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Le défi du samedi
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25 juin 2009

intérieurs nuit (tiniak)

Et puis ce fut le noir complet.

La lourde porte réputée inviolable avait cédé comme prévu. Il leur restait quinze bonnes minutes pour achever de boucler leurs trois sacs bourrés de coupures de dix, de vingt et de cent, puis déguerpir avant que le brouilleur de codes électroniques ne soit repéré pas la prochaine mise à jour du système.

Elle avait mis les petits plats dans les grands, c'était peu de le dire. Elle recevait quelques collègues et leur chef de département. Parmi ces huit invités, il y aurait le beau Sean. Tout était fin prêt, des petits encas au soufflet dans le four qui croûtait gentiment – thermostat six. Elle se résolut à passer sa dernière acquisition vestimentaire : une folie, bien sûr.

Ils s'embrassaient comme s'ils devaient mourir demain et leur baiser, parmi les tout premiers, leur promettait d'atteindre bientôt le septième ciel. D'ailleurs, ils s'élevaient en effet vers le cinquième étage, dans l'ascenseur cossu qui leur offrait enfin un peu d'intimité.

Il avait parié gros. Obligé. Ces gains lui rapporteraient de quoi se refaire et il était grand temps. Pour ainsi dire, il avait joué à quitte ou double. On approchait les toutes dernières minutes du match. Le score lui était favorable, mais de peu. Il tendit la main vers sa quatrième canette.

Elle refermait doucement la porte d'entrée en réprimant un gloussement de satisfaction. Mais le sourire qu'elle avait esquissé retomba devant le capharnaüm qui l'accueillait dans le couloir. Evidemment, ses mecs, mari et enfants s'en étaient donnés à cœur joie et lui laissaient le plaisir de remettre tout ça en ordre. Tenant du bout des doigts le bracelet que Pierre lui avait offert, elle se demandait si le mettre parmi ses autres bijoux constituait une cachette valable.

Elle enjamba un camion de pompier.

 

zip, poum, aïeeeeeeeuh !

ah nan, putain ! nan nan nan !

oh ? tsi hi.

et merde !

c'était qu... wiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

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19 juin 2009

tiniak #65‏

Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage. Alors je me suis recouché sans avoir fait un seul bagage. Je me suis dit : "...tout compte fait, pour en profiter davantage autant rêver y être allé..."
Et, sans plus de remue-ménage, j'ai ronflé sur mon oreiller.

9 juin 2009

désolé (tiniak)

Cette fois, il était vraiment seul. Tout seul. Il le savait, l'avait souhaité ; il avait tout fait pour et ça y était. Le reste de l'humanité avait quitté la Terre, sans regret. Le reste de l'humanité, il s'en foutait. Pas plus ni moins qu'elle s'était foutue de lui, toute sa vie.
Un analyste-programmeur, spécialiste des formules infralogisticielles séquencées, c'est bien payé, mais c'est invisible. Pour une fois, cette discrétion forcée l'avait servi au comble de ses espérances. Célibataire sans enfants, bientôt sexagénaire, stérilisé à vingt-deux ans conformément à la procédure qui régissait les "boules noires", il était assis là, dans cette salle où gargouillaient les nanômes filant le long de leurs vénules derrière les revêtements muraux. Et il soupirait d'aise.
Il se rappelait avoir vaguement lu, vu ou entendu quelque chose concernant le dernier gardien du phare d'une côte ouest-européenne. Un propos avait retenu son attention : "... c'est comme dans la chanson que fredonnait ma grand-mère... La solitude, ça n'existe pas..." Il avait souri, il s'en souvenait. Cela correspondait tellement à son sentiment profond.
Oh, il avait bien éprouvé quelque amertume dans sa jeunesse, après le fiasco d'une ou deux amours fades et molles, à se retrouver seul encore. Mais ça lui avait vite passé. Assez vite, somme toute. Même le tatouage sur sa carotide, qui signalait sa stérilisation, lui était devenu proprement indifférent.
On avait peu à peu cessé de le convier de ci de là, de lui proposer un café, un prochain séminaire. Il émanait de lui une évidente solitude qui tuait dans l'oeuf toute compassion, sympathie, instinct grégaire. On l'évitait naturellement, sans calcul, et l'isolement qui en résultait lui convenait.
Peu de temps avait suffi à le rapprocher de la solution.
Il avait embobiné un technicien du programme Ultima de telle sorte qu'il fût choisi, comme par hasard, pour être le dernier "gardien du phare". Le dernier !
Le dernier vaisseau avait quitté la Terre, il y avait de cela moins de deux heures, emportant son dernier lot d'espérances humaines. Puisqu'ils étaient tous si certains de refonder leur cirque de vie ailleurs, grand bien leur fasse ! Lui était persuadé du contraire.
Il demeurerait seul sur Terre. Le dernier de ses congénères.
Il sortit une tablette et s'apprêtait à y inscrire quelques pensées, quand... mais oui ! on frappa à la porte. Ici ? Au troisième sous-sol ? Section 26, corridor 9 ? A la porte de cette insignifiante salle de régulation des flux ? Mais oui, on frappait !
L'incroyable était insupportable !
Il se leva, s'approcha de la porte vibrant sous les coups. Dans ce tintamarre, des cris étranglés, désoeuvrés; paniqués s'échappaient d'une gorge féminine et geignarde. Il y avait des "au secours", des "s'il-vous-plaît", des "répondez, je vous en supplie".
Il ouvrit.
La femme, plutôt jolie malgré son regard effaré, se confondait en excuses et explications diverses qu'il n'écoutait pas. Quand son interlocutrice marqua un temps d'arrêt dans sa logorrhée, il ne trouva cependant rien d'autre à dire que "pardon ?". Elle répéta plus sommairement dans un soupir navré :
"- J'ai raté la navette !!
- C'est bien dommage, rétorqua-t-il, plein d'une morgue désolée."

1 juin 2009

JAMAIS QUITTES (tiniak)

Basse-Terre, le 13 août 1985.

Mon avion part dans trois heures de Point-à-Pitre.
Je regagne la métropole sans l'assurance de pouvoir revenir sous ces tropiques avant longtemps.
Je vais retrouver le temps qui court et les gens qui courent après lui. Je vais retrouver cette part de ma vie qui me définit davantage par ce que je fais que pour qui je suis... les "Bonjour, tu fais quoi dans la vie ?", ces passe-ports d'avant le passe-port, qui rassure les tribus, leurs propos "convenus", leurs sourires "entendus" et leurs idées reçues.
Je vais retrouver les arbres encerclés, les gazons crottés, les rives bétonnées, les nuages fatigués d'avoir couru le monde, venus se regrouper pour pleurer sur les toits la peine qu'ils ont d'avoir soudain si froid.

Alors, avant de partir, pour finir, je laisserai sur la table de chevet de cet hôtel propret, quelques signes, quelques lignes, pour ce qu'il me faut quitter.

__________________________________________________
jamais quittes

Crête où la terre se fait la dent
mollement contre le ciel gourmand
de flasques firmaments
mon pays dans le vent
un pied en mer, l'autre dans l'océan
je viens oublier le temps

si ta bouche parle bruyamment
et crache du soufre incandescent
c'est pour qu'un sable blanc
et rose et noir courant
tes rives alanguies dessous le vent
flatte et caresse tes flancs

Parfois dans la nuit s'élève un chant
groka, guitare et le pied dansant
l'âme et le rhum aidant
un rire éblouissant
moque le coq et le counyamaman
d'un égal et vif allant

Noirs sont les hommes dans l'ouragan
Verte la palme au lent mouvement
Rouges sont tous les sangs
sous la peau se mêlant
qui sous le madras ou le lin flottant
marche d'un pas nonchalant

Mon pays tu me prends
et, par toi je l'apprends
on ne se quitte jamais vraiment.

25 mai 2009

... (tiniak)

soleil absent
brume vierge

mon âme attend
sur la berge

l'ombre s'entend
dire un mot

l'océan courbe
le dos

l'oreille espère
un signal

jailli d'un vert
abyssal

à sa lisière
émouvante

frissonne l'air
atlante

qu'un marin joue
dans les ris

à l'infini

je soupire
mon désir


et ne veux
pas finir


que tu n'aies
su venir

m'entendre te le dire

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21 mai 2009

Aux anges - Tiniak

- Vé, Janine! sais-tu ce que je viens d'apprendre par la poste ?
- allez, raconte, ma belle, que tu me fais languir.
- te souviens, Mireille ?
- Mireille ?
- Mireille !
- pas Mireille au piano, kémmèmeu ?
- naaaan, tu me fais peine! Mireille des Aiguilles.
- ké, elle est encore en vie, celle-là ?
- ébé nan, justement pas. c'est une aide-soignante de où elle était
qui me l'a annoncé dans une lettre. c'teu dame, elle m'a retrouvée
dans un carnet à elle, dis... parmi d'autres !
- tu veux pas dire... ?
- ébé, si ! je pense bien.
- maaaaa ! ça va pas faire que des heureuses à réveiller des
souvenirs qui fâchent, vé !
- avouiye. bon, pour moi, il y a prescription, eh : j'ai eu trois maris.
mais pour La Fanette, La Bernadette, La Proserpine Poelpré... ça va
faire un joyeux raffût, je te le dis !
- maaa, peuchère! tu penses, on peut dire qu'elles vont pas être aux
anges.
- ébé voilà, tu me souffles ma réponse.
- ... ?
- ... au courrier, il faut bien que j'y réponde.
- tu vas quoi dire ?
- que si elle le brûle le carnet de l'aiguilleuse, la dame, on sera toutes
aux anges.
- abévouyeu, peuchère.

16 mai 2009

1966 ! (Tiniak)

 

 

- c'est quoi ce truc ?

- un EQ.

- un nid quoi ?

- un équaliseur d'aigus, ça donne de l'acidité à la piste enregistrée.

- ... t'es obligé d'en mettre ? ça vrille déjà pas mal la tête ton truc.

- bon. tu m'as dit vouloir retrouver le son du Revolver des Beatles. eh bien, c'est ça qu'ils ont mis partout comme effet. les guitares n'en sonnent qu'avec un meilleur grain acidulé. très pop. on fait pas mieux.

- fait voir...

- ... écouter...

- ... ?

- ... fait "écouter", voir.

- oui ben, balance!

zzzzzoiiiiiiiingniiaaaaaaaaouhciiiiinnnnngniiiiiiiiii

- ah la vache ! c'est moi qu'a fait ça ?

- c'est trop fort ?

- nan nan, c'est achteu bien !

- bon, vas-y.

 

- alors ?

- ben tiens, écoute.

- ... ah ouééééé, quand même ! ça pète ! ah oué, ça donne !

- ça te va ?

- ah, je veux ! ça dépote d’enfer !... on a fini, là, non ?

- oui, à moins que tu veuilles refaire une prise ?

- non, non, c’est bon comme ça. trop de la balle ! yeah ! yeah ! yeah !

- bon, tu te débranches et tu passes en cabine ?

- ouais, ok. j’arrive… yeah ! yeah ! yeah ! dum dum dum ! waaaah !

 

- alors, on s'en prend un ?

- maintenant ?

- si tu veux bien profiter de l'effet, le temps que je monte la boucle, c'est mieux, oui.

- je mets combien de gouttes ?

- trois chacun, ça devrait aller.

- allez.

 

 

 

- c'est quoi ce truc ?

- bah, un yaourt.

- beuah !

- t'aimes pas ?

- mouif, bof… il serait pas périmé, des fois ?

- ben non. écoute, t’as déjà pas mangé grand chose, alors tu me fais le plaisir de manger ce yaourt.

- ben oui, mais…j'aime pas trop son goût… il pique.

- tu trouves qu'il a trop d'acidité ? tu préfères un bio ? un 0% ?

- beuah !

 

 

 

- c'est quoi ce truc ?

- c’est un adoucisseur d’eau.

- ah… et vous le laissez avec l’appart’ ?

- oui, mais vous devrez vous acquitter de son entretien annuel.

- et, ça monte à combien, c’t’affaire ?

- oh, je dirais : environ 90,00 € la visite plus une douzaine de sacs de sels à 6,00 € chaque.

- mouef. qu’est-ce que ça fait à l’eau, en fait ?

- eh bien, ça en adoucit le ph.

- le… ?

- l’acidité, si vous préférez.

 

 

 

- c'est quoi ce truc ?

- le détonateur.

- bon, je mets la diode ici, c'est ça ?

- oui, mais faites bien attention de ne pas vous agiter comme la dernière fois.

- meeeuh, ça va hein. j'ai compris la leçon.

- oui, eh bien, permettez-moi de rester prudent et de vous exhorter à faire de même.

- je peux enlever mes gants ? ils sont trop gros.

- non... non, non, non.

- quoi ?

- cessez de vous agiter de la sorte, je vous dis.

- quoi ?

- naaaaan ! restez assis, dites ! eeeeh !

9 mai 2009

Une paille dans l'oeil de ce cher Edouard (tiniak)

Tôt ou tard un bout de trottoir
d'une rue ou d'un boulevard
arpenté les yeux hagards
le moral dans le brouillard
aura des airs de quai de gare
pour aucun au revoir

Quelque part au bout du comptoir
où finit la tournée des bars
à se jouer du hasard
la morale s'égare

Malabar au bout du couloir
répandu comme un calamar
décapité du cigare
pour un air de guitare
retour à la case départ
sans connaître l'histoire

(une paille dans l'oeil de ce cher Edouard)

Tôt ou tard un bout de trottoir
d'une rue ou d'un boulevard
arpenté les yeux hagards
le moral dans le brouillard
aura des airs de quai de gare
pour aucun au revoir (bis)

-tsi hi-

2 mai 2009

« Où allons-nous, Grand Père ? » (tiniak)

tiniak


ti01

 

LES YEUX GRANDS OUVERTS

« Où allons-nous, Grand Père ? »

 

©2009 DUKOU ZUMIN &ditions / Défi du samedi

 

 

____________________________

 

- 4ème de couv’ -

 

LES YEUX GRAND OUVERTS

La collection se destine aux enfants lecteurs à partir de 5 ans

et se propose de leur faire découvrir

rien moins que le monde.

ti02

« Où allons-nous, Grand Père ? »

(en collaboration avec DUKOU ZUMIN &ditions)

La curiosité de L’Enfant trouve toujours une réponse auprès de son Grand Père.

Même vagues, nul doute qu’à l’issue de cette promenade, ces réponses existentielles auront laissé une trace.

 

©2009 Défi du samedi


ISBN – 2-268-6499252-3x

exemplaire non destiné à la vente


 

____________________________

 

ti03

- Où allons-nous Grand Père ?
- Où nos pas nous portent, L'Enfant. Où nos pas nous portent.
- Sur la grève, Grand Père ?
- Jusque là, oui.


____________________________

 

ti04

- Nous y sommes, Grand Père !
- Oui, L'Enfant. Oui.


____________________________

 

ti05

- Apprends-moi, Grand Père...
- Quoi donc, L'Enfant ?
- ... à écrire, comme toi.

- Mais tu sais déjà écrire !

- Ah ?

- Oui, regarde. Comme moi, quitte tes chaussures et fais un pas.


____________________________

ti06

- Que vois-tu là, L'Enfant ?

- Ton pied dans le sable, Grand Père.

- Oui, L'Enfant, sa trace. Pas celle d'un oiseau. Et là ?

- La mienne.

- Oui, L'Enfant. Pas celle d'une sirène.


 

____________________________


ti07

- Apprends-moi, encore...

- Quoi donc, L'Enfant ?

- ... à lire, comme toi.

- Mais tu sais déjà lire, L'Enfant.

- Ah ?

- Oui, regarde. Tu viens de le faire. Retourne-toi...


___________________________

 

ti08

- Je vois mes traces, Grand Père !

- Seulement les tiennes ?

- Oui.

- Qu'en dis-tu ?

- Que... je vais devoir rentrer par là, sans toi ?


 

____________________________

ti09

- Tu lis bien, L'Enfant.

- Vraiment ?

- Vraiment.

25 avril 2009

conjugalaison définitive (Tiniak)

conjugalaison définitive

 

ce mot doux : je t'aime

mais non, tu me veux

et voilà qu’il traîne

alors elle s'en veut

soudain, on s'en mêle

chaque jour, nous pleurons

déjà vous raillez

quand ils se disent adieu



l’adieu au front sévère

passant la porte

tue

son étrange amertume

avorte et pue

 

s’il faut en avaler l’âpre déconfiture

dis-le moi d’autrement plus simple vérité

et je l’entendrai humble et pourrai l’accepter

en terme d’aventure

 

l’adieu pointe à la ligne

l’adieu terrible, signe de la fin du temps

le courrier sur la table

d’une goutte de sans, dicte l’inconsommable

et d’un trait se faisant, scelle de périssable

l’infiniment

 

adieu alors

 

adieu à l’or de tes yeux

qui regardent l’ailleurs

adieu, trésor malheureux

 

adieu, les contes merveilleux

une histoire se meurt

sous le vieux marocain à fleurs

 

25 avril 2009

So loooong, fareweeeell, auf Wiedersehen, adieeeeu !‏ (Tiniak)

ce mot doux : je t'aime
mais non, tu me veux
et voilà qu'il traîne
alors elle s'en veut

sitôt qu'on s'en mêle
chaque jour, nous pleurons
déjà vous raillez
quand ils se disent adieu

18 avril 2009

Les patauds ivres (tiniak)

Des frugalités s’ajoutant les unes aux autres avaient fini par constituer notre copieux repas. Leurs reliquats nous encombraient le bout des doigts qui les titillaient compulsivement sans plus d’appétit, vraiment pas. Les fromages et les saucissons eux-mêmes ne prétextaient plus que nos verres fussent encore si bien remplis. Car nous ne buvions plus qu’aux fins de parfumer notre haleine bavarde, l’estomac bien assis, l’œil pétillant, une gauche mollesse au coude nonchalant.

 

Nous étions parvenus à ce moment du soir, qui se fait des manières d’alcôve, de boudoir, dans le frustre éclairage écharpé des bougeoirs, et prête aux confidences, aux délires, ou à certain espoir.

 

Et l’océan grognait, pas loin, au bout du long quai des clampins.

 

- Tu restes au rouge ?

- Ah, ça ! Je ne m’explique d’ailleurs pas que tes penchants anarchistes ne te portent davantage à certain intégrisme en la matière : le rouge, c’est notre affaire, à nous, les réfractaires !

- Ben, j’en bois, hein. Mais ça m’assomme.

- Attends ! Le blanc, sérieux, ça rend fou. C’est laid comme un col blanc, un blanc-seing, une vierge, même une belle…

- … Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelle… oui, oui.

- Ah, ne commence pas à me railler. J’ai écrit ça comme on chie un bon coup, voilà tout.

- Le saucisson.

- Pardon ?

- C’est le saucisson qui m’a converti au blanc.

- Ah… bon.

- Rouge alors ?

- Allez, verse !... "potache doué pour le canular", tu dis ?

- C’est ce qu’on a dit.

- Ouais… ça me va. C’est mieux que "génie adolescent", en tout cas (il s’esclaffe). Et de Paul ?

- Ah, Paul, c’est autre chose. Le privilège de l’âge, peut-être (nous gloussons) ?

(il s’étire) Ben, tu vois… il me plaît bien moi, ton sous-marin-sous-les-toits. Il a quelque chose qui me ressemble, non ?

- C’est pas un bateau, c’est un sous-marin !

- Oui, mais son capitaine lui aussi est ivre ; lui au moins (nous repartons à rire).

- La mer, c’est le large. C’est l’avantage.

- Ah oui ? Toi aussi t’as baisé ta mère en rêve ?

- Bwaah, t’es vraiment trop con, des fois (nous pouffons).

- Sans rire, t’y es passé aussi, non ? sur la mer dont le sanglot faisait mon roulis doux

- Oui, je me souviens d’un rêve étrange, mais pas pénétrant, en fin de compte.

- Riquiqui (il sourit) ?

- C’est ça, riquiqui (je souris).

- L’amère…

- Hein ?

- Non, je disais : l’amer-tume…

- Ah.

- Il en sue un peu dans tes vers, c’est ça qui colle bien avec ton optimisme aveugle et chimérique… et bordélique (il glousse) !

- Ouais, un vrai bordel aqueux (je glousse) ! Mais là, tu fais autrement plus bordélique que moi, quand même.

- Quoi ! La morale et la langue (…) réduites à leur plus simple expression, mon credo.

- On avait dit pas de gros mots (nous gloussons) !

 

Vint l’heure de s’aérer.

Comme lui bon marcheur, je le raccompagnais en faisant maints détours. Avec lui qui voyait très franchement une mosquée à la place d’une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d’un lac, la nuit qui désertifie les bourgades, peupla de monstres et de mystères la petite ville portuaire où nous étions convenus de nous retrouver chaque fois que se ferait sentir le besoin de se faire voyant, par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.

 

Avant de le quitter, de le rendre à son ombre, j’ai lassé sa chaussure.

- Eh ben, avec ce que tu tiens, à ton arrivée, pour sûr, tu vas te faire appeler Arthur.

11 avril 2009

Manque d'O (tiniak)

l'entre-jambe qui n'en peut mais
brûlant de désir insatiable
la langue qui reste de marbre
quand il est temps de s'embrasser

le puits qui n'a rien délivré
à cette caravane errante
quand la chaleur est accablante
et dense dans la main de Rê

la pluie même qui se déguise
se faisant mine de buée
évite un rang de peupliers
brume qui n'en fait qu'à sa guise

sur la cathédrale qui frise
des diables sans rien à cracher
visent des brebis réchappées
d'un été qui les martyrise

que dire à ces tristes tétées
pleurant sur de pauvres mamelles ?
que cet argile qui grumelle
fut un temps d'un géant le pied ?

ne crains-tu pas, humanité
que l'eau se fasse enfin si rare
que ni l'enfer ni le curare
jamais ne puissent t'apaiser ?

par manque d'eau, vrai!

28 mars 2009

DIVAN DEVIANT (tiniak)

Avant-propos :

 

Dans mon sous-marin sous les toits

y pas d' divan, y a un sofa !

Entrez, pensées me demander :

- vasistas, mon vieux ?

Je réponds d’eux

- pas mieux…

 

J'y vais naviguant à loisir

entre l'un ou l'autre, délires

où je me vautre en mien plaisir avéré

 

Dans mon sous-marin sous les toits

il y a de quoi embrasser

des ciels de nuit aux vents légers ;

les nuages sont des îlots

qui me font signe de là-haut, à la surface

que je soupçonne dégueulasse

 

J'y entreprends un lent voyage

cherchant un continent perdu

sur l'océan, vers les rivages de Mû

 

Dans mon sous-marin sous les toits

œuvre un équipage fidèle

qui sait démêler les ficelles

des ces ablutions oniriques

amarrées à mes dialectiques fantasques

mariant Thésée à la Tarasque

 

J'y ramènerai la sirène

dont le chant courant par le monde

guide et vient calmer sur les ondes ma peine

 

Dans mon sous-marin sous les toits

baignés d'une lumière orange

flottent des appétits étranges

qui se nourrissent peu à peu

au rythme libre et hasardeux de mon dit

célébrant le bel aujourd'hui

 

J'y épouserai de mes yeux

tes yeux amoureux, ma sirène

et nous ferons de notre haleine un feu de dieu !

21 mars 2009

Birthdate (tiniak)

- t'as cinq minutes ?
- oui, quoi... discute ?
- nan nan, viens voir un peu par là ; ramène ta fraise et assieds-toi ; jette donc un coup d'œil là-dessus...
- oh non, des lettreux, j'en veux plus !
- attends, pas que... mais si, 'fin bon, c'est farfelu, des fois bidon, des fois coquin, badin
- ronron...
- ben justement, pauv' branque! ici c'est pas l'humour qui manque - et puis, ça mange pas de pain.
- y a des jeux, dis, au moins ?
- ...d'écriture oui, c'est l'objet.
- ben oui, mais... sans joystick, tu sais...
- de stick, euh... point ; mais Joye, ça oui. euh, attends...'gade!
- c'est son pseudo ? l'est pas d'ici ? c'est pas celle du journal du hard ?
- gniiiin, portnawak! je crois qu'elle vit dans l'Iowa
- elle connaît Barack Obama ?
- en quelque sorte, on peut dire ça.
- bon, et c'est tout ?
- non, regarde ça...
- ...
- ... alors ?
- ah ouais, quand même, y a des tarés ! c'est quoi l'barème ?
- c'est le plaisir.
- hein ?
- le plaisir de lire, d'écrire, de dire et aussi d'être lus.
- est-ce que des fois ça parle cul ?
- ça peut, ça dépend des humeurs.
- fais voir un peu....
- t'es qu'un branleur !
- ben quoi, je veux! et si ça m' plaît ?
- t'as plus qu'à envoyer ta note.
- on est payé ?
- en anecdotes !
- Adiii... Bertoise ?... Cartoonita...
- qu'est-ce que tu veux ? tu cherches quoi ?
- ben, tu sais, c'est comme la colo ; j'essaie de voir dans les pseudos, si y a pas une affaire à faire...
- ça veut dire quoi ?
- laisse, pépère ! ... Enriquita, Fabeli, Gilgamesh, Janeczka... y a de l'exotisme! maaah, carrément l'autre : J. Valjean ! La pierre Précieuse... ouaip, y a aussi des prétentieuses.
- tu dis ça, tu les connais pas.
- ah parce que tu les connais, toi ?
- certaines, certains, pour leur style, ce qu'on perçoit qui se distille dans les écrits, les commentaires, on finit par avoir du flair et peu à peu on se rapproche.
- tu crois qu'on peut s'taper la cloche ?
- c'est pas M**tic ! c'est périodique !
- uh ?

14 mars 2009

Que voulez-vous… (tiniak)

« - Oui, bonjour. C’est pour quoi ? je grogne poliment. »

Un hurluberlu, fagoté à la ridicule façon stagiaire échappé de Disneyland, les bras en croix sur un thorax digne d’un péplum des fifties, se tient dans l’encadrement de ma porte d’entrée.

 

Que voulez-vous, il y a des jours comme ça…

 

Quand il a sonné, j’étais à la bourre dans la salle de bain, la bouche pleine de dentifrice, un mouton de mousse à raser sous l’oreille gauche en train de gargouiller des « magnez-vous, les filles » à mes deux écolières. Je suis allé ouvrir en m’étant vaguement rincé, un peigne dans les cheveux et un pied sans chaussette.

 

« - Ordonne Maître, et que ta parole soit exaucée.

- Hein ?

- Ordonne Maître, et que…

- Oui ? Ben, je souhaite que tu disparaisses de ma vue, mon vieux. Et plus vite que…

 

Pouf ! Disparu, aussi sec !

Oui, non mais, comme je vous le dis : dans un pouf! nuageux et tintinnabulant, là, sous mes yeux incrédules.

 

Que voulez-vous, il y a des jours comme ça…

 

Tant que j’y suis, j’ouvre la boîte aux lettres d’où j’ai omis de relever le courrier de la veille.

Les plis dûment consultés, rassemblés sur le clavier fermé du piano droit, et repartis distinctement selon leurs destinataires dans la maisonnée, je remarque les petits billets qui tapissent le fond de la boîte.

Je suis sûr que vous avez les mêmes, déposés avec une assiduité déconcertante par un marabout sévissant dans le voisinage.

Sauf qu’à y regarder de plus près, il y en a un qui se distingue des autres, par sa couleur d’abord, sa texture cartonnée ensuite, et enfin par ce qui est écrit dessus en lettres scintillantes :

 

Né(e) un vendredi 13 ?

CE BILLET EST POUR VOUS !

Un génie se présentera bientôt à vous pour réaliser quatre de vos vœux les plus chers.

Accueillez-le comme il se doit.

Ordonnez et soyez exaucé(e) !

 

Que voulez-vous, il y a des jours comme ça…

28 février 2009

tiniak – … et merde tient !

que vois-je croustiller, là, juste à la surface
de cette déflorée naguère virginale
qu'une ombre liquéfiée, coulante et dégueulasse
aura bien mise à mal à force de moitir
et avant de sécher ?

ma feuille, confidente où j'aime à l'ordinaire
imprimer mon carné, seul dans ces sanitaires,
tu fais bien triste mine

pour t'ainsi maculer, il faut un cœur de pierre
l'âme en acier trempé et l'esprit mortifère
que plus rien n'ébousine

j'ai tenté de licher cette croustade abrupte
ma langue aurait fini tarmacadamisée
pour peu, on m'eût prêté le goût pour la turlute
qu'ont d'autres audacieux sur l'aire de Carpiquet

je n'ai pour le goudron vraiment pas d'appétit
et ces grossiers boudins à tes bords godronnés
n'ont pas l'heur de me plaire, oh! le vilain gâchis
tu n'es pas de ces feuilles que l'on peut drageonner!

misère! misère!

je me tue la gamberge à trop me demander
quel idiot plaisantin a pu folichonner
sur ton pli de la sorte ?

et je n'ai alentour personne à rameuter
je ne suis pas de ceux sachant bolchéviser
sur le pas de la porte.

l'acte est aussi absurde et vain que le dessin
abstrait, obscur, abscons, stérile et hermétique
n'évoque rien pour moi que de très pathétique
d'où que j'aille fouiller mon cerveau reptilien.

je suis un terre-à-terre et ne sais vétiller
comme sur la frontière un ancien cardinal
le fit raillant l'armée de Monsieur de Turenne

si je tente un bon mot, on vient me titiller
tout au long du repas, du radis au Cantal
je ne suis pas au self de ceux qui la ramènent.

je ne suis pas violent, mais pourrais houssiner
celui qui s'en est pris à mon très cher feuillet
car c'était le dernier qui se puisse oringuer
en ce lieu où je suis entré en grande presse

me voici croupionnant les parois rudentées
et lustrant cet émail que je fais japonner
car je ne puis issir de ces commodités
sans m'être proprement warranté l'entre-fesse,

merde !

et merde, tiens ! qu’ils aillent se faire ziber…

21 février 2009

Plaidoyer contre le port du casque à l’insu de son plein gré (tiniak)


Mon client, pardon, ma cliente… ′fin bon, la personne que vous vous préparez à juger méhamessieurs les Membes du Jury, Mahame La Pésidente, a certes commis un crime abominabe, mais je vous demande néanmoins de l’acquitter nonobstant pour les raisons suivantes… ′ttendez, ah oui : comment peut-on, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral, comment peut-on condamner, dans une démocratie évoluée comme la nôt’, au sièk où nous vivons, dans ce lieu où nous nous trouvons à l’instant où je vous parle, cette… nob’ enceinte vouée à établir et rendre justice au nom des lois de la Hépubique citoyenne, comment peut-on condamner une victime ?... hein ? déjà… et qui puzé, une victime innocente… donc, bon.

Car oui… mais, oui… Michel-Line est une victime innocente… si.

Et mon plaidoy… euh, -rie, je veux dire, -yer… Et mon propos… n’a d’autre but que d’en faire devant vous, la démonstration claire, nette et inbue…-dubitable.

Gardons à l’esprit, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral, que dehors, de l’aut’ côté de ces murs qui nous préservent de l’obscuristantrisme fangieux, le recul de nos valeurs fondamentales avance à grand pas et demeure à l’affût du moindre de nos faux-… z’erreurs. Et que de la tenure, -neur, de notre jugement dépend la solidité même de ces murs… sociétales, -taux… ou tard, oui tôt ou tard, il fera beau voir (′fin, je dis beau voir… vous m’suivez) qu’ayant failli ne sera-ce, -rait-ce qu’une fois de trop, l’ignominie aura pignon sur gnou… rue. A not’ place même, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral.

Michel-Line est une victime innocente.

Il fera beau voir qu’à condamner cette personne, ici présente en la personne de Michel-Line, pour le meurte sauvage de Simone, son ex-épouse, on ne fasse le procès du premier en accablant injustement le deuxième sexe.

Mais j’vais même vous dire mieux, Mahame La Pésidente, méhamessieurs les jurés : ceci ne sera pas… t’être.

Passeu, kesseu j’vais faire… j’vais mêm’ vous dire mieux : kesseu nous allons faire, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral, en acquittant Michel-Line ? Nous allons pas loin… pas moins, que rende son honneur à un ête bafoué par la société sociétale, jusque dans le fort intérieur de son foyer marital.

D’intime, la quession se fait délicate… vous en conviendrez facilement, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral. En matière de mœurs, quand on en vient au meurte, c’est qu’il y a tekchoz qui a dérapé dans la machine humaine.

En l’occurrence, oui.

Michel-Line a changé de sexe pour des raisons tragiques, vous vous en doutez. Je n’insisterai pas sur le passé douloureux de Michel, pour me réjouir davantage de la vie rayonnante et lumineuse de Line, danseuse de revue, connue du Tout-Paris. Vie, fastueuse et enjouée que vous êtes sur le point de briser, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral.

En l’occurrence, oui, la machine a dérapé quand l’ex-femme de Michel qui se croyait abandonnée de son époux disparu, l’a finalement reconnu chez son coiffeur… simplement passeu, bon. Avec le casque et le tablier, elle l’a reconnu. Et comme lui, n’avait pas reconnu le dernier de ses cinq enfants… oui, cinq enfants… une belle et généreuse contribution à l’effort national, avouez, ′fin, soyons-en d’accord, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral. Alors vous connaissez la suite : Simone lui réclame de casquer, il s’y refuse et voulant protester de son nouveau statut, lève les bras au ciel, entraînant malgré lui le corps de Simone en s’agrippant par mégarde sous ses aisselles, si bien que, bon, le crâne de Simone est allé se loger contre les résistances du… euh, casque… où la défunte a péri dans des conditions atroces, je dis bien atroces, ce que nous ne contestons pas. Ni lui-elle, ni moi.

Et c’est ici que je conclue, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral, en vous posant à nouveau la quession, que dorénavant vous entendez maintenant désormais d’une oreille toute autre : comment ?... oui, je vous l’demande, comment peut-on ?... hein ?

Je vous remercie de votre attention.


14 février 2009

Charles Bourraing (tiniak)

Charles Bourraing, employé zélé des P&T riait sous cape, seul dans le bureau de poste devant la rangée de casiers d’où il puiserait sa tournée du lendemain. Le nez penché sur un dernier paquet de missives de particuliers, il gloussait savourant par avance les commentaires qu’il recueillerait bientôt en commençant par le bistrot de Dudule, patron bonasse et franchouillard comme son surnom l’indique.

Eclairé de sa seule lanterne d’appoint, Le Charlot laissa s’échapper un nuage de vapeur avant de poursuivre son œuvre au moyen du fer à repasser de sa défunte mère. Il se félicitait intérieurement de sa dextérité : Charles Bourraing décollait les enveloppes comme pas deux. Dans deux jours, ce serait la Saint Valentin, patron des cœurs amoureux. Et le bougre était seul maître à bord, cupidon bardé de bleu et de jaune, redistribuant les cartes du bonheur courbé sur son pupitre, flottant dans le secret des dieux.

Enfant malingre, souffre-douleur de ses congénères à la communale, fils unique d’une fille-mère qu’on disait avoir été engrossée par un Prussien, jamais marié, soupçonné d’être toujours puceau, Le Charlot n’avait obtenu le respect forcé de la communauté villageoise qu’en passant brillamment le concours administratif qui lui valut d’officier en qualité de receveur des postes, cumulant depuis le remembrement la fonction de facteur local.

Or Charles Bourraing était bel et bien amoureux, depuis trois ans déjà, de la fille d’une sommité reconnue dans le canton. Il lui avait fait une cour aussi secrètement assidue que véritable et sincère, et depuis hier, elle s’était rendue à cette évidence : elle ne trouverait pas mieux. La moustache du Charlot frémissait encore des douceurs que lui avait naguère accordées sa dulcinée.

Le lendemain, il acheva sa tournée comme à l’accoutumée à 12h45, au comptoir de Dudule en déposant un paquet pour la patronne.

« - T’es bien sûr que c’est pour Hortense, ce bidule-là ? inquisita le bistrot, tandis que ses mains ne savaient quelle position donner au-dit paquet sur son zinc.

« - Adresse, destinataire et cachet de la poste faisant foi, je réponds : oui, triompha le facteur. »

Le sourcil logé haut dans le front du patron trahissait son étonnement devant tant d’assurance, un rien goguenarde même, lui avait-il semblé.

Tout démarra avec la remarque, lâchée comme un revers de fond de court, par l’Anicet déjà passablement entamé à l’anis (d’où il tirait pour partie son nom de baptême populaire) :

« - Eh Dudule ! ′gade voir des fois que ça soye pas un jambon ou un énoooorme sauciflard… ça ferait bien notre affaire à c’t’heure, railla l’embrumé en distribuant des œillades à ses partenaires de coinche. »

Au début de l’été dernier, on avait murmuré que la Hortense à Dudule et le commis boucher s’étaient éclipsés un joli bout de temps durant les feux de la Saint-Jean. On murmura un peu fort, d’ailleurs. Le commis boucher en fut d’une escalope plaquée sur son œil au beurre noir.

Saluant distraitement le coiffeur qui prenait place à son guéridon habituel, Dudule renifla le paquet et, tournant les talons, fila vers la cour intérieure au bout de laquelle il avait son meublé. Il claqua la porte derrière lui en beuglant : « Horteeense ! Horteeen-seu ! »

On s’attendait à ce que le coiffeur, homme précieux, s’offusquât à sa façon de ce qu’on ne l’ait point accueilli avec son cognac.

Mais l’homme avait planté son regard juste en dessous de la toile d’araignée de la baie vitrée. A croire qu’il dévorait des yeux Madame Veuve Besnière, sextuagénaire qui se chauffait l’arthrite au timide soleil de mai inondant la chaise longue dépliée au bout de sa terrasse.

L’Anicet ne résista pas longtemps à l’envie de remettre le couvert et commença par siffloter une mélodie aussi sirupeuse et surannée que bien connue de tous pour avoir en son temps imprégné nombre d’amours secrètes. Comme il allait se mettre à railler le doux rêveur, Le Charlot abattit alors sa dernière carte, son chef-d’œuvre pour ainsi dire :

« - Tenez Bouzigues, pensant bien vous trouver là et vu le caractère impérieux de ce courrier, je vous le remets en main propre… C’est un recommandé… ′faut signer là, pérora le préposé. »

L’Anicet s’interrompit aussi sec, craignant un nouveau courrier d’huissiers, il se dirigea prestement vers le zinc. Quand il découvrit qu’il s’agissait de tout autre chose.

« - Ben, c’est pas pour moi, c’est pour ma Lolotte ! réproba-t-il.

« - Je le sais bien, dit le facteur ; puis il ajouta en clignant de l’œil, mais on est entre nous… Je te la remets donc. »

L’Anicet alla se placer dans la lumière de la baie vitrée, décacheta l’enveloppe, lut son contenu et réduisit le papier dans son poing, le regard affolé. Il happait l’air comme un poisson qui suffoque. Soudain, il se rua au-dehors en jurant et blasphémant tout ce qu’il savait, ponctuant ses interjections de « salope ! » retentissants.

Les clients du bar en restèrent interdits.

De la cour intérieure, traversant le silence devenu pesant, parvenait les bruits d’une fameuse dispute entre le Dudule et son Hortense qui braillait des « méchteujuuure » à fendre l’âme.

C’est le moment que Le Charlot choisit pour faire à rebours le parcours de sa tournée dévastatrice.

Il croisa d’abord la silhouette soucieuse de Monsieur Le Maire qui tournait vers le sol poussiéreux sa mine des jours de grande crue. Il filait vers la Mairie où sa fille occupait le poste de secrétaire-adjointe.

Dans la Montée des Tanneries, il vit atterrir au milieu de la rue un pot de chambre, suivi d’une paire de bottes, suivie de la veste de cuir du grand Gégé – lequel ne rentrerait que tard dans la soirée, ce jour-là. Depuis l’étage d’où provenaient les éléments disparates de ce ballet aérien, aucun son… une rage sourde était à l’œuvre.

Le facteur faillit pouffer en rendant son salut au Capitaine (« de mes deux ! ») qui se tenait au portail de Mademoiselle Jehanne, institutrice retraitée, dame patronnesse et présidente du comité des Fêtes.

Son œil avisé crut bien reconnaître son ennemi de toujours, Le Michou, dont la silhouette piétinait nerveusement sous les fenêtres du Beau Georges, dans l’ombre de la ruelle qui flanquait sa petite maison. La roue d’un vélo de femme massacré achevait en couinant les derniers tours sur son axe rompu.

La voiture du docteur Dubonc le dépassa en trombe, filant vers la sortie du village sur la route de l’est.

Lui-même, Charles Bourraing, parvenu à cette extrémité, chevaucha enfin sa pétrolette réglementaire et la lança, pétaradante, vers le domaine de sa dulcinée.


8 février 2009

bachi bouzouk (Tiniak)


Au Panthéon des hypocrisies, l’Histoire, telle que l’écrivent les occidentaux a pignon sur rue. L’Histoire… celle écrite avec un grand ’H’ comme dans La Haine ou La Honte, sauf que le film est souvent moins bon. Pour preuve…

Le tirailleur sénégalais doit parfois regretter de n’avoir pas cédé aux tentations cannibales qui le taraudèrent avant de monter la paroi de sa tranchée au coup de sifflet donné par le plus gradé de ceux-là mêmes qui lui prêtaient hier encore, à la cantine, ces propriétés « barbares » (entendez sauvagement inférieures et réfractaires à toute modernité).

 

       

   


Voici qu’en surfant sur le web avec Leuk Le Lièvre, nous découvrons le portrait tronqué d’un Bashi-bouzouk. Certes, ledit portrait met en valeur le visage dominant le buste satiné de ce guerrier indomptable, à la peau d’ébène, au regard aussi noir que son humeur et au port fier comme Artaban. Un souci pédagogique - travers péremptoire bien connu de qui fréquenta tant soi peu de ces occidentaux animant leurs discussions de considérations savantes, un excès de zèle donc, était sans doute à l’origine de cette coupe franche.

On le sait, le Bashi-bouzouk (orthographié avec un ‘c’ dans toute bonne librairie française) n’est pas un plaisantin. Et la définition commune qu’a jusqu’ici retenue et reconnue l’Histoire pour donner un sens à ce terme a toujours accrédité la thèse de la « mauvaise tête » (entendez tête de Turc) ou de la « tête cassée » (entendez gros fêlé).

Ce que l’on sait moins, c’est d’abord que le fameux mercenaire avait ce déhanchement caractéristique du mauvais gars qui vous dépeuple de leur gent féminine indifféremment, fest-noz, basse-cour ou salon de thé en moins de deux.

Gégé patron de zinc, au fait de tout ce qui peut concerner de près ou de loin l’étrange et l’étranger, ne nous disait-il pas du haut de sa sagesse populiste : «  Ces gars-là, ils me foutaient la pétoche. Déjà qu’ils boivent pas d’bière brune ni blonde, que des ambrée… Et pi quand tu soutiens leur regard, ça va ! Mais que ta femme pose les yeux sur son cul, et ça chie ! »

Ensuite, on aura sans doute eu tord de négliger un de ses principaux attributs : l’arme légère qu’il portait toujours droit devant lui, tel un Fœderer prêt à servir pour le match.

Sabre, fusil, pistolet, poignard… qu’importe le substitut phallique, le cavalier sanguinaire aimait à le faire danser sous les yeux de quiconque se trouvait sur sa route ; hypnotisant ainsi son vis-à-vis dans une rythmique qui ne manqua pas d’inspirer nombre d’amateurs de danses exotiques, caraïbes entre autres…

Or, c’est à la lumière de ces deux éléments incontestablement tirés de l’expérience, sacralisés sur l’autel du Vécu, que Leuk Le Lièvre et moi-même portons à votre connaissance, le correctif qui suit…

Le Bashi-bouzouk est un guerrier sans Guiness qui plaît aux femmes précisément parce que chez lui, le bas chie et le bout zouke.

Je vous remercie de votre attention, votre dévoué tiniak.

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