarrement dédoublés.

Arrachage furieux du morceau.

"Tu n'avais pas vu que c'était du papier avec raccord "

"Eh ho, toi non plus je te signale !"

Vérification sans colle pour le morceau suivant, ça semble aller.

Et zou, deuxième morceau collé.

Satisfaction intense de mes géniteurs, pas de doute, ce sont des pros.

Aïe voilà la fenêtre et le radiateur qui se profilent à l'horizon.

"Mince, il faut démonter le radiateur"

"Attends je vais couper le courant"

"Le tournevis, où est le tournevis"

A l'époque je précise que la boite à outils familiale tenait dans une boîte à chaussures.

"Crotte, il n'y a plus assez de colle"

"Mais refais-en vite, sinon on va perdre ce morceau là"

"Elle est trop liquide !"

"Tant pis, faudra bien que ça le fasse"

"Et voilà, tête de linotte, je te l'avais dit, trop liquide, ça ne tient pas"

Gros mouvement d'humeur de ma mère qui a, comme on dit "la tête près du bonnet"

La fenêtre s'ouvre avec bruit, clac.

Bruit de papier froissé et lancement d'un monstrueux coquelicot par la fenêtre.

"Mais ne t'énerves pas, ça n'avancera pas plus vite !"

Depuis longtemps, Poussy notre chatte a opté pour un repli stratégique en haut d'une armoire ou sous un lit.

Quant à moi, je préfère suivre l'exemple de ma minette et je me replie dans la chambre d'à côté avec un bon bouquin. Mieux vaut pour moi ne pas jouer la mouche du coche, mais plutôt la fille de l'air.

Inutile de dire que la journée fut fertile en évènements (et en noms d'oiseaux) parce que bien sûr mes parents s'aperçurent que les murs d'une maison neuve sont rarement droits et ce qui est bien à un bout de la pièce ne l'est plus du tout de l'autre côté, qu'il arrive un moment où il faut négocier les coins, que des bulles se forment quand vous avez le dos tourné, que mettre du papier peint au plafond, eh oui, plein d'optimisme ils avaient décidé de "papieter" aussi mon plafond, ce n'est pas une sinécure vu que la colle, comme la confiture ça dégouline !

Bref, la journée fut longue, très longue, le vendeur ayant vu qu'il avait affaire à des débutants avait prévu large en terme de rouleaux et il avait eu bien raison car il y eut des pertes au champ d'honneur.

Autant dire que même ayant essayé de me faire la plus petite possible j'ai quand même eu le droit à quelques regards noirs !

Mais une épreuve du feu pareille, ça vous cimente un couple et mes parents devinrent des pros du papier peint, la boite à outils familiale se garnit un peu plus et mon père se découvrit capable de planter un clou sans s'écraser les doigts.

Quant à moi, j'étais très satisfaite de mon choix parce qu'avec mes meubles en pin et osier, ma chambre était tout bonnement parfaite, et mes parents une fois calmés reconnurent que j'avais fait le bon choix !

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