Initiation et mythe (Anémone)
Il réparait la serrure et le bas de la porte principale, endommagé à coups de pieds.
Il réparait la serrure et le bas de la porte principale, endommagé à coups de pieds.
Il ne savait plus quand il avait entendu parler de cette porte la première fois. Du plus loin que remontaient ses souvenirs, il lui semblait qu'elle était présente ! Peut-être pas depuis le berceau , quand même. Quoi que... N'en avait-on pas parlé alors qu'il n'était encore qu'un tout petit bébé ? Et son esprit encore inconscient n'en avait-il pas pris note ? Genre "s'occuper de cette histoire lorsque j'en aurai l'âge".
Oh, cela ne le préoccupait tout de même pas au point d'y perdre ses journées, ses nuits et le reste de son temps libre. Néanmoins l'idée de ce mystère faisait toujours plus ou moins partie de ses pensées.
Bien sûr il s'était renseigné, avait posé des questions à tous ceux qui auraient été susceptibles de lui donner quelque renseignement, le plus infime soit-il. Mais à ce sujet, son entourage semblait surtout être susceptible tout court !
Depuis sa plus tendre enfance il se rappelais avoir essayé toutes les clefs qui avaient pu lui tomber entre les doigts ! Et si elles n'y tombaient pas il se débrouillait tout de même pour qu'elles s'y retrouvent ; "par hasard", répondait-il aux questions qu'il jugeait indiscrètes.
Bien sûr, il arrivait parfois qu'il ne tente rien pendant un mois, voire même deux. Une clef, on n'en trouve pas forcément tous les jours, n'est-ce-pas !
Il se souvenait de celle qu'il avait trouvée un matin, dans un petit coffret perdu rongé par les termites et la rouille au fond de la cave, et qui lui avait presque donné une lueur d'espoir. Elle entrait parfaitement, et même elle donnait l'impression de vouloir tourner dans la serrure.
Pourtant, elle forçait et ne voulait pas dépasser le trois-quart de tours.
Pourtant il forçait lui aussi, mais il avait un peu peur de tout casser. Il avait déjà pensé à huiler la serrure, maintes et maintes fois, assez pour qu'à ce jour elle baignât dans l'huile, sans le moindre doute ! Non, ce n'était tout simplement pas la bonne, il fallait bien se rendre à l'évidence. Il avait même songé à la ré-usiner un peu, dans l'espoir de trouver par un heureux hasard la forme adéquate, mais avait finalement abandonné...
Ce jour-là il était monté jouer au milieu du bric-à-brac du grenier. Il en avait l'autorisation et s'efforçait de ne pas tout mettre sans dessus-dessous. Du moins pas plus que ce ne l'était déjà.
Il y découvrait chaque fois toutes sortes de trésors, se lançait dans mille et mille aventures toutes plus merveilleuses les unes que les autres !
Et là il venait de découvrir un vielle enveloppe qui dépassait d'un vieux tissu rongé par les mites. La colle ne tenait plus depuis des siècles, il l'ouvrit... Rien, si ce n'est une clef ! Son sang ne fit qu'un tour, il était certain d'avoir mis la main sur ce qu'il cherchait depuis si longtemps !
Il redescendit alors, à pas de loup. Il avait du mal à refréner des jambes qui ne demandaient qu'à dévaler les escaliers et à parcourir les couloirs à toute allure, mais il ne tenait pas à alerter qui que ce soit, sinon il n'aurait plus eu qu'à numéroter ses abattis.
Arrivé devant la porte, il tremblait légèrement, les jambes en coton, le coeur battant la chamade... Il parvint tout de même à insérer la clefs dans la serrure du premier coup. Tout doucement il commença à la faire tourner... Elle força légèrement en rencontrant le mécanisme, mais continua son tour, jusqu'à ce que retentisse un petit "clac". La porte s'ouvrit lorsqu'il actionna la poignée et il la tira lentement à lui, de peur qu'elle ne grince, avant de pouvoir jeter un coup d'oeil de l'autre côté.
Une lumière étrange régnait en ce lieu, comme un peu brumeuse. Il ne semblait pas y avoir grand chose et il décida d’entrer. Tout d'abord il reprit la clef, de peur sans doute que quelqu'un ne refermât derrière lui (ou tout simplement ne découvrît qu'il était là) tira un peu plus sur le battant, se faufila à l'intérieur et fit un ou deux pas en avant.
C'est alors qu'il entendit le petit "vlan" de la porte qui se refermait derrière lui.
C'est alors, en se retournant, qu'il se rendit compte que la porte n'avait ni serrure ni poignée...
Papa, je n’ai pas retrouvé la clé du vieux pigeonnier. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé
Tu l’avais si bien cachée que même toi, tu ne savais plus dans quel endroit la chercher. Il faut dire, que ces dernières années ta mémoire te jouait des tours, elle s’était quelque peu … comment dire… embrumée.
Il y a longtemps, tu avais trouvé que l’endroit était devenu dangereux. Le plancher était vermoulu, ses planches disjointes, posées sur une charpente qui menaçait de s’écrouler. Tu nous en avais interdit l’accès et peu confiant en notre capacité à t’obéir, tu avais enfoui la clé quelque part. Et puis les années s’étaient écoulées, jusqu’à oublier ce qu’il pouvait bien y avoir dans ce vieux pigeonnier.
Lorsque cet hiver tu nous as quitté, il a bien fallu aller voir.
Ce n’est pas sans un certain émoi que j’ai grimpé la petite échelle de fer qui menait au palier du petit pigeonnier. Je me suis penchée sur la grosse serrure dont on a perdu la clé et par le trou, j’ai regardé. Tout était comme dans mon souvenir, rien n’avait changé et j’ai cru un instant que le temps s’était arrêté, j’ai soudain été projeté à la période d’avant que tu en ais perdu la clé. Un temps où j’avais douze ans et où j’allais me réfugier dans le vieux pigeonnier, comme toi avant moi lorsque tu étais enfant.
J’ai vu le grand fauteuil d’osier placé sous la lumière du petit cafuron* où je m’installais pour lire les livres que tu avais lu avant moi, au même âge et qui étaient rangés là sur l’étagère : tous les Jules Vernes, les Alexandre Dumas mais aussi HG Wells, E Rice Burroughs, Jack London… Et encore les illustrés : Zig et Puce, Les Pieds Nicklés, Le petit vingtième avec Quicke et Flupke… des trucs de garçons mais que je dévorais avec passion dans la douillette pénombre du petit pigeonnier.
Comme il fallait bien entrer, Simon, ton petit-fils a donné un grand coup de pied dans la porte et la vieille serrure a cédé. Nous nous sommes avancé avec prudence, chacun notre tour, sur le vieux plancher qui, malgré tes crainte, a tenu bon et supporté notre poids. Quand j’ai voulu les feuilleter, les vieux illustrés se sont effrités et mon cœur s’est fendu. C’était comme si tu t’effaçais un peu plus encore. Soudain, le courage m’a manqué. J’ai tout reposé pour m’en aller et là contre le mur près de la porte, j’ai vu le petit vélo blanc que tu m’avais offert, pour mes cinq ans. Je me suis souvenu de mon ingratitude à ton égard ce jour-là. Je n’avais pas pu cacher ma déception car j’avais imaginé qu’il serait rose…
Et alors là, au seuil du vieux pigeonnier, elles se sont enfin écoulées, toutes les larmes que je n’avais pas pu répandre au moment de ton décès.
*Cafuron : lucarne (parler régional, Rive de Gier, 42)</p
Moi, quand on me montre un trou de serrure, je pense "clef".
C'est que je ne suis pas voyeur, je suis logique.
D'autant que ça fait une paie que, grâce à Yale et ses imitateurs, il n'y a plus rien à voir dans un trou de serrure : c'est fou ce que nous sommes devenus jaloux de notre intimité.
Donc, je pense "clef" et pensant à la fois "clef" et "serrure" me revient un conte fantastique de Jean Ray intitulé "Storchaus" où une maison de Hanovre habitée par un esprit maléfique parle à un certain Bill Cockspur en lui suggérant des images mentales issues de son enfance.
Ainsi, pour l'obliger à ouvrir la porte dissimulant l'horreur contenue dans l'édifice, elle lui rappelle une chanson grivoise soulignant l'adéquation de taille qui doit relier la serrure à sa clef.
"Petite serrure demande petite clef,
Grosse serrure..."
Et je suis sûr de ce que j'avance, j'ai vérifié : je reviens de chez mon fils à qui j'ai transmis toute ma collection d'histoires fantastiques de Poe à Seignolle et de Ray à Owen, sans oublier les de Ghelderode et de Quincey.
Non, je ne vous raconte pas l'histoire. Il faut de l'estomac pour l'encaisser !
- Comment tu t'appelles ?
- Key.
- Ben, toi.
- Non, moi, je m'appelle Key.
- Ah.
- Et toi ?
- C'est Rure.
- Oui, je vois ça, mais comment tu t'appelles ?
- Je m'appelle Rure.
- Ah ! Ma Rure !
- Oui, mon Key !
- Hein ? Monkey ? Je ne suis pas un singe ! OH !
- Mais non, Banane ! MON Key !
- Ah ! Ne veux-tu pas que je te serre, Rure ?
- Si, oh si !
- Eh ben, oui, je vois !
- Oh, Key, je ta...door !
- Oh, Rure, tu es ma belle lock !
- Une loque ? OH ! Quel goujat !
- Eh, la ferme, tu veux ?
- Non, je préfère vivre en ville.
- Allons, on va aller faire un tour.
- D'accord !
NDLR : Pour ne pas choquer les âmes sensibles, l'illustration qui accompagne ce texte se trouve ici. Merci de votre compréhension éventuelle.
Cinquième photo du défi de l'été :
A vous de déjouer les serrures et d'envoyer vos participations à
A tout bientôt le plaisir de vous lire !
Quand j’étais petite fille j’ai eu un vélo tout rose.
Je l’aimais tant mon p’tit vélo que ne voulais point m’en séparer, alors je me souviens très bien avoir fait un vœu :
« Qu’il grandisse en même temps que moi ! »
Eh bien voilà !
Nous en avons fait des tours et des tours ensemble !
Et maintenant qu’il prend de l’âge je lui ai offert une place dans un manège ! Et il continue à en faire des tours et des tours ... rondement menés, sans trop se fatiguer ! La musique qui accompagne son voyage est une jolie valse chantée qui lui tourne dans la tête et répète : « Quand j’étais petite fille j’ai eu un vélo tout rose, je l’aimais tant mon p’tit vélo que je ne voulais point m’en séparer … »
Je tenais ça de ma famille : nous avions tous peur des voyages en avion.
Ces dernières années, j’avais tant pédalé dans la semoule que j’avais poussé jusqu’aux extrémités le raisonnement suivant : la solution idéale ce sont des vacances à vélo.
Dès que je pensais aux trains d’atterrissage, je regardais avec tendresse la petite reine.
Je commençais mon voyage par lancer des fléchettes sur une carte pour en tirer des conclusions hâtives.
Je devais me rendre en Belgique .En tenant compte que les perspectives de cotes sont extrêmement limitées, et que j’évitais du même coup le vol mouvementé des avions sur la piste de l’aéroport et le retard provoqué par les fameux oiseaux suicides de Bruxelles
Ces vacances s’annonçaient sous les meilleurs auspices.
Je parle d’une époque où nous n’avions pas encore mis un pied sur la lune et par conséquent le prix du voyage ne peut être encore celui de la déception.
Assis, sur la selle de ma bicyclette je réfléchissais.
En tout cas je pense que je réfléchissais, quoi qu’il en soit je songe à réfléchir avant d’entreprendre ce voyage.
Je décidais de ne point bouger d’ici avant qu’une idée vienne.
Il n’est pas impossible que je sois devenue fou .il faut toujours considérer cette éventualité quand on se met à réfléchir.
Mais chaque fois que je pense, il m’apparait qu’en ce bas monde un homme n’a d’autres choix de devenir fou ou de pédaler dans la semoule.
Je décidais d’aller boire un coup
Après le téléphone, les ballets, le soldat, le cochon-tirelire et les éléphants...
Le vélo rose.
Ça serait pas un coup de Julos ? J'ai reconnu sa bobine !
Heureusement, il nous a épargné le régime sans selle...
Cher voleur,
Hier soir, en sortant du restaurant végétarien-zen où une amie m'avait gentiment conviée, je n'ai plus trouvé mon vélo.
Je ne peux te décrire les sentiments confus qui m'ont agitée en cette brève minute où il a fallu que je me rende à l'évidence.
Incrédulité, refus, incompréhension, colère, révolte, dépit, acceptation, résignation, relativisation...Toute la palette.
La soirée avait pourtant fort bien commencé, le cadre était idyllique, et j'avais décidé de m'y rendre à bicyclette afin de profiter de la douceur du soir et de contribuer modestement à la protection de la couche atmosphérique en ne rajoutant pas de Céodeux inutile...
Repas léger, bulles de connivence, on se raconte nos vie, on échange, à la lueur des lampions qui donnent un joli teint et un air un peu mystérieux. On parle d'enfants, de yoga, de boulot, de lectures, d'avenir. On est bien. L'air est tout empreint de ce bien-être.
Et là, paf! coup de théâtre, coup de grisou. Là, sur la digestion, me faire ça! Plus de vélo, un sentiment de grand vide et le poteau auquel je l'avais attaché, pourtant solidement, qui semble me dire d'un air penaud "Je n'ai rien pu faire, tout est allé si vite..."
J'espère au moins que tu vas bien le traiter. J'ose penser que tu en avais vraiment besoin pour te déplacer. Que tu es un adepte de l'écologie, et que j'ai fait un heureux.
Parce que si tu l'as volé pour le revendre, je te préviens, tu n'en tireras rien, c'est un biclou qui ne vaut plus un clou.
Si je le retrouve au hasard d'un "marché du vélo d'occasion" ou d'un vide-grenier, je le reconnaîtrai entre mille. Il clignotera de tous ses feux et me dira: "Reprends-moi!" Moi seule connais ses blessures secrètes.
Tu ne pourras rien faire pour m'en empêcher. Tu ne sais pas de quoi je suis capable pour un ami.
Tu ne sais pas l'amitié profonde que j'avais pour mon vélo.
Avec lui, j'aimais sentir le vent voleter dans mes cheveux, j'aimais sentir mon corps bouger, mes jambes dorer, ma robe se soulever un peu, la griserie des chemins de noisettes où il aimait m'emporter. Lui et moi, on s'entendait à merveille.
C'était bien plus qu'un tas de ferraille. C'était un art de vivre.
Je ne te salue pas.
J'ai enfourché la bicyclette
Sur la pédale ai appuyé
Pour rattraper la blondinette
Venant de filer sous mon nez
J'entends le cristal de son rire
Et vois ses couettes s'agiter
Bon sang ! Trois coups devraient suffire
Pour atteindre cette beauté !
Mais j'accélère, elle accélère,
Je ralentis et elle idem,
Cette insolence m'exaspère
On se croirait sur un tandem.
Pourtant la piste est plutôt courte
Pourquoi n'y arrivais-je pas ?
Il faut croire que je m'encroûte,
Car je sens venir mon trépas...
Un dernier tour et puis j'abdique,
Descends de mon cheval d'acier...
Et voici que, c'est véridique,
Elle s'arrête à mes côtés !
De ses doux yeux bleus me regarde :
"Merci monsieur d'avoir poussé
Je me sentais un peu faiblarde
Mais n'en soyez point courroucé
Venez vous poser sous cet arbre
Pour y trouver quelque autre jeu :
Ma vertu qui n'est pas de marbre
Pourrait bien en être l'enjeu".
Mon beau chevalier sur son vélo osé roulait (oh, so cool !) que mon coeur s’est brisé.
Il m’a laissée toute chose sur ma bicyclette rose, et puis, il a dit : Je voudrais te ….
Je tremblais si fort que je frôlais la mort, chuis tombée par terre, mes pauvres jambes dans l’air !
Et mon beau chevalier, est-ce qu’il m’a aidée ? Eh ben non, mes amis, il m’a tout de suite … !
Il m’a … comme ça ! Sur la route, devant tous !
(Mais y avait que des vaches dans ce coin de cambrousse)
Tant mieux pour moi, la pauvr’ fille … par un gars qui roulait !
Arrière-pensée : Dites, vous, mes lecteurs, maintenant tous troublés ---
Avez-vous bien compris que … est « doubler » ?
Je perds complètement les pédales
De voir mon vélo en rose-bonbon.
Je vais lui mettre une mandale,
A cet idiot, crétin et cornichon.
Non mais quelle idée a eu Léon
De peinturlurer ma bicyclette
Depuis les pneus jusqu’au guidon,
De cette couleur pour des fillettes ?
Il est givré, le pauvre garçon,
Il est pas net sous sa casquette,
Il a une araignée au plafond.
Un p’tit vélo qui tourne pas rond
Dans le brouillard de sa p’tite tête,
Il est complètement camé Léon !!
Quand on a cru la première moitié de sa vie
Qu'il faut toujours se dépasser,
Grimper, vaincre, souffrir, peiner,
Il est bien agréable pour l'autre moitié
Quand l'oncle Hubert a dit qu'y préparait la retraite des cadres, on l'a pas cru vu qu'il avait jamais été plus loin qu'le certif, et c'est pas les bruits de perceuse, de scie et de coups de marteau qui nous rancardaient plus sur c'qu'y trafiquait dans la remise.
Avec ses Aïe, ses M..... et ses B..... de M..... , on a bien compris que sa dernière invention dépassait tout ce qu'il avait pu inventer depuis son accessit au Concours Lépine de 1963!
Oubliés le canif à treize lames, la chaise-longue incoinçable, l'essoreuse à pédale... cette fois c'était du lourd, du méga-top, le genre de truc à faire la première page de l'Eveil de Champignolles.
Même le parasol auto-bronzant qu'il avait fièrement offert à sa polonaise - brûlée depuis au second degré - allait faire figure de gadget.
Pendant c'temps-là, pauv'pommes on cherchait nos vélos.
Dès le dernier coup d'marlin, un zombie noir de graisse et puant le cambouis sortit d'sa remise et nous réunit pour ce qu'il appela "une préparation spychologique poussée et nécessaire pour appréhender l'Oeuvre de toute une vie".
Moi, Marcel et Eglantine - j'aime bien dire moi en premier - on en bavait d'impatience pendant qu'il abordait le sujet à grands coups de métaphores.
J'ai appris plus tard que les métaphores ça a rien à voir avec les catadioptres ni les écrous papillon.
A l'entendre on allait connaître l'ivresse de la vitesse, le vertige des sommets inviolés, l'exaltation de la compétition, la fierté que ni le grand Merckx ni le petit Archambaud - dit Le Nabot - n'avaient connu en leur temps...
Pas fastoche de s'habituer à la pénombre quand on arrive d'en plein cagna mais j'ai tout de suite aperçu mon vélo tout comme les deux autres, soudés à un truc de ouf, un étrange manège de bois de palettes et de tubes de chauffage!
L'oncle Hubert trépignait sur place, interprétant notre silence comme une admiration muette alors que chacun essayait de retrouver dans cette monstruosité, son cadeau de Noël dernier.
La belle invention! On allait se courir après sans jamais se rattraper, sans jamais se télescoper ni pouvoir faire demi-tour quand on veut et - honte suprême - ne jamais savoir qui finirait premier.
Encore heureux que l'oncle Hubert ait rien trouvé pour faire la queue du Mickey!
Comme Eglantine commençait à pleurnicher, l'oncle jura sur la tête de Monsieur Lépine que tout ça était démontable mais Marcel et moi on s'est vite tirés vu que les mecs ça chouine pas! En plus, j'étais placé devant Eglantine et j'aurais même pas pu mater ses cuisses quand elle aurait pédalé.
Privé de mon vélo - la prunelle de mes vieux comme on dit pisque c'est eux qu'ont payé - j'en venais presque à trouver passionnant mon cahier de devoirs de vacances... mis à part ce foutu problème de maths où on doit calculer la distance parcourue par un cheval de manège qui fait trente huit tours dans un rayon de trois mètres quarante cinq. Et je vous cause pas d'la burette à lubrifier l'manège qui contient deux litres d'huile mais qui en perd quinze millilitres à chaque tour à cause d'une P..... de fuite!
Sur ce coup-là, si l'oncle Hubert - premier accessit au Concours Lépine de 1963 - n'est pas foutu de m'aider, j'irai passer la pommade à sa polonaise pour qu'elle me rancarde.
Au fait, depuis l'temps que j'promets d'raconter comment il a déniché sa polonaise, y faudra que j'en cause un d'ces quatres.
Justine rentrait de sa journée de travail. Il était assez tard ; elle avait dû remplacer une collègue à la dernière minute ; sage-femme ; les bébés n’attendent pas…
Après avoir relevé son courrier, les lettres à la main, , elle jeta, comme elle le fait tous les jours, un regard vers le petit rond point au milieu de la cour intérieure de l’immeuble. Elle
fut surprise d’apercevoir, un vélo rose rangé bien droit contre l’arbre. Celui-là elle ne l’a jamais vu. Aussitôt une image surgit. Elle revoit le petit vélo rose ou violet ou bleu, elle ne sait plus très bien ; les souvenirs remontent ; elle hésite…
Elle a six ou huit ans ; elle s’ennuie un peu. A la campagne dans un coin perdu d’Auvergne il n’y a pas grand-chose à faire. Enfin si ; les devoirs de vacances, ramasser les haricots verts, les petites pommes de terre rattes que Mamie fait griller dans la cocotte en fonte et les petits pois avec Papi ; aider Mamie à faire les tartes aux fraises, jouer avec les poupées. Courir pour aller regarder les moissonneuses batteuses ou les agriculteurs faire les foins et grimper en cachette sur les meules et respirer l’odeur de l’herbe fraîchement coupée.
Aujourd’hui, Justine décide d’aller faire un tour au fond du pré dans la resserre qu’utilise Papi comme atelier. Oui c’est interdit car il faut passer un petit pont pas très solide qui enjambe un ruisseau murmurant au milieu des cailloux et des orties. Mamie est partie boire le café chez la voisine et « discuter entre dames » et Papi à la pêche ; il a repéré une belle truite et veut lui l’offrir pour déjeuner. Elle rode parmi des objets hétéroclites. Elle respire cette odeur acre et particulière de vieille poussière mêlée d’effluves de cuir, des débris de tabac gris, de rouille et de bois. Il y a là dans un bric à brac harmonieux, le célèbre joug auquel Mamie était attelée avec sa sœur : (elle lui a raconté qu’il ne fallait pas fatiguer les vaches dans les prés trop pentus), des vieux harnais pour les chevaux. Elle fait attention de ne pas se blesser contre la ferraille qui gît au sol et découvre le petit passage qui mène à l’atelier où les outils de Papi sont bien rangés. Il y a là aussi le matériel du papa de Papi qui était sabotier. Il reste encore les morceaux de bois secs embossés ; la mort a surpris le Jean ici il y a si longtemps. Les yeux de Justine ne sont pas assez grands pour tout découvrir. Une pièce de monnaie brille dans un peu de sciure, Justine se baisse pour la ramasser, quand son regard croise un morceau de guidon de vélo à peine visible derrière tout un fatras. Courageusement, elle essaie de le dégager mais c’est difficile et à tout instant le savant échafaudage risque de s’effondrer.
Avec une idée bien ancrée dans la tête, Justine repart tranquillement vers la maison, se lave les mains et innocemment raconte à Mamie qui vient de rentrer, sa découverte. Elle s’attend à une dispute en règle mais non. Mamie sourit : c’est le fameux « petit vélo de la cabane » ce petit vélo qui a servi à tous les enfants de la famille depuis trente ans au moins.
Ce petit vélo de la cabane….Elle en avait tant entendu parler…Ce petit vélo de la cabane qui avait disparu…Personne ne savait où il était rangé…On l’avait oublié !
Papi lui réparera, elle l’aidera à le nettoyer, à le faire briller. Elle avait même peint le pneu avant en rose. Oui il était rose ce vélo. Elle l’utilisera pendant quelque temps…
Justine sourit à l’évocation du petit vélo qui est toujours dans la cabane de Grand-père. Il est là comme un trophée. Il ne peut plus servir mais il est conservé comme souvenir ; dans la famille tout le monde connaît ce petit vélo de la cabane qui n’a pourtant pas d’histoire.
Quatrième photo proposée pour le défi de l'été :
A vous de pédaler !
Résultats des courses à
Bonne route !