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Le défi du samedi

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11 octobre 2008

Fin du défi de Tibo (Papistache)

L'humeur de Tania était à l'image du temps ce matin, mélancolique. Une mélancolie douce. Une mélancolie qui vous réexpédie dans ces moments tristes que vous avez traversés.
Elle se remémorait, à cet instant, devant sa tasse translucide la dernière discussion qu'elle avait eue avec Barney et Julien.
- Non franchement, vous n'y pensez pas. Le faire disparaitre... Quelqu'un le découvrira, forcément !
- Eh bien sans doute, mais s'il doit être découvert, qu'il le soit loin d'ici, le plus loin possible et surtout pas par lui.
- Non, de toute façon, nous ne pouvons rien y faire maintenant, mais le déplacer, franchement, ça ne changera rien à sa réaction !
- Parce que le laisser là, dans cet état, c'est la solution selon toi ???!!! Franchement, Tania, arrête de dire n'importe quoi, va t'occuper de ton fils, il ne va surement pas tarder à se réveiller, on s'occupe du reste !

 

Le souvenir de cette discussion, ce n'était pas la première fois qu'il remontait en elle... Et chaque fois c'était la même chose, elle se débattait avec ces images. Une larme, puis deux se mettaient à couler le long de ses joues blanches. Ce matin, l'une d'elle tomba dans la tasse. Cette tasse qu'elle serrait fort de la paume de ses deux mains. Pour se réchauffer ? A cause de la contrariété ? Elle ne le savait pas elle même. Elle serrait.
A la pendule, il était quasiment 7h00. C'était à cette heure que tout était arrivé. Devant cette même tasse, avec ce même thé fumant, cette même odeur d'agrumes. Cette odeur qui, tous les jours d'octobre à mars, lorsque les petits matins sont frais, parfumait la cuisine de Tania.

 

Puis, soudain, sans savoir pourquoi, elle portait la tasse à ses lèvres, elle avalait une gorgé de ce liquide brulant. Elle se sentait vivante, cette sensation de chaleur, de brulure... elle se sentait vivre. C'est souvent ce moment que choisissait Damien, son fils, pour faire craquer les marches de l'escalier. Ce matin encore, il lui poserait des questions, ce matin encore, elle n'y répondrait pas, inventant une fois de plus une histoire. Combien de fois l'avait-elle fait depuis ce maudit matin ? Ça ne faisait pas encore 10 jours que tout était arrivé, il lui semblait qu'elle se débattait depuis des mois avec ce secret... Plusieurs fois, elle avait failli lui dire... Plusieurs fois, elle avait été sur le point de lui révéler la vérité. Mais son regard croisait le sien, et non, décidément non, elle ne trouvait pas la force de lui éteindre l'étincelle d'espoir qu'elle voyait au fond de ses yeux. Des yeux bleus, des yeux pétillants, des yeux d'espoir, des yeux d'enfant. Alors, ce matin encore, elle ferait comme si, comme s'il y avait une explication, comme si une fin heureuse était possible, comme s'il finirait par revenir.


***



— Maman ?
— Non, mon grand ! Non... mais...
Tania posa sa tasse sur la table encombrée de la cuisine, en repoussant, du dos de la main, le désordre. Elle devrait songer à ranger. Elle y pensait. Elle le ferait. Demain ! Oui, demain, elle rangerait. D’ailleurs, c’était à cause de ce désordre. Elle remettait toujours tout à plus tard, comme pour  annoncer à son fils la...
L’éducateur de la DASS, si on le laissait entrer, écrirait sur son rapport que l’hygiène laissait plus qu’à désirer chez elle. “... des emballages de gâteaux jonchent la table, des bols vides et auréolés de chocolat s’empilent sur l’évier et des raviolis verdissent au fond d’une boîte sans couvercle...”
Elle savait. Ça ne datait pas d’aujourd’hui, ni de ce maudit matin, non...

— Maman ?
— Viens sur mes genoux, mon chéri.
Les cheveux de l’enfant étaient collés, par la transpiration, sur son front bombé. Des cheveux d’ange... Le sommeil lui avait laissé les yeux gonflés. Elle devrait passer chez le pharmacien qu’il lui donne ces gouttes pour empêcher que les paupières de l’enfant ne se collent. Elle irait... cet après-midi, ou après-demain en revenant des “Restos”.

Les “Restos” ! Ses yeux se mouillèrent. C’était bien à cause des “Restos” que c’était arrivé. Tous les jeudis matins, Barney et Julien venaient chercher la marmite norvégienne qu’ils avaient déposé la veille. Tania ne pouvait guère participer mais, pour rien au monde, elle n’aurait loupé son jeudi matin. D’autres qu’elle auraient pu préparer les vingt litres de thé qu’on servait aux bénéficiaires. Certaines avaient essayé. On lui avait vite demandé de reprendre son rôle. Un petit secret tout bête, quelques épices bien dosés, juste le temps nécessaire... pas plus, un secret, hérité du père du petit, qu’il avait rapporté  de ses errances, là-bas, dans les îles, avant de repartir en emportant son baluchon, comme ça, sans prévenir et en laissant son petit chien.

En évoquant le petit chien jaune à la queue coupée, Tania sentit un flux de larmes lui couler sur les joues.
— Maman ? ! interrogea le gamin en posant ses petites mains sales sur le visage de sa mère. Tu pleures...

Tania s’essuya, renifla et souffla :
— C’est le thé, je me suis brulée le palais.

Le petit lança la main vers un paquet de Boudoirs roses ramollis, en saisit un et le porta à sa bouche. Le sucre lui ourla les lèvres. Il semblait avoir renoncé à poser plus de questions. Il allait finir par oublier.

Pendant que le gamin pressait sa tête contre son sein, Tania revit la scène.
Barney et Julien étaient venus chercher la lourde marmite et l’avait ôtée de la gazinière. Le chien tournait entre leurs jambes. Les deux hommes avaient voulu poser l’énorme faitout sur la table pour visser le couvercle, Barney avait dégagé une main pour libérer un espace suffisant, Julien s’était trouvé déséquilibré, la marmite était tombée. Le chien était mort sur le coup, assommé et ébouillanté. les deux hommes avaient bondi sur le côté, ils n’avaient rien eu. Ils avaient épongé.

Tania sentait que le petit se rendormait. Tant pis, il serait en retard à l’école. Une fois de plus, une fois de moins, il était intelligent, il rattraperait. Mais, non, il ne dormait pas. Sans lever sa tête, il s’adressa à sa mère :
— Tu sais maman, il ne reviendra pas.
— Mais si, mais si, mon...
— Non, maman, j’ai bien vu que ça te faisait de la peine... alors, je t’ai rien dit... mais... tu sais.... Kévin, mon copain... son papa i’ ramasse les poubelles, eh ben, son papa, à Kévin... i’y a dit qu’il l’avait trouvé sur le trottoir derrière le hangar aux “Restos”... i’reviendra pas maman... sûrement un camion l’a écrasé... tu sais, i’courait toujours derrière les camions...

Une bouffée de  chaleur inonda le visage de Tania, elle se sentir ramollir, le petit releva la tête :
— Maman, au supermarché, i’vendent des animaux, samedi. C’est écrit sur le mur devant l’école. Kévin, son père, i’va y’acheter une gerbille. Tu crois que si j’casse ma tir’lire, j’pourrais aussi m’en ach’ter une, de gerbille, maman ? Barney, i’m’a dit que j’pourrais avoir la cage du cochon d’Inde à Lisa. Il est mort son cochon d’Inde à Lisa. Elle est grande maintenant, elle en veut plus des animaux, mais moi... maman... une gerbille, hein dis, t’en penses quoi ?

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11 octobre 2008

Fin du défi de MAP (Tiphaine)


- René, René, regarde cette photo ! Mais qu’est-ce qu’ils veulent enfin ! Pourquoi nous ont-ils pris notre Célestin ?

- Calme-toi Nina, ils finiront bien par nous le rendre !

- Que veulent-ils en échange ?

- Des sous …. beaucoup de sous !

- Oh René, paie-les … je ne veux pas qu’on me le tue !!!!!

mapmouton

***

René et Nina Lacaille n’en menaient pas large. Vraiment pas large…

Il était huit heures, la traite des vaches était achevée enfin et René buvait le petit café matinal que sa Nina lui avait préparé avec amour. Le facteur était passé et avait déposé sur la toile cirée de la table une enveloppe marron. Nina avait frémi en découvrant les affreuses lettres découpées dans un journal.

René avait voulu rassurer sa petite femme, il avait pris un air dégagé mais ses mains avaient tremblé en déchirant le papier. Le pire était à venir… Célestin… Leur Célestin… L’enfant qu’ils n’avaient pas pu avoir, le bonheur de leurs vieux jours, l’âme de la ferme, la joie de leur vie !

Nina lui demanda une nouvelle fois de relire l’horrible missive qui accompagnait la photo de leur bébé.

- « Dernier avertissement avant exécution, si vous ne nous livrez pas avant samedi midi une tonne de choux, vous pouvez dire adieu à votre boule de laine qui n’aime même pas les carottes ! ».

Nina se gratta la tête… Ce message était bien énigmatique, quelque chose la chiffonnait. Elle arracha vivement la feuille des mains de son mari et elle lut. Dix secondes plus tard, elle explosait :

- René ! Pourquoi m’as-tu dit que c’était des sous qu’ils voulaient ?! C’est des choux !

- Voyons ma petite série, répondit René, J’ai dit des sous pas des sous, tu serses la petite bête !

Nina ne répondit pas. C’était la seconde fois que son homme était pris de ce soudain défaut d’élocution. La première fois, c’était dix ans auparavant, lors d’un terrible accident de chasse… René ne s’en était jamais vraiment remis… Il avait ce jour là fort malencontreusement, et par un pur hasard, tué un lapin, lui qui ratait toujours son coup. René aimait les bêtes, il chassait pour le plaisir de se promener dans la nature avec ses amis, jamais au grand jamais il n’avait visé le moindre animal, il tirait toujours en l’air et jouait les idiots pour se donner une contenance. Son doigt avait hélas dérapé sur la gâchette de son fusil, un lapin s’était retrouvé sur la trajectoire de la cartouche… Il était rentré à la maison dans un état pitoyable, Nina avait eu peine à le reconnaître, sa belle veste en cuir de mouton était recouverte de sang et sa casquette, qu’il mordait furieusement par pudeur pour ne pas qu’elle entende ses cris de douleur, sa casquette dont il était si fier était trempée de ses larmes. Il était inconsolable. Pendant une semaine, il ne parla plus. Puis, petit à petit, à force d’amour et de soins patients, Nina l’aida à retrouver la parole mais durant tout un mois, il fut incapable de prononcer le son « ch ». Le pire était qu’il ne s’en rendait même pas compte…

Oh ! Ils ont fait fort ces ravisseurs, voilà qu’ils me commotionnent mon René, pensait Nina. Mais elle n’en dit pas un mot. Elle savait par expérience que dans ces situations tragiques, il fallait garder la tête froide.

Un aboiement déchirant la détourna de ses souvenirs déchirants. Ils sont déjà au courant, se dit-elle immédiatement.

En effet, une foule dense d’animaux à poils et à plumes semblait s’être donné rendez-vous devant la porte des Lacaille pour manifester son soutien. Même le chien de la ferme, ce pauvre Rex, paraissait demander avec ardeur le retour du fils prodigue.

chienmouton

René se perdait dans la contemplation de son café, remuant de noires pensées, Nina quant à elle contemplait mélancoliquement le cortège de ses chères bêtes…

Ce fut pourtant elle qui finit par briser le silence.

- René ! On va faire venir la brigade Promoutons, je suis sûre qu’ils vont nous aider à retrouver notre Célestin !

Une lueur d’espoir s’alluma dans le regard du pauvre homme et il décrocha immédiatement le combiné du téléphone.

Vingt minutes plus tard, un homme en blanc sonnait à leur porte. Devant l’attitude farouche du couple, il montra son insigne :

brigade

- Inspecteur Klopchtok, de la brigade spéciale Promoutons !

Les Lacaille soupirèrent de soulagement. Ils étaient enfin entre de bonnes mains, ce Klopchtok n’était pas un rigolo, il avait déjà résolu des cas bien plus ardus, d’après la gazette du roundballeur, c’était même le meilleur des détectives fermiers.

Klopchtok relut la lettre avec attention. Son front se plissa sous l’effort tandis qu’il était observé par deux paire d’yeux fébriles.

Enfin, un sourire effleura ses lèvres.

- J’ai trouvé ! Affaire résolue ! dit-il simplement.

Nina et René n’en revenaient pas. Ce Kopchtock était-il devin ? Où donc était sa poule de cristal ? Ils l’assaillirent de questions : Est-ce que notre Célestin est toujours vivant ? Lui a-t-on fait du mal ? Qui pourrait bien en vouloir à cet animal si adorable ? Allons nous le retrouver ?

L’inspecteur eut un vague sourire de suffisance.

- Je vais tout vous expliquer, mais avant cela, il me faut une soupe, avec des lettres…

Nina ne discuta pas un seul instant et se précipita vers la cuisine.

Quelques minutes plus tard, elle en revenait avec un bol fumant.

- Parfait ! dit Klopchtok, nous allons commencer par répondre à votre première question.

 

Et l’inspecteur, sous le regard ébahi des Lacaille, se mit à remuer sa soupe d’un air concentré. Nina et René pouvaient voir la sueur perler de son front sous l’effet de son effort intense. A la grande surprise du couple de fermiers, 17 lettres apparurent soudain à la surface de la soupe. Elles composaient le message suivant :

moutonsoup

Nina s’agenouilla aussitôt et fit un signe de croix.

René, qui tenait à préserver sa dignité mais n’avait pas non plus envie de passer pour un mécréant, il s’était marié à l’église, queue diable !, se contenta d’un simple : « Jésus Marie Joseph ! ».

L’inspecteur Klopchtok jubilait à présent. Il eut la grâce de bien vouloir leur signifier les conclusions de son enquête :

- Je le reconnais, mes méthodes sont non conventionnelles, je suis en communion directe avec Sainte Moutonreviens, c’est elle qui guide mes pas, à chaque instant. Voici ce qu’elle vient de me révéler : votre Mouton Célestin va bien. Il a été enlevé par une famille de lapins vengeurs qui vous vouent une haine ancestrale terrible depuis que vous avez assassiné leur arrière-arrière-arrière grand père lors d’une chasse cruelle. Ils ont juré depuis ce jour de détruire ce qui vous tiendrait le plus à cœur : votre cher mouton. Ils se fichent pas mal de la tonne de choux, ce n’est qu’un prétexte grotesque pour donner du poids à leur enlèvement. Mais il n’est pas trop tard pour sauver votre animal, vous le trouverez enfermé dans la 4L verte qui est dans votre garage.

Les Lacaille soupirèrent de soulagement et se précipitèrent pour délivrer leur fils adoptif. La scène fut touchante mais la pudeur m’oblige hélas à la passer sous silence.

L’inspecteur Klopchtok finit tranquillement sa soupe, puis, avec la satisfaction du devoir accompli, il reprit sa route vers de nouvelles aventures.

Quant aux Lacaille et à leur petit Célestin, si vous n’entendez plus parler d’eux, ce n’est pas parce que le bonheur est muet, non, non, mais si vous voulez vraiment savoir ce qu’ils sont devenus, c’est à elle désormais qu’il faudra vous adresser :

saintemouton

11 octobre 2008

Fin du défi de Caro Carito (Tibo)

De la taille d’un œuf de pigeon (Caro Carito)



J’ouvre les yeux. A nouveau cette pénombre suffocante. Il me faut quelques minutes avant de distinguer un rai de lumière aussi mince qu’un fil. Je palpe le sol humide, une terre friable et collante. Des morceaux d’images se succèdent tandis que des douleurs lancinantes attaquent mon corps par vagues. Il me faut essayer de faire le vide. Fermer les yeux.

Ai-je dormi ? Je n’en sais rien. Je passe ma langue sur mes lèvres craquelées. Plus que la faim et la soif, un curieux sentiment de désespoir s’est emparé de moi. Des écorchures et une cheville attachée. Pas la moindre d’idée de l’endroit où je me trouve. Les questions se succèdent sans réponse. Je fais le tour de mes possessions, un vieux treillis, une chemise déchirée. D’épais souliers. Une barbe déjà bien fournie. Bon Dieu mais qu’est-ce que je fous ici ? Et pourquoi ?

Le temps passe et personne ne vient. Si seulement ma tête ne me faisait pas autant souffrir, j’arriverai peut-être à mettre bout à bout deux idées. Je prends ma tête dans mes mains. Elle est si lourde. Aïe ! Je sens sous mes doigts écorchés une bosse de la taille d’un œuf de pigeon.

Alors que mes forces diminuent, cette expression stupide se colle à mes pensées. Rester les yeux ouverts, ne pas sombrer dans le noir absolu. Je revois un groupe qui parcourt des forêts et gravit des montagnes. Le rire d’une femme. Le bruit des balles et une cellule, une autre à peine moins sombre. Une course à travers la jungle et… Comment vais-je m’en sortir ? Là, je n’en peux plus. Je sens des larmes amères sur mes lèvres et mon corps qui s’affaisse. Me laisser aller, c’est ça. Oublier.

J’ouvre une derrière fois les yeux et je la vois. Cette fleur, cette orchidée, de la taille d’un œuf de pigeon, rouge sang… Elle…

****

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Elle semble me regarder, me fixer… je fonds en larme. Je pleure, pleure, pleure… de longues minutes je pleure, sans doute des heures je pleure. Puis soudain, un bruit. Un bruit sourd, brutal. J’ouvre les yeux, cette lueur qui filtrait tout à l’heure semble soudain plus vive.

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Je me lève, vacille, titube, j’ai mal. Mal aux jambes, aux pieds, à la tête. Mon corps n’est que douleur, mais il tient debout, tant bien que mal. Je m’approche de la lumière. J’entends des voix fortes, des voix d’hommes, espagnols probablement mais un espagnol que je ne parviens pas à comprendre. Ils semblent nerveux, presque affolés.

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Machinalement, je commence à tambouriner à la paroi de ma prison. Les voix s’éteignent instantanément. Je tambourine de plus belle. Mes poings serrés me font mal, mais je tape de plus en plus fort. Les échangent reprennent, je distingue une voix de femme. J’imagine qu’elle représente une certaine autorité ; quand elle parle, les hommes se taisent.  Ils doivent être une demi-douzaine, à une cloison de moi. Je les entends sans les comprendre.

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Brusquement ma prison s’ouvre, je suis saoulée de lumière, mais n’y vois finalement pas mieux que dans l’obscurité de mon cachot. Je suis violemment empoignée par les bras, brutalement traînée sur des centaines de mètres. Mes genoux s’éraflent sur le sol et se mettent à saigner. J’aperçois au loin une palissade en bois. En s’approchant je devine que ce sont des bambous liés. Soudain, un doute, qui devient vite une crainte… à quelques mètres de cette palissade, un arbre immense, avec un tronc énorme autour duquel est consciencieusement posée une dizaine de fusils…  Non loin, un groupe d’hommes, jeunes, vêtus tels des guérilléros, fument et semblent s’amuser.

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Je recommence à pleurer. Je suis traînée avec d’autant plus de violence que mes sanglots se renforcent. Enfin ils me lâchent et je m’effondre, brutalement, sur le sol poussiéreux. L’un des hommes qui m’a trimbalé jusqu’ici se dirige vers le groupe de jeunes hommes postés à quelques pas et semble leur donner des ordres. Le second reste debout, à côté de moi, sans jamais me regarder. Je tourne la tête, je regarde ce décor autour de moi. Deux cabanes de bois, cette palissade de bambou, des restes d’un feu de camp, des caisses au sigle d’une ONG, quelques seaux en fer rouillés, remplis d’eau trouble et surtout la jungle, la jungle à perte de vue. Je lève les yeux vers un ciel que je peux à peine deviner au travers la densité du feuillage.

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Mon regard se pose à nouveau sur le groupe d’hommes. Ils s’avancent vers moi,. Malgré mes larmes qui ne cessent de se déverser sur le sol formant des grumeaux de poussière, je les distingue parfaitement. Deux d’entre eux ont de nombreuses cicatrices au visage, un autre boite et je remarque qu’il lui manque un pied, probablement perdu sur une mine. Un quatrième me semble particulièrement effrayant. Il est grand, immense même, un carrure de boxeur poids lourd, chauve, la peau oxydée par le soleil. Contrairement aux autres, son treillis est gris. Il me fixe sans me regarder, un sourire au coin des lèvres.

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En passant près du grand arbre que j’avais repéré en arrivant, ils prennent chacun une arme. Je les vois faire, mais ne comprends pas. L’homme resté à coté de moi me relève violemment et me plaque contre les bambous. Je sens le relief inégal de la palissade dans mon dos endolori, je baisse les yeux, vois mes genoux toujours sanguinolents et je me rends compte que j’ai perdu une de mes chaussures. Je réalise soudain que je suis attachée par les poignets à cette palissade. Tout semble allez si vite mais se vit pourtant au ralenti. Je relève la tête. Les hommes sont alignés à quelques mètres de moi. Le grand chauve, toujours avec son sourire au coin des lèvres crie une première fois, et tous les fusils se pointent dans ma direction. Un deuxième hurlement de sa part, et des détonations. Curieusement, j’ai l’impression de distinguer chacun des 10 tirs, puis de sentir chacun des impacts sur mon corps qui déjà m’échappe.

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Leurs armes se baissent, ma tête aussi. Je m’effondre, retenu par les liens de mes poignets. J’ouvre la bouche, mais ne parviens pas à en extraire le moindre son. Mes larmes translucides laissent place à des larmes rouge sang, ma tête devient cotonneuse, une à une mes douleurs disparaissent, je ferme les yeux…

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11 octobre 2008

Fin du défi de Tilleul (Caro Carito)

Rififi au parc Igrec (Tilleul)

C'est l'été... Le soleil généreux darde ses rayons caniculaires...

Monsieur Pol Hisse, nouvellement élevé au grade d'adjudant, arrive, toutes sirènes hurlantes, sur les lieux de l'incident au volant de sa Peugeot de service. L'appel était clair : "grabuge naissant au parc Igrec, s'y rendre immédiatement!"

Garer sa voiture, ne sera pas un problème, pense-t-il... Avec le gyrophare, il peut s'arrêter au milieu de la chaussée... mais, plus il approche, moins il progresse... Une foule immense lui barre le passage... Il sort du véhicule. La marche n'est pas son sport favori, et avec cette chaleur ! La sueur perle déjà à son front.

A coups de sifflet stridents, il tente de se frayer un passage au milieu des badauds.

"Poussez-vous ! Police, laissez passer !" Rien n'y fait ! Il transpire à grosses gouttes...

Sa chemise fraichement repassée du matin, n'a plus aucune forme, elle lui colle à la peau.

"Laissez-moi passer ou je vous colle une amende !"

Entrainé par cette marée humaine, il recule plus qu'il n'avance...

"Savez-vous qui je suis? Je vais vous coller une châtaigne, moi si vous ne bougez pas !"

Bon sang ! Il faut qu'il arrive à se frayer un passage ! Si ça se trouve, l'adjudant-chef est déjà sur place...

******

Ouille, il sent un talon aiguille qui lui transperce le pied gauche. Et il doit être en acier trempé car ses godillots sont épais. Aïe ! Un coup de coude dans les côtes. Oups, il protège juste à temps ses parties sensibles d’une attaque félonne et esquive un coup de pied jeté des plus gracieux. Mais qu’est-ce c’est que ce bazar ? Il sent que sa tête tourne de plus en plus. Un parfum… Entêtant. Ecœurant. Affreux. Un truc à vous coller mal au crâne pour vingt-quatre heures. Identique à celui que l’on respire dans les bars à putes de la ville basse ou dans les soirées de gala au théâtre de la municipalité les jours de surveillance officielle.

Il réalise alors que la foule, qu’il avait prise pour un rassemblement d’inoffensifs badauds, était une manif en bonne et due forme, munie de pancartes, banderoles et autres éléments sonores du parfait trublion de l’ordre public. Sur ce coup, il avait été irréfléchi. Qui aurait pu imaginer le parc Y Grec en lieu de rassemblements ? Avec son dédale de chemins qui reliaient des terrasses exigus et des bassins bétonnés toujours à sec, il était d’ordinaire désert.

Un parfum, mais bien sûr ! Il est environné de nanas. Il ouvre un œil puis l’autre. Des ongles s’incrustent dans sa chair. Le pincent. Le malmènent. Rester stoïque malgré leurs hurlements de louves. Elles vont lui crever les tympans, ces hystériques ! « Arrêtez ! Mais je suis un représentant de l’état. Je dois passer ». Son cri se perd au milieu du brouhaha ambiant et d’une claque qui lui ravit son képi.

Et l’adjudant-chef ? Qu’a-t-il bien pu lui arriver ? Ces folles l’ont peut-être attaqué. Et lui qui ne se pressait pas de venir aider son supérieur, savourant, avec une tasse de nescafé fumante, sa promotion toute neuve. Il lui faut trouver coûte que coûte le moyen de sortir de ce guêpier.

Et dire qu’il n’a pas cru bon de noter autre chose que l’endroit où il devait se rendre. Il n’est même pas sûr que l’adjudant-chef lui ait fourni cette précision. Il faut dire qu’il a appris, après une année dans ce coin perdu des Landes, que la seule chose à craindre est de ne pas se conformer exactement aux desiderata de ce supérieur irrascible. C’est autre chose que son ancienne affectation : un coin repus de misère… Il y avait gagné plus souvent des plaies et des bosses qu’une tomate bien mûre ou des œufs pourris à se frotter à des salariés très remontés.

Maintenant il faut qu’il se sorte de cet embrouillamini où la désinvolture de son commandement l’avait envoyé. Des femmes, que faire ? Il n’a jamais été préparé à une telle éventualité. Il se décide à réutiliser son sifflet. Damned, lui-aussi a disparu Il s’égosille : « Mesdames, laissez-moi passer, je dois.. » Mais ces paroles se noient dans les invectives et autres chansons de campagne. Que peuvent bien vouloir ces nanas ?

Au fur et à mesure qu’il se sent happée par les poussées des manifestantes, la panique le gagne. Des images délirantes déferlent. Un homme qui se fait dépecer par des femmes en furie. Les trois jours d’incapacité de Jojo quand trois forcenées l’ont agressé à coup de sac et de parapluie parce qu’il s’était laissé allé à une ou deux remarques, un peu grivoises il faut l’admettre. Il se sent glacé soudain, malgré le soleil qui semble vouloir griller tout ce qui ressemble à un centimètre carré de peau. Il a peur. La pétoche. Plus question de penser à l’adjugeant-chef ou à la bagnole, il lui faut sauver sa peau. Et il sent que plus il flanche, plus la foule se fait menaçante, semblant se nourrir de sa peur. Enfer ! Il se rappelle avec effroi cette histoire que lui avait lue sa grand-mère, inconditionnelle du Reader Digest. Ce requin qui n’attaquait que lorsqu’il sentait la peur chez sa victime. « Pitié « » lâche-t-il dans un souffle. Il sent l’étau de poitrines, de côtes, de fesses qui se resserrent sur lui. Il va mourir, étouffé dans une manif de gonzesses. Bonjour les gros titres ! Il deviendra la risée du corps de la Gendarmerie, la honte de sa famille, de ses maies. Les louves le regardent et il voit dans leur regard la colère et aussi… Il sursaute. De la peur. Elles le craigne lui ou son uniforme ou ce qu’il représente.

Il tente alors une dernière sortie, rassemble toutes ses forces, gonfle ses poumons à bloc et s’écrie : « Mesdames, n’ayez pas peur de moi. Ma femme dit toujours, pour rigoler ; pour ne pas avoir peur d’un homme en uniforme, il faut le mettre dans son lit et se marier avec. » La foule surprise, interrompt sa marche en avant. Les mains, qui le malmenaient quelques minutes auparavant, se font plus douces et lui arrachent. Un bouton. Deux boutons. Jusqu’à ce que sa veste tombe à terre. Puis c’est le tour de sa chemise. Il sent son pantalon au pli d’ordinaire impeccable glisser sur ses hanches harmonieuses. Un index dessine avec précision la ligne de ses pectoraux, modelés par des séances quotidiennes d’abdominaux et la pratique assidue d’un jogging matinal. Sa cuisse droite sent une caresse circulaire de ce, non, elles n’oseraient pas ! doux renflement. Un deuxième mont de Vénus se colle à sa cuisse gauche et décrit le même cercle avec un rythme parfaitement synchrone - et complètement excitant, gémit le gendarme embarrassé. La pression des corps qui l’entoure se fait de plus en plus douce et enveloppante. Le mouvement de la foule, un instant interrompu, reprend, rebroussant chemin. Le lent cortège finit par disparaître après avoir gravi tous les étages jusqu’au sommet du parc Y grec, entraînant en son sein un Paul Hisse, dépouillé de tout et passablement sous tension.

Un peu plus tard, à la surprise de l’adjugeant-chef et des renforts enfin arrivés sur place, il ne reste des incidents qu’un léger nuage de poussières et un uniforme essaimé un peu partout mais, somme toute, au complet.

A LA UNE

UNE EMEUTE ET DE TAILLE !

Depuis la venue de Brigitte Bardot en 1967, la Croisette n’avait pas connu une journée aussi torride ! C’est une véritable émeute qui a accompagné la montée des marches par le jeune premier Paul Hisse. Seul, car il porte sur ses solides épaules, avec un talent indéniable, le dernier Opus du réalisateur Charles Cabrol. Après avoir marqué une pause juste avant de pénétrer dans le palais, l’acteur s’est retourné vers la foule qui scandait son nom. Il a alors arraché son uniforme, apparaissant alors dans la tenue qui a fait de lui la star des vidéos X : pantalon noir moulé sur un débardeur anthracite en lycra. Provocant au passage quelques évanouissements dans le public. Car force nous est de constater que la série des Le Gendarme se déshabille dont il est le héros a peu à peu remplacé dans la mémoire collective un autre gendarme, il faut l’avouer nettement moins sexy mais néanmoins lui-aussi très populaire. Pour exemple, l’opus n°6 Le Gendarme et les Sextraterrestres est en cours de réédition pour la neuvième fois consécutive !

C’est pourtant un acteur de tout premier ordre qui a reçu la palme pour son interprétation d’un héritier névrosé qui déterre avec patience tous les secrets tapies dans le sombre manoir familial. Monsieur Rocco Siffredi, vraisemblablement très ému, a salué celui qui accomplit le rêve que lui-même a un temps caressé. Elisabeth Hébert, au bord des larmes, a souligné qu’il accomplissait le destin dont rêve chaque acteur.

Impossible pourtant de percer à jour le mystère de ce jeune homme, entré dans l’industrie pornographique après avoir disparu une semaine lors d’une émeute. C’était en août 2008. Il a alors tourné ce film qui le fit connaître instantanément : Pour ne pas avoir peur d’un homme en uniforme, il faut le mettre dans son lit. Il enchaîna ensuite les succès jusqu’à ce qu’un réalisateur totalement inconnu Lionel Ahn le remarque. Le film est une réussite. Ce premier succès lui permettra de mettre un pied dans le cinéma d’auteur. Son deuxième film, toujours réalisé par Lionel Ahn marque à nouveau les esprits et il reçoit le césar du meilleur acteur. Le succès ne se démentira plus.

Cet homme qui provoque une émeute à chacune de ses apparitions a pourtant toujours refusé de parler de celle qui déclencha ce revirement de carrière. A ce jour, le mystère reste entier.

11 octobre 2008

Fin du défi de Pandora (Aude)

Faites des gosses (Pandora)

John a été très laconique au téléphone mais son ton était on ne peut plus clair : ça chauffe. Après plus de dix ans à bosser ensemble, John et moi formons presque un petit couple, nous comprenant à demi-mots. Attention hein, en tout bien tout honneur, j’ai une femme et trois gosses. Enfin j’étais marié, Gloria est partie depuis un paquet d’années, jalouse de mon boulot, et je l’ai remplacée progressivement par la bouteille. Bref, il semble que ça bouge dans l’enquête que nous menons suite au meurtre du professeur Atkinson. Une sale affaire : il a été retrouvé mort par sa femme de ménage, à moitié nu et l’autre moitié, celle du haut, emballée dans des vêtements de latex plutôt moulants qui ne ressemblent pas à la tenue que l’on attend d’un professeur de physique pressenti comme l’un des futurs prix Nobel. Aucune idée si ça se donne à titre posthume ce genre de chose, mais sinon c’est râpé pour lui. Et outre son habillage, le respectable professeur a été émasculé et personne n’a réussi à remettre la main sur ses bijoux de famille. Une affaire pour laquelle on nous attend au tournant, le téléphone n’arrêtant pas de sonner dans le bureau du commissaire. Nous marchons sur des œufs.

Nous nous sommes partagés le travail et pendant que j’épluche les factures de téléphone, les relevés bancaires et tous les documents qui pourraient nous mettre sur une piste éventuelle, John furète du côté des bars à putes où il se pourrait que le professeur bien sous tous rapports, mais amateur de latex, aille défouler ses instincts particuliers de mâle insatisfait par sa bourgeoise et amateur de plaisirs très particuliers. Et pour avoir interrogé sa bourgeoise toute la matinée d’hier, je le comprends un peu d’aller voir ailleurs (par contre je suis allergique au latex, ça me donne des boutons). Et il semble donc que John soit tombé sur quelque chose d’intéressant.

Me voilà parti à toute blinde vers la gare heureusement proche où se croisent dans une ambiance interlope les voyageurs, les toxicos et les pervers  de notre chouette ville. Notre fond de commerce. Nous y trainons régulièrement et je connais donc le coin comme ma poche. John m’a dit de le rejoindre au « pink flamand », un bar plutôt mal famé situé à la frontière entre le quartier de la gare et celui du port. Je me gare au plus près comme je pouvais, sans me soucier des panneaux d’interdiction. Y a pas trop de satisfaction dans ce boulot à fréquenter les macchabées et les criminels, alors autant profiter des rares avantages. Je vérifie que mon pétard est fonctionnel, j’enfile par-dessus ma veste de complet râpé et j’entre dans le bar, roulant des mécaniques comme le cow boy que je ne suis pas mais auquel je veux donner l’impression de ressembler. Dans ce job, c’est 90% d’intox contre 10% de réels problèmes, la première permettant d’éviter les seconds. Je montre ma plaque au videur et m’avance dans le bar où des filles en petite tenue servent des boissons à des hommes qui pourraient pour la plupart être leur père. Des types qui n’ont absolument pas soif mais qui doivent exhiber leurs dollars avant de pouvoir sortir leur engin. L’une d’elle s’approche mais n’insiste pas quand elle me reconnait. Ces nanas sont un vrai radar à flics. La barmaid, que j’ai fait coffrer la semaine dernière, me fait un clin d’œil ironique et le directeur assis au bar m’apostrophe (La venue de la police n’est jamais bonne pour les affaires).

« J’espère que vous n’en avez plus pour longtemps avec Cindy, ça fait une plombe que votre collègue discute avec elle. Je vous signale qu’elle est sensée bosser et ramener un peu de fric pour justifier son salaire exorbitant ».

Je passe en faisant semblant de ne rien avoir entendu, ayant repéré John assis dans un des boxes privés du fond. Il parle à une pute d’un âge certain que l’épaisse couche de maquillage qui la recouvre rend incertain, Cindy probablement.

- Michael, te voilà enfin. Je te présente Cindy. Sais-tu que Cindy connaissait bien le professeur ?

- Ah bon ?

- Ouaip, c’était même un sacré numéro paraît-il, pas vrai Cindy ?

Je m’assois en face d’eux et regarde Cindy qui me fixe à son tour d’un regard bovin en mâchant son chewing gum.

- Un sacré cinglé plutôt, dans le genre bon à enfermer. J’vous dis pas c’qui m’demandait de lui faire. D’ailleurs souvent on faisait ça à deux, avec Jessica. Et vendredi soir, comme je n’étais pas dispo, c’est elle qui y est allée toute seule.

John me fait un clin d’œil de connivence, vendredi soir est le soir du meurtre. C’est effectivement du chaud brûlant qu’on tient là avec une première piste très sérieuse et peut-être même notre suspect. Suspecte en l’occurrence.

- D’ailleurs elle est là-bas. Jessica ramène toi voir par là…

Nous nous retournons de concert vers Jessica une jolie blonde au sourire qui se fige en me voyant, en même temps que je sens ce qui me reste de cheveux, c’est à dire vraiment pas grand-chose, se hérisser sur ma tête. John, qui a reconnu lui aussi ma fille se lève pour rattraper Emily qui essaie de s’enfuir en se précipitant vers la sortie tandis que je reste les fesses scotchées au fauteuil.

Ma fille Emily se prostitue dans un bar à pute et est le suspect numéro un dans cette sale affaire de meurtre. Je ne pense pas m’être jamais senti aussi seul qu’à cet instant. Faites des gosses qu’ils disaient.

Moi en tout cas je boirais bien un scotch. Double au moins.

…………………………………………………………………………………………………..

 

Le temps que John me ramène ma fille, j’ai déjà éclusé deux verres. Elle est pas fiérote la môme. Ça me rappelle quand elle ramenait un mauvais bulletin de l’école. Elle faisait cette tête là aussi la fois où elle avait filé rencard au fils du quincaillier en douce et que cet abruti avait jeté un caillou à la fenêtre de notre chambre plutôt qu’à la sienne.

- Alors Emily, ou plutôt Jessica, t’as des trucs à nous raconter ?

- Non Papa ou plutôt Inspecteur.

- Monsieur l’Inspecteur, je préfère.

Je la regarde ma môme, une sacrée belle môme, tout le portrait de sa mère, plus jolie même. Elle a toujours eu le don pour se fourrer dans des sales galères et faire les mauvaises rencontres au mauvais moment. C’est vrai aussi que je ne m’en suis pas beaucoup occupé après qu’elle soit partie vivre avec sa mère. Je pensais que ça serait mieux. Pas sur. Je me ressers un verre. Je vois son regard implorant se poser sur mon scotch. Ah c’est bien ma fille. Je lui tends le verre. Cul sec qu’elle se l’enfile la petiote. Ailleurs, j’aurais pu en être fier.

Je secoue la tête. Ça va pas. Emily, elle ne supportait pas qu’on touche à une mouche, alors tuer un mec. J’y crois pas. Je demande à rester seul avec elle. John comprend, il est chouette John. On nous emmène dans une chambre vide Emily, la bouteille et moi. C’est que l’atmosphère n’est plus trop à la bagatelle ici !

Elle se tient crânement devant moi, la tête bien droite comme quand elle allait à ses cours de danse. Elle était mignonne avec son tutu. Dur de se dire qu’elle a remplacé le tutu par la turlutte à la chaine !

- Tu me crois coupable hein ?

- Non.

Regard surpris. Qu’elle a de beaux yeux ma fille.

- Pourtant je le suis.

- Arrête Emily, t’as toujours menti. Comment veux tu que je te croie.

- Pourquoi je m’accuserai à tort ?

- T’as toujours fait des trucs comme ça. Tu planquais des boulettes de terre pour effrayer ta mère. Elle pensait que c’était du cannabis. J’vais pas te laisser t’accuser. Allez tu veux couvrir qui ? ton protecteur ?

- Mêle pas Dylan à tout ça. Il est blanc depuis qu’il est sorti de taule.

- Dylan, c’est pour lui que tu tapines ? Ce petit crétin boutonneux fils de ce voleur de quincaillier ?

Elle ne répond pas, baisse la tête. J’ai jamais pu l’encadrer le Dylan pas seulement parce qu’il m’avait réveillé au milieu de la nuit en se trompant de fenêtre. Je sentais la raclure en ce type.

- Ce ne serait pas la première fois que tu le couvrirais. Quand il avait esquinté le vélo de la voisine, t’avais dit que c’était toi pour pas qu’il se fasse engueuler. Tu crois qu’on n’avait pas deviné.

Et là elle craque ma petiote.

- Il m’avait forcé à mentir. Il disait qu’il crèverait les yeux du chat sinon.

J’ai jamais pu la voir pleurer.

- Et là, il t’a menacé de quoi pour que tu le couvres ?

- De crever les yeux d’Arthur ?

- Arthur ?

- Ton petit-fils.

Je le bois au goulot le scotch pour le coup. Elle s’effondre, déballe tout.

- Je voulais qu’il m’offre une bague parce qu’il m’avait forcé à vendre celle de grand-mère. Alors il a tué ce type, lui a coupé les couilles en me disant : « Ah tu regrettes tes bijoux de famille, et bien en voilà et ils sont chauds même s’ils ne sont plus de première fraicheur. ».

Je savais bien qu’elle ne tuerait pas une mouche ma fille.

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11 octobre 2008

Fin du défi de Martine 27 (Jaqlin)

 Ce samedi avait mal commencé. Il s'était disputé avec sa femme, au début pour un motif futile dont il ne se souvenait même plus. Puis cela avait dégénéré. Elle souhaitait aller faire des courses, lui assister à une rétrospective qu'il attendait depuis longtemps au cinéma. Bien sûr, elle l'avait accusé de vouloir en fait rejoindre "sa poule", non mais franchement ce terme ringard. Il avait beau lui dire qu'il n'avait pas de "poule" rien à faire, elle s'y accrochait. Il avait donc pris son manteau et avait filé direct au cinéma. Cela faisait déjà un bon moment qu'il s'étalait voluptueusement dans son fauteuil, la salle est quasiment pleine. Il restait encore une place près de lui. Après s'être délecté de Dumbo, voilà Bambi qui commençait. Une rétrospective Disney, c'était trop bon, ben oui même et surtout à 50 balais. Bref, il s'apprêtait à fixer toute son attention sur l'écran, quand il y eut un peu de remue-ménage à côté de lui, il entendit le doux froissement du nylon quand la femme vint s'asseoir près de lui. Et puis, et puis … Au moment où la maman de Bambi se fait tuer, comme d'habitude il ne put retenir une petite larme et il sentit dans le même temps la femme près de lui basculer doucement contre son épaule et un liquide chaud imprégner sa chemise. La pauvre, pensa-t-il, comme elle est sensible. A la fois gêné et flatté il la laissa s'alanguir contre lui. Puis le film se termina, la suite de la rétrospective était prévue pour l'après-midi. La femme était toujours appuyée contre son épaule, là il commença à se sentir un peu mal à l'aise quand même. Et quand, la lumière se ralluma, les gens autour de lui se mirent à hurler. Il jeta un coup d'œil à sa compagne, ce qu'il avait pris pour des larmes était en fait du sang. Du sang qui maculait le visage de l'inconnue qui fixait l'écran d'un œil maintenant vide. Plus tard, assis dans la salle d'interrogatoire du commissariat, il cherchait à reprendre pied. Bien sûr, personne n'avait voulu croire qu'il n'y était pour rien. Personne ne s'était levé, ni n'était parti précipitamment pendant la projection de Bambi. Les voisins avaient dit à la police qu'il n'arrêtait pas de se disputer avec sa femme et que celle-ci était sûre qu'il la trompait, peut-être avec cette inconnue allez savoir. Et le pire, on avait retrouvé l'épingle à chapeau acérée qui avait servi à percer le cerveau de la femme (en passant par l'oreille) coincée sur son fauteuil à lui, près de sa cuisse. Avec tout ça, comment voulez-vous que le flic de base le croit innocent, c'est humain ! Par qui et comment le meurtre avait-il été perpétré, et surtout pourquoi l'avoir désigné comme bouc émissaire ? C'était le noir le plus complet pour lui. 

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Après un temps de pause de quelques minutes, l’interrogatoire avait repris. Le commissaire Eric Raffin, réputé pour ses méthodes étranges mais efficaces, avait sa tête des mauvais jours.

« Depuis quand aviez –vous une liaison avec Madame Bausatin ?

- Mais, je m’évertue à vous dire que je ne la connais pas, cette femme. Elle s’est assise à côté de moi alors que la séance était déjà commencée,

 j’étais captivé par ce qui se passait sur l’écran et je n’ai pas fait attention !

- Arrête de nous raconter des sornettes ! Ta femme nous a dit que tu collectionnais les aventures, et les voisins ont entendu une violente dispute avant que tu quittes le domicile conjugal.

- Oui, ben, on s’engueule d’aut’ fois avec ma femme ; elle est maladivement jalouse ; elle m’invente tous les trois- quat’ matins des maîtresses que je n’ai pas, hélas !

Et puis, pourquoi j’l’aurais tuée cette femme que j’connais même pas ?

- Pourquoi, pourquoi ? Parce que t ‘es un pauv’ malade qui s’nourrit d ‘sensations fortes et qu’une rétrospective Disney ne peut, en aucun cas, suffire à assouvir !

- Ben, vous racontez n’importe quoi, commissaire, j’ai jamais fait d’mal à une femme, j’les aime, moi, les femmes, même que celle-là, elle sentait drôlement bon. Ça m’a un peu surpris quand elle s’est approchée de moi, mais comme c’était au moment où Bambi était tué, j’ai cru que c’était l’émotion !

- Et puis, en plus, tu t’fous d’moi ! C’qu’ j’vois, moi, c’est qu’ l’épingle à chapeau qui t’a servi à lui perforer le crâne était malencontreusement restée fichée dans ton fauteuil.

- Ben, justement, commissaire, vous croyez qu’j’aurais été assez bête pour laisser l’arme du crime sur place ? J’ vous répète que c’est pas moi.

C’est tout ce qu’il peut dire ; désarmé par les circonstances qui ont l’air d’être contre lui.

Le commissaire est bien obligé d’admettre qu’il n’y a pas l’ombre d’une preuve contre lui. Il faudra attendre les résultats des tests ADN pour clore l’enquête et ça, c’est une autre histoire !

Moi, j’ai bien une idée, mais je ne suis ni commissaire, ni même inspecteur de police.

11 octobre 2008

Fin du défi de Val (Pandora)

Tout a commencé le jour ou j’ai promis à Sophie d’arrêter de boire et de fumer. Je m’en souviens très bien. Ce n’était pas une résolution du nouvel an. Là, c’était plutôt une réponse à sa mise en demeure. « T’arrêtes, ou je me tire ! ». En fait, je n’ai même pas vraiment promis. Je lui ai répondu « Ne pars pas ». Elle a pris ça pour une promesse. Toujours est-il que je savais ce qui m’attendais si je ne m’exécutais pas. J’aurais tout fait pour ne pas qu’elle parte…

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Bien sûr, je n’ai pas réussi à arrêter de boire, et encore moins de fumer. Comme il n’y avait ni alcool ni cigarettes à la maison, j’ai dû ruser. Un mensonge de rien du tout, ça mange pas de pain. Chaque soir, après le travail, j’allais au bar du coin. J’achetais un paquet de clopes et je commandais une dizaine de demis. Et, chaque soir, je l’appelais, prétextant une réunion de dernière minute au travail. Et, pour les sous, j’avais ma combine. J’ai commencé à lui dire à quel point ma boite allait mal financièrement, et les difficultés que j’avais à me faire rembourser mes notes de frais. Au début, c’est passé comme une lettre à la poste, avec Sophie !

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Et puis j’ai pris peur, le jour ou Sophie, en colère, a eu l’idée saugrenue d’appeler mon patron. Elle voulait lui réclamer toutes ces heures sup’ non rémunérées et aussi le remboursement des notes de frais. Alors, j’ai avoué à Sophie que j’avais menti…

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Je lui ai expliqué que j’avais retrouvé un ancien copain devenu SDF, et que, chaque soir, je passais un moment avec lui sur son banc, que je lui achetais des vêtements, des cigarettes, de la bouffe, et que parfois je lui payais l’hôtel. Je lui ai dit que je n’avais pas osé le lui avouer, pensant qu’elle me gronderait.

Sophie ne m’a pas grondé. Et, pendant quelques jours, j’ai encore pu faire illusion et vivre ma double vie avec ma clope et mon verre de bière.

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Seulement voilà, tout s’est compliqué lorsque Sophie m’a carrément dit d’emmener mon ami ici, qu’on pourrait le nourrir et le loger le temps qu’il retrouve un travail. J’étais dans l’impasse !

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Alors, j’ai pleuré. Un soir, je me suis couché à ses pieds en sanglotant. J’ai imploré son pardon. Je lui ai tout raconté : que j’avais une maîtresse, que chaque soir je la retrouvais dans un hôtel miteux, que je lui offrais des bijoux, que je l’invitais au restaurant… J’étais prêt à tout pour éviter qu’elle découvre que je fumais et buvais encore en cachette et qu’à cause de cela elle ne me quitte.

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Ça n’a pas fonctionné. Ce soir là, Sophie m’a dit, d’un ton sec et les yeux plein de haine : «  Je serai partie demain matin ».

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J’étais dans l’impasse la plus totale. Il n’aurait servi à rien de rétablir la vérité. Elle me l’avait dit : « T’arrêtes ou j’me tire ! ». Tout lui avouer n’aurait rien changé.

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Il ne fallait surtout pas, pourtant, que Sophie s’envole. Et je parle au sens propre et non au sens figuré car ma Sophie est une magnifique perruche du Gabon. Enfin une perruche du Gabon transgénique. D’où ses pieds et ses mains. Et le fait qu’elle parle. D’où le fait qu’elle mesure un mètre 50. Mais par contre elle vole et mange des graines comme toutes les perruches.

Non je n’ai encore bu aucune goutte d’alcool ce soir !

Comme je vois que vous ne me croyez pas, je vais vous confier certaines choses mais sous le sceau du secret. Je suis docteur en biologie et je fais des recherches sur le clonage dans un laboratoire de génétique moléculaire qui dépend de la « boite » (le ministère de la défense dans notre jargon). Sophie n’est pas une simple perruche du Gabon mais une créature exceptionnelle qui n’a plus rien à voir avec l’animal d’origine. Après de nombreux essais, nous avons réussi à la cloner à partir certes d’ADN de perruche mais modifié par celui d’Albert Einstein pour son intelligence, de celui de feue mon épouse Sophie (d’où son nom, que voulez-vous, je suis un grand romantique) parce qu’elle était l’amour de ma vie (mais, hum, certainement pas pour son intelligence !) ; et de Houdini parce que nous nous sommes emmêlés les pinceaux sur la paillasse. En fait, nous voulions ajouter l’ADN de Gandhi mais l’autre équipe du labo clonait en même temps un macaque agent secret. Nous avons malencontreusement interverti les tubes. Le macaque est devenu incontrôlable au point de réussir à mettre le boxon dans l’animalerie (il a convaincu toutes les créatures de faire un sit-in en refusant de sortir de leur cage) ; et Sophie a fait fugue sur fugue pour venir me retrouver à la maison sans que les systèmes de sécurité, pourtant très performants, de notre laboratoire n’arrivent à la retenir.

Le colonel a fini par accepter qu’elle vienne vivre à la maison avec moi à la condition expresse qu’elle ne sorte pas pour ne pas qu’on puisse la voir. Vous imaginez bien l’effet que ferait une perruche parlante de 1m50 dans les rues de notre ville, tous les journaux en feraient leurs gros titres et ça en serait fini de nos recherches top secrètes. Heureusement que personne ne l’avait vu lors de ses fugues. Enfin pour être tout à fait honnête presque personne… Les services secrets ont dû s’occuper des rares spectateurs qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment en les envoyant en hôpital psychiatrique pour un séjour prolongé. La raison d’état justifie parfois quelques faux fous parmi les vrais.

Mais moi, cette raison d’état et nos expériences ont fini par me peser et me poser des problèmes de conscience. Ces pauvres gens internés en raison du secret-défense. Ces créatures que j’ai créées : le dauphin amphibie (avec des nageoires et une queue mais aussi des pattes), le ver de terre géant explorateur et le chien démineur au cou de girafe. Et surtout Sophie qui me répugne désormais autant que je l’adore. L’amour de ma vie devenu cette chose. Comment ai-je pu l’intégrer à cette créature ? Comment ai-je pu faire cela ?

Les cauchemars m’ont poussé à boire et à fumer. Pour oublier.

Comment Sophie pourrait-elle le comprendre ?

Je vais la laisser se tirer puisqu’elle le souhaite. Voler de ses propres ailes. Même si elle n’ira pas bien loin puisqu’une équipe de surveillance campe au coin de la rue. Et même si je vais avoir de gros problèmes, puisque c’était mon idée d’apporter une touche féminine à notre créature en d’en profiter pour faire revivre ma Sophie…. Une bien mauvaise idée à la réflexion.

Epilogue

Il est 9 heures du matin et Sophie est partie dans la nuit. Comme elle l’avait dit. Je dois vous avouer, avant que l’on ne vienne me chercher, que mes mails sont surveillés et qu’alors que vous lisez ce message, des hommes en blancs musclés sont probablement en route vers votre domicile. Ne m’en veuillez pas, c’est à cause de la raison d’état. D’ailleurs, comme je suis devenu incontrôlable et dangereux pour la boite, on se retrouvera probablement là-bas.

Ca m’est égal après tout ce que j’ai fait.

Ca m’est égal puisque Sophie est partie…

Et là-bas au moins, peut-être que j’arriverai enfin à oublier.

 

 

11 octobre 2008

Fin du défi de Poupoune (Martine27)

C’est forcément la pire gueule de bois de toute ma vie. Je ne me souviens pas avoir bu, mais je ne vois pas bien ce que ça pourrait être d’autre...

Déjà, je ne sais pas du tout où je suis. C’est pas chez moi, ça au moins, c’est sûr : c’est grand, très grand, c’est luxueux, c’est tellement propre que c’en est presque flippant… Bref : pas chez moi.

Et puis je ne connais pas cette femme. Tout à fait mon genre, superbe : rousse, sculpturale, poitrine généreuse… splendide. Exactement le genre de femme que j’aurais pu draguer dans un bar et essayer de ramener chez moi… Sauf que je ne suis pas chez moi. Et qu’une femme comme ça ne m’aurait jamais suivi. Et qu’elle est morte.

Enfin : je ne suis pas médecin, mais pour ce que j’en vois, elle n’a pas l’air bien vaillante. Tellement pas que j’ai vomi copieusement à l’instant ou mon regard s’est posé sur elle… ce qui m’a donné une idée de ce que j’ai mangé hier - chinois apparemment - mais pour ce que ça m’avance…

Je suis… quelque part, menotté – oui, menotté à une splendeur rousse et apparemment morte, couvert de ce qui ne peut être que son sang et je n’ose pas bouger. Si je bouge, je la déplace et, dans les films, ils disent toujours de ne pas déplacer le corps avant… avant quoi ? L’arrivée de la police ? Faudrait déjà que je l’appelle… or, donc, je ne suis pas chez moi, je ne sais pas où est le téléphone et, franchement, je ne me vois pas traîner ma… la… enfin : je ne me vois pas fouiller l’endroit en quête d’un téléphone avec un cadavre attaché au poignet…

Mais dans quelle merde est-ce que je me suis encore fourré ? Si seulement j’arrivais à me rappeler… quelque chose. N’importe quoi.

La dernière chose dont je me souviens, c’est que je me suis retrouvé en galère après une arnaque foireuse... alors j’ai tiré un portefeuille à un touriste et puis je suis allé chez Gégé : il prolonge un peu l’happy hour pour moi quand il sait que je suis pas en fonds… Après… ben je voulais juste une soirée classique : boire des coups et finir comme un con bourré en boite, à me faire éconduire par des nanas même pas jolies qui, elles, par contre, auraient dû boire un peu plus… Sauf que je ne me souviens plus de rien après mon dernier verre chez Gégé… Je me revois sortir de son rade, tout seul, ça, j’en suis presque sûr, et… plus rien. Ce salon immense, cette femme, tout ce sang…

Oh la la, mais quelle merde !

Bon. Rester calme. Respirer. Réfléchir.

Si ça se trouve je la connais cette fille. C’est peut-être pas une vraie rousse, peut-être une copine qui s’est teint les cheveux, peut-être… Faut que je la regarde mieux.

Respirer… Allez !

Non. Définitivement, je ne connais pas cette créature. Dommage. J’espère au moins que je me la suis tapée avant… avant quoi ? Oh merde ! J’espère que je ne l’ai pas tuée ! Non... Non non non. C’est pas mon genre, ça. Moi je vole, j’arnaque, je mens, mais je ne tue pas… Tiens : elle a un tatouage, c’est joli… c’est quoi ? C’est… oh merde : je connais ce dessin ! Où est-ce que j’ai déjà vu ça ? Une marque de bière ? L’enseigne d’un troquet ? Un soleil, un couteau… ah merde, ça va pas me revenir…

Bon. De toute façon je peux pas rester là comme ça sans rien faire… Je vérifierais bien si c’est une vraie rousse… Non : vu le sang sur le bout de drap qui la recouvre, ça doit pas être joli dessous… Appeler. Merde, ça va ressembler à quoi si quelqu’un me trouve comme ça ? Plein de sang, menotté à un cadavre et… et ça c’est bizarre : qu’est-ce que je fous en guêpière léopard et porte-jarretelles ?

Mais quel merdier… Faudrait au moins que j’arrive à me détacher, pour pouvoir téléphoner, m’habiller ou… ou me casser d’ici, en fait ! Tout simplement. J’ai assez d’emmerdes comme ça… J’ai rien à voir avec tout ça moi ! Et puis… oh merde ! On vient… oh non… la police, bien sûr… oh quelle merde…

Ne rien dire, ne rien dire, ne rien dire, tout ce que je dirai sera retenu… ah, tiens, ben au moins je vais voir si c’était une vraie rousse… oh merde, c’est pas vrai : c’est un roux !

Réfléchis, réfléchis !!!

Mais comment réfléchir alors que j'entends ces pieds-plats de flics qui s'agitent devant la porte !

En prime, il doit y avoir des voisins hystériques, ça braille un max dans le couloir.

Bon, respirer et réfléchir !

Un roux et moi transformé en gonzesse, c'est pas croyable quand même ?

Qui a bien pu me faire un coup pareil ?

Et on a forcément mis quelque chose dans mon gin pour que je sois dans un pareil état, parce qu'il faut être honnête je tiens la distance question descente de liquides.

On se calme, à panique comme ça, les flics vont vraiment croire que je suis une minette !

Bon alors une saloperie style GHB dans mon verre ?

Y avait qui à côté de moi ?

Par la rousse, enfin le roux, enfin, burp, le rouge là, je m'en serais souvenu non ? Non !

Et ça continue à s'agiter dehors, pas un qu'à l'idée de défoncer la porte, je pourrais crever tiens ! Encore qu'il vaut mieux que j'ai encore un peu de temps devant moi, histoire de me secouer les méninges.

Bon, le roux-se me dit que dalle.

La guépière ? C'est pas à moi, mais à bien la regarder elle me rappelle vaguement quelque chose.

Respirer, réfléchir !

Le tatouage, le tatouage ?

Ah, bon dieu, j'ai le citrouille qui carillonne, je ne sais pas à quoi il m'a assaisonné le loufdingue qui m'a fichu dans cette mélasse, mais m'a pas loupé, c'est sûr. Le murs font la danse du ventre.

Et la bouffe chinoise, où je l'ai avalée ? Toujours eu horreur de ce truc ? Les baguettes, des trucs à s'éborgner ça et puis l mousmée, enfin le mec à côté il a pas été poignardé à coups de baguette hein. Tiens j'aimerais bien savoir ce qu'il disait mon biscuit horoscope !

Rester calme !

C'est quoi encore ce truc ?

Ouais là, il y a un machin qui clignote juste en face du lit.

J'y crois pas, c'est une caméra !

Le malade qui m'a menotté au macchab est en train de se rincer l'œil en prime !!!

Respire imbécile tu vas tourner de l'œil si ça continue.

Le tatouage, je boucle là-dessus. Ca y est l'illumination ! Et la guêpière, bon dieu, mais c'est bien sûr !

Le tatouage c'est un cœur, mais là il est à l'envers. C'est le cœur que ma régulière s'est fait tatouer sur la fesse et la guêpière c'est la sienne, ah là là ces parties qu'on a faites avec ce truc là mais bon bref !

C'est ma Poupoune qui m'a foute dans cette galère !

Bon faut dire que j'ai pas toujours été réglo question fidélité avec elle, mais quand même me faire un coup comme ça, je l'aurais pas cru capable d'être aussi rancunière !

Poupoune, viens Poupoune qu'on s'explique. Promis, juré, craché, je trouerai jamais le contrat !

Poupoune, ma Poupoune, pardon, je me mets à hululer !

Bon dieu, ça y est la maison Royco débarque.

La porte s'ouvre !

Le macchab à côté se redresse en rigolant, bon sang, mais c'est Gégé arrosé de ketchup !

Et juste avant de tourner de l'œil, je vois mes dingues de potes précédés de ma Poupoune qui débarquent en braillant "Bon anniversaire".

On respire, on se ca…..

11 octobre 2008

Fin du defi de Joye (Thétis)

Je ne pouvais pas laisser Sally dans une si mauvaise passe… mais je ne pouvais pas non plus laisser le monde dominé par autant de violence ! Alors je me suis bien amusée ! Désolée Joye !  J J J

Diamond Sally se releva du plancher poussiéreux, les empreintes des doigts de Lefty LeTordu encore roses sur sa joue soyeuse. Vingt paires d’yeux l’examinaient, luisants de mépris. Depuis sept ans, Lily eut beau commander le respect total de toute la ville de Gulchwood et ses environs, ce serait aujourd’hui le jour de son jugement. Jamais plus une femme n’oserait s’établir régente d’une communauté dans ce coin perdu du territoire Cheyenne, quelque sûre que soit sa main délicate sur ses petits pistolets perlés, quelques belles que soient ses lèvres pulpeuses qui crachaient par moments un juron élégant ou un mot de tendresse convoitée. Ses alliés, Pete le petit barman, et Pancho le vieux Mexicain qui lui servait de confident, avaient été dépêchés au bout des cordes rugueuses, pendus par les sbires abrutis de Lefty. Leurs corps tournaient encore sous le soleil cruel de ce midi fatal.

Avalant le sang qui coulait de sa bouche de nouveau déchirée par la violence des hommes, Sally fit appel aux dernières forces qui bouillonnaient en elle…

***

… pour se redresser, phénix entêté, et se saisir de la chaise qui traînait près d’elle. D’un mouvement emprunt d’une colère démesurée, elle la fit tournoyer au-dessus de sa tête et l’envoya sur le groupe d’affreux imbibés qui la regardait, repus de son spectacle. Tel un jeu de cartes brinquebalant, ils s‘effondrèrent dans un fracas effrayant et leur jacassement féroce laissa place à des plaintes lascives. Elle se jeta sur chacun d’entre eux, l’un après l’autre, dans un tourment indescriptible qui ne permit d’apercevoir que les éclats de sang qui giclèrent dans tous les recoins du saloon ennemi.

 Alors que les blessures reçues commençaient à la faire trembler, elle aperçut Lily dans l’encoignure de la porte. Elle était ficelée sur une chaise et tentait en vain de se détacher. Lefty n’avait reculé devant rien pour prendre les rennes de Gulchwood. Quelle humiliation ! La ville entière avait cru à ses accusations mensongères de trahison. Pourtant la régente avait montré jusque-là sa très grande loyauté. Les hommes croyaient décidément ce qui les arrangeait, surtout lorsqu’il s’agissait de se débarrasser d’une femelle trop puissante. Il fallait rendre sa liberté à Lily et faire éclater la vérité ! Cet homme plein de cette soif de pouvoir insatiable devait disparaître.

Rassérénée par ses victoires improbables et son désir de faire triompher le bien, elle fit face à Lefty, plus impressionnante que jamais. Elle ne se laisserait pas piétiner par un tel scélérat. Puisque Pete et Pancho ne pouvaient plus lui venir en aide, il lui fallait sauver seule Lily du destin monstrueux qui la menaçait ? Eh bien, elle l’assumerait ! L’avenir de Gulchwood était entre ses mains.

Mais, alors qu’elle allait se jeter sur lui, au mépris du danger, elle reçut un terrible coup sur la tempe. Et sans l’arrivée miraculeuse de Lupita, la fille de Pancho, elle aurait sans doute eu là ses dernières pensées. Heureusement, celle-ci tint à distance à la force de son frêle fusil les olibrius insensibles qui cernaient Sally. La jeune fille avait été une des rares à ne pas se laisser berner. Et aujourd’hui, malgré la mort tragique de son père, elle rivalisait de pugnacité avec les hommes les plus violents de Lefty. La chef de file de la résistance put alors reprendre ses esprits et fondre d’un coup inattendu sur le chef inattentif qui injuriait ses sbires incompétents. Ils disparurent tous deux à terre dans un chevauchement des plus improbables et se lancèrent mutuellement des heurts impitoyables sans qu’aucun des deux n’avouât aucune douleur. Lupita laissa Sally seule au combat pour tenir tête aux autres hommes menaçants. Le saloon résonnait de la tension qui régnait. Mais le duel qui se déroulait sous les yeux de l’assemblée -sans respecter aucune règle communément admise- finit par les fasciner tous et suspendre l’explosion attendue.

Soudain, dans ce corps à corps prolongé, la longue chevelure rousse de Sally s’échappa de sous son chapeau et laissa sa féminité s’exprimer. Jamais personne ne l’avait vue ainsi dans toute sa splendeur. En un instant, Lefty reconnut alors la jeune femme que, six ans plus tôt, il avait croisée un doux soir d’hiver, lors de la dernière fête de Gulchwood. Depuis, les tiraillements incessants de la régente entre les intérêts de la ville et les comportements mesquins de ces concitoyens masculins avaient mis fin à de telles pratiques et annihilé toute chance d’idylle entre hommes et femmes. Mais là… là… l’évidence était telle qu’il s’arrêta net de frapper. Son désir de pouvoir et sa haine des femmes s’évanouirent aussitôt et libérèrent son esprit adouci… Interloquée, Sally leva la tête vers son adversaire et réalisa elle aussi que le regard de Lefty avait changé. Derrière son visage sali, elle aperçut à son tour ce qu’ils avaient oublié. Leur tête à tête silencieux de l’époque lui revint en mémoire tel une douce musique du passé et métamorphosa immédiatement ses perceptions. Dire que jamais elle n’avait eu l’idée de porter un regard attentif sur ce noir personnage. Et pourtant il résolut tout.

Ebahis, tous les imbéciles estropiés de Lefty le virent se redresser lentement tout en posant délicatement sa main droite sur le bras de Sally. Celle-ci suivit le même mouvement et se retrouva debout, à quelques centimètres du visage de son ancien ennemi. Leur attirance mutuelle envahit l’atmosphère et mit fin en une seconde à l’omnipotence de la violence.

Les cow-boys, enchevêtrés dans leurs armes et leurs blessures, s’éloignèrent, laissant passer le couple étrangement assorti. Les longs doigts effilés de la belle joignirent les mains rustres du hors-la-loi et ensemble ils se rendirent jusqu’au fond de la pièce. Ils semblèrent échanger quelques mots, Lefty prit un air contrit puis hocha la tête d’un air d’assentiment. Sally releva la tête, soulagée et contentée. Puis, ils ouvrirent la cellule et libérèrent Lily.

En sortant, les trois personnages se retrouvèrent face à une foule dense massée devant la porte et arrêtée dans une attente fébrile d’un dénouement rapide. Lefty lança quelques mots à cette populace docile qui ouvrit un chemin inattendu jusqu’au milieu de la voie principale. En plein milieu de la rue, il leva vers le ciel le bras de la femme destituée qui récupéra en un instant l’hégémonie dont elle bénéficiait par le passé. Lui, discret, emmena sa promise sur son fameux destrier, abandonnant la ville à un destin apaisé auquel ils ne participeraient plus, appelés dorénavant vers d’autres horizons.

« We’re two fighting  lovers ; We’ve long long way from Gulchwood… »

11 octobre 2008

Fin du défi de Tiphaine (Rsylvie)

L'autre Augustin (Tiphaine)

Augustin Lehorla se tournait et se retournait dans son lit. Impossible de fermer les yeux. Il avait bien trop peur. Comme chaque nuit depuis huit nuits, à chaque fois qu’il plongeait enfin dans le sommeil, il se réveillait une minute plus tard en sueur et en panique. Un homme le regardait, juste derrière les rideaux de sa fenêtre. Augustin se levait, il allumait la lumière et il vérifiait avec minutie que personne ne se trouvait dans la pièce. Chaque recoin était inspecté méticuleusement. Ça lui rappelait son enfance, quand les cris de ses cauchemars incessants faisaient accourir sa mère et qu’elle prenait le temps de vérifier avec lui qu’aucun monstre ne s’était caché dans la petite chambre. Il la revoyait ouvrir la porte du placard en s’écriant joyeusement « tu vois Augustin, il n’y a personne dans ce placard ! ».

Comme il aurait été heureux de la voir débarquer à présent, mais de mère, il n’en avait plus, pas plus que de femme et encore moins d’amante…

Augustin Lehorla était un célibataire endurci, un homme sans cœur auraient sans doute dit ses collègues féminines. Il travaillait comme comptable dans un cabinet d’expert, sa vie était encore mieux réglée que du papier à musique, elle ne souffrait aucune improvisation.

Chaque matin, Augustin se levait à six heures trente précises, il n’avais pas besoin de réveil, son corps était programmé pour bondir hors du lit à cet instant précis. Il se douchait, se rasait, avalait un café accompagné d’une biscotte beurrée puis il prenait le temps de lire le journal qu’un livreur déposait derrière la porte de son appartement. A sept heures vingt-huit, il ouvrait cette dernière et se rendait à son travail à pieds. Invariablement, il s’enfermait dans son bureau, sortait de sa sacoche de cuir une calculatrice que Pascal lui-même aurait trouvée démodée et il alignait consciencieusement des chiffres jusqu’à ce que l’église voisine sonne les douze coups de midi. Il se levait alors et allait à la boulangerie la plus proche pour y acheter un sandwich jambon fromage, une tarte au citron et un Perrier. Il n’oubliait jamais la petite note qu’il rangeait méticuleusement dans la partie dépense du carnet qu’il avait toujours sur lui. La pause méridienne durait une heure, le temps de manger et de terminer la lecture de son journal sur un petit banc, toujours le même, du parc voisin. L’après-midi se déroulait de la même façon que la matinée. A dix-huit heures, Augustin nettoyait son bureau, rangeait ses affaires dans son petit cartable, déposait son journal en haut de la pile des journaux du mois, et saluait les éventuels retardataires. Dans les faits, cela ne se produisait jamais car Augustin était toujours le dernier à partir du cabinet de comptables, mais il y pensait, à chaque fois, juste avant de se rendre compte qu’une fois de plus il n’y avait plus personne à saluer.

La soirée d’Augustin obéissait elle aussi à des rituels immuables : les courses, la préparation du repas du soir qu’il prenait invariablement en regardant « questions pour un Champion » puis le classement et l’archivage des dépenses journalières ou en cours.

A vingt heures précises, Augustin éteignait la lumière de sa chambre.

A vingt heures une, il dormait.

Et, depuis maintenant sept jours, à vingt heures deux, il se réveillait en sursaut.

Augustin Lehorla se tournait et se retournait dans son lit. Impossible de fermer les yeux. L’autre était tapi dans l’ombre, il le savait… Il avait vu sa silhouette il y a quelques instants, ses mains blanches qui se détachaient dans la pénombre, ce costume rayé qui lui rappelait vaguement celui que portait son père sur sa photo de mariage… Augustin repensa au vieil album, il parcourut en souvenir la vie de ses parents et son enfance étalée en une dizaine de clichés jaunis. Il ferma les yeux, le sommeil était plus fort que sa raison… Une minute plus tard il les rouvrit en ayant la cruelle conviction que l’autre était à nouveau dans la pièce. D’un bond, il tira les rideaux et il poussa un cri d’effroi. L’étrange personnage qui se tenait debout devant ses yeux médusés n’était autre que lui-même…


 



-« bordel de dieu ! quelle idée d’avoir placé ce rideau devant la glace » ! s’écria –t-il .

 

Et l’ombre d’un instant, il se mit à maudire sa mère. Pourtant elle avait toujours veillé sur lui…. Regardé sous le lit, derrière la commode quand il fallait l’aider à chasser les fantômes qui venaient régulièrement hanter sa chambre. Depuis tout petit, elle l’avait accompagné sur le chemin de l’endormissement… guidant ses pas. Alors qu’en fait, aujourd’hui, il s’apercevait qu’elle n’avait rien fait d’autre que d’entretenir cette peur. De l’alimenter par son pouvoir de conviction.

 

Hors maintenant il n’arrivait plus à faire la part des choses ! Cela ne lui ressemblait pas ce langage, ni ce genre de sentiments. Lui d’ordinaire si calme et posé, s’entait bien que son univers familier était entrain de basculer. Il avait beau respecter les rituels inculqués depuis tant d’année où

 

Chaque recoin était inspecté méticuleusement, quand les cris de ses cauchemars incessants faisaient accourir sa mère et qu’elle prenait le temps de vérifier avec lui qu’aucun monstre ne s’était caché dans la petite chambre. Il la revoyait ouvrir la porte du placard en s’écriant joyeusement « tu vois Augustin, il n’y a personne dans ce placard !  Il n’arrivait plus à faire la part des choses entre son quotidien si bien rangé. L’organisation du matin qui commençait à 6h 30 précises, le petit déjeuner puis quitter l’appartement à 7h28 et s’engouffrer dans le quotidien de la vie.

 

Sa petite vie si bien rangée, si bien organisée, qu’il n’y avait de place pour personne d’autre que lui… et ses fantômes.

Dring, dring, dring !!!!!

-“le téléphone ….qui peut bien m’appeler à cette heure ?

 

N’ayant pas d’ami, cela était vraiment étrange….

Dans la panique il ne s’aperçut de rien, et mort de trouilles,

saisit le combiné tendu par une main blanche.

-« Allo ?

-«il est temps maintenant, de nous rencontrer. »

-« ha ! oui…. peut-être….quand »?

demain,

Parc des Grenadiers, à l’angle de la rue des Martyrs et celle du Cercle Rouge.

A 18h15. Pour une fois, tu partiras à l’heure » !

-« ……………. »

 

épisode 2

 

Augustin Léhorla resta longtemps dans le noir. Assis par terre… il ne vit pas la main blanche ramasser le combiné tombé à terre et le reposer délicatement, quand 20heures30 sonna au clocher de la vielle église. Impossible de se rendormir. Alors pour la première fois depuis plus d’une cinquantaine d’années, il ne retourna pas se coucher mais se dirigea vers la cuisine pour s’y servir un scotch. Trop de choses se bousculaient dans sa tête.

 

Tout d’abord il y avait eu sa mère… enfin maintenant qu’il avait compris son petit jeu….

 

Et puis il y avait cet appel téléphonique… c’était étrange comme cette voix, qui lui semblait si proche lui soit si familière. Pareil au doux sentiment d’une tendre complicité mélangé d’appréhension de l’interdit. Pourtant il n’avait pas peur… il était serin comme s’il avait attendu ce rendez-vous toute sa vie… peut-être à cause de l’emploie familier de TU ?

Il souriait intérieurement à la tête que ferait ses collègues s’ils savaient. Aucun ne se douterait jamais. Que lui, Augustin se rende comme ça, un soir, à un rendez-vous. De plus, au son de la voix, ce ne pouvait être une femme. Bien que l’idée ne lui soit pas désagréable, au contraire.  Mais alors quel mystère… un homme ? Peu lui importait le jugement des autres, il se sentait maintenant libre. Et puis cet appel, n’était-il pas une invitation comme « j’ai envi de te voir », « j’ai besoin de te rencontrer », « j’aimerais te…. » ?

 

 

La tête dans les nuages, il ne vit pas le temps passer et, c’est les yeux tirés, qu’il arriva le matin au bureau, habillé d’un pantalon aux rayures de même teinte que sa cravate. Sur son passage, les collègues médusés d’un tel changement, se retournaient l’air malicieux, en murmurant qu’Augustin avait un rendez-vous galant. Mais peu lui importait, il était tranquille. Etrangement bien, malgré les heures de sommeil en moins.

 

C’est ainsi qu’à A 18 heures, Augustin nettoya son bureau, rangea ses affaires dans son petit cartable, déposa son journal en haut de la pile des journaux du mois, et salua les éventuels retardataires qui n’en croyaient pas leurs yeux. A 18h15 précises, il était Parc des Grenadiers, à l’angle de la rue des Martyrs et celle du Cercle Rouge.

 

Episode 3

 

 

 Assis devant lui, sur un banc l’attendait un homme. Bien qu’il fut de dos, la corpulence ne permettait aucun doute. Il avait bien rendez-vous avec un garçon ! Que ceci était excitant. Non, par la tournure que pourrait prendre cette rencontre. Il n’avait aucun penchant pour le sexe masculin… il en savait quelque chose. Un jour, un client quelque peu provocateur, avait voulu l’emmener sur ce terrain. Et, vraiment non, il n’était pas attiré par les hommes. Mais là, il y avait quelque chose d’étrange, qui le faisait basculer entre la peur et le désir d’avancer… la haine et l’amour.

 

 

En quelque pas, il fut devant son interlocuteur téléphonique et là tout a vacillé.

 

D’abord lui, en raison de ses jambes qui se sont dérobées sous le choc, et l’ont laissé tomber brutalement sur le sol. Une nuée de pigeons, qui traînaient dans le parc à la recherche de miettes de pain laissées par quelques mamies, s’est envolée bruyamment. Des enfants qui hurlaient, apeurés. Les mères, affolées par les cris de leurs petits… bref un vrai capharnaUM. !

 

 

Devant lui était assis son double. L’œil pétillant de malice. Le sourire aux lèvres, comme heureux de son effet de surprise ! Car surprise il y avait. Puisqu’Augustin Lehorla était le fils unique de Louise et Charles Léhorla. Mais qui donc était-il ?

 

 

                -« Je suis ton frère Emberlificotons Léhorla ».

 

cela fait bien longtemps que je t’observe dans notre maison. Je dis notre, car maman n’a jamais su, lequel de nous deux elle voulait épargner. Alors je vivais dans les pièces du haut en attendant le verdict. Ainsi nous avons grandis chacun de notre coté. Et avec le temps, elle n’a jamais pu se résoudre à faire un choix. Toi, qu’elle voulait si semblable à papa et moi si pareille à notre mère. Et puis à force de nous faire jouer au chat et la souris, elle s’est prise à son propre piège. Lui n’étant plus là pour guider ses pas, elle s’est perdue dans le labyrinthe du temps. Ce qui, jusqu’à maintenant, n’avait pas rendu possible nos retrouvailles. Surtout que tu étais sous son emprise jusqu’à hier soir. Nuit, où tu as enfin, compris qu’elle t’avait toujours manipulé. Alors j’ai saisi ma chance et t’ai appelé…. »

 

 

Emberlificotons parlait, parlait, mais Augustin ne l’écoutait plus. Il était comme happé par le tourbillon d’une danse macabre où sa mère et son père virevoltaient d’une portée sur l’autre, d’une croche à l’autre, en jouant la partition avec mesure et retenue.. et puis soudain, un dièse, un bémol et la portée se colore en noire. La page se tourne et Emberlificotons apparaît, grand, beau et serein. Ses yeux de velours, bleutés comme la mer quand les dauphins viennent y jouer, sont semblables aux siens. Mais lui, n’a jamais vu la mer. Ses mains, grandes et fines, sont gracieuses comme l’est son visage, alors que celui d’Augustin est plus rustre d’apparence, les gestes plus gauches, le sourire moins charmeur….

 

toutes ces années où il s’était cru seul, solitaire qu’il rêvait à un double. Si abandonné qu’il aurait tout donné pour jouer la partition avec lui.. qu’il a fini par la croire quand elle parlait d’une autre main blanche.

 

 

Maintenant qu’il avait tout compris, il s’en veut d’avoir douté de son amour maternel. Il n’y a jamais eu de fantôme derrière le placard, seulement son double qu’elle voulait lui faire connaître, à son rythme, progressivement et non pas brutalement sur la table froide d’une clinique. leur mère voulait qu’ils aient chacun leur propre vie, et puissent briller autant que leur père, virtuose de renommée mondiale. Mais pour cela, il fallait qu’ils aient la possibilité de faire une vie séparément l’un de l’autre. Et non, vivre dans l’ombre l’un de l’autre.

 

 Seulement voilà, la partition ne s’est pas mise en place comme elle l’avait orchestrée… et maintenant c’était fini. Sur la portée, ils allaient écrire une nouvelle mesure. Plus de double croche, juste 2 notes harmonieusement posées l’une auprès de l’autre, pour jouer la mélodie jusqu’après demain et plus encore….

 

                                                                                                                               miss Marple

11 octobre 2008

Fin du défi de Jaqlin (MAP)

Intrigue (Jaqlin)

On était fin juin, la fête battait son plein au centre culturel. Dans l’ancienne ferme qui servait maintenant de cadre aux activités de la MJC, aux différents clubs de sport, aux ateliers musicaux et artistiques, chacun s’était vu attribuer un emplacement pour présenter au visiteur un échantillon de son travail de l’année.

 

Sous le chapiteau dressé dans l’ancien parc à moutons, évoluaient les adeptes de la danse, des quatre- cinq ans aux danseurs de salon d’un âge certain, en passant par les amoureux  du modern jazz. En vis à vis, sur un podium temporaire, les fans du hip-hop rivalisaient de figures toutes plus élaborées les unes que les autres, au son d’accords propres à mettre à mal les tympans les plus endurcis.

 

Un peu plus loin, les différentes disciplines musicales étalaient leurs savoir- faire : les plus jeunes saxophonistes offraient une panthère rose se déplaçant sur des coussinets moelleux pendant que les flûtes faisaient une balade avec Vivaldi, en automne. Juste à côté, les clarinettes accompagnaient le chat de Pierre…

 

Pendant ce temps, les plus jeunes suivaient avec attention les péripéties du "chat qui s’en va tout seul", relatées par une vieille conteuse.

 

Au cours de la promenade, il était possible de découvrir mosaïques, dentelles, différentes techniques picturales. L’assistance était nombreuse, insouciante, déambulant sous les premiers rayons du soleil. Même l’hôte habituel du domaine, Jacob, le paon, était de la fête.  Perché dans l’énorme cèdre qui ombrage pratiquement toute la cour, il suivait d’un air désabusé ce remue- ménage inhabituel. Discret jusqu’à ce que les choristes aient entonné leur premier chant, à partir de cet instant, dès que le registre montait d’un ton, il  y allait de son refrain : "Lé..on ! Lé..on ! », ce qui ne manqua pas de perturber la chef de chœur qui eut bien du mal à terminer sa prestation.

 

Vers dix-huit heures, alors que la fête touchait à son terme et que les organisateurs satisfaits du franc succès de leur journée s’apprêtaient à fêter ça comme il se doit autour du verre de l’amitié, il fallut bien se rendre à l’évidence : l’une des animatrices, la jeune et jolie Kathy avait disparu… Avant d’en arriver à cette inquiétante conclusion, on avait procédé à toutes les investigations possibles, elle n’avait pas quitté les lieux de son plein gré puisqu’elle avait encore confirmé à ses collègues moins d’une heure plus tôt qu’elle serait là. Son portable sur lequel plusieurs avaient essayé de la joindre affichait toujours le même message d’absence. La conteuse était apparemment la dernière à l’avoir vue, vers dix-sept heures cinquante ; elles avaient bavardé quelques minutes puis s’étaient donné rendez-vous pour le fameux pot de clôture. Juste avant de se séparer, Kathy avait pris la direction du chapiteau. Etant donné les quelques mètres qui séparaient celui-ci du lieu de rencontre et du fait de l’assistance nombreuse, on imaginait mal ce qui avait bien pu se passer.

****

 

Dans l’agitation générale personne n’avait remarqué une jeune fille inconnue, aussi blonde que Kathy était brune qui émergea de dessous le drap vert qui recouvrait jusqu’au sol la table des boissons située à côté du chapiteau et qui se mit elle aussi à chercher la disparue avec autant d’ardeur que les autres à un détail près : elle avait le sourire aux lèvres …

 

Kathy, car bien sûr c’était elle, se cherchait elle-même et cela l’amusait au plus haut point.

 

- J’ai réussi mon pari,  se réjouissait-elle ! Quel plaisir de les voir tous à l’oeuvre… J’avais promis une surprise pour clore la journée … C’est réussi, personne ne m’a reconnue, il faudra que je remercie Elena de m’avoir prêté sa perruque, la pauvre si elle avait su ce que je voulais en faire ! Ma cachette était bonne, j’ai pu rapidement changer de vêtements …

 

Un roulement de tambour interrompit ses pensées !

 

- Ah, ça y est, le chef de choeur va faire l’annonce … C’est bien, il ne faut pas non plus faire durer trop longtemps les choses !

 

- Mes chers amis …- la phrase fut coupée par un long sifflement du micro- mes chers amis, reprit la voix claire de baryton Martin, pas d’affolement …. Tout cela était prévu. Kathy nous avait promis une surprise … En fait elle n’a jamais disparu, elle est là, bien là, au milieu de vous, il y a un beau lot qui attend la personne qui l’identifiera …

 

Là-dessus Jacob se crut obligé d’émettre son commentaire habituel : « Lé…on, l é…on … » ce qui ne manqua pas de mettre tout le monde en joie !

 

La recherche reprit, mais cette fois-ci sur un mode ludique et bon enfant ! Les musiciens rythmaient le jeu avec de vieux standards de jazz.

 

Petits et grands se déplaçaient moitié dansant moitié se dévisageant pour tenter de démasquer cette coquine de Kathy qui leur avait quand même causé quelques frayeurs !

 

Cela durait depuis un bon moment mais personne n’avait encore réussi à démasquer la « disparue » …

 

Le chef de choeur reprit alors le micro qui avait apparemment rendu l’âme car il n’arrivait même plus à siffler.

 

Un deuxième roulement de tambour fut alors nécessaire pour obtenir le silence et passer le message suivant destiné à la jeune animatrice :

 

- Kathy, tu peux te montrer maintenant à la première personne qui est près de toi –c’est cette personne qui gagnera- Nous terminons ce jeu et nous allons tous prendre le verre de l’amitié, cela nous remettra de nos émotions !

 

-  ………………………………………………………………….

 

- Kathy ! Kathy, tu m’entends ? Montre-toi s‘il te plaît, le jeu est fini !

 

Mais rien ne se passa. Pas de réponse, pas de Kathy !

 

L’atmosphère redevint tendue, un frisson passa dans l’assemblée.

 

- Je crois savoir où elle se trouve reprit le chef de chœur, je vais vous dévoiler sa cachette !

 

Le jeune homme se dirigea vers la table des boissons, suivi par la foule qui reprenait espoir. Il souleva le drap vert, se pencha en criant bien fort : « Eh bien Kathy, ce n’est pas gentil de continuer à nous faire peur, montre-toi en vitesse !

 

Quand il se redressa son visage était blême, il avait en main quelques vêtements et une perruque blonde … 

 

  MAP

11 octobre 2008

Fin du défi de Papistache (Val)

Les aventures d'Anthelme Poustabosse : Épisode 537 (Papistache)

Résumé du précédent épisode : Anthelme Poustabosse, après s’être rendu au repaire de l’ignoble Dugommoi, savant fou, est lâchement assommé alors qu’il s’apprêtait à mettre la main sur le maroquin du professeur.

 

Un feu d’enfer incendiait littéralement la cheminée. Dos au foyer, Anthelme Poustabosse, chroniqueur au Petit XXIe et présentement ligoté sur sa chaise, sentait arder les flammes qui menaçaient à tout moment de faire exploser la bouteille de gaz que son ennemi juré, le professeur  Dugommoi, avait trainée en face de l’âtre.

 

Nu sur son siège, exposé au feu des buches amoncelées et comprimé par les cordes qui le liaient au dossier et à l’assise, Anthelme frissonnait. Sur ses cuisses, reposait une vipère du Gabon encore engourdie, que le professeur avait sortie d’un bac réfrigéré dans lequel somnolait le venimeux animal. Cependant, Anthelme devinait, aux légères ondulations du reptile, que la chaleur commençait à tirer le serpent de sa torpeur. Quand la vipère aurait recouvré ses esprits, il savait qu’un simple tremblement de sa part provoquerait l’attaque mortelle. Il respirait à petites lampées. La vipère reposait sur son bas-ventre et l’ignoble Dugommoi n’avait pas omis de glisser un DVD pornographique dans la fente idoine du lecteur avant de s’éclipser. Anthleme, les yeux clos, luttait pour ne pas entendre les gémissements des protagonistes ni les bruits humides des corps affrontés. La plus petite érection de sa part exciterait le serpent et lui serait fatale.

 

Sa chaise, dont les pieds de devant  reposaient sur deux gros dictionnaires, menaçait à tout moment de basculer en arrière. Tourner la tête lui aurait été funeste, il aurait entrainé dans sa chute la vipère à la morsure irrémédiablement mortelle et, la corde de piano, nouée d’un bout autour de ses parties génitales  et de l’autre à un vicieux mécanisme installé au plafond, se serait tendue, le soulevant du sol, précipitant sa gorge à la rencontre d’une lourde lame en acier de Tolède, tranchante comme un rasoir.

 

Il avait vraiment contrarié Dugommoi.  D’ailleurs celui-ci, n’avait pu s’empêcher d’injecter un poison à effet retard dans les veines du jeune reporter. Si l’antidote n’était pas administré dans la demi-heure, le cœur d’Anthelme se serrait définitivement et Dugommoi, jamais pris à dépourvu, avait pris soin, au moyen d’un fil de coton, avant de quitter son antre, de coincer l’ampoule salvatrice sous la porte. Ainsi, le premier qui la pousserait écraserait le précieux flacon.

 

Entrer par la fenêtre exposerait notre aventureux ami à une mort certaine. A peine le volet, soigneusement clos, serait-il ouvert, qu’une corde tendue et reliée à la détente d’un fusil au canon scié enverrait une décharge de chevrotines en pleine poitrine du malheureux journaliste trop entreprenant.

 

La vipère ondulait imperceptiblement. Anthelme s’attendait à tout moment à l’explosion de la bouteille de gaz. Les jeunes gens, sur l’écran à plasma dont le son avait été poussé au maximum, s’agitaient à l’unisson. La vipère ne devait pas être provoquée, sinon sa réaction fulgurante abrègerait et la vie de notre héros et ce récit. La chaise, en équilibre précaire, menaçait de précipiter la gorge du pantelant jeune homme à la rencontre de la lame acérée et un poison mortel roulait dans ses veines. À ce moment précis, la gueule noire du fusil lui paraissait un bien futile péril.

 

Dugommoi avait certainement alerté la commissaire Suzy Laguibolle. Connaissant la gaucherie de celle qu’il avait maintes fois  croisée au cours de sa tumultueuse — mais courte — vie à la recherche de la vérité quant aux agissements du monstrueux savant fou, Anthelme ne pouvait s’empêcher d’imaginer le craquement de l’ampoule contenant l’antidote sous la semelle des escarpins de l’officier de police. Son bâillon, fermement noué, l’empêcherait de proférer le moindre avertissement et le bruit du téléviseur allait couvrir ses gémissements.

 

Dehors, les crissements des pneus d’un véhicule équipé d’une sirène polytonale se firent entendre. Des talons hauts et effilés claquèrent sur le perron...

 

La semaine prochaine.
Comment le reporter du Petit XXIe réussira-t-il à se sortir du guêpier dans lequel il s'est fourvoyé ? Vous le saurez, en lisant le cinq-cent-trente-huitième épisode des Aventures d'Anthelme Poustabosse, un feuilleton rocambolesque co-écrit par le Papistache du Défi du Samedi et son prédécesseur  pour la consigne #29 du 4 octobre 2008.

Les aventures d'Anthelme Poustabosse : Épisode 536

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Résumé du précédent épisode :Anthelme Poustabosse, s’étant fourvoyé dans un sacré merdier, redoute sa mort imminente, qu’il imagine comme ayant le doux visage confus du commissaire Laguibolle.

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Poustabosse fermait les yeux de toutes ses forces. Il ne voulait pas voir la porte s’ouvrir. Pourtant il savait que ce n’était plus qu’une question de secondes, et que l’apparition du commissaire Laguibolle tirerait un trait sur ses dernières chances de survie. Cette peur saisissante avait quand même pour avantage de lui avoir fait oublier les gémissements des deux athlètes. Son bas-ventre ne le démangeait plus du tout.

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Contre toute attente, il entendit de nouveau les talons du commissaire Laguibolle claquer sur le perron. Il comprit que la belle était en train de faire demi tour. Certainement que les cris de jouissance des deux tourtereaux devaient s’entendre de l’extérieur, et que la naïve commissaire avait dû penser à une farce de la part de Dugommoi et qu’elle était en train de repartir en direction du commissariat.

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Il était dans de beaux draps, à présent. Bien sûr, il gardait une infime chance de se voir administrer l’antidote, mais il était bien seul face à moult danger qui planait au dessus de lui. La vipère commençait à s’agiter. La chaleur semblait l’indisposer, mais bien moins encore que le sexe du reporter, qui commençait à se raidir. Il faut dire que l’idée que la gauche, mais non moins désirable Suzy ait pu s’émoustiller en croyant entendre deux amants s’en donner à cœur joie de l’autre coté de la porte y était pour beaucoup. La chaleur, si prés du feu, était suffocante. Les bouteilles de gaz se faisaient de plus en plus menaçantes, mais un peu moins que la lame acérée. Avec tout ça, l’immobilité de Poustabosse, malgré sa bonne volonté était de plus en plus précaire. Heureusement pour lui, il ne sentait pas encore les effets du poison qui coulait dans ses veines, et personne ne songerait non plus à ouvrir le volet.

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C’était bien mal connaître la gauche Suzy ! Poustabosse eut le sang glacé quand il aperçut l’ombre du commissaire à travers le volet. La gueule noire du fusil braquée sur lui, qui était jusque là le moindre de ses soucis, devenait la menace la plus critique. Cette frayeur nouvelle eut tout de même pour effet de ramollir son sexe instantanément. D’ailleurs, la vipère, incommodée certainement par les divers mais non moins brutaux changements de température du corps de Poustabosse, ou alors sentant elle aussi que le fusils mettait sa vie en péril, se hissa lentement le long de la cuisse de notre héros pour prendre la fuite.

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A une autre occasion, la retraite de la vipère aurait fait les affaires de Poustabosse, mais dans de telles circonstances il en était presque ennuyé. Quitte à périr percé par des chevrotines, autant qu’une balle perdue touche également l’animal.

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La vipère était maintenant à terre et se dirigeait lentement vers la porte. L’ombre de Suzy restait immobile ou presque derrière le volet. Il semblait à Poustabosse que tantôt elle y collait la joue, tantôt le nez. Il se retenait de gémir pour éviter qu’alertée, elle n’ouvre le volet précipitamment.

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Il imaginait la gauche, mais non moins grivoise Suzy, toute fiévreuse, tentant de picorer en vain quelques bribes de la scène qu’elle devait imaginer très libertine. Cette polissonne derrière le volet, en plus des images diffusées à l’écran, sur lequel l’homme avait maintenant pris sa partenaire par derrière, le faisaient bander comme un taureau. La vipère loin de son engin à présent, il ne retenait plus son érection. Quitte à mourir, il mourrait le membre raide, c'est-à-dire dignement.

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Soudain, des bruits de pas lourds sur le perron vinrent troubler ses pensées cochonnes. Quelqu’un était derrière la porte, et ce n’était pas Suzy, dont l’ombre derrière le volet clos n’avait pas bougé d’un poil. Poustabosse se demanda alors s’il ne valait pas mieux que le commissaire ouvre le volet. Son corps nu serait moins hilarant à voir, percé de mille trous de chevrotines que ligoté sur cette chaise le sexe tendu. Il se remit donc à gémir de toutes ses forces, et se dit qu’au cas ou la gauche Suzy croirait toujours à une scène licencieuse, il se déhancherait de tout son saoul sur sa chaise en équilibre, préférant la froideur de la lame à l’humiliation. Qu’on le trouve ainsi nu, bâillonné, à l’agonie et bandant serait la pire mort qu’il puisse avoir.

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Il resta comme paralysé quand la porte se fendit soudain en deux et qu’il vit un homme au gabarit d’un ours apparaître derrière les deux planches de bois, qu’il éjecta l’une après l’autre de grands coups de pieds.

La vue de la vipère qui en profitait pour prendre la fuite entre les jambes du malabar tatoué ne le consola qu’une demie seconde. Qu’il devait être ridicule en cette position plus qu’embarrassante !

Il hésita à bouger un court instant, mais il eut une lueur d’espoir quand il vit que la démolition de la porte n’avait pas endommagé le flacon contenant l’antidote. Cette expectative s’envola quand l’homme, fou de rage, probablement un voisin dérangé par les gémissements incessants, s’approcha de lui, semblant vouloir lui arracher les yeux.

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Le gros balaise lui hurlait dessus, à présent. Poustabosse gémissait nerveusement, essayant de lui faire comprendre en vain la situation. L’homme ne voulut rien entendre et le traita de tous les noms d’oiseau, pensant avoir affaire à un détraqué qui se faisait du bien en se ligotant devant un film pornographique.

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Alors que l’homme menaçait de lui donner un coup de poing, ce qui aurait eu pour effet de  faire basculer la chaise et de tendre la corde, c’est à dire le soulever du sol par les testicules et le précipiter vers la lame tranchante, le volet s’ouvrit brusquement.

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L’ouverture du volet enclencha la détente du fusil au canon scié, et une décharge de chevrotines tomba en avalanche dans le dos du pauvre baraqué planté devant la chaise de notre ami. Celui-ci tomba sur le coté, au grand soulagement de Poustabosse. S’il lui été tombé dessus, c’était la mort assurée.

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Le silence régnait dans la pièce à présent. Les protagonistes du film porno reprenaient un peu leurs esprits gentiment. Suzy apparut devant Poustabosse, et celui-ci fut satisfait que les gémissements aient cessé. Il aurait eu l’air malin, nu, le sexe tendu en sa direction. Mais c’était sans compter la corde qui était nouée à ses parties génitales.

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Suzy, encore probablement un peu dévergondée par ce qu’elle avait cru entendre derrière le volet plus que par jugeote, prit le parti de lui libérer les parties en premier, ce qui eut son petit effet.

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Elle ne lui en tint pas rigueur, et continua à le détacher. Elle-même avait semble-t-il des choses à se reprocher, ou du moins quelque gêne à expliquer ce qu’elle faisait là, plantée derrière la fenêtre, l’oreille collée au volet.

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Poustabosse se leva, et prit les bouteilles de gaz brûlantes pour les déposer sur le perron, prenant bien soin de ne pas marcher sur le flacon de l’antidote au passage. Suzy voulut l’aider mais notre héros, connaissant par cœur gaucherie du commissaire, préféra décliner l’offre.

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Il ramassa ensuite l’antidote et l’avala d’un trait, puis tous deux éteignirent le feu de la cheminée au moyens de couvertures ramassées ici et là.

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Les gémissements reprirent soudain, d’abord mesurés, puis plus embrassants. Poustabosse, toujours nu, ne put retenir une dernière érection. Le commissaire, légèrement embarrassée, lui lança, un léger sourire aux lèvres : « Allez donc prendre une douche bien fraîche, Poustabosse. Vous avez dû avoir bien chaud. Moi je m’occupe du cadavre ».

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La semaine prochaine.
Comment le reporter du Petit XXIe réussira-t-il à sortir la gauche, mais non moins belle, Suzy Laguibolle de la sordide maison de passe dans laquelle l’horrible Dugommoi l’a enfermée pour l’y faire travailler de force.

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Et le perroquet violet sur la pointe de son pied ;) .

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11 octobre 2008

Fin du défi de Aude (Poupoune)

Gerry Henrard, l’inspecteur le plus sexy de l’ouest et bien au-delà encore était bien ennuyé. Il lui avait été dérobé la sculpture qui trônait sur son bureau depuis de nombreuses années. Il aurait d’autant plus de mal à la retrouver que pour se concentrer il avait la réconfortante habitude de la contempler, voire la caresser distraitement. Et à chaque fois, ça ne manquait jamais, la solution de l’énigme s’imposait à lui, évidente. Il bouclait alors son enquête en quelques heures.

C’était une sculpture assez particulière que lui avait offerte un ami sculpteur : Philippe Mordevol. Elle représentait un sexe de femme. Tous ne s’en apercevaient pas au premier coup d’œil, mais parfois un regard un peu plus attentif se transformait en regard pour le moins surpris quand les personnes présentes dans le bureau de Gerry Henrard s’apercevaient de la forme originale voire originelle de la sculpture. Il était toutefois fort heureux que Gerry ne travaille pas à la brigade des mœurs. Le supérieur de Gerry, le commissaire Clandus ne s’était jamais aperçu de rien. Il croyait encore qu’il s’agissait d’un moulage raté réalisé pour la fête des pères par le fils de Gerry.

Gerry aurait pu demander à Moredevol de lui en vendre une autre mais il attribuait à sa sculpture des pouvoirs magiques.

Il n’avait aucun indice. Les personnes habituelles avaient eu accès à son bureau : ses collègues, son chef et la femme de ménage en qui il avait toute confiance.

 

***

Il faut retrouver la sculpture de Gerry Henrard !

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Mais qui donc a bien pu voler à Gerry Henrard, l’inspecteur le plus sexy de l’ouest et bien au-delà encore, sa vaginale statuette, réalisée par son ami Philippe Mordevol et objet d’inspiration et de superstition auquel l’inspecteur attribue des vertus surréalistes mais pour le moins rassurantes ? 

Tout le monde la trouvait moche ou de mauvais goût, sa sculpture, voire les deux… alors ça ne pouvait être que pour lui nuire et nuire à son travail qu’on la lui avait volée… Mais qui ?

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Parmi ses collègues, certes, les blagues allaient bon train : «  Alors Gerry, on suit la piste d’une chatte sous un doigt brûlant ? » ou encore : « Pour le jour et l’heure du décès, tu crois qu’on a le choix dans la date ? », mais tout ça était plutôt bon enfant, jamais vraiment méchant…

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Et puis il aurait sans hésiter confié sa vie à chacun d’entre eux et tous avaient en lui une confiance tout aussi aveugle alors oui, vraiment, ses collègues étaient au-dessus de tout soupçon.

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Le jour de la disparition de la sulfureuse statuette son chef, le commissaire Clandus, était tout affairé parce que sa femme et son fils venaient le chercher pour partir en vacances : il voulait à tout prix éviter que le gamin ne tombe nez à nez avec une racoleuse dénudée ou un dealer édenté… Alors il avait eu d’autres chats à fouetter… et de toute façon, c’était pas le genre du patron.

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Quant à Elena, la femme de ménage… Pauvre Elena… Déjà rouge de colère et de honte mêlées quand elle crut que Monsieur l’inspecteur la soupçonnait, alors qu’il ne cherchait qu’à reconstituer les dernières vingt-quatre heures de sa sculpturale égérie, elle vira vite carrément cramoisie : chaque jour, méticuleusement, elle prenait, époussetait et soigneusement reposait l’anodine babiole, alors elle réagit à grands cris - « rézousse ! » « Maria ! » - en apprenant ce qu’était réellement l’objet dérobé… Elle se signa, quitta précipitamment le bureau et refusa de revenir y faire le ménage.

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Gerry la soupçonnait néanmoins d’être revenue quand il trouva une chouette clouée sur sa porte… Mais il n’était pas beaucoup plus avancé.

Il chercha un palliatif et essaya de se concentrer sur son presse-papier boule à neige, en le frottant distraitement d’un doigt nerveux, mais l’inspiration ne vint pas et l’énigme de sa sensuelle statuette lui paraissait toujours aussi obscure et insoluble.

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A moins que… Le voleur avait peut-être opéré pour un commanditaire ? Que ne ferait-on pas pour de l’argent… ? Bien sûr cette idée là ne lui plaisait guère, mais il lui fallait bien reconnaître qu’elle tenait la route : Mordevol.

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La nature de ses œuvres et ses liens parfois nébuleux avec certaines affaires sordides lui valaient de tenir une bonne place dans les fichiers des mœurs… Certes il n’avait été suspecté dans aucune affaire dont s’était occupé Gerry Henrard et il n’était connu à la crim’ que pour son amitié avec l’inspecteur, mais c’était quand même dans le cadre d’une enquête conjointe avec les mœurs que les deux hommes s’étaient rencontrés…

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Serait-il possible alors que le ténébreux artiste ait osé abuser l’inspecteur ? Lui aurait-il offert cette sculpture pour la soustraire à l’attention des enquêteurs dans le cadre d’une affaire l’incriminant ? S’agissait-il d’un élément à charge que Gerry aurait malgré lui caché aux autorités, évitant ainsi à son ami d’être inquiété ? Gerry Henrard, l’inspecteur le plus sexy de l’ouest et bien au-delà encore, aurait-il été, à son insu, le complice d’un crime ?

 

L’inspecteur désabusé en était là de ses laborieuses et poussives réflexions, en proie au doute et à la perplexité, quand son supérieur, de retour de vacances, passa la tête à sa porte et lança :

- Ah ! Henrard, faudra me faire penser à vous rendre votre machin, là. Il ressemblait à un truc qu’avait bricolé mon fils pour Noël : je lui avais dit que je l’avais pris pour décorer mon bureau et comme le gamin est passé l’autre jour, je vous ai piqué le vôtre pour qu’y sache pas que j’avais bazardé le sien…

- … ?

- D’ailleurs, c’est marrant, vous savez ce qu’il a dit ? « Papa, pourquoi t’as une zézette sur ton bureau ? » Sans rire ! Ah les mômes, j’vous jure ! 

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11 octobre 2008

Fin du défi de Joe Krapov (Tilleul)

- Six pages et demie ? Vous vous fichez de nous Joe Krapov ? On vous avait dit de faire court !

- Justement, je les ai publiées sur mon blog et je ne vais vous livrer que le résumé !

- Faites vite, alors ! On connaît votre goût pour les parenthèses ! Et votre « Odyssée résumée pour les nuls » contenait quand même 2009 chants !

- Ici, ça commence par un agenda. C’est celui de Francis Carcopino, l’homme d’affaires à propos duquel j’ai écrit la semaine dernière.

- Ainsi donc, le feuilleton continue ! C’est une manie, chez vous !

- Ne m’interrompez pas tout le temps, Papistache, je ne pourrai jamais faire court, sinon !

- D’accord ! D’accord ! Je me tais !

- Voilà le contenu de l’agenda :

Mercredi 24 septembre, la secrétaire du milliardaire collectionneur d’art, Martine Vingt-Trois ne vient pas bosser. Elle ne téléphone pas pour s’excuser de son absence.

Jeudi 25 septembre: le conservateur du Musée des Beaux-Arts de Rennes n’a pas répondu à son courrier. Carcopino va devoir racheter le tableau d’Isaure Chassériau qui lui avait été prêté et qui a été mystérieusement endommagé.

Vendredi 26 septembre : Martine 23 n’a toujours pas donné signe de vie et il se morfond car il ne peut pas aller « toucher à ses boîtes de cigares dans le bureau ovale » en son absence.

Lundi 29 septembre à 9 h : son équipe de foot a gagné son match, ça le met en joie mais en arrivant au boulot il apprend que sa boîte a été victime d’un casse. Visiblement, on n’a rien dérangé ni dérobé mais à 10 h il s’aperçoit qu’on a volé le tableau représentant Isaure dans le bureau de Martine 23. A 15 heures, en utilisant un faux nom, « Jmechov » et une identité de marchand de bois et charbon, il se rend chez un détective privé nommé Florent Fouillemerde. Quand celui-ci apprend qu’il s’agit de retrouver Isaure Chassériau, il refuse l’affaire malgré « le nombre considérable de zéros inscrit sur le chèque ».

Mardi 30 septembre à 9 heures du mat’ : il a l’impression d’être suivi par une Ami 6 Citroën depuis la veille. A 10 heures, il reçoit un coup de fil. Un mystérieux « Front de libération des Prairies Saint-Martin canal historique » lui réclame 700 milliards de dollars en échange d’Isaure Chassériau et réclame le droit pour un groupe de rock nommé « Les Galeries Lafaillite » de jouer l’année prochaine lors de la braderie du canal. Il refuse.

A 11 heures, un artiste qui veut lui vendre une installation à base d’un tableau antique et de trois cocottes-minutes lui donne rendez-vous dans la rue Saint-Louis à Rennes. Il se promet d’acquérir l’œuvre si elle n’est pas trop chère.

Fin de l’agenda. C’est cet après-midi là qu’on procède à son enlèvement dans la rue en question. Le principal témoin, placé en garde à vue, est interrogé par la police puis relâché. Il s’agit d’un détective privé nommé Florent Fouillemerde, qui se déplace en Ami 6 et qui nie avoir pris des photos dans cette rue, de même qu’il n’a pas reconnu, sous le pseudonyme de Jmechov, le célébrissime milliardaire Carcopino.

Quand il sort du commissariat, Fouillemerde examine les photos qu’il a prises dans la rue Saint-Louis et se demande s’il va se mettre en chasse du milliardaire pour toucher la prime promise.

- Et ?

- Et puis c’est tout. Voilà la photo ci-dessous. Et le détective a très bien vu trois femmes embarquer Jmechov dans la 4L à l’arrière de laquelle se trouvait un grand coffre en osier.

- Une histoire dans laquelle une secrétaire, un tableau, un milliardaire et un témoin disparaissent au bout d’une page…

- Six pages et demie, Papistache, c’est vous qui m’avez demandé de raccourcir.

- Ca reste quand même assez, comment dirai-je… ?

- Inextricable ?

- C’est celaaaa, oui !

- C’est ce qui était demandé, aussi !

- Eh bien merci Joe Krapov ! Bon amusement pour la personne qui vous a précédé et qui va devoir composer avec tout cela pour raconter la suite !

Quand Joe Krapov s’en va, Papistache s’interroge sur « Val et Cie » et sur la plaque d’immatriculation TTC 59. Pourquoi donc Mamoune serait-elle mêlée à tout cela ?

Monsieur le Commissaire,

Comme promis, je vous envoie le rapport de mes investigations. (Constatez-le par vous-même, vous avez bien fait de me relâcher…)

Appelé le lundi 29 septembre chez Monsieur Jmechov pour élucider le vol " d’une fille en rose, avec des couettes et l’air nunuche ", je crois qu’il s’agit de son épouse…, je refuse le contrat… nulle envie d’infiltrer la mafia russe. En 1999, déjà, j’avais reçu un sérieux avertissement.

Avec mon ami 6 (petite voiture bien pratique pour passer inaperçu), je le prends néanmoins en filature. J’apprends que ce monsieur est en fait, le milliardaire Francis Carcopino, collectionneur mais surtout big boss de l’équipe de football de Rennes…

Puisqu’il s’agit de recevoir une prime, je commence mon enquête.

     

  1. En fouillant dans ce milieu du sport, je découvre les tricheries, pot de   vin…

Carcopino pense qu’il peut tout acheter. Les autres clubs essaient de le coincer. Ils en ont assez de perdre les matches qui les opposent à Rennes.

    2.  De fil en aiguille, j’arrive dans les locaux de l’équipe de La Rochelle. C’est de là qu’a été

         lancée, l’idée d’enlèvement de ce magnat du foot. Val, la trésorière du club, aidée de

         deux copines (l’une résidant en Outre Manche et l’autre, barmaid à la rue saint Louis

         à Rennes), Val donc, est propriétaire d’une R4 (elle aurait craqué pour ce véhicule

         décoré nouveau style cool et fun…) et d’une grande malle en osier, reçue en juillet,

         lors de son mariage…

     

  1. Janeczka (puisqu’il s’agit bien d’elle), sa comparse, aurait préféré   s’installer au volant
  2.  

    (son permis de conduire est très récent…), mais en jouant sur son ukulélé,   elle était censée distraire le collectionneur…

     

  3. La barmaid, amie des deux autres, a attiré le futur otage avec un motif   bidon (la
  4.  

    vente d’un soi-disant tableau de trois cocottes…), et de son plus beau   sourire, l’a

     

    persuadé de grimper dans la malle… (La troisième du trio aurait pu être   Mamoune mais elle était occupée à cuire de bons spéculoos à distribuer à   l’issue d’un concert rock…)

     

  5. Le samedi 4 octobre, Janeczka (absente pour le défi du samedi), embarquait   avec

un " gros " bagage, pour une destination lointaine… peut-être une île au nord…

Sur son blog, un seul mot : " away for the weekend "

Voilà, Monsieur le Commissaire, l’explication de cette disparition.

Les temps sont durs. Je compte sur votre diligence pour m’envoyer la prime méritée.

Votre dévoué détective privé,

Florent Fouillemerde.

P.S. Pour élucider le reste de cette affaire, vous pouvez jeter un œil sur le document

ci-joint... Ne me demandez pas comment je me le suis procuré… secret professionnel !

 

 

Extraits du journal intime de Martine23 Duval.

Secrétaire " pas duraille en affaires ni fute-fute en quoi que ce fût… "

Mardi 22 juillet 19h30

J’ai bien attrapé mon patron (qui me considère comme une mijaurée ). Il aurait voulu que je choisisse un Picasso (son billet d’entrée lui donnant droit à une œuvre de son choix) et j’ai ramené le portrait d’Isaure Chassériau. Tableau de 1838, peint par mon aïeul, (élève d’Ingres), Eugène Amaury Duval. L’esprit de famille, c’est sacré !

Mercredi 23 juillet 18h30

Francis Carcopino (mon boss milliardaire, collectionneur d’œuvres d’art), n’apprécie pas la peinture de feu mon arrière arrière grand-père… " C’est un tableau qui parait relever du pire néo classicisme tendance mou du bulbe ! " dit-il… Il sursaute chaque fois qu’il sort de son bureau ovale et qu’il aperçoit le trésor suspendu dans l’antichambre où je travaille…

Maintenant, " au lieu d’une cruche, j’ai deux gourdes "… Ce sont ses propres mots !

Vendredi 25 juillet 7h10

J’ai retrouvé dans le fond du grenier, une croûte de Gene Séki (peintre moderne qui puise son inspiration dans les décors du dix-neuvième siècle). Une porte gris-ciel, des moulures, un rideau bleu… on jurerait le fond de la toile qui m’est chère.

Je vais jouer un tour à ce monsieur, collectionneur peut-être, mais pas connaisseur… Traiter un si beau tableau de " peinture figurative atone, monotone et autochtone "… !

Lundi 28 juillet 7h10

La tête qu’il va tirer, quand il va s’imaginer que le " radis rose " s’est fait la malle… Hier soir, j’ai échangé les tableaux… L’essai de Gene Seki est accroché à la place de l’autre…

Lundi 28 juillet 19h30

Il n’a rien remarqué ! Faut dire que je suis bonne comédienne ! Il s’imagine que la toile est hantée…

Vendredi 1° aout 19h30

Ma nièce, élève à l’Académie des Beaux Arts, (en repos chez moi avec une entorse à la cheville) a voulu " embellir " Isaure de Chassériau… Elle lui a peint un chapeau sur la tête et elle a même ajouté une étiquette " press ". Quel gâchis !

Tant pis ! Cette nuit, je vais de nouveaux échanger les tableaux… Et chaque samedi, la belle réapparaitra pour disparaitre chaque lundi. Il ne s’imagine pas de quoi est capable une demeurée… Ah ! Il n’aime pas qu’on se moque de lui, ce milliardaire…

Mercredi 24 septembre 10h

Je ne supporte plus les brimades, marmelades, engueulades, tocades de Carcopino… C’est décidé, j’arrête de travailler ! " La môme Chassériau, celle qui est en rose et qui a des couettes " restera chez moi… J’ai un bon plan qui va me faire gagner beaucoup d’argent !

Rira bien qui rira le dernier !

11 octobre 2008

Fin du défi de Thétis (Joe Krapov)

Il faisait chaud, une chaleur moite, désagréable. Charlie était étendu sur le trottoir depuis trois heures déjà, évanoui. Peu à peu il émergea du brouillard où se trouvait son esprit, le corps en sueur et la tête lourde. Que s’était-il donc passé ? Il ne comprenait rien…

Ce dimanche matin, il avait trouvé une lettre sans timbre dans sa boîte aux lettres, enfin, une lettre… disons plutôt un gribouillage informe qui alignait les mots suivants :

« Retrouvez-moi à 13h au 2 bd Jasmin derrière le muret en briques. J’ai besoin d’aide, vous êtes mon dernier recours.  Signé : Clémentine. » 

« Clémentine ? Clémentine ? Mais je ne connais pas de Clémentine », se dit-il. Il cherchait dans ses voisins, sa famille, ses amis, ses collègues… Rien… Et puis soudain, ce fut le flash. Clé-men-tine ! Une élève de troisième qui avait quitté progressivement le collège l’année passée en décrochant de tout l’univers scolaire.  Il ne voyait qu’elle. Mais c’était étonnant. Trois mois sans nouvelle et puis ce message venu de nulle part… Il avait été son prof de français pendant quelques mois et son professeur principal aussi, c’est vrai. Ils avaient discuté parfois de son avenir à elle, des discussions franches mais sans lendemain… Il en aurait le cœur net. Il irait, c’était décidé.

Et la matinée s’était déroulée lentement, très lentement, jusqu’à ce qu’il soit enfin temps de se rendre au lieu du rendez-vous. Enfin !… Charlie avait imaginé ce qu’il pourrait lui dire, les questions à lui poser, la réserve à arborer pour ne pas effrayer la jeune fille…Cela ne l’empêchait pas de sentir son ventre se nouer. Lui, le prof, ne pouvait plus se cacher derrière son estrade ou son bureau. Il avançait là, seul dans la rue, et tourna bientôt à l’angle de la rue Jasmin. Sa montre indiquait 13h pile.

A peine avait-il traversé la rue pour atteindre le n°2 qu’une silhouette apparut derrière le muret. Oui c’était bien elle. Mais comme elle semblait amaigrie, le regard triste et le cheveu gras. Charlie avait du mal à la reconnaître. En l’approchant, il essaya de cerner davantage l’état dans lequel elle se trouvait et réalisa alors que ses bras étaient couverts d’hématomes. La jeune fille était loin de l’image de l’élève rebelle refusant de se soumettre au règlement intérieur de son établissement scolaire. On aurait dit  un oisillon tombé de sa branche, dans toute l’étendue de sa fragilité.

«  Que se passe-t-il Clémentine ? Dans quel état es-tu ? Pourquoi m’as-tu contacté ?... »,  s’exclama Charlie. Il avait du mal à retenir le flot de ses questions mais les mouvements trébuchants des lèvres de son élève l’obligèrent à se taire. « Je… Je… J’ai besoin de vous, bredouilla-t-elle. Je ne savais plus à qui demander. Je suis désolée de vous embêter. Je me suis fourrée dans une m… Euh pardon… Je ne peux plus rentrer chez moi, mon père va me … Mon mec est fou… Ma mère, je n’en parle même pas, de toute façon, elle a ses problèmes… » Charlie écoutait attentivement tous ces mots qui se déversaient hors de sa bouche, sorte de soubresauts d’autodéfense qui, elle l’espérait apparemment, allaient lui apporter une réponse salvatrice. Mais de phrase en phrase, il comprenait de moins en moins ce qu’elle attendait de lui. Il était question de drogue, de trafic, d’erreur commise. Au final, il l’interrompit et tenta un résumé de la situation : « Clémentine, tu as aidé ton copain et les choses ont mal tourné ? C’est çà ? » Un hochement de tête le poussa à poursuivre. « Tu n’as pas transmis la drogue à la bonne personne, tu n’as pas récupéré l’argent attendu et il t’en veut maintenant, enfin ils t’en veulent, c’est çà ? » Même hochement de tête silencieux.

Charlie sentait Clémentine honteuse de ses révélations. Lui-même ne se sentait pas très à l’aise mais il ne pouvait plus reculer, elle comptait sur lui. « Mais qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ? J’ai du mal à comprendre ce que moi je peux faire pour toi. - Mais, monsieur, je n’ai nulle part où aller. Ils vont me tuer. J’vous jure », articula-t-elle difficilement. Charlie n’en revenait pas. Comme la vie plongeait dans le sordide, qu’on était loin de sa vision du monde dans cette rue… Mais enfin ce n’était pas le moment de se laisser aller à une réflexion sur le monde, il fallait agir et prendre cet être blessé sous son aile. Elle s’était raccrochée à la dernière branche qui lui semblait exister, il ne pouvait pas la laisser tomber. « D’accord, suis-moi. Allons chez moi, on va essayer de régler le problèm… » Mais à peine avait-il fini sa phrase que Clémentine sursauta et fit virevolter ses regards tout autour d’elle. Un bruit l’avait alertée. Elle se mit à courir en pleine rue, affolée, et lui tenta de la suivre. Mais, le temps qu’il réagisse, quelqu’un s’était glissé derrière lui, il le sentait. Le dernier regard qu’il porta fut sur une pochette couleur châtaigne que Clémentine avait laissée tomber de sa poche en s’enfuyant ; elle dépassait à peine du caniveau.

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La princesse de Clèves. 2 (suite du texte de Thetis par Joe Krapov)

Je regarde à nouveau ma montre. Il est réellement 16 h 15 ! Comment est-il possible que je sois resté étendu inconscient près de trois heures dans cette rue à deux pas de la dalle d’Argenteuil un dimanche après-midi ? J’entreprends de me redresser.

Ca va. Je n’ai rien de cassé et à part la bosse comme un oeuf de pigeon derrière le crâne, une douleur au bras droit et l’engourdissement général qui suit les sommeils profonds, ça va. Pour en avoir confirmation, je vais me planter devant la vitrine de l’épicier de nuit, juste en face du banc public au pied duquel j’étais allongé. L’Arabe à l’intérieur me regarde d’un air inquiet puis il retourne à sa clientèle.

Evidemment, la pochette couleur châtaigne que Clémentine avait laissé tomber a disparu. Je tâte mes poches : j’ai toujours mon portefeuille et mes clés. Il est plus que temps de rentrer à la maison. Mon épouse va finir par s’inquiéter. Et j’ai besoin d’un remontant pour réfléchir à la façon dont je vais sortir cette gamine de la mouise.

***

La douleur à l’intérieur du bras, c’est la trace d’une piqûre, protégée par un tampon ouaté et un sparadrap. Clothilde et moi frémissons d’horreur en découvrant ce truc. En plus de m’avoir assommé, ces salauds-là m’auraient-ils injecté de leur saloperie ? J’ai soudain un étourdissement. Je vais m’allonger et Clothilde appelle le docteur Olive.

***

J’ai dormi une heure et ça m’a fait du bien : j’ai trouvé un plan pour rebondir ! Quand le docteur arrive, nous ne lui parlons que de la bosse et d’un accident domestique. Il a l’air sceptique mais me met en arrêt pour deux jours. Dès qu’il a descendu l’escalier, je saute du lit, m’habille et sors.

***

Madame Josiane est l’intendante du Collège. Clés, comptabilité, monnaie pour la cantine, permanence du dimanche. Elle part en retraite bientôt et il est sûr qu’on la regrettera ici. Elle vient m’ouvrir la grille et m’emmène au service de scolarité. En farfouillant dans les fichiers, je finis par dégoter « Dupuis Clémentine ». De 2003 à 2007, ses parents ont habité au 15 de la rue Paul Vaillant-Couturier. Pourvu qu’ils y soient encore !

***

Sébastien Douillet est policier et c’est une baraque. Je l’ai connu à l’époque où il y avait encore une police de proximité et où on jouait au foot après la classe avec les élèves du bahut. Il veut bien m’accompagner chez les parents mais m’engueule parce que ça va lui faire rater « Le masque et la plume ». Je lui dis que c’est podcastable et urgent. Il bougonne et on se donne rendez-vous au 15 de la rue PVC à 20 h.

***

C’est une maison de brique. Je frappe à la porte, un peu angoissé, et m’attends à voir surgir un alcoolo hystérique armé d’un fusil à pompe et… pas du tout ! La petite dame nous fait entrer dans le séjour où elle et son mari, un petit bonhomme rondouillard à lunettes, regardent le journal télévisé. Ils ne comprennent rien à mon histoire d’agression et encore moins quand je parle de SOS femmes battues et d’un trafic de drogue auquel leur fille serait mêlée. Pire, ils me regardent comme si j’étais moi-même une espèce de junkie et seule la présence du balaise à l’air doux qui est à mes côtés les empêche de me prendre pour un taré. Sébastien est d’ailleurs le seul flic rassurant que je connaisse en ce bas monde.

- Notre fille est rangée des voitures, commente le père, et encore, elle ne nous a jamais vraiment causé de souci. Malgré ses problèmes en troisième elle a quand même eu son brevet et elle a trouvé du travail dans une troupe de théâtre. Et puis elle est stabilisée, elle est fiancée avec un médecin urgentiste plus vieux qu’elle mais tout ce qu’il y a de bien.

Je sors un peu confus mais avec ce que je souhaitais obtenir : l’adresse de la fille chez son copain à… Neuilly-sur-Seine ! Le toubib s’appelle Gilles Lepape-Carpentier. Sébastien maugrée pour sa soirée fichue.

- Tu vas pouvoir écouter un bout du Masque sur ton autoradio pendant qu’on roule ! »

***

Eux habitent un appartement dans une résidence de luxe et il faut que Sébastien montre sa carte barrée de tricolore pour que le gardien nous ouvre et nous laisse accéder au 3e étage. Je sonne. Je perçois un changement de luminosité au niveau du judas mais la personne derrière la porte n’ouvre pas.

- Clémentine ? C’est vous ? C’est Charlie. Je viens pour vous aider ! »

- Allez vous en ! Je n’ai plus besoin de vous. Mes problèmes sont résolus. Je ne vous ouvrirai pas. »

Ca énerve Sébastien qui sort du renfoncement dans lequel il était dissimulé.

- Police, mademoiselle. Ouvrez ! »

S’ensuit un grand silence. On imagine des bruits de pas à l’intérieur puis on entend celui des barres de sécurité qu’on déverrouille. Un jeune type en cravate nous fait face, très calme et sûr de lui.

- Vous avez un mandat de perquisition ? »

- Non, avoue Sébastien, mais… »

- Je veux bien recevoir monsieur, mais pas vous ! »

Sébastien m’interroge du regard et je lui fais signe que c’est bon, qu’il m’attende.

***

- Qu’est-ce que vous voulez monsieur Mence ? » me demande-t-il.

Avant de lui répondre, je contemple Clémentine. De sa robe à fleurs à manches courtes ressortent deux bras inquiets mais sur la peau desquels ne se remarque plus aucun hématome. Son visage, maquillé, est resplendissant et l’adolescente frondeuse que j’ai côtoyée jadis et qui avait repris son look de marginale ce midi s’avère être devenue une très jolie jeune femme.

Il faut s’attendre à tout de la part d’une comédienne !

- Vous allez bien monsieur Mence ? Est-ce que votre hématome se résorbe comme il faut ? »

Il se fout de ma gueule ou quoi ?

- Quand on vous a amené dans mon service cet après-midi, ça saignait pas mal. Le voyou qui vous a fait ça ne vous a pas raté. Nous vivons de bien tristes temps d’insécurité, voyez-vous ! Cette dalle d’Argenteuil, il aurait vraiment fallu la nettoyer. Au Kärcher, ça aurait été bien ! Mais pourquoi allez vous vous promener dans ces rues-là, monsieur William ? »

Il connaît Léo Ferré et il se paie ma tronche, ce petit con !

- On a dû vous faire une piqûre. A cause de votre délire sur la drogue, les Tangerine dreams, vos histoires de clémentines et de châtaignes. Une vraie pochette-surprise toute pleine d’incohérences, votre discours. Rassurez-vous, ce n’était qu’un sédatif. Bon, peut-être que la seringue avait déjà servi. On nous recommande tellement de faire des économies, à l’hôpital, alors… Bien sûr, il y a aussi des risques d’infection noscomiale et puis, avec tous ces drogués qui atterrissent dans nos couloirs et qui laissent traîner leurs seringues un peu partout, le risque de confusion n’est jamais écarté, n’est-ce pas ? »

J’ai envie de lui sauter à la gorge à ce salaud mais je me retiens. Je veux tout comprendre et je sens qu’il va tout me dire.

- Au fait, je suis désolé, mais on n’a pas pu vous garder bien lontemps. En ce moment on refuse du monde chez nous, le dimanche. On n’a même pas eu le temps de vous inscrire sur le registre des entrées-sorties, c’est dire ! Dommage, hein ?

- Bon, allez, je vais être beau joueur. Pourquoi moi ? Et pourquoi tout ce cinéma ?

- Ca devrait vous plaire, monsieur Mence, le cinéma. Vous ne vous occupiez pas du ciné-club au Lycée Romain Rolland autrefois avant d’être muté au collège Jean-Jacques Rousseau ?

- Si mais… Je ne vois pas…

- Ne cherchez pas par là. Pensez plutôt littérature. Vous êtes prof de français, non ? Vous n’êtes jamais venu à Neuilly ?

- Je n’ai pas souvenir…

Et puis si, ça me revient. Je lui hasarde :

- 2000 ? 2001 ? L’épreuve de français du baccalauréat ? »

- Bravo, mister Mence ! Vous m’avez donné 1 sur 20 après m’avoir interrogé sur la préciosité dans « La Princesse de Clèves ». Vous êtes sûr que vous n’étiez pas un peu sadique, vous, à l’époque ? »

- Je pourrais porter plainte pour coups et blessures et voire plus pour cet après-midi ! »

- Voyons, monsieur Mence ! A l’heure où vous avez été agressé, j’étais à la clinique. Et Clémentine au cinéma. Elle a eu grand soin de conserver son ticket. Je vous raccompagne, monsieur Mence. Croyez-en le corps médical, il n’y a pas de bobo, juste un œuf de pigeon qui va s’envoler comme par magie et quelques inquiétudes supplémentaires. Il y a plein de choses pires qui auraient pu vous arriver : vous réveiller attaché par une menotte à un cadavre d’homme roux. Ou ligoté tout nu sur une chaise avec une vipère endormie dans un carton sur vos genoux ! »

Je tourne mon regard vers Clémentine mais cette péronelle pouffe de rire dans son coin comme une ravissante idiote qu’elle a toujours été.

***

On est ressortis dans une nuit plus noire encore que celle que j’avais connue de 13 h à 16 h. J’avais vraiment le « Neuilly blues » de Gilbert Laffaille mais c’était beaucoup moins drôle. Je n’ai rien dit de tout cet échange à Sébastien. Je me suis excusé platement du dérangement et je l’ai invité à dîner samedi prochain. Je lui ai demandé de me déposer sur le lieu de l’agression.

***

L’épicier de nuit s’appelle Mohamed. Très sympa. Je lui ai acheté deux bouteilles de son Sidi Brahim plus une bouteille de cidre finistérien et il m’a confirmé qu’il avait bien tout vu de l’agression. C’est un infirmier en blouse blanche qui m’a filé un coup de gourdin sur le citron et un autre qui conduisait l’ambulance s’est pointé aussitôt après pour m’embarquer comme si j’avais juste fait un malaise dans la rue. Vers quatre heures, ils sont revenus me déposer sur le banc où je n’étais plus pour les rares passants qu’un S.D.F. comme un autre.

***

J’ai fait un test de dépistage du virus du VIH. A cause de ce con de Lepape, Clothilde et moi avons fait abstinence pendant tout le temps où j’attendais les résultats : elle n’aime pas les préservatifs.

***

Le test s’est révélé négatif, heureusement. Et maintenant je donne une note minimum de 10 à tout le monde quand je corrige une copie ou que je note des élèves.

- « Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre », c’est de La Fontaine, pas de Mallarmé ! Vous auriez pu bosser un peu, quand même. Je mets dix pour le déplacement ! ».

11 octobre 2008

Fin du défi de Rsylvie (Joye)

La partition inachevée (Rsylvie)

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Emberlificotons, le  héros de notre aventure n’en était pourtant pas à sa première !

Et malgré cela, il s’était fait prendre comme un jeune débutant. Il était retombé une fois de plus dans ses filets. Mais quelle mouche l’avait piqué aussi, de répondre à cette fanfaronnade, lui qui a déjà bien du mal à se lever le matin. Alors un défi ! Vous parlez d’une histoire.


D’autant plus qu’Emberlificotons

devait commencer une partition

qui serait finie

par un autre… seulement voilà,

 après avait donné vie, accepter que ce soit un autre

qui finisse une si belle romance ?

C’était impossible…. Il connaissait la musique,

croches et doubles noires.

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Tout cela sur une même portée

en ayant bien fait attention aux nombreux dièses

ou bémols en début de clé de sol. Mais peut-être était ce une clé de fa ?

Quoique les mélodies des frères Scot

des années sixties soient aussi mélodieuses à pianoter !

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Pianoter vous savez, jouer avec les doigts

d’une blanche vers une ronde,  sauter d’une branche à l’autre,

en visitant une noire ou deux au passage. Le tout sur un rythme soutenu,

pour ne pas tomber de l’arbre. Un accident est si vite arrivé.

On ne s’imagine pas combien cela peut glisser la mousse.

Surtout le matin, quand la rosée est encore fraîche et les feuilles

 inondées de gouttelettes d’eau de rose.

Emberlificotons aime écouter la pluie le matin.

Seulement voilà il n’est pas du matin. Alors relever un défi un dimanche matin… quel dilemme ?

Que même un orchestre au grand complet ne pourrait débrouiller. Et cela,

 Miss Marple l’avait compris aussitôt la première mesure jouée. 

C’est pourquoi déclara-t-elle, aussitôt après avoir pénétré dans la chambre du major, qui pendant l’hiver 1828 ou en 29 au moment de l’expédition du grand nord s’était pris les pieds dans une partition laissées traîner malencontreusement par Félix, un jeune journaliste amateur de petits rats….

Ce ne peut être lui » !

Et tous, de se regarder en murmurant,

mais alors, qui avait massacré la partition » ?

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 Allez, cette affaire sera réglée comme du papier à musique, se pensa Miss Marple.

 -- Emberlificotons, lui fredonna-t-elle…

  

  Leurs regards se rencontrèrent

                                    comme deux points d’orguepoo

au milieu de la salle…

-- Yes, Miss Marple ? lui gazouilla-t-il, son basso profondo faisant écho

comme de l’eau

qui bruit et qui chante…

-- Emberlificotons, aimez-vous Brahms ?

Le jeune compositeur, ne sachant plus que faire de ses dix doigts

se précipita, ma pianissimo, vers le clavier.

Miss Marple, désaccordée par son impromptu,

ma non troppo,

comprit ce qu’orchestrait l’habile Emberlificotons,

et d’un coup, cria :

« NON ! NE TIREZ PAS SUR LE PIANISTE ! »

puis s’évanouit…

Quand elle reprit enfin conscience,

on lui apprit qu’Emberlificotons,

eut décidé,

alla toccata,

de faire une fugue,

ayant échoué, honteusement,

à son Bach.

parti

6 octobre 2008

Ont déjà achevé les textes de leurs camarades:

Joye, Joe Kaprov, Tilleul, Poupoune,Val, MAP, Rsylvie, Thétis, Martine27, Pandora, Jaqlin, Aude, Caro Carito, Tibo, Tiphaine, Papistache

5 octobre 2008

Additif à la consigne #30

Chers tous,

Si vous pouviez copier-coller le texte de votre partenaire de la semaine, en début de votre réponse, nous pensons que la lecture de votre défi en serait facilitée, évitant ainsi de fastidieuses allées et venues d'un demi-texte à l'autre.
Séparez les deux textes par un signe qui nous permette de les repérer rapidement, par exemple :

***


Si vous avez déjà envoyé votre texte, l'un de nous trois se chargera de le faire à votre place, idem pour ceux qui ne seraient pas familiers de la manipulation.

Bonne écriture et à samedi 9 heures.


Janeczka, Val et Papistache

5 octobre 2008

Défis #29 & #30

Voili, voilou,

nous avons pensé, pour ce début octobre, à un défi en deux temps :

1ère semaine :
Quelque chose comme ça :

Emberlificotons le  héros d'un récit policier ou d'aventures (pas de fantastique ni de science-fiction)  dans une situation, la plus inextricable possible, que nous nous garderons absolument de dénouer.
a/ Ne faisons pas trop long, mais donnons quand même un peu de grain à moudre à notre suivant. Car suivant il y aura !

b/ Évitons également les univers trop personnels dans lesquels notre suivant pourrait avoir du mal à se glisser.

2e semaine :

En effet, la semaine qui suivra, un autre participant du défi sera chargé de terminer notre défi et nous... par voie de conséquence, nous aurons à charge de parachever le texte d'un camarade de jeu.

a/ Il nous faudra tenter de préserver l'ambiance initiée par le premier auteur.

quifait_quoi
Comprendre que le titulaire du premier pseudo de chaque ligne

poursuit (achève) le texte du titulaire du second pseudo de la même ligne.

Samedis 4 et 11 octobre

samedidefi@hotmail.fr

4 octobre 2008

Thétis

Il faisait chaud, une chaleur moite, désagréable. Charlie était étendu sur le trottoir depuis trois heures déjà, évanoui. Peu à peu il émergea du brouillard où se trouvait son esprit, le corps en sueur et la tête lourde. Que s’était-il donc passé ? Il ne comprenait rien…

 

Ce dimanche matin, il avait trouvé une lettre sans timbre dans sa boîte aux lettres, enfin, une lettre… disons plutôt un gribouillage informe qui alignait les mots suivants :

« Retrouvez-moi à 13h au 2 bd Jasmin derrière le muret en briques. J’ai besoin d’aide, vous êtes mon dernier recours.  Signé : Clémentine. » 

« Clémentine ? Clémentine ? Mais je ne connais pas de Clémentine », se dit-il. Il cherchait dans ses voisins, sa famille, ses amis, ses collègues… Rien… Et puis soudain, ce fut le flash. Clé-men-tine ! Une élève de troisième qui avait quitté progressivement le collège l’année passée en décrochant de tout l’univers scolaire.  Il ne voyait qu’elle. Mais c’était étonnant. Trois mois sans nouvelle et puis ce message venu de nulle part… Il avait été son prof de français pendant quelques mois et son professeur principal aussi, c’est vrai. Ils avaient discuté parfois de son avenir à elle, des discussions franches mais sans lendemain… Il en aurait le cœur net. Il irait, c’était décidé.

Et la matinée s’était déroulée lentement, très lentement, jusqu’à ce qu’il soit enfin temps de se rendre au lieu du rendez-vous. Enfin !… Charlie avait imaginé ce qu’il pourrait lui dire, les questions à lui poser, la réserve à arborer pour ne pas effrayer la jeune fille…Cela ne l’empêchait pas de sentir son ventre se nouer. Lui, le prof, ne pouvait plus se cacher derrière son estrade ou son bureau. Il avançait là, seul dans la rue, et tourna bientôt à l’angle de la rue Jasmin. Sa montre indiquait 13h pile.

A peine avait-il traversé la rue pour atteindre le n°2 qu’une silhouette apparut derrière le muret. Oui c’était bien elle. Mais comme elle semblait amaigrie, le regard triste et le cheveu gras. Charlie avait du mal à la reconnaître. En l’approchant, il essaya de cerner davantage l’état dans lequel elle se trouvait et réalisa alors que ses bras étaient couverts d’hématomes. La jeune fille était loin de l’image de l’élève rebelle refusant de se soumettre au règlement intérieur de son établissement scolaire. On aurait dit  un oisillon tombé de sa branche, dans toute l’étendue de sa fragilité.

«  Que se passe-t-il Clémentine ? Dans quel état es-tu ? Pourquoi m’as-tu contacté ?... »,  s’exclama Charlie. Il avait du mal à retenir le flot de ses questions mais les mouvements trébuchants des lèvres de son élève l’obligèrent à se taire. « Je… Je… J’ai besoin de vous, bredouilla-t-elle. Je ne savais plus à qui demander. Je suis désolée de vous embêter. Je me suis fourrée dans une m… Euh pardon… Je ne peux plus rentrer chez moi, mon père va me … Mon mec est fou… Ma mère, je n’en parle même pas, de toute façon, elle a ses problèmes… » Charlie écoutait attentivement tous ces mots qui se déversaient hors de sa bouche, sorte de soubresauts d’autodéfense qui, elle l’espérait apparemment, allaient lui apporter une réponse salvatrice. Mais de phrase en phrase, il comprenait de moins en moins ce qu’elle attendait de lui. Il était question de drogue, de trafic, d’erreur commise. Au final, il l’interrompit et tenta un résumé de la situation : « Clémentine, tu as aidé ton copain et les choses ont mal tourné ? C’est çà ? » Un hochement de tête le poussa à poursuivre. « Tu n’as pas transmis la drogue à la bonne personne, tu n’as pas récupéré l’argent attendu et il t’en veut maintenant, enfin ils t’en veulent, c’est çà ? » Même hochement de tête silencieux.

Charlie sentait Clémentine honteuse de ses révélations. Lui-même ne se sentait pas très à l’aise mais il ne pouvait plus reculer, elle comptait sur lui. « Mais qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ? J’ai du mal à comprendre ce que moi je peux faire pour toi. - Mais, monsieur, je n’ai nulle part où aller. Ils vont me tuer. J’vous jure », articula-t-elle difficilement. Charlie n’en revenait pas. Comme la vie plongeait dans le sordide, qu’on était loin de sa vision du monde dans cette rue… Mais enfin ce n’était pas le moment de se laisser aller à une réflexion sur le monde, il fallait agir et prendre cet être blessé sous son aile. Elle s’était raccrochée à la dernière branche qui lui semblait exister, il ne pouvait pas la laisser tomber. « D’accord, suis-moi. Allons chez moi, on va essayer de régler le problèm… » Mais à peine avait-il fini sa phrase que Clémentine sursauta et fit virevolter ses regards tout autour d’elle. Un bruit l’avait alertée. Elle se mit à courir en pleine rue, affolée, et lui tenta de la suivre. Mais, le temps qu’il réagisse, quelqu’un s’était glissé derrière lui, il le sentait. Le dernier regard qu’il porta fut sur une pochette couleur châtaigne que Clémentine avait laissée tomber de sa poche en s’enfuyant ; elle dépassait à peine du caniveau.

 

 

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