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Le défi du samedi
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6 mars 2010

L’HOMME QUI VA, SANS OMBRE (Tiniak)

Il marche pesamment, sans ombre sous le ciel
pour guides son regard, un rêve, une chanson;
nulle trace après lui - l'oubli sur ses talons
absorbe son passage ainsi que l'eau le sel

Sans histoire connue, serait-il une feinte ?
Ni homme ni fantôme, il existe à peu près
moins que le romanesque et plus que le reflet;
d'où vient qu'il puisse alors entonner une plainte ?

C'est qu'il est tout en un, présent, passé, futur;
l'hier est l'aujourd'hui qu'il porte vers demain
et cette mélodie dont vibre son chant plein
s'invente à chaque pas une ample tessiture

L'oubli qui le talonne est le risque encouru
par qui pourrait nourrir quelque espoir de retour
quand le sens de la vie et celui de l'amour
inspirent à l'instant sa quête d'absolu

Le plus petit atome est lourd de ce destin
- tout le poids du vivant en est la charge utile,
la même gravité s'en évade, gracile
au rythme balancé qui anime sa main

Le promeneur, alors, est le dépositaire
au nom de ce qui fut et ce qui se fera
du bagage mouvant que chacun de ses pas
transporte, en célébrant la beauté éphémère

Il avance toujours; un rêve devant lui
l'exonère d'une ombre au profit de son chant,
le regard où le ciel agrège l'océan,
la musique du nombre élevant l'aujourd'hui.

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20 février 2010

COULEURS PASSAGÈRES (Tiniak)

Aux courbes de la Seine
pareillement vert veine
partageant les nervures d'un gris Paris
me roucoule une peine
villégiature ancienne
où s'écoule et déroule ses plis
le déclin d'un jour plein d'ennui

Quoique fume la peau
brune des marrons chauds
je crains de me risquer dehors
- il y sévit un froid de mort
à la pâleur diamantifère;
rien de ce décor n'est fait pour me plaire

L'obscurité peste, aphone
tandis que la moquent des taxis jaunes
en toute impunité
(ils ne font que passer)

Pomme rouge et mitaines
une sorcière a mis
l'habit noir d'une haine
incestueuse et meurtrie
elle a quitté la plaine
pour les bois interdits
où logent de vilaines envies
- c'est, du moins, ce que le vent dit

À ton signal orange
mon rêve, je me range
et change mon regard intérieur
pour le plus enfantin des plus simples bonheurs
J'offrirai ce bouquet de plaisance
à la première fleur qui m'inspire une danse

Un bleu de méthylène épouse le velours
à la frange d'un jour qui retrousse ses manches
auprès du fleuve Amour, il baigne jusqu'aux hanches;
il y fera sa cour aux ombres qui promènent

Violette virulence, un pays saltésien
tire sa révérence aux pieds du vieux mont chauve
mais c'est de l'insolence, au fond, que tout ce mauve
éclatant de jouvence et de rires badins

Ah, si je m'attendais, tiens !
à ce que me présente le matin.

13 février 2010

La main chaude (Tiniak)

La main chaude

La peau de l'air collante et la mienne
imploraient l'orage et sa virulence,
à la nuit tombée d’un jour en peine
d'obtenir jamais sa délivrance

L'obscurité plus dense à chaque heure
transformait chaque chose en son fantôme;
les arbres contenaient la rumeur
d'une terre apeurée sous le grand dôme

Dans ce calme lourd et douloureux
ma poitrine enviait le buste en plomb,
sur la cheminée au manteau bleu
orné d'impossibles compromissions

La clarté fragile des bougeoirs
orchestrait des ombres le lent ballet;
ma silhouette dans le miroir
n'osait tourner la tête et regarder

par dessus l'épaule, droite et morte
un mouvement perçu depuis la porte

Dans ce calme lourd et douloureux
arrimant chaque chose à son fantôme,
je devenais sourd, fermai les yeux
quand une main s'installa dans ma paume

L'orage rompit à l'instant même
je n'en perçus que la ruée du vent;
je me faisais l'effet d'être blême
et serrais la main de mes doigts tremblants

Une chaleur douce et parfumée
caressa d'un souffle ma nuque nue,
livrant à mon oreille apaisée
la voix de la mère aimante et venue

par-dessus l'épaule, droite et ronde
remettre en ordre la marche du monde.

6 février 2010

heyoka‏ (Tiniak)

soyeuse comme un sexe
la prairie indienne en sous-main
propre et pure

le trop plein de sang bleu
d'où viendra l'aigle sioux
lui prête sa verdure

un homme se tient là
comme l'arbre
aussi vieux et sans pieds

il chante, il dit :

wasichu, pauvre fou
mes pieds sont dans le ciel
c'est ma tête que tu vois
c'est ma tête plantée là

écoute wasichu
elle chante pour toi

elle chante, elle dit :

nu sur le Rocher Mère
j'ai vu l'Oiseau-Tonnerre
et je n'ai fait qu'un pas
et j'ai quitté la terre
et je suis heyoka

j'ai pleuré pour ce rêve
quatre nuits
quatre jours
dans l'âge de Tunka

la vérité m'achève
quatre nuits
quatre jours
pour n'en revenir pas

sans la vision trop brêve
de Wakinyan-Tanka

je suis son heyoka
je chatouille la peur
ainsi la peur s'en va
qu'elle aille faire ailleurs
ce qui ne m'atteint pas

écoute, wasichu
si je suis le chaud-froid
c'est toi le fou du roi :

tu ne vois pas mes jambes
tu as peur et tu trembles
quand je t'ouvre les bras

ouvre-les, wasichu
ouvre tes bras en croix
tu auras les mains pleines

tu auras les mains pleines
de la prairie indienne
soyeuse comme un sexe

propre et pur

le sang bleu du rocher
où se tient l'aigle sioux
lui prête sa verdure

lave-t-en, wasichu

30 janvier 2010

In memoriam... (Tiniak)

Épitaphe


          Je flottais.
Ne sachant plus d'où j'arrivais, l'habit moins chiffonné que l'intérieur, le pied bien maladroit et le regard absent, il était temps pour moi de marquer une pause après une nuit bien remplie, comme on dit pour ne pas dire ce qu'on ose, loin des pensées à l'eau de rose.
          J'allais au cimetière.
C'est une lubie que j'ai, subite, par moments, quand j'ai besoin de faire de ma vie un roman et d'y mettre des fleurs. Des tulipes, toujours. C'est mon petit bonheur. Puis, j'erre parmi les sépultures, lisant les épitaphes. C'est ainsi que je tombai, ce jour-là, interdit, devant ce court paraphe : « C'est sympa d'être passé ».
          Merde ! Peste ! Fait chier !
C'était là, au mot près, ce que j'avais l'idée d'inscrire pour moi-même et mon dernier séjour en éternel repos. Alors, de chiffonnée, mon humeur fut maussade. Je massacrai le gravier des allées, donnant des coups de pied comme un malade, une bonne heure durant, me sembla-t-il. Et dans cet intervalle, un soleil déchirait les nuées matinales dans un ciel incertain de son sort, hésitant, ne sachant trop que faire des couleurs lui faisant, bayadère, un front horizontal, strié du bleu à l'or.
          Et voici qu'un cortège avançait dans la travée vers la tombe.
Oui, vers la tombe même qui m'avait rendu tout un blême, sombre, aigri, désolé que la vie me fasse l'ironie de narguer mon esprit badin.
          J'y reconnus quelqu'un !
Puis cette autre, et cet autre, et ces deux-là aussi, que j'avais pour amis quand j'étais en Allemagne. Ah ça ! ai-je connu celui qu'on accompagne dans son cercueil écru comme une porcelaine aux dorures champagne ?
          Et quand je vis mes filles, ma compagne d'alors… nul doute, je le compris dans l'instant : j'étais mort.

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23 janvier 2010

ÇA CANARDE À BOULOGNE (Tiniak)

Si casser des œufs pour une omelette
n'est pas casser trois pattes à un canard
ça demeure être vilain merle
que tuer dans l’œuf une perle
qui sait ? qui eût été douée pour l'art

Pi que l'oiseau sur une branche
mon pauvre, que tu es serin !
de te croire à l'abri, serein
dans ton bel habit du dimanche;
ici, on plume le pigeon
quand il porte chapeau-melon
et ne sait pas trousser ses manches

C'est pas en trouvant pi au nid
qu'on évitera l'anarchie

Oh là !
Ton papier, ça déchire !
C'est pour la gazette à venir ?

Et pan !
Dans son cul, la bourgeoise !
Ah ça, j'aime quand ça dégoise !

Ah, nom de nom !
C'est quelque chose
t'avoir avec nous pour la cause

Tu penses !
On n'est pas des aigles, hein...
L'école on l'aura vue de loin

Et tah ! et toc !
Comment qu't'as dit...
... quand t'ça finit par "anarchie" ?

Et rlaan !
Dans son cul, la bourgeoise !
Je t'en foutrai moi, des framboises

Aux fraises
qu'ell' peut toujours aller courir;
on dira ce qu'on a à dire

et la gazette
elle irait se torcher avec
se serait qu'un bonheur de plus
de la savoir dans son joufflu

Ah, mon colon...
Adieu patron ! Adieu patronne !
Y a pas que des cons à Boulogne.

9 janvier 2010

VERS, PÂTURES, ÂGES (Tiniak)

1379419356.JPGEt, d'aussi loin que souhaitable
me rengaine un soupir
les mains bien à plat sur la table
je m'entends dire

Enfant, ce terrain gras souillait
du talon au genou - crottés
souliers, pantalons, manches !
les habits guindés du dimanche

Bonne Mère ! Tout ce vert !
Qué faire ! ...comment le ravoir ?
peste peste et bave au lavoir
gorge, battoir et vaste hanche
Fantine à sa lessive blanche

A bout de sente, fatigue
la prairie se fait garrigue

Garrigue, garrigou, garriguette
Chênes verts, genêts et bluettes
Jeunesse en génèse, amours fous
Garrigue, garriguette, garrigou

Fatchede, la mignonne
au cheveu court garçonne
un giron doux

A bout de souffle, castagne
la combe se fait montagne

Verts pâturages dominant
la vallée verte et rouge et or
qu'embrasse un fleuve à bras le corps
en lui promettant l'océan

Foutaises !
ironise un soleil de braise
enrubanné dans le ponant

A bout de rêve, un ciel
où frétille un battement d'ailes

En exil dans les Mascareignes
où j'aime autant que mon coeur saigne
L'oracle et l'Oiseau Vert se gardent
de connaître qui les regardent

La nuit qui vient m'est grand ouverte
Lève donc ton verre à ma perte

 

tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
pour un défi du samedi
[#88]

val_pix0.jpg

illustré d'après une photographie de Val Tilu

2 janvier 2010

FATALES IVRESSES (Tiniak)

Le monde ouvre les yeux et c'est de moi qu'il rêve
La couronne et la fève
je les ai tous les deux
Au plus fort de l'hiver entre l'année nouvelle
Je bois de l'hydromel à son regain fiévreux

  Que dit ce firmament venu froisser le ciel
  au ras des horizons brisés que les toitures
  alignent en fatras de cohésions obscures
  dont je suis sans savoir le serpent qui ruissèle
  et draine en contrebas l'ennui dans les fissures
  hein ?

Le monde ouvre les bras et c'est moi qui l'emporte
Je suis la mère forte
la vie à chaque pas
De sourdes profondeurs je puise à l'essentiel
Ma course est naturelle et m'élance au-delà

  Qui reprend en écho ma rauque ritournelle
  au flanc des murs crépis qui m'écorchent la voix
  quand j'avise une vrille où des feuilles tournoient
  et que je les poursuis au bas de la tourelle
  en laissant aux créneaux mon écharpe de soie
  dis ?

Le monde ouvre les jambes et c'est moi qu'il accueille
Je suis nu sur son seuil
et j'ai le premier cri
Au plus fort de la nuit entre l'âme nouvelle
et son doux hydromel j'en bois tout à l'envi

  - Qui pleure ?
  - C'est la pluie.

19 décembre 2009

EPICERIE (Tiniak)

adoucis mon ennui
jolie fleur de souci
que mon rire jauni s'en dégrise

je mâche tes fleurons
mais garde, lumignons
tes boutons d'or à la chemise

ses griffes indomptées
viendront les dégraffer
aussi sauvagement je l'espère

que bientôt dans la chambre
aux vapeurs de gingembre
l'emporte la sienne atmosphère

échappée de l'aisselle
l'armoise citronnelle
m'appellera tout contre son sein

pour que d'autres rapines
dansant la capucine
s'éveillent au creux de nos mains

viendras-tu jolie môme
troubler de cardamome
ma longue marinade ?

ma pauvre calendule
observe la pendule
et craint pour ses pétales

quand tout mon gris sourire
finira de jaunir
je serai bien malade

que je n'aie de nouveau
saisi, coquelicot
ta bouche cardinale

5 décembre 2009

Pauvre comme Job (Tiniak)

Je sais attendre
dans le froid mordant mes pieds tendres
sur le trottoir gelé
à la grille fermée
aussi fermée que moche
en attendant la cloche

Je sais délier
les nœuds inextricables
des ficelles, lacets,
des cheveux pris dans les cartables ;
les langues qui rechignent
l'intrinsèque dans la consigne
et de l'ombilical cordon
le lierre
qui fait de toi leur mère

Je sais répondre
au désir pressant de se fondre
aussi bien parmi les bosquets
où débusquer l'imaginaire
qu'en ces endroits où piétiner
pour l'une ou l'autre bonne affaire
à dénicher à la bonne heure ;
au téléphone
dont je ne suis destinataire
que par erreur
et sachant bien le distinguo
entre telle ou tel numéro

Je sais grogner
à l'occasion
opportunément dire non
différer ce petit plaisir
tant qu'on n'aura pas su tenir
sa parole
ou finir son devoir d'école

Je sais murmurer
dans les cous
pour un mot secret
un mot doux
et fredonner quelque berceuse
au pied de couettes duveteuses
pour assurer des nuits paisibles
aux inquiétudes indicibles

Je sais modeler
des avions
et la pâte du même nom
dont on se fait toute une histoire
comme personne dans le square

Je sais cela
et d'autres choses…
mais je mettrai quelque fierté
à n'être jamais salarié
pour ce bouquet de compétences
ni ces responsabilités
cependant j'ose
prétendre à quelque indemnité :
rallongez un peu les vacances,
s'il-vous-plaît.

21 novembre 2009

Six métriques (tiniak)

I

Tous ces architectes - pour un seul Gaudi ?
affectent d'infecte symétrie
les galeries sélect d'insectes asservis
qui n'ayant queue ni tête et rien à espérer
de doctes têtes au carré
doivent tout au contraire
taire et se contenter
de leurs habitats similaires
à en pleurer

Ah, ce culte manichéen, Minerve !
- binarité des gens de bien, m’énerve !!

II

Je suis hors de moi
toujours, mais à l'envers
- c'est l'endroit qui veut ça
le premier de nous deux qui décroche
perd ses verres

III

L'enfer du miroir, pour sûr
ce n'est pas de s'y voir
c'est de ne s'y voir pas
ainsi qu'on se figure
l'être ou l'avoir été

Stupeur médusée
le corps étranger de mon reflet

IV

Où laitue bêle
" L'es-tu, belle ? "
Carotte lui répond :
" ...pas en fin de cuisson "

A trop cultiver ta beauté
il pourrait bien t'en cuire
Carotte pour finir
t'en donne la leçon

Je te préfère crue, tfasson

(salade grivoise)

V

mais il est des reflets dans l'eau
qui me transportent larme
et sourire à nouveau
plutôt et plus sûrement vrai
que ne le peut le charme
de l'apprenti sorcier
depuis sa tour d'ivoire
venu me présenter
quelque mage miroir de l'âme
sans sourciller

VI

Toi
Moi
La lumière

et puis l'armoire

où le miroir s'en tint à ce puissant mystère
que je me vois en toi plus clair
et qu'en moi tu puisses te voir,
ma chair

7 novembre 2009

PORTE VUE (Tiniak)

PORTE VUE

Non, merci... un défi dès le matin ?
Merci... non... ou alors très tôt alors... parce que, bon

when I wake up early in the morning
lift my head
I'm still yawning
when I'm in the middle of a dream
stay in bed
float up stream

please don't wake me
no, don't shake me
leave me where I am

revenez plus tard
j'aurai conquis le hasard
en quelques couplets

pour l'heure, permettez
que je boucle mon rêve

oui, c'est un rêve à boucler...
sans trêve...
un fichier qui sonore
un défi qui s'honore
à la nuitée laminée
d'avoir tant bataillé
pour garder son secret
secret


...

PORTE VUE

Je vois... un jardin... il est sale
Des arbres mangent... une lune pâle
bavent du lière sur les buissons

Ce jardin est un abandon... épais... profond,
il s'y empêtre des saisons
un confus amalgame

d'odeurs... de couleurs... flamme,
terreuses... piteuses...
et réchappées de quelque drame

Ici, le règne du végétal
l'emporte sur l'autre... animal
avec... une arrogance... totale

J'avance... du moins, je le pense... je l'espère
Prudence... plat, mon pied sur la terre
qui grogne... maudit ma présence... et me pousse

J'avance... dans l'indifférence... de la mousse

Je vois... comme une lisière... c'est un mur
Parfois... c'est une montagne... envahie de verdure
J'ai froid... je voudrais quitter... ce vilain cauchemar
Et quoi !... là... là, comme j'avais... ravalé tout espoir

Une porte
Une porte... l'ouvrir ?
Une porte ! ...Qu'en dire ?
que je pourrais... en quelque sorte
me délivrer de ce délire
pour trouver quoi ? ...derrière la porte :
bien mieux ? ...bien pire ?

Je l'ouvre... les yeux fermés
J'en passe le seuil... troublé
Je tire la porte derrière moi
J'ouvre les yeux

Je vois...


(là, boucler)

----------------------------------------------
version audio déjà bouclée :
http://pavupapri.hautetfort.com/archive/2009/11/06/porte-vue.html

24 octobre 2009

Navigue, flamme bleue (Tiniak)

Navigue, Flamme Bleue, navire au bout du monde
qui cherche après le monde encore un nouveau monde
et vogue sans retour possible sur les terres
quittées sans un regret pour y laisser naguère
des ventres grand ouverts les âmes moribondes

car les femmes aimées et les enfants chéris
qui nous accompagnaient de leurs chants, de leurs cris
de linges agités au moment du départ
ne sont plus que chiffons, sanguinolents, épars
dont la folie guerrière a massacré la vie

Navigue, Flamme Bleue, avec les réchappés
qui manœuvrent encor tes voiles rapiécées
à tirer des bordées pour conjurer le sort
ils récrivent l'histoire et rêvent leur essor
en partageant le quart et la viande séchée

de leurs gorges flétries montent des mélopées
avec les mots anciens qui disent les contrées
qui disent d'où l'on vient et comment on l'emporte
qui disent la magie de nos natures fortes
et tout ce qu'il est bon d'entendre, d'évoquer

Navigue, Flamme Bleue, navire aux lignes fières
nous sommes les Sans-Femme, Sans-Fille, Sans-Mère
n'ayant plus rien à perdre nous courons le monde
en nous en remettant aux caprices des ondes
des vents et des dieux fous qui peuvent nous défaire

mais aucun ouragan, aucun monstre marin
aucune féérie dont nous ne savons rien
ne sauraient entamer la résolution prise
nous mènerons à son terme notre entreprise :
atteindre au bout du monde un ultime destin

Navigue, Flamme Bleue, navire vent debout
la fin du monde est proche, étale devant nous
sa lisère inconnue

Navigue, Flamme Bleue, toutes voiles dehors
nous franchissons du monde le dernier rebord
et sombrons dans les nues

"- Ont-ils tous disparu ?
"- Oui, c'est ce qu'on rapporte ;
mais on raconte aussi qu'une main les emporte
et qu'aujourd'hui encore on peut apercevoir
passer sur le front noir quelque bleu météore
que c'est signe de vie, d'espoir
en quelque sorte qu'il nous plaise d'y croire
  fermée la porte
  bonsoir

Oh ! tes yeux !
Un chemin s'est ouvert dans leur ciel que partagent
bientôt et plus jamais hier et davantage

3 octobre 2009

par l'écoutille (tiniak)

la nuit qui parle avec le ventre
je ne l'écoute pas, j'y rentre

la nuit qui parle par le nez
j'aime autant la laisser couler

la nuit qui parle avec les mains
je ne l'attends pas, j'y viens

la nuit qui parle par les yeux
c'est la nuit que j'entends le mieux

je m'y sens pousser des ailes
que je frotte contre les fibres
de son cocon de soie nouvelle
d'où je papillonne libre

ignorant les forts en gueule
qui nasillent, qui pérorent
s'empoignent le sort, se chamaillent
se disputent tant et plus
un os de diplodocus
un pré carré, un gamin
et se découvrent matin
sans rien dans les mains qui vaille
tant de bruit, tant de batailles
- feux de paille, pauvres trésors...

alors, dans la nuit qui chante
et porte mon vol, éphémère
je gagne la mer et voyage

on dit que de ses rivages
s'entendent bien davantage
des mélodies que la vie
a composées à la nuit

et mes ailes sont
des oreilles donc

j'écoute

la course des grains de sable
sur des paliers irritables

les soupirs agacés d'une grille
que n'a pas refermée la fille

le souffle engourdi d'une haie
de poussière lunaire encombré

le ronron flatté des grands arbres
qui entament de longs palabres

le sifflet joyeux des drisses
qui narguent la ville prise

la cantilène murmurée
d'une sirène énamourée

l'océan qui déplie les pages
de son grand livre d'images

et je vais par l'écoutille
fêter la quille.

26 septembre 2009

Foyez en paix (tiniak)

Sur la table en noyer
finement marqueté
la tasse en grès anglais
nargue le mazagran
près de sa tisanière
qui ne fait plus la fière
- elle est bien trop vidée

Aux flancs du canapé
couvrant des coussinets
en toiles ouvragées
et cousues de fil blanc
la cascade d'un châle
semble pousser un râle
- peut-être le dernier ?

Un orage est passé
délaissant le parquet
pour le sol carrelé
au damier noir et blanc
puis l'épaisse moquette
où pleure une chaussette
- privée de sa moitié

Dans leur paix retrouvée
les bibelots sonnés
ont fini de trembler
et de claquer des dents
sur la bibliothèque
et les meubles en teck
- c'est enfin la journée !

ils sont partis, les agités.

12 septembre 2009

L'heure qui n'avait jamais existé (tiniak)

De retour de la boulangerie un peu navré - je n'ai pas été servi comme à l'accoutumée par sa fille, mais par le boulanger en personne. Homme fier de l'être, homme. Et l'homme est lunatique, perclus de sens pratique, ferru d'aphorismes déprimants.
Une baguette pas trop cuite et bien modelée, pour elle, une biscornue et grillée, pour nous, autour d'elle, doux cheptel prenant garde de ne rien perturber de sa mise en route journalière.
Il n'as pas réagi, comme l'eût fait sa fille, d'un mot, d'une vétille, en enveloppant la baguette réputée invendable.
- Et vingt qui font quatre-vingt, dit-il en me remettant mon bien son regard cherchant sous mon coude à jauger le client suivant - un garçon qui n'a pas dix ans et en paraît six.
Je claironne un joyeux congé à la petite file bien rangée que l'écho de mes filles ne reprend pas, n'étant pas venues avec moi.
Je sors. Dehors, j'exécute mon petit tour de jongle avec porte-monnaie, journal, monnaie et mes deux baguettes brûlantes, dans leur papier enfariné... ça craque un peu, ça menace sous le coude, mais tout prend place, s'équilibre, parfait mon allure d'homme libre et me confère une élégance mâtinée d'insouciance.
En vérité je n'en mène pas large. Je viens de détruire mon ménage et ne sacrifie à l'usage que pour atténuer les effets du désastre annoncé.
Je ferme la porte derrière moi. J'appelle, on ne me répond pas. Pas de ruades dans l'escalier, pas de cartables dans l'entrée, pas de chaussures de ville, que les tongues des filles et ce petit bout de papier posé sur le piano :
- Non mais t'as vu l'heure ?! Bravo !! On règlera ça plus tard.
Je file à l'horloge de la cuisine : neuf heures moins le quart. J'hallucine !
Qu'ai-je fait de tout ce temps ?
Six minutes aller, six minutes retour, et allez, six minutes sur place, maxi... ça fait pas le compte !
Je suis parti à huit heures et vingt passées, disons vingt-cinq... la demie, allez... ça fait toujours pas le compte.
Sur le boulevard, en contrebas, on monte les plateaux scéniques de la Fête de la Musique qui aura lieu ce soir.
De quoi j'ai l'air avec mon petit-déjeuner caduc, le nez planté contre le vitrage, le bide noué par la rage, aussi dépité qu'un eunuque dans le gynécée déserté.
- Et merde, oui! C'est l'heure d'été !

5 septembre 2009

Tours d'ivoire (tiniak)

Main fredonnant l'herbe frisée
frissonnants grains de muscadet
chapelure appelée rosée
où j'irai déposer mes lèvres
avant qu'un rêve nous achève
avant qu'il nous ait emportés
perles vives dans la buée

Arrête un peu, dis
tu me chatouilles !

Calmes palmes devant l'or brun
n'en laissant fuir que des rais fins
persiennes fractures du jour
soudain quelque ennui vous tracasse
est-ce l'ouragan qui menace ?
qu'y puis-je faire ? comment sauver
le calme charme de vos ourlets ?

Regarde un peu, voir
j'ai pas une poussière ?

Eclats de forge dans l'atmosphère
brûlant ma gorge dans les enfers
un chameau passe, il est tout sec
un toucan délivre son bec
d'une pastèque
cependant je cherche à étreindre
la source au puits qui sait m'éteindre

T'as pas un peu soif, dis ?
parce que moi oui

Plus immobile qu'un caillou
stoïque tel un fier brisant
le monde roule sur mon cou
indifférent
à l'intérieur le rêve est plein
de jus, de flamme, de chanson
et, oui dame, de vos seins ronds

viens un peu par là, voir
que je t'embrasse

hélas, hélas, moment de grâce,
il est bien tard
sur le grand écheveau du soir
j'ai lacé mon tour d'ivoire.

19 juillet 2009

69 bis rue du Quiqui (tiniak)

tiniak – Abécédérotique (suite)

AVERTISSEMENT n°69bis : ceci est une fantaisie alphabérotomane du Maître qu’appelle au vice (si !).

N

nature : " Après deux heures de lutte, qu'il soit encore si dur montrait la bête en rut sous sa vraie nature "

nappe : " Les seins sur le plateau et les poings dans la nappe, elle attendait, en gros, que je l'attrape "

O

occupation : " - Un dessus, un dessous et, en tout : trois dedans ? Tu as de drôles d'occupations, vraiment! "

outre : " En outre, je n'avais rien de mieux à foutre "

P

palette : " Ils ôtèrent le bandeau et tous apprécièrent la palette de couleurs dans ses yeux clairs "

pression : " Ferme, la pogne maintenait la pression, menant la verge vers le con "

Q

QI : " Nul besoin d'un gros QI pour mesurer combien tu as un gros cul, oui "

quiétude : " Fourbu d'avoir lustré ce con comme un moujik, la quiétude de son giron me fut très bénéfique "

R

rasséréné(e) : " Je dus y mettre force coups de boutoir avant de la trouver conséquemment rassérénée "

résister : " - C'est ça, résiste encore un peu. Je te savourerai d'autant mieux "

S

savon : " Quelle ne fut ma surprise de découvrir alors, un morceau de savon dans son Col de L'Homme-Mort "

soi : " L'amour déçoit quand l'amour de l'autre ne va pas de soi "

T

tarte : " Peut me chaut qu'elle soit tarte si je puis lui pétrir la pâte, lui beurrer le moule, lui garnir l'intérieur, l'enfourner, la démouler et picorer ces cerises... bonheur ! "

tatillon(ne) : " Fouet, martinet, lanière, elle faisait bien la distinction... 'faut dire qu'elle était tatillon "

U

ultime : " Le vertige nous prit du sommet à l'abîme, notre jouissance allant jusqu'au plaisir ultime "

urne : " Madame

La Députée

me laissa lui glisser un doux billet dans l'urne "

V

vaisselle : " - Plus d'huile ? C'est pas grave : j'ai du liquide vaisselle! "

voltige :  " Danseuse, elle m'entraîna dans des figures de haute voltige "

W

warnings : " Dans ses yeux s'allumèrent soudain des warnings ; nous n'étions donc plus seuls dans ce parking "

web : " Je suis accro à ta web came "

X

xanadu : " Pour couvrir l'écho de nos cris, dans cette pièce sonore, nous avions mis la bande son de 'Xanadu' un peu plus fort "

xylophone : " Je tapotais son dos comme on joue du xylo, mon dard mis bien au chaud dans son petit fourreau "

Y

yes : " ...mais je n'attendis pas que la lectrice dise "yes", d'un coup je lui saisis sa belle paire de fesses "

yoyo : " Allongé sur le dos, mes mains dans ses aisselles, je jouais au yoyo avec la demoiselle "

Z

zéro : " Je plongeais donc d'entre ses pattes dans son giron, tel un zéro en 44 sur un porte-avions "

zygomatique : " - Etonnante, cette similitude entre tes contractions vaginales et tes zygomatiques... ça te vient de ta rééducation périnéenne ?"

La semaine prochaine, nous reprendrons l’étude d’un point de vue étymologique.

Je vous remercie de votre attention,

Pr NIAK.

14 juillet 2009

Abécédérotique (1) Tiniak


AVERTISSEMENT n°69 : ceci est une fantaisie alphabérotomane du Maître qu’appelle au vice (si !).


A
aller : " Aller, venir, allers, retours ; mécanismes de baise ou tourments de l'amour ? "
amen : " - Lors, je n'aurai de cesse de te secouer la couenne, que la peau de tes fesses ne me diront amen "

B
banane : " Avec la chantilly qu'elle avait mis autour de ma bite, je me faisais l'effet d'être un banana-split "
bouche : " Ta bouche et la mienne fondant, l'un et l'autre de nos corps s'apprêtent à vibrer haut et fort, comme avant "

C
court : " Le cheveu court ne démentait pas de son bulbe le poil ras "
culotte : " - N'enlève pas ta petite culotte, j'arrive! "

D
disert : " - L'affaire conclue, il était moins disert, tout nu "
donner : " Devant cette cambrure, j'éprouvai le besoin de donner quelques claques à ce gros popotin "

E
élaborer : " Lors, j'employai pour la bourrer un procédé élaboré "
évidence : " Je m'astiquais à l'évidence péniblement sous cette panse "

F
ferme : " Qu'ils soient mous ou bien fermes, j'ai la passion des seins "
foire : " Le sol, après tout ça, avait des airs de foire aux vêtements dressée dans tout l'appartement "

G
girondin : " - Elle était plutôt gironde, hein ? la supportrice des girondins "
glousse : " - Faut-il vraiment que tu glousses chaque fois que j'y mets le pouce ? "

H
hirondelle : " - Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais ta rondelle, sûrement! "
horreur : " - Et tu lui as tout mis, comme ça, sans prévenir ? Quelle horreur! "

I
îlot : " Dans l'enchevêtrement des corps alanguis, son genou faisait un îlot bien joli "
intriguer : " - Tu veux dire : sans les mains ? Alors là, tu m'intrigues "

J
jamais : " - Je ne l'avais jamais fait comme ça, avant. On recommence ? "
jeune : " - Va, je ne suis plus toute jeune / - Que tu dis, viens par ici! "

K
karma : " - Je file un bon karma, on s'enfile un kama' ? "
képi : " C'est encore sur le haut du cul que tu portes mieux le képi, vu ? "

L
lacet : " - Bon, je n'aurais peut-être pas dû tirer sur ce lacet, mais maintenant qu'on y est... "
lucide : " - Non, 'y a plus de place pour personne, là. Restons lucides! "

M
mignon : " Son parfum évoquait la crème de marron, j'en goûtais davantage son sein rond et mignon "
mort : " La vie ne vaut pas d'être encore sans cette petite mort "

6 juillet 2009

Clé de 68 (tiniak)

Nuage, sans visage et sans nom
tu forces mon admiration
je te contemple et je voyage
sur tes volutes de coton
je m'obstine à te reconnaître
à te nommer, à te faire être
monstre, divagation
en abusant à ton passage
mon imagination volage

Nuage, clé des songes
presse ma vue comme une éponge

Nuage, rêve en plein jour
donne à mon esprit libre cours

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