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Le défi du samedi
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17 janvier 2009

(Poupoune)

Salut les ancêtres !!!!!  JJJ

 

Vous voulez pour une fois un VRAI DEFI ????!!!!!

Vous voulez enfin découvrir la VRAIE VIE de vos enfants (ou petits-enfants !!!)

Vous êtes prêts à TOUT savoir sur la vie des djeun’s ?

 

Alors venez tout apprendre avec KEVINA, la reine du cancan lycéen !!!!!!!

 

Allez les vieux JJJ, on prend sa souris (le truc au bout du fil, là !) et on clique sur le lien !!

 

Là, le lien Ê

 

http://les-scoops-a-kevina.over-blog.fr/

 

JJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJJ

 

Allez, les papy’s & mamy’s, A TOUT’ !!!!!

 

(et si vous y arrivez pas demandez à un jeune !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!)

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10 janvier 2009

Le joli libraire (Poupoune)


 

Je ne saurais dire exactement quelle petite fortune cette histoire m'a finalement coûté. Mais il était tellement joli, le petit libraire. Alors à chaque fois que j'en avais l'occasion, j'allais traîner dans les rayons de la librairie... Au début je furetais au hasard, et puis j'ai étudié les points stratégiques : aller tout droit au rayon « Poches », au fond, permettait de traverser la boutique et de faire ainsi un repérage assez efficace pour localiser le joli libraire. En cas d'échec de ce premier stratagème le rayon « Polars », sur la gauche, légèrement surélevé, offrait un point d'observation parfaitement situé. En règle générale la localisation ne me prenait pas cinq minutes. Surtout qu'assez rapidement j'ai acquis la conviction qu'il me prêtait lui aussi un intérêt certain... Combien de fois a-t-il traversé les rayons « Vie pratique », « Bande dessinée » et enfin « Art » pour venir me croiser et me saluer d'un bonjour souriant au rayon « Polars »? Et combien de fois a-t-il, j'en suis sûre, arrêté ce qu'il était en train de faire à seule fin de venir en caisse et commencer à y opérer juste à l'instant où mon tour venait ? Je suis presque certaine de ne pas l'avoir rêvé.

 

D'ailleurs, à bien y réfléchir, il avait été très avenant dès la toute première fois où je l'avais moi-même remarqué : c'était lors d'une séance de dédicace du grand James Ellroy, grand par la taille, immense par le talent... Evidemment je n'avais de prime abord d'yeux que pour le maître du roman noir : j'étais venue pour lui et c'est un phénomène suffisamment remarquable pour ne pas en perdre une miette... Mais rapidement, quand même, mon attention a été quelque peu détournée par ce joli libraire... Car non seulement il était joli et j'ai pour principe de toujours bien regarder ce qui est joli, mais en plus nos regards se croisaient bien trop souvent pour que ce soit complètement dû au hasard.

 

C'est ainsi qu'a commencé ma longue série de dépenses inconsidérées à la librairie et à quasiment chacun de mes passages en caisse, invariablement, avec mon joli libraire qui, j'en suis sûre, s'arrangeait effectivement pour « s'occuper de moi », nous avions ce même échange croustillant :

 

- Bonjour (avec le sourire en coin signifiant « tiens, on se connaît »).

- Bonjour (retour de sourire en coin, signifiant « et oui mais si t'es aussi coincé que je suis tarte on n'arrivera à rien »).

- Vous avez la carte de fidélité ? (je parierais bien qu'il le savait, il demandait juste pour entretenir la conversation).

- Ah... oui. Tenez. (évidemment que je l'avais, quand même, avec tout ce que je dépensais ici).

- Merci. Il faudra des papiers cadeaux ? (là encore, question de pure forme, j'en suis sûre).

- Euh, non, merci, ça ira. (parfois je disais oui, comme ça, pour prolonger un peu le plaisir...)

- Alors ça vous fait XX,XX €, s'il vous plaît. (en fait ça devait être des francs, au début... nous avons connu la grande conversion, mon libraire et moi. Toute une histoire).

- Je remplis le chèque ? (comme si je le savais pas, à force !)

- Non, la machine va le faire.

 

Vvrrrrr vvrrrrr vvrrrr (faisait la machine).

 

- Voilà, une signature s'il vous plaît.

- Tenez.

- Merci, bonne journée.

- Merci, à vous aussi.

 

Voilà.

 

Je pense que nous avons dû avoir cet échange une centaine de fois environ. Mon regard qui dit « là, si tu veux me draguer, vas-y, fais-toi plaisir, je serai tout à fait réceptive » ne devait pas être si éloquent que je le croyais. Ou alors lui n'était pas si intéressé que je le pensais. J'entends encore ma mère me dire « Mais enfin, branche-le, c'est quand même pas difficile : il est libraire, tu es cliente, alors demande-lui de t'aider à trouver un livre! » et ma réponse, imparable « Ouais ben c'est pas difficile pour lui non plus, hein »... Je suis une dragueuse redoutable.

 

Mais à force de faire, quand même, est arrivé le jour où il est venu à ma rencontre dans le rayon « Art » et là, en plus de l'habituel bonjour souriant, il m'a demandé :

 

- On peut vous aider ?

 

« On ». Pourquoi a-t-il fallu qu'il dise « on »? Il m'aurait dit « Elle a besoin d'aide la dame ? » que ça m'aurait fait le même effet. « On ».

 

Je ne sais pas si c'est ça ou si c'est juste que je suis une indécrottable gourde en matière de séduction, mais ce jour-là j'ai répondu « non merci ». Et à peine les mots étaient sortis de ma bouche que je savais que jamais rien n'arriverait entre le joli libraire et moi.

 

Cette histoire a commencé lors de la sortie française de « American death trip » de James Ellroy et j'ai croisé le joli libraire pour la toute dernière fois lors d'une autre séance de dédicace du même James Ellroy pour la sortie de « Destination morgue ». Sauf erreur il avait dû s'écouler environ trois ans. Je ne suis pas très efficace, mais tenace quand me prend l'idée de séduire un homme !

 

Aujourd'hui, quand j'y pense, je me dis qu'une histoire dans laquelle James Ellroy aurait joué le rôle de Cupidon n'aurait pu avoir qu'une fin tragique et sanglante et qu'il valait sans doute mieux qu'elle n'ait pas vu le jour.

 

Depuis, je ne m'adonne plus à ce genre de malice amoureuse. Mais je lis toujours James Ellroy.

 

3 janvier 2009

Parler de moi (Poupoune)

Je pourrais vous parler au moins pendant des heures

D’une source intarissable de joie et de bonheur

Qu’est ce tout petit bout de moi gai et rieur

Mon enfant mon amour ma vie mon âme mon cœur

 

Je pourrais vous parler sans joie ni retenue

De mes amours anciennes de mes amours perdues

Qui furent toutes déçues mais si peu éperdues

De ces amants vaincus ces amoureux déchus

 

Je pourrais vous narrer cet inconnu charmant

Venu bercer mes nuits de son verbe troublant

Sa musique à mon cœur a les accents chantants

D’une mélodie d’amour emportée par les vents

 

Et je pourrais gaiement vous parler des copines

Des bavardages futiles et de nos joies mutines

Quand d’un rire est soufflée une colère anodine

D’un sourire effacée une tristesse cabotine

 

Je pourrais avec joie à l’envi raconter

Mille voyages faits à faire ou à rêver

Mille visages croisés gravés et emportés

Mille souvenirs d’ailleurs émotions épicées

 

Je pourrais même enfin me faire bateleuse

Pour vous dire ma ville ma contrée merveilleuse

Qu’est Paris la grandiose Paris majestueuse

Paris la bouillonnante Paris la lumineuse

 

Mais vous parler de moi ça je ne le peux pas

27 décembre 2008

Minuit suspendu (Poupoune)

Comme tous les trente et un décembre depuis un petit paquet d’années déjà, j’étais vautrée sur mon canapé avec mes huit tranches de saumon fumé et mon pain de mie pour moi toute seule, me faisant un devoir de ne pas me coucher avant minuit pour une raison qui m’échappe encore… Je m’envoyais ma surdose de saumon en prêtant une oreille et un œil distraits à la télévision qui déversait son habituel flot de mélodies ringardes avant d’avoir été à la mode, quand on sonna à ma porte.

J’étais pas exactement en tenue de fête alors j’ai vite enfilé un jean avant d’aller voir qui c’était, et j’avais pas entrouvert  ma porte qu’une furie est entrée en trombe et a investi mon salon sans vraiment y être invitée…
- Bon, qu’est-ce que vous foutez ? qu’elle a fait, comme ça, en me regardant, pas bonjour, rien…
- Excusez-moi, mais si je peux me permettre, qu’est-ce que VOUS foutez ? j’ai fait, bien droite dans mon jean.
- Alors ça, si vous y voyez pas d’inconvénient, on verra plus tard. Y a plus urgent dans l’immédiat !
- Et je peux savoir…
- Oui ! Oui ! J’y viens ! Vous énervez pas… Je vous explique.

Et elle m’a expliqué. Une histoire à dormir debout… mais elle y mettait tellement de passion et de conviction que j’ai pas eu le cœur à l’interrompre… Soit disant que minuit n’arriverait pas et que la nouvelle année ne pourrait pas commencer tant que je n’aurais pas respecté une bonne résolution que j’avais prise un an plus tôt. J’étais toujours un peu agacée mais aussi de plus en plus amusée… Miss Foldingue en personne dans mon salon.

Quand elle a eu fini son baratin, elle s’est tue et m’a regardée. Je voyais pas bien quoi lui dire… On s’est regardé comme ça un moment, et puis elle a fini par me dire :
- Faudrait pas trop traîner quand même, ça risque de créer des désordres cosmiques.

Alors là je me suis marrée. Elle était bonne celle-là ! Elle a eu l’air un peu déçue et m’a demandé :
- Vous me croyez pas, c’est ça ?
- Bingo !
- Bien… Il était quelle heure quand je suis arrivée ?
- Euh… Pas loin de minuit. Pourquoi ?
- Parce que dans ce cas minuit devrait être passé, ça fait un petit moment qu’on papote, n’est-ce pas ?
- Euh… oui.
- Bien ! elle a fait avec un petit air triomphant. Alors dites-moi, c’est toujours aussi calme, ici, à minuit le 31 décembre ? Pas une clameur, pas un coup de klaxon, rien ? Et à la télé ils ne font plus tout un tas de tralalas à minuit ?

Elle avait raison… C’était flippant. A la télé, sur toutes chaînes, l’image était comme figée. J’ai ouvert la fenêtre et j’avais l’impression d’habiter une ville fantôme… Et c’est une impression qui n’existe absolument jamais, chez moi. Même le dimanche à l’aube. Jamais. J’hésitais encore à la croire, la brindezingue, mais elle offrait quand même une alternative moins flippante que la fin du monde…

Alors je lui ai demandé, incrédule :
- Mais c’est toutes les résolutions de tout le monde qui doivent être respectées ?

Là c’est elle qui s’est marrée :
- Si on devait s’occuper de toutes les mémères qu’ont promis de maigrir et de tous les fumeurs qu’ont juré d’arrêter, on serait encore à l’âge de pierre ! Non… On ne fait respecter que les résolutions importantes.

- Importantes ?
- Oui, importantes. Pour l’humanité, ou pour la planète, pour l’univers…
- Et moi j’ai pris une résolution importante comme ça ? Vous me faites marcher ?!
- J’ai malheureusement pas que ça à faire…
- Ah… Et c’est quoi cette résolution ?
- Ça ! Pas à moi de vous le dire… Moi je suis là pour vous secouer un peu, mais je peux rien faire de plus…
- OK… Je suppose que c’est pas mon histoire de régime ? Parce qu’en fait après le saumon j’étais bien décidée à…
- Non, non, évidemment !
- Ouais… Bien sûr. La cigarette non plus, donc ?
- Vous fumez ?
- Ah ouais. Non.
- Allez ! Faites un effort ! Vous en avez pris beaucoup des résolutions l’année dernière ?
- Ben je me souviens pas trop bien, en fait…
- Bon : on est entre nous, faites pas votre timide, allez-y, bon sang !
- Ben… j’avais aussi décidé de… euh… enfin… de m’inscrire sur un site de rencontres…
- Et vous l’avez pas fait ?
- Non.
- Pourquoi ?
- C’est ça, ma résolution importante pour…
- Non non, je suis curieuse, c’est tout. Bon, une autre !
- Euh…
- Allez !
- Ben…
- Oui ?
- J’avais dit que j’arrêterais d’écrire dans mon coin et que j’essaierais de… faire lire un peu mes… mes trucs.
- Et ?
- Rien.
- Rien ?
- Non, je l’ai pas fait.
- Et ben au boulot !

Elle disparut sur ces mots, me laissant perplexe et toujours bloquée au seuil de l’année nouvelle… J’hésitais entre appeler les urgences psychiatriques ou me mettre à mon ordinateur pour scribouiller un peu au cas où et je finis par opter pour cette seconde option… Je ne sais pas exactement à quel moment ça s’est produit mais la nouvelle année est finalement arrivée.

Ailleurs, devant un autre écran, un homme a lu cette nouvelle plume hésitante. Il l’a aimée. Il l’a louée. Elle lui a inspiré des poèmes et des textes de toute beauté qui donnèrent un souffle nouveau à la littérature, révolutionnant la poésie, l’art et l’amour.


20 décembre 2008

John Mac Dermott sauve Noël (Poupoune)

Ce 24 décembre, comme tous les 24 décembre, j’avais passé la journée au bureau à cuver après la cuite magistrale de la veille… C’était une tradition, la soirée de Noël chez Gégé. On la faisait le 23 parce le 24, la Toinette voulait que Gégé l’emmène à la messe de minuit alors il fermait de bonne heure… Elle croyait pas plus au bon Dieu qu’aux promesses de Gégé qui jurait une fois par an qu’il arrêterait de boire, mais elle aimait bien les chansons et elle trouvait que dans son costume de fête et ses guirlandes le curé faisait « très Noël », comme elle disait. Alors nous, comme on était pas exactement à cheval sur les traditions, ben on se prenait la biture de Noël le 23 décembre. Avec tous ces gens qui nous reprochaient de boire sans raison, on mettait un point d’honneur à ne pas rater les occasions de picoler où justement on en avait une bonne, de raison…

 

En cette fin de journée du 24 décembre, alors que les rues commençaient à se vider et que les néons capricieux de chez Gégé avaient cessé de clignoter sous les fenêtres de mon bureau, j’étais donc pas frais. Comme ma Lulu travaillait cette nuit, j’avais le temps de finir de cuver tranquille… Un grand cœur ma Lulu : elle avait presque de la tendresse pour « ses désespérés de Noël », comme elle les appelait. Tellement malheureux d’être seuls qu’ils venaient se réchauffer l’âme et le reste dans les bas des filles de chez la Rolande la nuit de Noël… et pour rien au monde elle leur aurait fait faux bond, ma Lulu. Une grande dame. Et du coup moi je songeais à me positionner horizontal, bien calé au fond de mon canapé pour faire ma nuit, quand ils ont débarqué.

 

Trois zigues qui devaient pas faire trois mètres de haut à eux trois, déguisés en nains de jardin sautillants et qui se sont octroyé d’office le canapé que j’essayais d’atteindre en titubant. Ils m’ont fixé avec un mélange de dédain et de scepticisme. Je les ai fixés avec un mélange de nausée et de doute : y avait-il vraiment trois nains de jardin assis sur mon canapé ou étais-je encore vraiment bourré ? Je me suis rassis derrière mon bureau en me disant qu’une fois que ça tanguerait plus j’y verrais sûrement plus clair. Mais ils étaient toujours là. Et cette fois je les ai fixés de mon plus beau regard d’abruti. Jusqu’à ce qu’y en ait un qui se décide à parler :

 

- C’est vous Jean-Marc De la Motte ?

- Euh… ouais. En fait c’est John Mac Dermott.

- Oui, oui, on a vu la plaque tape-à-l’œil sur la porte…

- Tape-à-l’œil ? Ben faut bien qu’on la voit quand même !

 

Voilà que des guignols échappés du cirque faisaient des remarques désobligeantes sur ma plaque ! J’y avais mis presque tous les bénéfices de ma première enquête, dans cette plaque : « John Mac Dermott & Associés, détectives privés », en belles lettres tout emberlificotées sur fond de dorures rutilantes… Bien sûr que c’était tape-à-l’œil ! Ils croyaient quoi les nabots, que la clientèle allait venir là des fois par hasard voir si y aurait pas un détective dans les parages ? Fallait l’attirer, le chaland !

 

- Et d’abord comment vous savez que je m’appelle Jean-Marc De la Motte ?

- On sait beaucoup de choses… D’ailleurs, les associés, là, ils sont où ?

- J’en ai pas, vous le savez pas, ça ?

- Bien sûr que si… On vérifiait. Vous avez dit la vérité, ça vous rachète un peu…

 

Ils commençaient à me les briser, les demi-portions. L’allait pas falloir qu’ils s’attardent trop. J’avais déjà la tête comme une timbale un soir de concert alors faudrait pas qu’ils me titillent beaucoup avant je vérifie si un par un ils pourraient redescendre par le vide-ordures.

 

- Bon, et vous avez atterri ici par erreur pendant un concours de lancer de nains où vous êtes venus pour une raison particulière ?

- On a besoin de vos services.

- Vous voulez que je prenne Blanche-Neige en filature ?

- Le Père Noël a disparu.

- 

- Vous avez entendu ?

- Oui, oui. Euh… Lequel ?

- Vous en connaissez beaucoup ?

- Ben… euh… Alors y a le père Noël qui tient la boucherie « Au bon nonos à Nono », y a le père Noël qui vient le jeudi chez Gégé avec le père Antoine, y a le père Noël qu’on appelle comme ça parce qu’il a épousé la mère Noëlle, mais en vrai il s’appelle Robert…

- Bon, ça va, arrêtez. Nous on cherche le vrai Père Noël. Celui qui doit distribuer les cadeaux aux enfants cette nuit.

- Hum… Et vous êtes ?

- Ben ses lutins, pardi ! Vous croyez qu’on est quoi ? Des nains de jardin ?

 

Je sais pas pourquoi je les ai pas foutus dehors illico, histoire de piquer la ronflette dont j’avais besoin, toujours est-il que je les ai laissé m’embobiner, les minus. Faut dire que j’avais pas beaucoup mieux à faire cette nuit : dans mon état je ferais sûrement pas avancer beaucoup l’autre enquête que j’avais sous le coude et puis faut avouer qu’ils avaient réussi à m’amuser, les trois clowns, avec leur histoire de Père Noël à retrouver d’urgence, attendu qu’on était le 24 décembre et qu’il était déjà 18 heures…

 

Comme c’était fermé chez Gégé, j’ai sorti la bouteille de secours que je garde au bureau pour les cas de force majeure et je m’en suis jeté un petit avant de partir avec mes trois mini-comparses à la recherche du Père Noël.

 

Ils m’ont expliqué que d’après la feuille de route de leur boss et compte tenu de la dernière position qu’il leur avait signalée, il devait pas être loin… Pour ne négliger aucune piste, j’ai passé un coup de fil à ma Lulu pour lui demander si elle avait déjà vu passer des Pères Noël au bordel… Elle en avait déjà eus deux, mais aucun dont la barbe était vraie. Je lui ai dit de me prévenir si des fois il s’en présentait un plus crédible. Par acquis de conscience j’ai aussi passé un coup de fil chez Madame Suzanne à la Fanfan. C’était pour elle que je travaillais en ce moment et comme je bossais à l’œil elle était toujours prête à me rendre service. Mais pas de Père Noël de son coté non plus pour le moment. Elle m’appellerait si jamais.

 

On arpentait les rues le nez en l’air histoire de pas le louper si des fois le vieux s’était coincé dans une cheminée, mais je cherchais surtout une idée de l’endroit où il pourrait être intelligent de chercher. D’habitude c’était à mes copains de beuverie chez Gégé que je soumettais ce genre de question et en général je ressortais du rade cassé comme un coin mais avec une piste pour le lendemain mais là, Gégé fermé, mes alcoolos étaient dispersés aux quatre coins de la ville, certains buvaient même à domicile autour d’une dinde, ou deux pour ceux qu’étaient mariés, alors j’avais plus qu’à me démerder tout seul avec mes lutins… C’est con, ça les aurait fait marrer, les poteaux, chez Gégé, de me voir me ramener avec mes nabots…

 

J’étais perdu dans mes pensées quand je me suis pris de plein fouet un parcmètre planté droit comme la justice au milieu de mon chemin. Et c’est là que j’ai eu l’idée.

 

- Et vous êtes allés chez les cognes ?

- Croyez vraiment qu’ils nous auraient pris au sérieux ?

- Ben je vous ai bien pris au sérieux, moi…

- Vous êtes un ivrogne de privé raté sans le sou et vous n’avez accepté de nous aider que parce que vous préférez toujours ça plutôt que cuver seul dans votre bureau miteux un soir de Noël.

- Z’êtes durs là…

- 

- Mais on va quand même faire un saut à la maison poulaga. Venez.

 

J’accélérai le pas direction le commissariat, bien la première fois que j’y allais de mon plein gré en ne risquant pas a priori d’y finir la nuit en cellule de dégrisement, avec comme trois petites ombres qui trottinaient derrière moi… Ça me faisait marrer de les faire galoper et comme ils m’avaient quand même un peu vexé, j’allongeai encore mon pas. J’entrai le premier dans le commissariat, mes trois nains suants et soufflants arrivant en courant un peu après… On a la vengeance qu’on peut.

 

- ‘Soir !

- ‘Soir.

- Z’auriez pas eu du Père Noël, des fois, ce soir ?

- Lequel ?

 

J’entendais les nabots s’agiter dans mon dos, apparemment ça les chiffonnait qu’on mélange leur patron. J’ignorai.

 

- Z’en auriez pas un qui dit qu’il est le vrai Père Noël ?

- Si, à peu près tous…

- OK. Qu’est-ce que vous avez alors ?

- Attendez… que je regarde… On a déjà deux états d’ébriété…

 

Mes lutins secouaient la tête.

 

- … un tapage nocturne, un vol à l’étalage …

 

Trois têtes qui se secouaient avec encore plus d’énergie en faisant gling-gling du grelot qui pendouillait au bout de leurs bonnets ridicules.

 

- … un exhibitionniste…

 

Gling gling gling gling gling.

 

- … un qui nous a foutu un bordel montre au carrefour Saint-Jérôme en bloquant la circulation avec un char à bœufs…

- C’est lui ! C’est lui ! C’est lui !

 

Je regardai mes lutins avec perplexité… Ils avaient l’air bien sûr d’eux. Moi j’étais pas super au point sur les us et coutumes en vigueur, mais le char à bœufs, quand même, ça me turlupinait.

 

- Et votre patron il devrait pas plutôt se balader en traîneau tiré par des rennes ?

- Si. On vous expliquera. Vous pouvez le faire sortir de là ? Il va être super en retard, là.

- Brigadier ? Vous le gardez pour quoi celui-là ?

- Bof… Pas grand-chose. Il était pas très cohérent, un peu désorienté, il emmerdait tout le monde avec ses bœufs, alors on l’a mis là mais si vous le voulez vous pouvez le prendre, hein ? Z’avez qu’à signer là. Et pis vous oublierez pas ses affaires : il avait un grand panier… Le char et les bœufs sont dans un champ, près de chez Léon, à la sortie de la ville… Voyez où c’est ?

- Je vois, ouais. Merci bien. Joyeux Noël.

 

Sur le chemin pour aller chez Léon, ils m’ont expliqué que le Père Noël avait eu une grève des rennes cette semaine. Ils réclamaient le droit à des jours RTT et refusaient la clause qui stipulait que le 24 décembre ne pourrait être posé qu’à titre exceptionnel et à condition de ne pas compromettre les livraisons. Les négociations étaient dans une impasse mais les livraisons devaient quand même être faites. Le Père Noël avait essayé de jouer les briseurs de grève avec son histoire de char à bœufs. Ça lui avait pas bien réussi jusque là.

 

Les lutins pensaient que si le Père Noël acceptait de retirer la clause du 24 décembre, les rennes reprendraient le travail sans délai et assureraient la livraison. Le Père Noël était sceptique mais n’avait plus vraiment le choix. Moi je pensais qu’il allait être temps de reboire un coup si je voulais pouvoir continuer à écouter ce dialogues de dingues.

 

Arrivés au champ de Léon, tout le monde est monté dans le char, les lutins, le Père Noël et les bœufs, et je jurerais qu’ils se sont volatilisés.

 

Moi je suis rentré au bureau me réchauffer à ma bouteille de secours et dormir enfin, histoire de me remettre les idées en place après cette nuit déconnante.

 

Mais quand au terme d’un court sommeil agité j’ai vu ma Lulu, sa silhouette longiligne se découpant sur la lumière blafarde du petit matin, en train de s’effeuiller avec langueur au rythme de ses talons aiguilles cliquetant sur mon plancher grinçant et tout ça, rien que pour moi, j’ai su que j’avais bien fait de le sortir du mitard, le Père Noël, et qu’il avait pas oublié de me gâter en retour. 

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13 décembre 2008

Le rêve d’Antoine est le cauchemar de Lila. Ou l’inverse. - Poupoune

Lila n’a pas toujours été comme ça. Elle se souvient avoir été une enfant gaie et malicieuse. Là-bas. Avant. Depuis qu’elle est ici elle est rêveuse. Rêveuse et solitaire, comme ils disent. Toujours entre deux convocations ici ou là, aujourd’hui encore une fois chez le Directeur. Pourtant elle a le sentiment de faire toujours au mieux, mais ça ne semble jamais suffire. Alors elle s’excuse, baisse la tête, essaie de se faire oublier et s’imagine ailleurs.

 

Antoine n’est pas rigide, il est pragmatique. Et il sait ce que représente sa fonction : il se doit d’être irréprochable. Tout le monde ne peut pas se permettre le luxe de la négligence ou de l’improvisation. Et il a une famille qui compte sur lui. Alors Antoine fait ce qu’il a à faire. Il ne sait que trop bien le prix à payer en cas d’erreur. Plus jeune bien sûr il se rêvait plus audacieux, mais l’expérience lui a appris qu’il est plus sûr de s’en tenir aux directives.

 

Elle rentre chez elle et retrouve Chagall, son chat. Lila n’a plus que lui maintenant que sa Tante est morte. Elle était devenue un peu comme une deuxième mère, avec le temps. C’est un peu grâce à elle qu’à l’époque elle avait pu rester ici.

 

C’est toujours après les journées difficiles comme celle-ci que Lila repense à sa famille. Là-bas. Aujourd’hui encore elle ne comprend pas vraiment ce qui s’est passé. C’est tellement absurde. D’un seul coup des voisins, des cousins, presque des frères les avaient désignés comme ennemis. Ils étaient venus en nombre, avaient mis son village à feu et à sang et étaient même venus jusque dans l’école s’en prendre aux enfants. Lila était au tableau quand ils étaient arrivés. La maîtresse l’avait poussée sous son bureau et l’avait cachée. Elle n’avait rien vu, tout entendu. Quand le calme était revenu elle avait hurlé tellement longtemps qu’elle ne se souvenait plus s’être arrêtée.

 

Et puis après plus rien. Elle se souvenait seulement du visage bienveillant de l’homme et de ce qu’il avait dit : « Tu es si petite que tu tiendras dans la valise diplomatique ». Elle n’avait pas compris. Elle n’avait pas non plus eu à se mettre dans une valise. Il l’avait ramenée ici. Il lui avait découvert cette Tante qu’elle ne connaissait pas vraiment.

 

Lila s’endort en essayant de chasser ces souvenirs. Elle pense à la mer. Au bruit des vagues.

 

Il s’endort comme on dit du sommeil du juste. Une journée de travail accompli avec soin. Tous les dossiers de la pile de droite ont rejoint la pile de gauche. Il a bien hésité un peu, sur un ou deux cas, mais globalement il connaît son travail et ses responsabilités et n’a nul besoin de tergiverser pour faire ce qu’il a à faire. Les critères sont simples et assez peu discutables : des attaches ou des motifs sérieux conformes à ceux répertoriés dans la liste, tampon bleu. Dans le cas contraire tampon rouge. Au suivant.

 

Antoine a toujours été un travailleur efficace. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu cette affectation. Temporaire, heureusement. Il sait qu’il peut faire bien plus et bien mieux, mais quand on travaille au service de l’état on fait ce qui doit être fait.

 

Lila finit sa semaine sans trop de difficultés. Les enfants se sont un peu calmés. C’est souvent le cas. Son nom les fait rire la première fois, ils se déchaînent, et puis ils se calment. Si elle avait su… Ce n’est pas son vrai nom. Pas celui que lui a donné sa mère. Juste une déformation malencontreuse de son prénom lors de son arrivée ici. Elle n’a jamais osé leur dire qu’ils se trompaient. Et elle trouvait ça normal de mourir un peu elle aussi en perdant son nom. C’était idiot, mais elle n’avait pas dix ans à l’époque… Depuis elle était donc Lila Miel et essuyait régulièrement les moqueries de ses élèves. Et puis ça passait. Quand c’était trop pénible, elle se souvenait de la maîtresse qui l’avait cachée sous son bureau. C’est pour elle qu’elle avait décidé de devenir enseignante.

 

Elle se demandait parfois si elle aussi serait prête à mourir en sauvant la vie d’un de ces sales gosses qui la faisaient tourner en bourrique… Cette pensée la faisait toujours sourire. Elle n’avait pas la réponse. Mais ici ce genre de questions ne se posait pas. Là-bas si. Encore aujourd’hui.

 

Il a été perturbé par un dossier cette semaine. Ça l’irrite toujours de se laisser gagner ainsi par un mélange de doute et de mélancolie. L’individu venait de là où il avait eu sa première affectation de diplomate. Là où il avait outrepassé ses prérogatives. Là où il avait bien failli gâcher sa carrière avant même d’avoir eu conscience qu’il en avait une. Depuis, rigueur et droiture. Pas d’initiatives inconsidérées.

 

Antoine se souvient de la fierté qu’il avait ressentie en accomplissant ce qu’il considérait alors presque comme un acte héroïque, mais il a passé les quinze années écoulées depuis à chasser ce souvenir et à se racheter une conduite. Une telle folie aujourd’hui ne lui coûterait pas seulement sa carrière, elle l’enverrait aussi directement derrière les barreaux. Mais il était jeune alors.

 

Il ne l’est plus. Il se rend bien compte de l’ironie de la situation, mais il doit oublier tout ça et faire ce qui doit être fait. Ce dossier de malheur l’a perturbé. Un dossier pourtant simple : pas d’attache, pas de motif, tampon rouge.

 

Lila compte profiter du week-end pour faire le tri dans les affaires de sa Tante. Il y a déjà un mois qu’elle l’a enterrée. Il est temps. Elle va acheter le pain et chercher le courrier. Une lettre de la préfecture. Son renouvellement de carte de séjour, sans doute.

 

Antoine décide d’emmener Valérie et les enfants pique-niquer en forêt, ce week-end. Ça lui changera les idées. Il en a besoin. Oublier ce maudit dossier.

 

Dans l’avion qui l’emmène là-bas Lila se demande combien de temps cela lui prendra pour mourir. Elle se demande qui va nourrir son chat. C’est absurde, que va-t-elle faire là-bas ? Elle n’a personne. Elle n’a même plus de nom. Elle n’est personne. Elle n’a pas eu le temps de prendre ses affaires. Elle n’a que son sac. Un peu de monnaie. La lettre. Celle avec le tampon rouge.

 

6 décembre 2008

Votre vie compte, Madame la Marquise - Poupoune

Par une belle journée de l’an deux du troisième millénaire, quatre frères et sœurs nés de cinq parents différents devinrent six à la naissance de jolis jumeaux.

 

L’heureuse maman de cette nombreuse progéniture avait, après sept ans de réflexion largement mis à profit pour s’essayer à la vie de couple avec huit partenaires successifs, jeté finalement son dévolu sur un sémillant séminariste fraîchement revenu à une spiritualité moins divine, tout neuf dans la vie civile, la lie si vive et le lit si vil. Dix années de séminaire lui avaient appris qu’être bonze, c’est bien, mais être onze, c’est mieux, alors il se mit au football et, conséquemment, à la bière et aux copains, rendant notre héroïne à sa solitude d’antan.

 

Luttant contre l’ennui et le désespoir, celle-ci fit contre mauvaise fortune bon cœur et décida de profiter des soirs de match pour vivre pleinement sa joyeuse jeunesse.

 

Son aîné naquit ainsi des suites d’une partouze à douze, dont une bonne moitié d’hommes qui ne comprenaient pas plus la théologie qu’ils ne prenaient le thé au logis. Malgré l’évident manque de ressemblance entre l’enfant et le séminariste – notamment l’absence de cette tare congénitale, transmise de père en fils depuis des générations et qui affublait chaque nouveau-né de sa lignée de treize orteils – notre ex-adorateur de dieu converti au culte du ballon rond ne chercha pas midi à quatorze heures et convint qu’il s’agissait là d’une contrepartie acceptable pour son manque d’entrain et de participation à la vie du couple.

 

Après quinze années de cette vie quelque peu dissolue parsemée de grossesses naquit donc finalement une paire d’enfants, issue de la rencontre avec un inconnu lors de la projection d’un film interdit aux moins de seize ans. C’est pendant son séjour à la maternité que notre prolifique maman lut avec horreur, en page dix-sept de son magazine préféré, qu’à partir de l’âge dix-huit ans chaque année qui passe aggrave les effets d’une grossesse sur le corps de la femme… Elle eut un regard indulgent pour son ventre autrefois plat, sa peau autrefois ferme et ses seins autrefois arrogants et convint à regrets qu’il était temps en effet de penser à cesser d’enfanter… Ce jour là, à dix-neuf heures tapantes, elle se dit qu’elle n’avait plus vingt ans et décida de commencer une nouvelle vie.

 

Elle quitta son séminariste et sa mine à risque. Malgré les dix-neuf kilos qu’il avait pris il croyait avoir l’élégance et la distinction d’un dix-huit trous et apposa donc sans chipoter dix-sept fois sa signature sur les papiers du divorce, sûr de pouvoir épouser une jeunette de seize ans sa cadette pour remplacer sa volubile ex-épouse.

 

Elle aménagea ensuite avec goût les quinze pièces d’un petit château Louis Quatorze qu’elle avait reçu en héritage d’un vague cousin au treizième degré du coté de son père et s’y installa avec sa demi-douzaine d’enfants. Le onze de chaque mois, elle les confiait aux bons soins d’une amie pour aller à son club de lecture des « dix petits nègres ». Au bout de neuf lectures, elle quitta le club et décida de faire toutes les choses qu’elle avait eu envie de faire un jour mais qu’elle n’avait jamais faites : c’est ainsi qu’elle fit son premier tour de grand huit, commit les sept péchés capitaux en moins d’une heure et visita la chapelle Sixtine. Dès que ses plus jeunes enfants devinrent adultes, elle voyagea pour découvrir les cinq continents et se fit ainsi des amis aux quatre coins du globe.

 

Quand finalement arriva le troisième âge, elle se dit qu’après avoir vécu pour ainsi dire deux vies bien remplies, elle méritait enfin une belle mort. 

29 novembre 2008

La lettre de Fanfan (Poupoune)

Cher monsieur Jean-Marc,

 

Je vous écris parce que je suis bien copine avec Lulu qui m’a dit que vous pourriez m’aider.

 

Je me fais des cheveux pour une histoire un peu louche, au point que j’en perds le sommeil et déjà que dans ma branche, on dort pas beaucoup, je peux pas trop me permettre.

 

Je m’appelle Francine mais les gens m’appellent Fanfan ou, le plus souvent, ils m’appellent pas. J’ai connu Lulu du temps qu’on travaillait ensemble chez la Rolande, jusqu’à ce que j’aille finalement travailler chez Madame Suzanne. C’est pas que j’étais pas bien chez la Rolande, au contraire, mais faut dire ce qui est : la clientèle est plus chic chez Madame Suzanne et la turlute ouvrière, c’est sympa, mais ça paie moins que la gaudriole bourgeoise.

 

On est quand même resté en contact Lulu et moi et c’est quand je lui ai raconté mon histoire qu’elle m’a dit que je devrais vous en parler, rapport à votre métier. D’ailleurs, si je puis me permettre, vous avez bien fait de pas garder Jean-Marc De la Motte. C’est vrai que John MacDermott ça fait plus crédible, pour un détective.

 

Alors voilà. Chez Madame Suzanne, comme je vous disais, la clientèle est plutôt chic. A cause du quartier, bien sûr, mais pas seulement. Y a des petits extras que la clientèle de standing apprécie, comme le thé et les fruits que Madame Suzanne offre gracieusement, comme elle dit, et ça y avait pas chez la Rolande. Moi je vois pas très bien pourquoi ils trouvent ça tellement distingué de manger une pomme avant de s’envoyer en l’air avec une fille de joie, mais je suis pas de la haute, alors je dois pas pouvoir comprendre.

 

Toujours est-il que, donc, chez Madame Suzanne, il traîne pas trop de loulous des mauvais quartiers, c’est plutôt du beau linge, alors ça permet de travailler plus en confiance, vous voyez ? Je vous dis ça parce qu’on se méfie jamais d’un gars en complet qu’on appelle « Monsieur », hein, alors c’est pour ça que je l’ai cru, le petit mari , quand il m’a raconté son histoire…

 

Le petit mari c’était le voisin. Il habitait juste la maison à coté de celle de Madame Suzanne. Les filles l’aimaient pas trop, et moi non plus d’ailleurs, rapport à sa dame qu’on connaissait toutes. C’est sûr que ça mettait personne très à l’aise, cette histoire : on saluait la dame qu’était toute charmante et très enceinte et on savait qu’on aurait sans doute le petit mari entre les cuisses dans les trois jours, alors c’était pas agréable. On n’est peut-être pas très bien placé pour donner des leçons de morale mais en attendant, nous, on trompe personne. En tout cas personne qui serait pas au courant. Et puis pas sous son nez. Bref, on l’aimait pas, le petit mari. Mais c’était un client et le client est roi. Là-dessus, Madame Suzanne, elle est intraitable : on ne met pas dehors un client qui paie et qui se conduit correctement avec les filles.

 

Bon, toujours est-il que le petit mari, c’était un habitué et comme tous les habitués, il avait ses préférences. Au bout d’un moment, il demandait souvent après moi. Il était du genre à plier l’affaire rapidement, par contre c’était un qui causait. Avec moi en tout cas il causait et il me racontait des trucs que je vous jure bien que j’avais pas besoin de savoir ! Des trucs du genre intime, voyez. Le petit mari, il disait qu’il était pas heureux en ménage… Bon, ça, ils le disent tous, à croire que c’est une excuse valable dans leur milieu pour se payer une tranche de plaisir avec une professionnelle, mais le petit mari, lui, il s’arrêtait pas là. Bon, je vous passe les détails, parce que nous c’est un peu comme les curés, voyez, on a un genre de secret professionnel, mais en gros le petit mari il était prêt à tout ou presque pour disparaître, comme qui dirait…

 

Moi, au début, je faisais mine de l’écouter, par politesse et puis parce qu’il avait payé, de toute façon, et tant qu’il causait moi je pouvais me remettre en ordre tranquillement pour le suivant, mais au bout d’un moment il s’est mis à échafauder un plan et il voulait que je l’aide.

 

C’était franchement tordu alors j’étais pas trop partante, mais il a commencé à parler d’argent et vous savez ce que c’est, hein ? Moi, si on me paie… Notez bien, je suis pas vénale, mais les frais d’entretien, comme on dit, c’est à notre charge et de nos jours, un brushing ou une manucure, ça coûte une fortune, alors je crache pas sur une petite prime, voyez ?

 

Voilà l’histoire : il voulait que je l’aide à faire croire qu’il avait été kidnappé. Rien que ça ! Faut bien être de la bourgeoisie bedonnante et bien-pensante pour inventer des trucs pareils plutôt que de dire à sa bourgeoise qu’on s’en va, non ? Bref. Il disait qu’il était sûr qu’elle paierait même pas et qu’au pire, si elle payait, ça l’empêchait pas de disparaître, y aurait juste un peu plus d’oseille à partager… Alors bon, vu qu’il parlait de montants avec plein de zéros, j’ai pas trop chipoté non plus, voyez. Et puis s’agissait pas de faire vraiment quelque chose de mal : il voulait juste que je me déguise pour faire une vidéo, un genre de demande de rançon, et puis après quelques jours on devait se retrouver au bord du canal pour qu’il me donne la récompense qu’il avait promise.

 

Moi, j’ai fait le truc et on a fait livrer la cassette à sa dame. Soit dit en passant, il avait raison, elle a pas payé. C’est dingue, non ? Et vous savez ce qu’elle a envoyé à la place de la rançon ? Un message qui disait « Gardez-le » ! Notez, moi, ça m’a fait rire, j’avoue, mais lui… Bon, c’est sûr que c’était pas le coup du siècle, le petit mari, mais quand même… c’est pas très moral tout ça. Enfin moi, ce que j’en dis… Toujours est-il que je suis allée comme prévu au rendez-vous près du canal et il est jamais venu. Il devait me donner mon argent et partir en barque jusqu’à je sais pas où, où il avait prévu de prendre une voiture. Ou un train. Ou je sais plus quoi. Tout ça, c’était plus mon affaire, voyez. Sauf que de petit mari y en avait point au rendez-vous quant à sa barque, ben elle flottait mollement sur le canal, avec personne dedans.

 

J’ai bien pensé que j’avais été drôlement naïve de croire à ses promesses et qu’il m’avait bel et bien roulée, mais pas deux jours plus tard voilà que la flicaille débarque chez sa dame et lui dit qu’il est mort, son petit mari… Je me suis renseignée un peu de-ci de-là, discrètement, voyez, faudrait pas que Madame Suzanne apprenne que j’ai fait ce genre d’heures supplémentaires, et figurez-vous qu’il se raconte que le petit mari serait mort d’un enlèvement qu’aurait mal tourné. Alors qu’on sait donc, vous et moi, qu’il a pas plus été enlevé que moi je suis pucelle.

 

Lulu elle dit que quand un mystère est insoluble, c’est là que vous êtes le meilleur, alors si vous êtes pas trop occupé en ce moment (mais Lulu elle dit que vous avez autant de clients en un an qu’elle en une nuit) ce serait bien gentil de voir si vous pouvez pas détricoter cette embrouille. Et au passage retrouver au moins une partie des sous qu’il m’a jamais donnés, feu le petit mari. Comme ça je pourrai même vous payer. A défaut je vous proposerais bien un forfait à l’œil chez Madame Suzanne, mais je sais ce que Lulu serait capable de vous faire alors je me doute que vous serez pas intéressé. D’ailleurs elle a insisté pour que vous passiez par elle pour me contacter si vous voulez bien m’aider. Elle doit avoir confiance, mais pas plus que de raison.

 

Je vous remercie bien par avance, Monsieur Jean-Marc, et j’espère à bientôt pour le travail. Le vôtre, pas le mien.

 

Francine « Fanfan » Delonges.

22 novembre 2008

Le dilemme de Madame Suzanne (Poupoune)


 

Comme chaque vendredi, Madame Suzanne supervise le travail de la femme de ménage. Non pas que cette dernière ait besoin qu’on lui apprenne son métier, mais Madame Suzanne a comme personne le don de repérer le détail qui cloche. Son établissement a une réputation à tenir et il n’est pas question qu’une négligence vienne la ternir. Donc chambre après chambre, tout au long des couloirs, à chaque étage, dans chaque cabinet de toilette et bien évidemment jusque sous chaque lit, Madame Suzanne veille à ce que tout soit parfaitement propre et en ordre avant que n’arrive la clientèle du week-end.

Ce rituel du vendredi touche à sa fin quand la sonnette de la porte d’entrée retentit. Trop tôt pour les clients. Madame Suzanne jette un œil par la fenêtre. C’est un livreur. Elle n’attend rien et ne fait que rarement livrer ses commandes à cette adresse : à part le vendredi pour le grand ménage, il n’y a jamais personne ici avant que le soleil ne commence à décliner…

Le temps qu’elle descende le grand escalier en prenant soin de ne pas laisser de traces sur la rampe fraîchement cirée, le livreur est parti, laissant sur le pas de la porte un colis ne portant aucune autre indication que le mot « urgent » en grosses lettres rouges…

 

Intriguée mais peu désireuse de s’attirer des ennuis, Madame Suzanne regarde longuement le paquet, se demandant ce que cette livraison étrange peut bien signifier… Dans la branche de Madame Suzanne, on n’aime pas les surprises. Elle ne sait que penser quand Lucette, la femme de ménage, la tire de ses réflexions en lui demandant si elle peut partir. Elle peut. Madame Suzanne décide alors de prendre le paquet et de rentrer. Elle le pose sur la table de la cuisine mais ne l’ouvre pas. Il lui reste à vérifier qu’aucun verre n’est ébréché, aucune tasse fêlée. Qu’il y a ce qu’il faut d’alcool, de thé pour les plus sages et quelques fruits pour l’image… Allez savoir pourquoi : croquer un fruit quand ils viennent ici semble être le summum de la distinction et de l’élégance aux yeux de la plupart des clients…

 

Une fois son inspection terminée, Madame Suzanne s’intéresse de nouveau à ce drôle de colis urgent. De la taille d’une petite boite à chaussures, il n’est ni lourd ni léger, fait un peu de bruit quand on le secoue et n’a pas encore explosé. Un signe assez encourageant pour que Madame Suzanne se décide à l’ouvrir. Délicatement elle décolle le scotch en essayant de ne pas déchirer le papier, sort la boite de sa robe de kraft et soulève son couvercle. Un anneau, une alliance peut-être. Grande. Celle d’un homme sans doute. Et une cassette vidéo. Pas de lettre, pas de carte de visite, pas de signature. Madame Suzanne se doute que tout ça n’amènera rien de bon, mais que peut-elle faire ? Elle se rend dans le petit bureau attenant à la cuisine, ouvre le buffet dans lequel sont rangés sa petite télévision et son magnétoscope et elle regarde la cassette.

 

Un homme cagoulé, une voix déformée, une menace non voilée : « Nous avons votre mari. Payez ou vous ne le reverrez pas vivant. » Et l’image qui se déplace sur un autre homme, nu, visiblement terrifié, les yeux bandés, les mains attachées. Suivent les consignes : où, quand, combien, comment et l’inévitable « N’appelez pas la police »…

 

Rien de bon. Madame Suzanne le savait. Elle visionne de nouveau la bande. Puis encore une fois. Madame Suzanne est perplexe. Madame Suzanne n’est pas mariée. Elle ne l’a jamais été. Pourtant cet homme affolé… Malgré le bandeau sur les yeux et la bouche déformée par les cris… Elle regarde encore la courte séquence… Et encore. Et finit par le reconnaître.

 

Le voisin.

 

Madame Suzanne n’a pas pour habitude de juger les gens. Dans son métier, on ne juge pas. Une règle d’or. Mais ce voisin… Sans doute ni pire ni meilleur que la plupart des autres, il est loin d’être le seul à venir ici avec une alliance au doigt, mais il est le seul à être… un voisin.

Cet inconnu-là, elles le connaissent toutes, Madame Suzanne et les filles. Elles le croisent quand elles arrivent, elles le saluent de la tête au petit matin quand elles rentrent chez elles à l’heure où il part au travail. Elles saluent son épouse. Sa jeune et jolie épouse. Sa jeune et jolie épouse enceinte qui ne sait sans doute pas que plus son ventre s’arrondit plus son mari passe de temps chez les voisines. Ni Madame Suzanne ni les filles n’aiment cette situation. Savoir que l’épouse existe est une chose, la saluer et la trouver sympathique en est une autre. Et voilà que le voisin est aux mains de ravisseurs pas futés qui ont livré la demande de rançon à la mauvaise adresse. 

 

Madame Suzanne est perplexe. Que faire de cette vidéo ?

 

Aller trouver la jeune et jolie épouse ? Lui expliquer comment elle a reconnu son mari grâce à cette drôle de tâche de naissance qu’il a au-dessus du pénis et dont toutes les filles parlent pendant leurs pauses ? Impossible. Madame Suzanne n’a pas pour habitude de divulguer le nom de ses clients. Surtout pas à leurs épouses. Dans son métier, on ne parle pas. Une autre règle d’or. Et la jeune épouse n’a vraiment pas besoin de savoir. Surtout dans son état.

 

Aller trouver la police ? Pas question. La seule flicaille tolérée dans la vie de Madame Suzanne est celle qui vient ici en payant et en croisant les doigts pour que la réputation de discrétion de l’établissement ne soit pas usurpée.

 

Payer ? Pour ce sale type qui vient s’envoyer en l’air presque sous le nez de sa femme deux fois par semaine ? Vu la maison et la garde-robe de la jeune et jolie épouse, il doit avoir beaucoup plus d’argent que Madame Suzanne… Ce qui ne l’empêche pas d’être un sacré radin, un mauvais payeur : toujours à essayer de se faire offrir les suppléments… Non, pas question de payer pour un type comme ça.

 

Madame Suzanne est perplexe. Elle envisage toutes les options. Les évalue. Pèse le pour et le contre. Réfléchit. Et Madame Suzanne décide ce qu’elle va faire.

 

Le lendemain, Madame Suzanne se dirige d’un pas alerte vers le kiosque à musique du parc. Elle porte un sac de sport noir qu’elle dépose doucement dans la troisième poubelle de l’allée centrale à 9 heures tapantes. Elle quitte le parc sans un regard en arrière et retourne au bordel.

 

Elle n’a rien à y faire mais c’est là qu’elle souhaite attendre et surveiller.

 

La jeune et jolie épouse n’a pas l’air perturbée. Quand la police vient la voir le lendemain, elle vacille légèrement. Elle a une petite mine chiffonnée pendant quelques jours. Juste quelques jours. Et puis la vie reprend son cours. Elle dilapide avec application et un plaisir évident le bel héritage de feu son mari.

 

Madame Suzanne se dit qu’à sa place, la jeune et jolie épouse n’aurait peut-être pas payé non plus. Elle se dit qu’elle a bien fait d’envoyer ce message aux ravisseurs.

 « Gardez-le ».

 

15 novembre 2008

Point de vue (Poupoune)

- J’aime bien les perles de rosée.

- C’est pas des perles de rosée, c’est des larmes.

- Des larves ?

- Des larmes.

- 

- Quoi ?

- Ben maintenant je trouve qu’on dirait des larves et du coup j’aime moins.

 

8 novembre 2008

Popote (Poupoune)

Dans ma cuisine à moi ça mijote et bouillonne
Quand le coeur plein de joie de bons plats je mitonne
Un tablier de soie sur mes hanches de matrone
Une recette et voila voyons ce que ca donne

Dans une crapouillote versez un litre d'huile
Mettez des échalotes deux larmes de crocodile
Avec une tranche-glotte coupez le cou gracile
D'une poule palote ajoutez du persil

Avec une débeugleuse préparez des limaces
Gardez leur bave précieuse pour la sauce fadasse
Faites-les frire visqueuses à température basse

Mélangez bien le tout avec un touille-cracra
Faites mijoter tout doux que ça n'attache pas
C'est prêt dès que ça bout mangez avec les doigts

1 novembre 2008

Inspiration (Poupoune)

Comprenez bien : je suis contente de tout ce qui arrive, mais avouez que c’est troublant. Je suis un peu perplexe. Moi je ne fais que ce que j’ai toujours fait depuis que j’ai quinze ans : coucher sur le papier, dans mes jolis petits cahiers, tout ce qui me traverse l’esprit… Et je dois bien avouer que la plupart du temps je m’ennuie moi-même rien qu’à les écrire, mes états d’âme, alors les lire… vous voyez bien. Sans rire : l’autre jour, j’ai pensé que j’étais peut-être un peu dure avec moi-même, alors j’ai relu quelques-unes des dernières pages dans lesquelles je m’étais épanchée avant… avant tout ça et… ben… hou la la ! Quel ennui ! Alors je ne comprends pas…

 

Tout a commencé au moment où ma nième grande histoire d’amour s’est avérée n’être finalement que ma nième minable histoire de fesse… Bien sûr, comme je me remettais tout juste de la précédente, j’ai replongé direct dans une nième déprime mais cette fois-là, peut-être parce que mon stock de chocolat était épuisé, au lieu de me goinfrer en noircissant des pages d’idées noires, me rêvant dans « Sex and the city » mais ne réussissant qu’une pathétique parodie de « Bridget Jones », je me suis changé les idées en lisant. Un livre.

 

Dès le lendemain j’ai fait les courses, racheté du chocolat et repris mes digressions scripturales de midinette vieillissante… Jusqu’au jour où ma mère a lu mon journal. Bon : j’avais passé l’âge de le cacher, hein, à quoi bon d’ailleurs vu son contenu ? Alors je n’étais pas outrée, mais tout de même sacrément surprise de trouver ma mère totalement absorbée par la lecture de mes nombrilistes épanchements… Et carrément sidérée quand elle a fini par lever le nez en me disant : « Ouahou ! T’as écrit la suite ? »… J’ai bien pensé qu’elle se moquait de moi mais… non. Apparemment pas. Alors j’ai pensé qu’il allait falloir que je lui offre un peu de bonne littérature à l’occasion, et j’ai relu mon journal pour voir ce qui avait bien pu retenir son attention… Et là, le choc : mes égocentriques élucubrations s’étaient muées en une rocambolesque aventure pleine de suspense et de rebondissements et ma dépressive petite personne était désormais une héroïne mystérieuse et fascinante…

 

J’ai dévoré pour la première fois mes propres écrits, j’y ai passé la nuit et, au matin, j’étais partagée entre l’envie de percer le mystère de l’origine de ce fabuleux récit et l’impatience d’en lire la suite ! Mais l’un risquait de ne pas pouvoir aller sans l’autre, alors le soir même je me suis remise à la rédaction laborieuse et ennuyeuse de mon journal… J’ai bien relu chaque phrase que j’écrivais au fur et à mesure et… non. Ce n’était pas palpitant. Pas même un peu intéressant. Presque pénible, en fait, pour tout dire… Alors je me suis couchée déçue et le lendemain j’ai repris mon journal… pour y découvrir à ma grande stupéfaction un nouvel épisode délirant des péripéties de mon double aventureux.

 

Je retrouvais bien un peu de moi, mon style, mes anecdotes dans ce que je lisais, mais quelle époustouflante métamorphose !

 

Bien sûr j’ai d’abord pensé que quelqu’un me jouait un mauvais tour. Du coup, je n’ai plus quitté mon journal : je l’emmenais avec moi partout, je le glissais sous mon oreiller pour dormir, mais ça continuait : j’écrivais n’importe quoi, et ça se transformait en histoire extraordinaire… Alors je me suis mise à filmer en permanence. Où que se trouvait mon journal, il y avait une caméra braquée dessus : si quelqu’un arrivait à tromper ma vigilance, je l’immortaliserais sur bande. Et si d’aventure c’était moi qui, en pleine crise de somnambulisme, devenait un auteur de talent – que dis-je : de génie ! – je me verrais aussi sur la vidéo reprendre la plume la nuit… et non : je ne consomme aucune substance illicite susceptible de générer ce genre de transes créatives…

 

Bref : de toute façon, quelles que soient les hypothèses envisagées, aucune n’a résisté à mes stratagèmes pour les percer à jour. Alors j’ai fini par faire avec. Après tout, il existe des problèmes bien plus graves que de se retrouver en possession d’un manuscrit absolument génial et de pouvoir en revendiquer l’écriture sans vraiment mentir et sans léser quiconque, non ?

 

La suite, vous la connaissez : les quatre tomes déjà vendus par million à travers le monde, le tome cinq attendu et annoncé comme l’événement littéraire du siècle, les droits pour le film – pardon : les films – cédés à un prix tout à fait scandaleux, les plateaux télé, les interviews, les unes de magazines… Si j’avais imaginé un jour que pleurnicher par écrit plutôt que chez un psy rapporterait des millions plutôt que de me coûter la peau des fesses en thérapie…

 

Mais vous savez ce qui m’étonne le plus dans tout ça ? A chaque interview que je donne, un journaliste finit toujours par me poser la même question : « Mais où allez-vous chercher tout ça ? » et invariablement, je réponds, fidèle au personnage que je suis devenue : « Si je vous le disais je devrais vous tuer ! »…

Personne ne me croirait si je disais la vérité, alors cette réplique, je ne suis pas mécontente de l’avoir trouvée... Mais figurez-vous qu’elle marche à chaque fois ! Cette petite dérobade me vaut systématiquement des rires polis et on la considère comme une confirmation de mon incroyable talent. Alors je ne m’en plains pas, mais tout de même… J’ai dû l’utiliser au moins cent fois déjà, et personne encore n’a jugé bon de ne pas en rire. Ou de me signifier qu’il était temps de changer de blague. Ou encore de me reposer la question à laquelle je ne réponds pas…

 

Parfois je me demande si ce n’est pas ça, dans le fond, qui est vraiment surnaturel…

25 octobre 2008

Littérator' 2000 (Poupoune)

Mon invention, je n’irai pas par quatre chemins et ne jouerai pas la fausse modestie, va tout bonnement révolutionner la littérature ! Il s’agit d’une machine à réécrire n’importe quel texte pour qu’il fasse deux mille caractères exactement. Pas un de plus, pas un de moins, espaces et ponctuation compris. Deux mille caractères, c’est très exactement la longueur de texte idéale déterminée par une équipe d’éminents scientifiques, psychologues et linguistes : assez long pour induire une lecture attentive, mais trop court pour ennuyer le lecteur. Des tests sérieux effectués sur un échantillon représentatif de la population ont prouvé que cette longueur de texte sied aussi bien au lecteur jeune et pressé qu’au lecteur âgé exigeant, à l’adolescente écervelée ou à la mère de famille vieillissante.

Comment ça marche ? C’est très simple : vous entrez le texte à convertir, vous sélectionnez la langue du texte d’origine parmi les vingt-deux langues disponibles et vous appuyez simplement sur le bouton « conversion ». En trente secondes à deux minutes selon la longueur du texte d’origine, vous obtenez votre version réécrite en deux mille caractères.

Vous trouverez en annexe des exemples qui en disent beaucoup plus long que n’importe quel discours : « Guerre et Paix », « Harry Potter », mon curriculum vitae et la phrase « Passe-moi le sel » réécrits chacun en deux mille caractères.

Vous remarquerez à travers ces quelques exemples que le style de l’auteur tout comme le sens du texte sont parfaitement respectés.

De quoi satisfaire à toutes les attentes du lecteur moderne : poids et volume des ouvrages facilitant le transport et le stockage, temps de lecture équivalant à une ou deux stations de métro ou de bus, ou encore à la page de publicité du film du dimanche soir…Et bien entendu, cet argumentaire percutant a été intégralement réécrit par cette machine révolutionnaire, à partir de la phrase : « J’ai inventé une machine qui réécrit tout en deux mille caractères ». Alors, convaincus ?

2000 caractères

18 octobre 2008

Ceinture (Poupoune)


Si l’on va plus loin dans l’intimité, les descriptions de femme ressemblent à des arrière-boutiques de bijoutier. On y découvre la froideur du métal et la lourdeur des portes de l’inviolable coffre dans lequel sont jalousement gardés les joyaux les plus rares. Qu’est-ce, si l’on en a la clef ?

11 octobre 2008

Fin du défi de Aude (Poupoune)

Gerry Henrard, l’inspecteur le plus sexy de l’ouest et bien au-delà encore était bien ennuyé. Il lui avait été dérobé la sculpture qui trônait sur son bureau depuis de nombreuses années. Il aurait d’autant plus de mal à la retrouver que pour se concentrer il avait la réconfortante habitude de la contempler, voire la caresser distraitement. Et à chaque fois, ça ne manquait jamais, la solution de l’énigme s’imposait à lui, évidente. Il bouclait alors son enquête en quelques heures.

C’était une sculpture assez particulière que lui avait offerte un ami sculpteur : Philippe Mordevol. Elle représentait un sexe de femme. Tous ne s’en apercevaient pas au premier coup d’œil, mais parfois un regard un peu plus attentif se transformait en regard pour le moins surpris quand les personnes présentes dans le bureau de Gerry Henrard s’apercevaient de la forme originale voire originelle de la sculpture. Il était toutefois fort heureux que Gerry ne travaille pas à la brigade des mœurs. Le supérieur de Gerry, le commissaire Clandus ne s’était jamais aperçu de rien. Il croyait encore qu’il s’agissait d’un moulage raté réalisé pour la fête des pères par le fils de Gerry.

Gerry aurait pu demander à Moredevol de lui en vendre une autre mais il attribuait à sa sculpture des pouvoirs magiques.

Il n’avait aucun indice. Les personnes habituelles avaient eu accès à son bureau : ses collègues, son chef et la femme de ménage en qui il avait toute confiance.

 

***

Il faut retrouver la sculpture de Gerry Henrard !

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Mais qui donc a bien pu voler à Gerry Henrard, l’inspecteur le plus sexy de l’ouest et bien au-delà encore, sa vaginale statuette, réalisée par son ami Philippe Mordevol et objet d’inspiration et de superstition auquel l’inspecteur attribue des vertus surréalistes mais pour le moins rassurantes ? 

Tout le monde la trouvait moche ou de mauvais goût, sa sculpture, voire les deux… alors ça ne pouvait être que pour lui nuire et nuire à son travail qu’on la lui avait volée… Mais qui ?

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Parmi ses collègues, certes, les blagues allaient bon train : «  Alors Gerry, on suit la piste d’une chatte sous un doigt brûlant ? » ou encore : « Pour le jour et l’heure du décès, tu crois qu’on a le choix dans la date ? », mais tout ça était plutôt bon enfant, jamais vraiment méchant…

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Et puis il aurait sans hésiter confié sa vie à chacun d’entre eux et tous avaient en lui une confiance tout aussi aveugle alors oui, vraiment, ses collègues étaient au-dessus de tout soupçon.

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Le jour de la disparition de la sulfureuse statuette son chef, le commissaire Clandus, était tout affairé parce que sa femme et son fils venaient le chercher pour partir en vacances : il voulait à tout prix éviter que le gamin ne tombe nez à nez avec une racoleuse dénudée ou un dealer édenté… Alors il avait eu d’autres chats à fouetter… et de toute façon, c’était pas le genre du patron.

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Quant à Elena, la femme de ménage… Pauvre Elena… Déjà rouge de colère et de honte mêlées quand elle crut que Monsieur l’inspecteur la soupçonnait, alors qu’il ne cherchait qu’à reconstituer les dernières vingt-quatre heures de sa sculpturale égérie, elle vira vite carrément cramoisie : chaque jour, méticuleusement, elle prenait, époussetait et soigneusement reposait l’anodine babiole, alors elle réagit à grands cris - « rézousse ! » « Maria ! » - en apprenant ce qu’était réellement l’objet dérobé… Elle se signa, quitta précipitamment le bureau et refusa de revenir y faire le ménage.

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Gerry la soupçonnait néanmoins d’être revenue quand il trouva une chouette clouée sur sa porte… Mais il n’était pas beaucoup plus avancé.

Il chercha un palliatif et essaya de se concentrer sur son presse-papier boule à neige, en le frottant distraitement d’un doigt nerveux, mais l’inspiration ne vint pas et l’énigme de sa sensuelle statuette lui paraissait toujours aussi obscure et insoluble.

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A moins que… Le voleur avait peut-être opéré pour un commanditaire ? Que ne ferait-on pas pour de l’argent… ? Bien sûr cette idée là ne lui plaisait guère, mais il lui fallait bien reconnaître qu’elle tenait la route : Mordevol.

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La nature de ses œuvres et ses liens parfois nébuleux avec certaines affaires sordides lui valaient de tenir une bonne place dans les fichiers des mœurs… Certes il n’avait été suspecté dans aucune affaire dont s’était occupé Gerry Henrard et il n’était connu à la crim’ que pour son amitié avec l’inspecteur, mais c’était quand même dans le cadre d’une enquête conjointe avec les mœurs que les deux hommes s’étaient rencontrés…

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Serait-il possible alors que le ténébreux artiste ait osé abuser l’inspecteur ? Lui aurait-il offert cette sculpture pour la soustraire à l’attention des enquêteurs dans le cadre d’une affaire l’incriminant ? S’agissait-il d’un élément à charge que Gerry aurait malgré lui caché aux autorités, évitant ainsi à son ami d’être inquiété ? Gerry Henrard, l’inspecteur le plus sexy de l’ouest et bien au-delà encore, aurait-il été, à son insu, le complice d’un crime ?

 

L’inspecteur désabusé en était là de ses laborieuses et poussives réflexions, en proie au doute et à la perplexité, quand son supérieur, de retour de vacances, passa la tête à sa porte et lança :

- Ah ! Henrard, faudra me faire penser à vous rendre votre machin, là. Il ressemblait à un truc qu’avait bricolé mon fils pour Noël : je lui avais dit que je l’avais pris pour décorer mon bureau et comme le gamin est passé l’autre jour, je vous ai piqué le vôtre pour qu’y sache pas que j’avais bazardé le sien…

- … ?

- D’ailleurs, c’est marrant, vous savez ce qu’il a dit ? « Papa, pourquoi t’as une zézette sur ton bureau ? » Sans rire ! Ah les mômes, j’vous jure ! 

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4 octobre 2008

Lendemain qui déchante (Poupoune)


C’est forcément la pire gueule de bois de toute ma vie. Je ne me souviens pas avoir bu, mais je ne vois pas bien ce que ça pourrait être d’autre...

Déjà, je ne sais pas du tout où je suis. C’est pas chez moi, ça au moins, c’est sûr : c’est grand, très grand, c’est luxueux, c’est tellement propre que c’en est presque flippant… Bref : pas chez moi.

Et puis je ne connais pas cette femme. Tout à fait mon genre, superbe : rousse, sculpturale, poitrine généreuse… splendide. Exactement le genre de femme que j’aurais pu draguer dans un bar et essayer de ramener chez moi… Sauf que je ne suis pas chez moi. Et qu’une femme comme ça ne m’aurait jamais suivi. Et qu’elle est morte.

Enfin : je ne suis pas médecin, mais pour ce que j’en vois, elle n’a pas l’air bien vaillante. Tellement pas que j’ai vomi copieusement à l’instant ou mon regard s’est posé sur elle… ce qui m’a donné une idée de ce que j’ai mangé hier - chinois apparemment - mais pour ce que ça m’avance…

Je suis… quelque part, menotté – oui, menotté à une splendeur rousse et apparemment morte, couvert de ce qui ne peut être que son sang et je n’ose pas bouger. Si je bouge, je la déplace et, dans les films, ils disent toujours de ne pas déplacer le corps avant… avant quoi ? L’arrivée de la police ? Faudrait déjà que je l’appelle… or, donc, je ne suis pas chez moi, je ne sais pas où est le téléphone et, franchement, je ne me vois pas traîner ma… la… enfin : je ne me vois pas fouiller l’endroit en quête d’un téléphone avec un cadavre attaché au poignet…

Mais dans quelle merde est-ce que je me suis encore fourré ? Si seulement j’arrivais à me rappeler… quelque chose. N’importe quoi.

La dernière chose dont je me souviens, c’est que je me suis retrouvé en galère après une arnaque foireuse... alors j’ai tiré un portefeuille à un touriste et puis je suis allé chez Gégé : il prolonge un peu l’happy hour pour moi quand il sait que je suis pas en fonds… Après… ben je voulais juste une soirée classique : boire des coups et finir comme un con bourré en boite, à me faire éconduire par des nanas même pas jolies qui, elles, par contre, auraient dû boire un peu plus… Sauf que je ne me souviens plus de rien après mon dernier verre chez Gégé… Je me revois sortir de son rade, tout seul, ça, j’en suis presque sûr, et… plus rien. Ce salon immense, cette femme, tout ce sang…

Oh la la, mais quelle merde !

Bon. Rester calme. Respirer. Réfléchir.

Si ça se trouve je la connais cette fille. C’est peut-être pas une vraie rousse, peut-être une copine qui s’est teint les cheveux, peut-être… Faut que je la regarde mieux.

Respirer… Allez !

Non. Définitivement, je ne connais pas cette créature. Dommage. J’espère au moins que je me la suis tapée avant… avant quoi ? Oh merde ! J’espère que je ne l’ai pas tuée ! Non... Non non non. C’est pas mon genre, ça. Moi je vole, j’arnaque, je mens, mais je ne tue pas… Tiens : elle a un tatouage, c’est joli… c’est quoi ? C’est… oh merde : je connais ce dessin ! Où est-ce que j’ai déjà vu ça ? Une marque de bière ? L’enseigne d’un troquet ? Un soleil, un couteau… ah merde, ça va pas me revenir…

Bon. De toute façon je peux pas rester là comme ça sans rien faire… Je vérifierais bien si c’est une vraie rousse… Non : vu le sang sur le bout de drap qui la recouvre, ça doit pas être joli dessous… Appeler. Merde, ça va ressembler à quoi si quelqu’un me trouve comme ça ? Plein de sang, menotté à un cadavre et… et ça c’est bizarre : qu’est-ce que je fous en guêpière léopard et porte-jarretelles ?

Mais quel merdier… Faudrait au moins que j’arrive à me détacher, pour pouvoir téléphoner, m’habiller ou… ou me casser d’ici, en fait ! Tout simplement. J’ai assez d’emmerdes comme ça… J’ai rien à voir avec tout ça moi ! Et puis… oh merde ! On vient… oh non… la police, bien sûr… oh quelle merde…

Ne rien dire, ne rien dire, ne rien dire, tout ce que je dirai sera retenu… ah, tiens, ben au moins je vais voir si c’était une vraie rousse… oh merde, c’est pas vrai : c’est un roux !

27 septembre 2008

L’amour de l’art (Poupoune)


- Vous êtes sûre ?

- Oui.

- Mais... euh... comment dire...

- Je le veux.

- Vous savez, vous avez réellement gagné. Ce n'est pas une plaisanterie ! Vous pouvez vraiment choisir n'importe laquelle de toutes les œuvres exposées ici. Sans rire !

- C'est ça que je veux.

- Vous savez... enfin... sans vouloir vous inciter à tous les excès, sachez quand-même que vous pourriez repartir avec la Vénus de Milo ou le Radeau de la méduse…

- Vous croyez vraiment que des trucs pareils tiendraient dans mon salon ?

- Oh ! Je disais ça comme ça, c’était juste des exemples… Mais vous pourriez choisir quelque chose de plus raisonnable… je ne sais pas… un petit Vermeer par exemple ?

- Je croyais que je pouvais prendre ce que je voulais ?!

- Oui… oui. Bien sur. Mais là… c’est-à-dire qu’il faudrait que je voie avec la sécurité… Vous ne voulez pas une statuette égyptienne ?

- Bon, écoutez : j’ai payé 1 247 fois mon entrée, dans l’espoir d’avoir le ticket gagnant et de pouvoir éviter que le premier abruti venu ne décide de priver l’humanité d’une œuvre majeure en l’accrochant entre les photos du rejeton et le chien en canevas dans son salon, alors arrêtez de m’emmerder et donnez-moi ce satané extincteur avant que je ne change d’avis et que je ne vous dépouille de la Joconde !

20 septembre 2008

Extrême disparition (Poupoune)


- Votre premier roman, « Zazie en met trop », l’histoire d’une femme qui se parfumait abondamment, incommodant son entourage au point d’en être violemment rejetée, avait quelque peu agacé la critique…

- Mais qu’est-ce qu’on en avait parlé !

- Certes… oui. Votre deuxième ouvrage du même acabit, « Bovarysme anal », l’histoire d’amour entre une femme et ses livres racontée par son vibromasseur, avait été perçu comme une pure provocation…

- C’est hélas le propre des artistes de talent d’être incompris… 

- Avec ce dernier livre pour le moins… original, ne craignez-vous pas de dérouter encore vos rares lecteurs ?

- Mais j’y compte bien !

- Et comment avez-vous eu cette idée ?

- Je voulais de nouveau rendre hommage, en forme de clin d’œil, à un auteur pour lequel j’ai une immense admiration…

- Le clin d’œil n’est-il pas un peu trop… appuyé ?

- Je vous accorde que le parti pris stylistique est extrême, mais je ne pouvais pas me lancer dans cette œuvre sans aller au bout de mon ambition littéraire, si colossale fut-elle.

- Oui, enfin… de là à écrire un roman entier – 467 pages, tout de même – avec uniquement la lettre « e »…

14 septembre 2008

Sans titre (Poupoune)

On m’a souvent demandé ce que je voulais faire de ma vie.

Quelle drôle de question !

Que peut-on bien faire d’une vie ?

Donnez-moi un bâton, j’en ferai un pipeau.

Donnez-moi une brassée de fleurs, j’en ferai un collier.

Donnez-moi quelques chiffons, j’en ferai une poupée.

Donnez-moi de jolis mots, j’en ferai un poème.

Mais une vie ?

Que voudriez-vous que je fasse de ça ?


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