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Le défi du samedi
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4 août 2012

Participation de Mamido

 

La clé

Papa, je n’ai pas retrouvé la clé du vieux pigeonnier. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé

Tu l’avais si bien cachée que même toi, tu ne savais plus dans quel endroit la chercher. Il faut dire, que ces dernières années ta mémoire te jouait des tours, elle s’était quelque peu … comment dire… embrumée.

Il y a longtemps, tu avais trouvé que l’endroit était devenu dangereux. Le plancher était vermoulu, ses planches disjointes, posées sur une charpente qui menaçait de s’écrouler. Tu nous en avais interdit l’accès et peu confiant en notre capacité à t’obéir, tu avais enfoui la clé quelque part. Et puis les années s’étaient écoulées, jusqu’à oublier ce qu’il pouvait bien y avoir dans ce vieux pigeonnier.

 

Lorsque cet hiver tu nous as quitté, il a bien fallu aller voir.

Ce n’est pas sans un certain émoi que j’ai grimpé la petite échelle de fer qui menait au palier du petit pigeonnier. Je me suis penchée sur la grosse serrure dont on a perdu la clé et par le trou, j’ai regardé. Tout était comme dans mon souvenir, rien n’avait changé et j’ai cru un instant que le temps s’était arrêté, j’ai soudain été projeté à la période d’avant que tu en ais perdu la clé. Un temps où j’avais douze ans et où j’allais me réfugier dans le vieux pigeonnier, comme toi avant moi lorsque tu étais enfant.

J’ai vu le grand fauteuil d’osier placé sous la lumière du petit cafuron* où je m’installais pour lire les livres que tu avais lu avant moi, au même âge et qui étaient rangés là sur l’étagère : tous les Jules Vernes, les Alexandre Dumas mais aussi HG Wells, E Rice Burroughs, Jack London… Et encore les illustrés : Zig et Puce, Les Pieds Nicklés, Le petit vingtième avec Quicke et Flupke… des trucs de garçons mais que je dévorais avec passion dans la douillette pénombre du petit pigeonnier.

 

Comme il fallait bien entrer, Simon, ton petit-fils a donné un grand coup de pied dans la porte et la vieille serrure a cédé. Nous nous sommes avancé avec prudence, chacun notre tour, sur le vieux plancher qui, malgré tes crainte, a tenu bon et supporté notre poids. Quand j’ai voulu les feuilleter, les vieux illustrés se sont effrités et mon cœur s’est fendu. C’était comme si tu t’effaçais un peu plus encore. Soudain, le courage m’a manqué. J’ai tout reposé pour m’en aller et là contre le mur près de la porte, j’ai vu le petit vélo blanc que tu m’avais offert, pour mes cinq ans. Je me suis souvenu de mon ingratitude à ton égard ce jour-là. Je n’avais pas pu cacher ma déception car j’avais imaginé qu’il serait rose…

Et alors là, au seuil du vieux pigeonnier, elles se sont enfin écoulées, toutes les larmes que je n’avais pas pu répandre au moment de ton décès.

 

*Cafuron : lucarne (parler régional, Rive de Gier, 42)</p

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Commentaires
A
Beau texte émouvant sur le temps qui ne revient pas et sur la puissance de l'amour, même quand parfois on oublie de l'exprimer. Le petit vélo n'a fait qu'un tour comme notre sang quand il est ému ou surpris, et nous est magiquement revenu.
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K
bien écrit et poignant<br /> <br /> non nous ne nous disons pas assez de choses et surtout des mots d'amour ......;;<br /> <br /> je suis pour recouvrir la terre de mots d'amour<br /> <br /> pour remplacer ceux de haine de racisme de bêtise de jalousie , ceux du mal<br /> <br /> de l'amour de l'amour sous toutes ses formes<br /> <br /> voeux pieux sans doute ???<br /> <br /> mon champ de fleurs bleues<br /> <br /> katyL
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D
C'est malin, tu es à deux doigts de faire couler mes larmes, quand j'arrive à la fin.<br /> <br /> Et c'est répétitif, en plus....<br /> <br /> Ca doit être parce que c'est très bien écrit ;-)
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V
très joli récit du temps à l’arrêt
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Z
walrus est sans coeur :-)<br /> <br /> une belle histoire qui fait frémir parce qu'elle évoque ce qui est perdu à tout jamais ou qui le sera
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W
Bon ben, y a plus qu'à acheter de la peinture rose...
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M
Oh c'est tendrement beau Mamido ! Et l'on retrouve le petit vélo ... et l'on est tout secoué d'émotion à la fin de ton récit !<br /> <br /> Très jolie illustration !
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J
Beau rappel aussi du vélo rose de la semaine dernière, Mamido !
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