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Le défi du samedi
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20 février 2016

Le temps (Marco Québec)


Il rêvait de maîtriser le temps
Plus rien à faire
Des retardataires
Des gens toujours pressés
De ceux qui ont tout leur temps
Ou n’en ont jamais assez
Sans compter ceux qui tuent le temps

Il n’y aurait plus
D’avant et d’après
D’hier et de lendemain
De jours qui allongent
Ou qui raccourcissent
De temps mort
Ou de temps de vivre
De conflit d’horaire
De fuseaux horaires

Il rassembla donc les sabliers
Qui se trouvaient dans toute la contrée
Il en remplit sa maison
Du plancher au plafond
Il était certain
D’être le plus malin
Maintenant
Qu’il possédait le temps

Le temps s’est bien moqué
De cette entreprise insensée
Au petit matin
Plus de sabliers
Que du sable, un mètre pas moins
Sur tout le plancher

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13 février 2016

Mes mots (Marco Québec)

Préambule

J’ai écrit ce texte il y a quelques mois. J’y fais parler l’un de mes amis diagnostiqué Alzheimer précoce à 45 ans. J’attendais l’occasion pour le proposer.
C’est l’image enfantine de la lune dans l’image du thème qui m’a allumé.

Le titre du texte est Mes mots. Il aurait pu tout aussi bien s’intituler Au clair de la lune.

 


À peine 45 ans
Je n’étais qu’au mitan
J’ai perdu la mémoire
J’ai perdu mon histoire
 
Envolés les mots du quotidien
Les mots qui font du bien
Je réponds à vos questions
Par un oui, par un non
 
Se sont tus les mots des discussions
Ceux des conversations
Des tergiversations
Des grandes réflexions
 
Enfouis les mots des sentiments
Les mots qui disent  le temps
Les mots de mes chansons
Les mots qui sentaient bon
 
Éclipsés les mots de tous les jours
Les mots de mes amours
Oubliés les mots qui font la fête
Et les rimes des poètes
 
Si revenait  ma mémoire
S’il y avait moins de noir
Je chanterais cette chanson
Apprise petit garçon
 
Au clair de la lune
Mon ami Pierrot
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot

6 février 2016

Briser la glace (Marco Québec)

 

Je m’étais installé, il y a quelques années déjà, à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Il s’agit d’une petite municipalité du Québec, située sur la rive nord du Saint-Laurent.

La Pérade est surtout connue pour la pêche sur la glace en hiver. Quand ce dernier a transformé en glace les eaux de la rivière Sainte-Anne, on y construit un village temporaire constitué de cabanes de pêcheurs. Une cabane peut accueillir quelques pêcheurs qui tentent d’y attraper le poulamon, espèce de petite morue, au moyen d’un fil et d’un hameçon qu’on met à l’eau à travers un trou pratiqué dans la glace.

Je menais à La Pérade une vie de solitaire. Je n’avais jamais été attiré par cette activité de pêche sur la glace, prisée par les résidents, ainsi que par de nombreux touristes, selon ce que j’avais entendu. C’est en allant cueillir mon courrier au bureau de poste que l’idée a commencé à germer dans mon esprit. Des affiches placées dans les vitrines des quelques commerces concentrés au centre du village annonçaient l’ouverture de la saison de la pêche. Celle-ci avait eu lieu la fin de semaine dernière. Même si j’étais porté à penser que j’étais trop vieux pour m’initier à cette activité, une partie de moi avait le goût d’un peu de nouveauté dans ma vie qui se déroulait comme un long fleuve un peu trop tranquille.

Le dimanche suivant, je me suis donc présenté au kiosque d’accueil où l’on m’a donné les informations d’usage et dirigé vers la cabane portant le numéro 12. Quand j’y suis entré, il y avait un homme qui était assis sur une planche qui lui servait de banc. La cabane comportait deux bancs qui se faisaient face et pouvait contenir au plus quatre pêcheurs. Je me suis assis face à cet inconnu et j’ai engagé la conversation.

-        Bonjour monsieur.
-        Bonjour. Est-ce que cela vous dérange que je fume? Je peux éteindre ma cigarette si vous préférez.
-        Non. Je fume moi aussi. Je vais en profiter pour m’en allumer une.
Je cherchais mes cigarettes dans mes poches. Comme je ne les trouvais pas, je dis :
-        Il semble bien que je les ai oubliées à la maison.
-        Tenez, prenez-en une.
-        Non merci. Je ne veux pas avoir l’air de celui qui fait semblant d’avoir oublié ses cigarettes pour en quête une.
-        Allez, prenez-en une. Ça me fait plaisir.
-        Alors d’accord. Je vous remercie. Je m’appelle Gustave Labbé.
-        Vous habitez à La Pérade?
-        Oui, depuis quelques années, lui répondis-je.
-        Et vous, êtes-vous un touriste?
-        Non, j’habite à La Pérade moi aussi.
-        Je ne me rappelle pas vous avoir déjà croisé.
-        Par contre, mon nom devrait vous dire quelque chose. Je m’appelle Delphis Moreau.
-        Delphis Moreau. Ah! Vous êtes le père du…
-        Oui, c’était mon fils.
-        … du double meurtre.
-        C’est bien cela.
-        Je suis désolé, lui dis-je.
-        Vous n’avez pas à être désolé.
-        Je ne savais pas que vous viviez toujours au village.
-        Oui, c’est ici que je suis né. C’est ici que je veux mourir.
-        Je vous trouve bien courageux.
-        Je ne sais pas si c’est du courage ou de l’entêtement, me répondit-il.
-        Et la mère de, du, votre femme?
-        Jeannine ne s’est jamais remise des événements. Elle s’est laissée mourir.
-        Est-ce que vous avez refait votre vie?, lui demandai-je.
-        Refaire sa vie. Quelle expression! Quelle illusion surtout!
-        En fait je me demandais si vous viviez seul.
-        J’avais compris. Oui je vis seul. Mes enfants ont tous quitté le village et n’y ont jamais remis les pieds.
-        C’est bien triste tout cela.
-        En effet, ça l’est. Mais parlez-moi de vous. J’espère que votre histoire est moins triste que la mienne.
-        Moins triste, c’est certain. Je suis veuf. Je n’ai pas eu d’enfant. La solitude finit par peser.
-        Vous pêchez souvent le poulamon?, me demanda-t-il.
-        Non c’est la première fois.
-        Moi c’est la première fois depuis nombre d’années. Il faut briser la glace, me dit-il.
-        N’est-ce pas ce qu’on vient de faire?
-        Pardon?
-        C’est ce qu’on vient de faire, non, briser la glace. Deux inconnus qui font connaissance, qui se révèlent.
-        Oui, vous avez raison, sûrement. Mais je parlais plutôt du trou dans la glace… Si l’on veut pêcher. Le trou s’est refermé.

Nous avons eu alors un grand éclat de rire qui scella notre complicité qui dure encore aujourd’hui.

ma01

30 janvier 2016

Les livres retrouvés (Marco Québec)

 

Retrouvé dans une librairie
Un livre qui nie
Que l’exploration pétrolière
Menace l’avenir planétaire
Cas très clair
D’aveuglement volontaire

Vu dans Internet
La réédition critique
Du livre Mon combat
Écrit par Hitler
Tout ce que je souhaite
C’est que personne n’y pique
Un quelconque mantra
Pour nourrir une guerre
mq01

 

Remis la main
Sur La voleuse de livres
Édition de poche
Œuvre de Zusak
Me revient en mémoire
Tout le plaisir que j’ai trouvé
Dans ce scénario
Fabuleux destin
D’une enfant qui s’accroche
En des temps plus noirs
À la puissance des mots
Et de l’amitié
Qui lui donneront la force de vivre
Dans un pays mis à sac
mq02

 

Cette bande dessinée
Que j’avais égarée
Vient de resurgir
Quel beau souvenir
Paul à Québec
Raconte simplement
La maladie et la mort
De son grand-parent
Histoire d’un départ
Dont on ne sort
Pas les yeux secs
mq03

 

Au fond d’une vieille malle
Le petit prince
De Saint-Éxupéry
Oeuvre essentielle
Sûrement immortelle
Un aviateur et un enfant
Qui deviennent amis
Et parlent de la vie
Propos pas banals
D’une profondeur intense
mq04

 

 

23 janvier 2016

J’aurais aimé (Marco Québec)

 

J’aurais aimé être un dompteur
Pour mater les pulsions guerrières

J’aurais aimé être un pompier
Pour conclure des cessez-le-feu

J’aurais aimé être ingénieur
Pour construire des ponts entre les nations

J’aurais aimé être portier
Pour ouvrir la porte à l’étranger

 

J’aurais aimé être un lutteur
Pour me battre contre les préjugés

J’aurais aimé être cardiologue
Pour réparer les cœurs brisés

J’aurais aimé être un voleur
Pour vous soulager de vos ennuis

J’aurais aimé être magicien
Pour mettre de la lumière dans vos yeux

 

J’aurais aimé être un peintre
Pour immortaliser la beauté

J’aurais aimé être coloriste
Pour mettre de la couleur dans la vie

J’aurais aimé être un chercheur
Pour avoir le plaisir de te trouver

J’aurais aimé être un coureur
Pour pouvoir te rattraper

 

J’aurais aimé être jardinier
Pour cultiver l’amitié

J’aurais aimé être horloger
Pour maîtriser le temps

J’aurais aimé être serrurier
Pour prendre la clé des champs

J’aurais aimé être un champion
Mais pas le champion des cons

 

Encore cette semaine pour votre plaisir : La chanson Le blues du businessman chantée par Claude Dubois, artiste québécois

https://www.youtube.com/watch?v=-OJIUuyXkGs

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16 janvier 2016

Mes amis disparus (Marco Québec)

Ferré a chanté
Que sont mes amis devenus
D’après un texte de Rutebeuf

À mon tour de parler
Des gens de ma vie disparus
Avec des mots qui ne sont pas neufs

Où es-tu toi, sœur Sainte-Élizabeth
Souriante sous ta cornette
Tu m’as fait la première année
Tu as surtout su me rassurer
Pour apprendre à lire
À compter, à écrire

Où es-tu toi, le grand Mathieu
Tu étais toujours sérieux
Mon seul ami du secondaire
Ta présence me fut salutaire
Dommage qu’on se soit brouillé
Pour des motifs que j’ai oubliés

Où es-tu toi, monsieur Garneau
Tu avais quitté l’Église
Pour rejoindre ton Éloïse
Tu étais mon prof de philo
Tu avais percé ma carapace
M’avais dit à mon tour capable d’audace

Où es-tu toi, ma belle amie
Sache que tu manques à ma vie
Tu m’avais un jour déclaré
Souhaiter plus que l’amitié
Tu as épousé un Jéhovah
Et depuis l’on ne se voit pas

Où es-tu, toi mon premier amour
Notre voyage fut bien court
Je descendis à la première station
En raison de ta mère qui bouchait l’horizon

Où es-tu, toi qui m’as fait rêver
Pendant tant d’années
Je ne t’ai jamais raconté
Le désert que j’ai traversé

Nos chemins se sont croisés
Puis se sont éloignés
Toutes et tous, vous avez disparu
Et appartenez à un passé révolu

 

Pour votre plaisir : La chanson de Léo Ferré chantée par Claude Dubois, artiste québécois
https://www.youtube.com/watch?v=Epdrf2zXXGE

9 janvier 2016

Rythmes (Marco Québec)


Printemps, été, automne, hiver
Rythment mon année
Vêtements d’hiver
Pour me protéger
Vêtements d’été
Quitte à en rajouter
Pneus d’hiver
Pneus d’été
Sports d’hiver
Ski, patin et raquette
Sports d’été
Baignade, kayak et bicyclette

Les repas
Rythment ma journée
Déjeuner
Pris avec avidité
Dîner
Que je vais souvent sauter
En raison de mon heure de lever
Souper
Généralement partagé
Sans oublier les collations
Qui arrondissent mon bedon

Ombre et lumière
Rythment mon âme
Les jours de joie
Ma vie près de toi
Les heures de peine
Les heures de haine
Le temps de la fierté
Le temps de la mocheté
La vie à genoux
Et la vie debout

Naissances, maladies et décès
Rythment la vie
La mienne
Et celle des gens que j’aime
Naissance de jumeaux
Maladies chroniques
On diagnostique
Un cancer des os
Et le voilà passé
De l’autre côté

Engagements choisis
Amours et amis
Défi du samedi
Rythment ma semaine
Un rythme que  j’aime
Vous l’avez compris

2 janvier 2016

À vendre (Marco Québec)


Profitez d’une offre exceptionnelle
Donnez votre nom à une étoile
Disait la publicité
Un certificat de propriété
Vous sera délivré

Fallait tout de même y penser
Vendre les étoiles
Comme on vend une toile
Ou une auto de l’année

Ajoutez donc un rayon de soleil
Il n’y a rien de pareil
Pour impressionner
Tous vos invités

Quant à l’arc-en-ciel
Il fait des merveilles
Dans les fêtes d’enfants
Ou celles des mamans

Non c’en est assez
Boudons cette société
Qui veut tout marchander
Ne touchons pas aux étoiles
Aux rayons de soleil
Ni à l’arc-en-ciel
Tout cela est gratuit
C’est tellement joli
Ces morceaux d’infini

26 décembre 2015

De quoi sont faits mes rêves? (Marco Québec)

 

Il y a les rêves où il ne se passe rien
Sinon les gestes du quotidien
Tout à fait banal
D’une personne à peu près normale

Il y a les rêves récurrents
Où il fait mauvais temps
Reviennent les passages difficiles
D’un personnage malhabile
Les blessures de l’enfance
Qui sortent de leur silence
Et les trop vieux conflits
Qui ne seront jamais finis
Ma vie qui règle ses comptes
Avec un père qui me fait honte
Ou bien je fais la guerre
À mes jeunes tortionnaires

Il y a les rêves des fantasmes inassouvis
Qui habitent certaines nuits
Film court-circuité
Par le corps et sa mauvaise idée
De quitter le sommeil
À un moment pareil

Il y a les rêves obsédants
Qui se pointent de temps en temps
La course effrénée
Où je ne fais que tomber
La chute dans le vide
Qui me laisse livide

Il y a les rêves qui ont la propriété
De tout mélanger
Les morts et les vivants
Le passé, le présent
Le public, le privé
Dans des situations insensées

 

19 décembre 2015

Retard (Marco Québec)

-          Bonjour monsieur.
-
          Bonjour, votre nom s’il-vous-plaît.
-
          Où suis-je?
-
          Vous êtes au ciel.
-
          Est-ce que je suis mort?
-
          Je suis désolé de vous l’apprendre, mais c’est bien le cas.
-
          Oh!
-
          Et votre nom, s’il-vous-plaît.
-
          Émile Larivière.
-
          Alors voyons cela. Larivière, Émile, Montréal, accident d’automobile, heure du décès : 16h02.
-
          Oh!
-
          Il est 16h32. Vous arrivez donc au ciel avec une demi-heure de retard, ce qui n’est pas du tout dans les normes, monsieur Larivière. Je vais devoir en référer à mon supérieur.
-
          Est-ce que votre supérieur, c’est Dieu?
-
          Vous blaguez, monsieur. Avec toute la bureaucratie qu’il y a ici, vous n’imaginez tout de même pas que Dieu soit mon patron. D’ailleurs, entre vous et moi, je n’ai pas encore rencontré Dieu.
-
          Oh!
-
          Avez-vous votre formulaire?
-
          Quel formulaire?
-
          Le Si-L.
-
          Je n’ai aucun formulaire.
-
          Non, mais ce n’est pas possible. Une demi-heure de retard et pas de formulaire.
-
          Je suis désolé, monsieur…
-
          Monsieur Lange.
-
          Oh!
-
          Attendez un instant. J’appelle mon supérieur… Pas de réponse évidemment. Depuis qu’ils leur ont installé des afficheurs, je les soupçonne de filtrer les appels.
-
          Monsieur Lange, est-ce que je peux aller à la salle de bain?
-
          Pourquoi donc?
-
          Bien, j’ai un peu envie.
-
          Non, mais je n’en crois pas mes oreilles. Vous voulez dire que vous n’avez pas eu la mise à jour préalable à votre entrée au ciel.
-
          Si vous le dites.
-
          Non, mais on se demande ce qu’ils font les fonctionnaires à l’accueil.
-
          Et pour la salle de bain?
-
          Vous allez devoir attendre.
-
          Oh!
Monsieur Lange appelle donc la secrétaire à l’accueil.
-
          Bonjour madame Marie-Ange. Ici Lange, au ciel. J’ai un type, un dénommé Larivière, qui nous est arrivé avec une demi-heure de retard. Il n’a pas son formulaire et on ne lui a pas fait la mise à niveau préalable. En plus, il croit que mon patron, c’est Dieu. Vous pouvez me dire ce qui se passe à l’accueil aujourd’hui.
-
          Vous n’êtes pas au courant?
-
          Au courant de quoi?
-
          Tout le personnel est en rencontre pour le lancement de la nouvelle planification stratégique. Vous n’êtes pas sans savoir que celle-ci revoit de fond en comble nos procédures et fixe nos nouvelles cibles de performance.
-
          Je n’ai jamais entendu parler de cela.
-
          Je peux les informer de cette faille dans leur plan de communication.
-
          Et qu’est-ce que je fais avec Larivière?
-
          La section des refoulés est déjà complète. Je ne vois pas d’autre solution que de le retourner sur terre. D’où vient-il?
-
          De Montréal.
-
          Laissez-moi vérifier. Pour Montréal, nous n’avons pas encore atteint notre quota de retour. Vous pouvez le retourner sans aucun problème.
-
          Je vous remercie, madame Marie-Ange.

-       Monsieur Larivière, les services d’accueil tiennent aujourd’hui une activité de formation de la plus haute importance. Voilà ce qui a occasionné tous vos petits ennuis.
-
          Oh!
-
          Nous allons devoir vous retourner à votre vie à Montréal.
-
          Mais il n’en est pas question, monsieur Lange. Je suis mort et je veux le rester.
-
          Que tout cela est embêtant!
-
          Moi je n’ai rien demandé. À vos services de trouver une solution.
-
          Qu’est-ce que vous faisiez comme travail à Montréal?
-
          J’étais consultant en gestion, en réingénérie des processus d’affaires, etc.
-
          Ah! Je vois. Je crois que j’ai une solution pour vous.

 

12 décembre 2015

Regards (Marco Québec)

-        Pourquoi me regardez-vous ainsi ? , dit la femme.

-        Qu’est-ce qu’il a mon regard ? ,  répondit l’homme

-        Je ne sais pas, j’ai l’impression que vous me regardez comme un phénomène ou comme une bête curieuse.

-        Et vous j’ai l’impression que vous me regardez de haut. Et j’ai le regard aiguisé, croyez-moi.

-        Sachez que je ne vous ai même pas adressé un regard, dit la femme.

-        Cette réponse embrume mon regard, répliqua l’homme.

-        Attention, je n’ai pas dit que vous n’étiez pas agréable à regarder.

-        L’homme la regarda alors droit dans les yeux et posa un regard neuf sur l’échange qui se déroulait. Il lui dit : Vous aussi, vous réjouissez le regard.

-        Puis-je apporter mon regard sur la situation ?, tenta-t-elle.

-        Tant qu’il ne s’agit pas d’un regard clinique.

-        Rassurez-vous, je ne suis pas médecin. Mais je crois que vous me regardez du coin de l’œil depuis un bon moment, monsieur. J’ai un regard d’aigle, vous savez.

-        Si vous l’avez remarqué, comment pouvez-vous affirmer que vous ne m’avez même pas adressé un regard ?

La femme soutint le regard de cet homme qui la regardait dans le blanc des yeux. C’est à ce moment-là que leurs regards se rencontrèrent.

Je ne vous raconterai pas la suite, car ils me regarderaient de travers. De toute façon, cela ne vous regarde pas.

Best regards.

5 décembre 2015

Hiéroglyphes du 3e millénaire (Marco Québec)

ma01

 

Nous ne disons pas « Allô »
Mais nous « likons » nos photos

Nous ne nous chuchotons pas « Je t’aime »
Mais tout au long du jour, nous cliquons « J’aime »

Nous nous fermons à la tendresse
Mais nous nous envoyons des SMS

Nous ne touchons plus au réel
Nos vies sont virtuelles

Nous sommes tout seuls ensemble
Il faudrait, il me semble
Pour retrouver notre chemin
Rendre la liberté à nos mains

 

28 novembre 2015

Trans-e (Marco Québec)

 

Le garçon racontait
Que d’aussi loin qu’il se souvenait
Il avait toujours voulu être une fille
Et que ce petit bout de chair
Dont les mâles sont tellement fiers
Lui paraissait bien inutile

La fille racontait
Qu’en ce qui la concernait
Elle avait toujours détesté
Le corps dans lequel elle était enfermée
Elle enviait la stature des garçons
La force de ces fanfarons

Tous les deux avaient opté
Pour retrouver l’harmonie
Que leurs corps et leurs pensées
Puissent devenir des amis

Il s’en trouvera pour penser
Que tout cela est insensé
Mais au-dedans de moi-même
Je me dis que c’est une énigme

Et d’ailleurs le mot « énigme »
A eu son propre dilemme
Mot féminin de nos jours
Ne l’a pas été toujours
A pris le genre masculin
Dans certains alexandrins

Corneille fit dire à Œdipe
« Et l’énigme du sphinx fut moins obscur pour moi »
Ce n’était pas une erreur type
Ce mot n’avait alors toujours pas fait son choix

 

21 novembre 2015

007 (Marco Québec)

Si j’étais James Bond
Je travaillerais

Au service secret de Sa Majesté

Je saurais qu’il est Permis de tuer
Rien que pour vos yeux

Que Tuer n’est pas jouer
Que Demain ne meurt jamais
Que Les diamants sont éternels

Si j’étais 007
Je te dirais : Meurs un autre jour

Car On ne vit que deux fois
Je pourrais Vivre et laisser mourir
L’Homme au pistolet d’or

Mais je ne suis pas l’espion
Dangereusement vôtre
Créé par Fleming
Qui était lui-même espion

Montres-bracelets
Voitures et gadgets
Conquêtes féminines
Ce n’est pas mon monde

Je ne suis pas Bond
Je joue dans un film
Qui n’est pas à l’affiche
Et je m’en contrefiche

 

14 novembre 2015

Les couloirs (Marco Québec)

 

Couloir de l’école
Que la jeune enfant
Arpente à pas lents
Avance en pleurant
Ne trouve plus la classe
De madame Lacasse
Croyez pas qu’elle rigole
L’enfant de cinq ans

Couloir du nageur
Celui du sprinter
Ou du patineur
Qui ont mis des heures
Pour être les meilleurs

Couloir d’hôpital
Où défile, alité
Un accidenté
Le choc trop brutal
Lui sera fatal

Couloir à contresens
Bienvenue dans la danse
Couloir de circulation
Pour les avions
Couloir aérien
Qui t’emmène au loin

Intrigues de couloirs
Des hommes politiques
La soif du pouvoir
Est si magnétique
Les bruits des couloirs
Alimentent la rumeur
Démissionnera ce soir
C’est une question d’heures

Dans certains pays
Faire le couloir
C’est chercher appui
Dans les ministères
Auprès des partis
Avec pour espoir
De gagner du pouvoir
Dans les hautes sphères

Couloir humanitaire
Que l’on tente de faire
Dans un pays en guerre
Pour porter secours
À des êtres humains
Qui n’ont rien fait pour
Connaître ce destin

Couloirs de la mort
Qui existent encore
Dans une société
Dite civilisée

Et toi, et toi
Tu es mon couloir
Quand revient le soir
Je me coule en toi
Qui m’ouvre les bras
Et chante mon âme
Éclate mon cœur
Tu es le sésame
Des jours de bonheur

 

7 novembre 2015

Une belle personne (Marco Québec)

Toi et moi
Ça ne collera pas
T’es une belle personne
Mais côté physique
J’ai besoin que ça clique

Toi et moi
Faut oublier ça
T’es une belle personne
Mais je travaille dans un restaurant
Toi dans l’enseignement

Toi et moi
Il n’y a pas d’avenir là
T’es une belle personne
Mais en ce moment
Je ne veux pas d’engagement

Toi et moi
J’aurais aimé ça
T’es une belle personne
Mais il y a mon ex
Vraiment trop complexe

Toi et moi
Ça ne se peut pas
T’es une belle personne
Mais j’ai choisi Dieu
Plutôt ennuyeux

Toi et moi
Ça n’arrivera pas
T’es une belle personne
Mais il y a ma carrière        
Et bien sûr ma mère

Toi et moi
Je ne vois vraiment pas
T’es une belle personne
Mais tu t’es fait des idées
Ne viens pas me blâmer

Toi et moi
N’en fais pas un plat
T’es une belle personne
Mais je suis trop fragile
Ma vie ne tient qu’à un fil

Les mots dont vous vous servez
Pour vous protéger
T’es une belle personne
J’en ai la nausée
Que vous le répétiez

 

31 octobre 2015

L’enfant du bout du trajet (ou Il m’a dit : « Je vais te raconter ton histoire ») (Marco Québec)

J’étais alors un garçon âgé de dix ans. Je me suis avancé vers l’autre enfant et je lui ai dit :
« Je sais pourquoi tu es comme tu es. C’est parce que tu es l’enfant du bout du trajet. Je vais te raconter ton histoire.

Tu es arrivé au village il y a quelques mois. Tes parents se sont installés à l’extrémité est du village dans un coin isolé. Tu n’étais pas très heureux d’avoir dû déménager, car tu aimais bien ta vie dans ton ancien village. Tu avais de bons amis, un professeur original et un lac plein de poissons.

Puisque ta nouvelle école était située à l’extrémité ouest du village, tu étais le premier à monter dans l’autobus scolaire et le dernier à en descendre le soir. Comme tes deux parents travaillaient à la boulangerie jusqu’à 18 heures, il avait été convenu qu’en attendant leur arrivée, tu ferais seul tes devoirs et tes leçons, après avoir pris un verre de lait et deux biscuits.

Le premier jour où tu es venu à l’école, tu étais intimidé et tu as très peu souri ou parlé. Le retour à la maison ce soir-là allait changer ta vie à tout jamais.

Dès le lendemain, tu affichais un air triste et buté qui ne t’a pas quitté depuis. Les autres élèves ont bien essayé de te parler, de t’apprivoiser, mais ils ont vite compris qu’il n’y avait rien à tirer de toi. Les invitations à partager leurs jeux ont cessé et ils t’ont laissé tranquille, se disant que tu étais un bien curieux garçon et que tu n’avais probablement pas toute ton intelligence.

Tes parents ont bien remarqué le changement qui s’opérait en toi, mais tu refusais de répondre à leurs questions et tu leur disais que tout allait bien, qu’ils s’inquiétaient pour rien.

De mon côté, quand j’ai appris qu’une nouvelle famille avait installé sa maison mobile à l’est de la nôtre, j’ai pensé que c’était le plus beau jour de ma vie. Et peu à peu, les autres écoliers et mes parents se sont demandé ce qui avait bien pu m’arriver pour que je devienne tout à coup plus souriant, plus joyeux, plus sociable.

Dès les premiers jours de ton arrivée à l’école, je t’ai observé sans arrêt et j’ai rapidement compris que ton tour était venu. Je te regardais et c’est moi que je voyais, comme dans un miroir. Oui, c’était maintenant toi l’enfant du bout du trajet. Tout comme la mienne, ta vie a basculé à la fin de ton premier jour de classe.

Tout comme il l’avait fait pour moi, le chauffeur d’autobus a garé son véhicule derrière ta maison mobile. À cet endroit, personne ne pouvait le voir. Il t’a empêché de descendre, a baissé son pantalon et t’a demandé de le toucher.

C’est cela ton histoire. C’est aussi mon histoire. C’est notre histoire à tous les deux. »

L’autre garçon pleurait depuis déjà un moment. Je me suis approché de lui, je l’ai serré dans mes bras et j’ai pleuré avec lui.

« Est-ce que tu vas m’aider? », me demanda-t-il.

« De toutes mes forces », lui répondis-je.

 

24 octobre 2015

Appel au système D (Marco Québec)

Il faudra faire appel au système D
Si l’on veut arriver à
Déshabiller les culottés
Débusquer les préjugés
Désobéir aux désobligeants
Destituer les ignorants
Découronner la royauté
Dégraisser les privilégiés
Désinstitutionnaliser la pauvreté
Déboulonner la tyrannie
Débâillonner les sans-abris

Déficeler les députés
Démêler le vrai du faux
Déployer des idéaux
Désamorcer l’esprit guerrier
Démobiliser toutes les armées
Déminer les idées toutes faites
Dénucléariser la planète

Démissionner de nos lâchetés
Défoncer les portes barrées
Dérider nos attitudes
Déserter nos solitudes

Il faudra faire appel au système D
Si l’on veut arriver à
Dénoncer la course à l’argent
Déshypothéquer l’environnement
Déverser la liberté
Dessiner la fraternité

 

17 octobre 2015

Mon agenda (Marco Québec)

 

Électronique ou papier
Vous vous demandez
Au risque de faire dépassé
Je préfère papier

Grand ou petit
Bleu, brun, gris
Boudiné, broché
Avec ou sans pensées
Aucune importance
Mais j’en ai un besoin immense

Tellement que j’achète le suivant
Quelques mois avant le nouvel an
C’est ma mémoire
C’est mon grimoire

Les anniversaires
Les achats à faire
Les rendez-vous médicaux
Ou plus rigolos

Le changement des pneus
Une petite place pour Dieu
Les personnes à visiter
Le livre à rapporter

Le prochain voyage
Les serviettes de plage
La crème solaire
Le dernier bestseller

Le vaccin du chat
Le bénévolat
L’appel à maman
À mon oncle Armand

Sortie en canot
Souper au resto
Sirop pour mon rhume
Et une nouvelle plume

Vider les gouttières
Réparer la porte arrière
Râcler le gazon
Repeindre le balcon

Dans mon agenda
Tout est là
Et dans mon agenda
Il y a de la place pour toi

 

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