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Le défi du samedi
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11 juin 2011

Adrienne joue à la marchande des quatre-saisons…

 

Jardiner à la manière de Tardieu

J’étais en train de biner mes podzol quand le tuc d’à côté est remonté l’allée :

- Kopje ! me fit-il de loin. Ça va tombolo ?

- Barkhave ! lui répondis-je en faisant la moue. Les pigeons ont bouffé toutes mes fleurs de podzol !

- Tu veux que je vienne avec mon adnock ? rétorqua-t-il.

- Ton adnock ? rigolai-je. Ça fait bien trop de bruit ! Pas la peine de rameuter tout le valat !

- Comme tu voudras, dit-il.

Il avait l’air un peu déçu que je refuse sa pétoire.

Les enfants naissent dans les choux de Barkhane

J’étais en train de biner mes choux de Barkhane quand la voisine est arrivée.

- Bonjour ! me fit-elle de loin. Tu sais que madame Bolo a accouché hier soir ? C’est un fils, Tom.

- Ah, c’est un joli prénom, dis-je.

- Ahum, rigola-t-elle, ça a mis en verve les enfants… Tom Bolo, tombola, tu les connais.

- Oui, répondis-je en souriant, on a déjà eu des histoires avec les Adnock quand leur petite Mona est née, faudrait pas que ça recommence avec les Bolo !

Jardiner à la manière de Prévert

Une pierre
deux maisons en podzol
trois pelouses bien tondues
quatre courgettes à arroser

Un tombolo pour les chats

Un carré de radis
deux rangs de fèves
trois rangs d’oignons

Une tuc en grosse laine

Un plant de concombre
deux noyers barkhave
trois hérissons

Un valat que je te pousse

Un kopje de thé
deux carrés de chocolat noir
trois graines de monadnock

Mais aucun raton laveur

Jardiner à la manière de Rimbaud

C’est un tuc de verdure où chante une podzol
Accrochant follement aux valats des barkhanes
D’argent. Où le soleil, de la montagne folle,
Luit. C’est un petit tuc qui mousse de pivoines.

Un soldat jeune, kopje ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais monadnock,
Dort. Il est étendu dans l’herbe sous la nue,
Pâle dans son tombolo, mou comme une loque.

 

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4 juin 2011

En remontant le temps… (Adrienne)

 

En remontant le temps, j’arrive au 15 novembre 2008 et je refuse qu’on arrache mon père à ce lit où il voulait « mourir en paix ». Dans mes rêves de machine à remonter le temps, je commence par ce 15 novembre sombre et froid et les infirmiers venus le chercher avec leur ambulance ne l’emmènent pas contre son gré.

En remontant le temps, le 27 juin 1992 je ne me laisse pas chasser du mouroir appelé « soins intensifs » où je tiens la main de ma grand-mère Adrienne et où je me figure qu’elle m’entend encore, qu’elle sent la pression de mes doigts et la caresse de ma main sur sa joue ou du peigne dans ses cheveux. Je me moque que l’heure de la visite soit passée depuis longtemps. Je suis indélogeable.

En remontant le temps, ce fatal 17 avril 1987 je m’arrange pour être sur la route des vacances en Espagne : après la pause pique-nique, ma nièce A*** met sa ceinture de sécurité et sa mère se rend compte qu’elle est trop fatiguée pour prendre le volant. Mon beau-frère qui roule juste derrière ne la verra pas quitter la route et verser dans le ravin. Il ne sera pas veuf ni ses deux fils orphelins.

Si je remonte encore le temps, mon grand-père ne trébuchera pas sur un cageot placé malencontreusement, il ne tombera pas, ne se cassera pas la rotule, ne devra pas être opéré et ne fera pas d’embolie. Le 25 décembre 1986 ne sera pas notre dernier Noël ensemble.

Si je remonte encore le temps, le 6 avril 1934 on découvrira à temps qu’Yvonne se vide de son sang après l’accouchement. Aucune voisine bien intentionnée ne devra courir jusqu’au square d’à côté pour annoncer à un enfant de six ans que sa maman est morte. Après leur match de foot, mon père et mon oncle pourront rentrer  goûter et embrasser leur  maman et leur petite sœur.

Si je remonte le temps, on soignera la petite M*** à temps et on trouvera un spécialiste pour J***, même si elles ont la mauvaise idée d’être malades en pleine guerre. Et le grand-oncle Ivo ne meurt pas « pour la Patrie » fin octobre 1918.

***

Si je pouvais remonter le temps, la terre serait très vite surpeuplée.

28 mai 2011

Souvenir de voyage (Adrienne)

 

C’est une vieille photo en noir et blanc, une petite photo de l’après-guerre. Elle a de larges bords blancs et dentelés.

Ma mère est  une toute jeune fille. Elle est à Knokke-le-Zoute avec ses parents. La famille endimanchée se promène sur la digue. Ma mère sourit entre ses deux parents et on voit qu’ils marchent d’un bon pas.

Un peu en retrait, on aperçoit une haute silhouette masculine, un homme en costume sombre, et qui ne sourit pas pour la photo. C’est mon arrière-grand-père.

C’est la première fois qu’il voit la mer.

14 mai 2011

Fragilité (Adrienne)

« Frailty, thy name is woman ! »
Notre prof d’anglais nous faisait découvrir Hamlet et il tenait visiblement à nous réciter ce passage: il détachait nettement les syllabes en nous regardant droit dans les yeux, l’une après l’autre, un début de sourire sarcastique aux lèvres, attendant nos réactions.
Nous étions en Terminale et c’était la fin des années 70. A la différence de nos mères, nous voulions avoir un travail ET des bébés. Et voyager. Et faire nos propres choix.
Nous avions 17 ans et la hâte d’acquérir notre indépendance.
« Frailty, thy name is woman ! », répéta-t-il  avec encore plus d’insistance. Mais nous gardions le nez dans nos livres. Non, nous ne réagirions pas à cette provocation de sa part : nous connaissions son point de vue, il connaissait le nôtre, tout avait déjà été dit :
« Hahaha ! vous croyez ça ? » s’était-il moqué de nous alors que nous évoquions nos rêves d’avenir…  « Vous verrez, dans dix ans vous serez toutes de braves petites bourgeoises ! »
***
Dix ans plus tard, l’école était mixte et « Frailty, thy name is woman ! » pleurait derrière son bureau pour s’être fait ridiculiser devant tous par ses derniers élèves lors d’une fête scolaire.

7 mai 2011

Chouette! (Adrienne)

Chouette! Dans peu de temps j'entendrai miauler les jeunes merles!
 
C'est bien le moins qu'ils puissent faire: leur père et mère les nourrissent exclusivement des croquettes de mes chats.
 
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30 avril 2011

Déménagements (Adrienne)

 

La première fois, elle avait 21 ans, elle quittait la maison pour s’installer avec l’homme-de-sa-vie dans un studio de leur ville universitaire. Tout son avoir se trouvait dans le coffre de la voiture familiale.

Un an plus tard, les études terminées, il a fallu quitter le petit studio, la ville et la vie universitaires, pour s’installer dans une maison louée pas loin de l’endroit où elle allait faire ses débuts de prof. La camionnette d’un ami  a transporté tout leur barda en un seul voyage.

Le bail de trois ans terminé, ils sont allés se mettre au vert. Ils voulaient cultiver un jardin et élever des poules. Le déménagement n’a pas été une grosse affaire, elle ne s’en souvient même plus.

Après, ils ont déménagé encore deux fois, avec l’aide de la famille, de quelques amis et d’une camionnette louée qui devait faire de plus en plus de va-et-vient. Elle a du mal à jeter des choses et l’homme-de-sa-vie veut tout conserver.

Vingt-cinq ans plus tard, les deux greniers sont pleins, tout comme le garage et les chambres à l’étage. Quand elle partira, car elle devra bientôt partir, il faudra qu’elle fasse venir trois camions : celui des déménageurs, celui d’un vide-greniers et celui des éboueurs.

Le plus dur sera de faire le tri…

Mais elle se rassure en se disant que pour son tout dernier déménagement, un simple coffre suffira.

23 avril 2011

Voir vert, c’est voir loin, comme dit notre conservateur… (Adrienne)

 

Nous avions une petite réserve naturelle. Toute petite. Vous ne la trouviez sur aucune carte et personne n’y venait jamais. Sauf quelques chasseurs, en automne et en toute impunité. Notre conservateur était un bien brave homme, doux rêveur érudit, amoureux des insectes et des petites plantes sauvages que d’autres appellent mauvaises herbes.

Puis un jour qu’il n’était plus d’accord avec la manière dont en haut lieu on voyait la gestion de notre patrimoine vert, il a donné sa démission. Une jeunesse un peu folle et beaucoup moins érudite a pris sa place. Une jeunesse qui voyait vert, qui voyait grand et qui voyait loin. En tout cas, c’est ce dont on a eu à cœur de nous convaincre.

Nous, c’est la petite troupe des bénévoles, six personnes, parfois huit. Que nous le voulions ou non, il fallait suivre notre gourou vert. Nous nous persuadions que nous trouverions la pédale de frein, en temps voulu.

Notre nouveau conservateur a d’abord agrandi son territoire : il lui fallait un royaume à la mesure de ses ambitions. Peu à peu, il nous a fait acquérir tous les bosquets, champs et prairies dont le bail se terminait. Certains vieux fermiers sans successeurs n’étaient que trop heureux de nous céder un bout de terrain : leur prix était le nôtre. Ou en tout cas celui de notre conservateur, car nous n’apprenions la chose qu’une fois que tout était réglé.

Ceux parmi vous qui ont un jour laissé un bout de jardin en friche le savent bien : ce qui pousse d’abord, ce ne sont pas les campanules. Ce sont les orties, les ronces et les chardons. A l’issue de la deuxième année, l’ancien champ de patates à côté de chez moi en était recouvert. Les fermiers des environs s’en sont plaints à la commune car il y a des lois contre le chardon.

Qu’à cela ne tienne, notre impétueux conservateur avait déjà la réponse à toutes les objections : notre réserve naturelle serait bientôt entretenue par un petit troupeau de bovidés, des Galloways. Animaux bien connus, nous assura-t-il, pour manger les ronces, les orties et les chardons. Ce n’était qu’une question de temps.

Les cinq bêtes, trois vaches et deux veaux,  furent lâchées un 20 avril au son d’une petite fanfare locale et de quelques bouchons qui sautèrent. Le bonheur régnait sur notre royaume vert.

Deux autres années passèrent. Les veaux étaient devenus de belles vaches et nos cinq pensionnaires faisaient la joie des promeneurs qui venaient de plus en plus nombreux. Car j’oubliais de vous dire que nous avions balisé des promenades, installé des portillons et fait beaucoup de publicité. Les samedis et les dimanches avaient perdu leur tranquillité.

Mais les ronces et les chardons devenaient toujours plus envahissants. Non pas que nos courageuses Galloways ne fassent pas leur boulot, mais il y en avait tant qu’elles ne pouvaient pas en venir à bout. Et puis, il leur arrive aussi de manger autre chose : la ronce et le chardon, c’est bon quand il n’y a rien de meilleur à se mettre sous la dent.

Des fermiers et des possesseurs de jardins bien entretenus se sont encore plaints à la commune : ces nuées de graines de chardon qui volettent et se propagent loin, très loin, ne faisaient plaisir à personne. Ils ne rendaient dithyrambique que notre conservateur. Le chardon, répétait-il pour la énième fois, est essentiel pour la survie du chardonneret et de la vanesse du chardon. Comme leur nom l’indique.

Mais que chacun se rassure : la petite troupe des Galloways serait bientôt renforcée par l’arrivée de trois poneys Exmoor. Il avait déjà pris tous les contacts avec un éleveur hollandais.

***

C’est là que nous avons en vain cherché la pédale de frein : rien n’y fit. Que la clôture n’était pas adaptée aux chevaux. Que ces poneys mangeraient d’abord et avant tout l’écorce des jeunes arbres, ruinant ainsi des années d’efforts de plantation. Qu’ils étaient beaucoup trop chers pour nos petits moyens…

Ils sont là. Officiellement seulement le 8 mai, mais les deux premiers sont déjà là. Toujours dans la prairie d’en face, celle où il n’y a ni ronces, ni chardons.

Et dès le lendemain de leur arrivée, nos jeunes frênes étaient soigneusement pelés.

16 avril 2011

Huit petits cœurs, disaient-ils… (Adrienne)

 

Comme je ne connais pas l’histoire des huit petits cœurs, j’ai appelé à l’aide mon copain G**gl*. Mais dans ses 731 réponses en 0,18 secondes je n’ai rien trouvé de fort convaincant. 

 

Pourtant, au défi du samedi, ils étaient formels :

« Connaissez vous l'histoire des "Huit petits cœurs" ? Celle-là même que l'on vous racontait étant enfant pour vous endormir le soir ? »

A la recherche des initiés, j’ai rencontré tous les corps de métier et toutes les couches de la population:

1.des akélas brodeuses
Petits cœurs pour vente scoute. - Thé Russe et Petits Points : « J'ai donc brodé et monté huit petits cœurs inspirés par le ravissant travail de Dame Pimprenelle. »

2.des pâtissières amoureuses
Petits cœurs feuilletés pistache et framboises :
« Répartir sur huit petits cœurs de la crème à la pistache puis des framboises. Recouvrir avec les autres cœurs feuilletés. Saupoudrer de sucre glace, … »

3.des bijoutiers poètes
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Huit dans Bague achetez au meilleur prix avec Webmarchand.com :« Huit petits cœurs de diamants suivent le corps ondulé de cette bague dont la symétrie parfaite crée un mouvement harmonieux. Un bijou romantique ... »

4.des vendeurs avertisseurs
Moules De Cuisine Silicone F*ch*n - Décoration - Achat et vente ... :
« état neuf un grand moule et un moule pour huit petits cœurs ainsi que des recettes f*ch*n. Voir le descriptif. Attention, vous êtes sur le point de ... »

5.des enseignants exigeants (pléonasme)
Situation d'Apprentissage et d'Évaluation (1er cycle) :
2.Dessine huit petits cœurs sur la carte. 3.Dans le bas de la carte dessine une frise de quatre carrés d'environ 3 cm. 4.Il doit y avoir deux triangles ...

6.des bricoleurs décorateurs zingueurs
Marques places : Tous les produits et articles de décoration sur Dekio :
Huit petits cœurs en zinc véritable, découpés à la main. Ils se fixent partout Format 4cm environ

7.des gourous de cuisine
Bovenkant formulier

Recettes D*k*n avec œufs :huit petits cœurs découpés dans la peau d'une tomate. Préparation faire bouillir de l'eau salée et vinaigrée. Y casser les œufs à l'endroit précis où se ...

8.des lovers en couleurs
Carte du Club Love your Body : avis de consommateurs, comparateur :
Comme je vous le disais plus haut, au verso de la carte vous avez huit petits cœurs vides, dont deux verts ; le quatrième et le huitième. ...

9.des patineurs déclamateurs
Philippe Poupon-Géraldine Danon : Holiday on Ice :
Petit vaisseau bleu dans un océan de blanc, abritant huit petits cœurs qui battent au rythme de la banquise. Après cinq heures de lente ...

10.des geeks emphatiques
Forums - Le coin des geeks - [Resolu] Karmic Koala - ubuntu 9.10 ... :
... système et ai découvert avec enthousiasme mes huit petits cœurs (normal), mais avec horreur que je ne disposais que de 2 Go de RAM ...

11.des tombeurs de maternelle
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Les bricos de Franco!:Mon coco a huit valentins - donc huit petits cœurs. Il a réalisé ses cœurs avec de la pâte FIMO et des emporte-pièces. ...

12.des (moto)cyclistes amoureux
Biking d'AmbientOcclusion d'un model HD vers LD :
Malheureusement j'ai pas le temps d'essayer tout excité que je suis de mettre en place ma nouvelle bécane avec ses huit petits cœurs chéris :wub::heat: ...

13.des optimistes de la survie (avec 20 gr de jambon par personne plus la peau d’une tomate, on peut voir venir !)
Régime protéiné sans sachet du dr pierre d*k*n, page# 102 :
pour 4 pers.3 dl de gelée-80 gr de jambon blanc dégraissé-ciboulette-persil haché-sel, poivre. Huit petits cœurs découpés dans la peau d'une tomate. ...

14.des rouspéteurs de forums (ou planteurs de marronniers)
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L'arche de Noé débarque au parc Chanot | La Provence :en voici la preuve : 2 post modérés et huit petits cœurs enlevés.. tout cela parce que je donnais des conseils, à qui veut bien le lire ...

Mais point de conteurs de petits cœurs!

Alors qui me la dira, la belle lisse poire ?

 

26 mars 2011

Qu’y a-t-il au fond d’un encrier ? (Adrienne)

 

Au fond d’un encrier, il y a quelques grains de poussière, de minuscules particules qui empêchent la plume de courir sans heurt sur la feuille. La pointe sent l’obstacle, si infime soit-il, dérape, dévie et parfois projette une gouttelette.

La belle page d’écriture est déparée. On est consterné. On s’appliquait si bien, pourtant, le nez sur la feuille.

Au fond de l’encrier, il y a un reste d’encre dont on s’aperçoit, en l’utilisant, qu’elle n’a plus exactement la même couleur : elle est un peu plus délavée, instable. Elle est moins bleue.

La belle page d’écriture devient grise, avec ici et là des petits points plus sombres. On ne trouve pas ça joli. On soupire.

Au fond de l’encrier, il y a encore tous ces mots qu’on voulait écrire. On n’a que sept ans mais on sait déjà qu’il n’y a pas de temps à perdre.

Heureusement, quelqu’un lève le doigt et dit :

- Madame, je n’ai plus d’encre  dans mon encrier !

26 février 2011

Diptyque (Adrienne)

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Il faudra bien finir par s’y résoudre, se dit-il en tirant sa chaise de quelques pas.

Et tout en admirant son 43e coucher de soleil de la journée, il réfléchissait. Son mouton, la chose était claire et évidente, ne suffisait pas à la tâche.

Faudra que je surveille la migration des oiseaux sauvages, se dit-il encore, et que je retourne voir mon ami l’aviateur.


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- Je ne comprends pas, lui dit sa mère pour la énième fois en quatre ans, pourquoi tu persistes à vouloir rester habiter ici !

C’est vrai, se dit-elle en regardant cette friche qui avait été un joli jardin, il faudra bien finir pas me résoudre à quitter cette maison.

Mais le soir, assise à son bureau, elle admire le soleil couchant et oublie les ronces et les orties.

19 février 2011

Ephémère : menacé de disparition prochaine (Adrienne)

Il me semble que les machines n’aiment pas les femmes seules.

En tout cas, voilà quatre ans qu’elles m’abandonnent une à une.

Le coup d’envoi des hostilités a été donné par la machine à couper le pain : une flamme, une fumée noire... et un petit choc électrique.

J’ai survécu. Mais le signal était donné.

La télévision, l’ordinateur, la radio, l’ampli, le lecteur vidéo sont sortis de ma vie. Il y a des choses que j’ai remplacées et d’autres dont je me passe désormais.

Le broyeur, l’imprimante, le percolateur ont suivi le mouvement.

La pompe à eau ne pompe plus, le pulvérisateur ne pulvérise plus, la scie circulaire ne scie plus. J’avais simplement voulu vider le puits, traiter la pelouse, couper du bois.

La tondeuse, le thermomètre extérieur, le thermostat font des caprices.

Le four, la machine à pain, la batterie de la voiture, comment s’en passer ?

Je devine bien que c’est de l’obsolescence programmée (http://cequevousdevezsavoir.wordpress.com/2011/02/13/pret-a-jeter-lobsolescence-programmee/), mais pourquoi cette hécatombe justement ces quatre dernières années ?

Le seul à me rester fidèle, c’est mon frigo vieux de trente ans, alors que j’attends précisément qu’il rende le dernier glaçon pour pouvoir m’en acheter un nouveau, moins gourmand en électricité…

Et si vous croyez que j’exagère, passez donc me voir… mais prévoyez une bonne doudoune : depuis samedi dernier, c’est ma chaudière qui est en panne.

Pour la troisième fois en quatre ans.

Morituri te salutant.

5 février 2011

Hérédité chargée (Adrienne)

Mon grand-père souffrait de coprastasophobie. S’il n’avait pas pu s’alléger d’un grand poids, au plus tard vers les dix heures du matin, il lui fallait quelques cuillerées de graines de psyllium dans sa soupe à midi. En vacances, la première phrase du jour était le rituel « j’ai bien su aller, ce matin, je suis en pleine forme »

Ma grand-mère Adrienne était si cancérophobe qu’elle n’osait même pas prononcer le nom de cette maladie. Mais la vierge Marie qu’elle priait tant s’est montrée bonne et l’a fait mourir du cœur. Comme sa propre mère et tous les frères et sœurs du côté maternel.

Ma mère a toujours été gravement rypophobe. Il y avait la « loque » pour enlever les poussières des meubles, le « chiffon » doux pour le marbre rose de Belgique, les peaux de chamois, les plumeaux, les brosses dures pour récurer la cuisine, les « raclettes » de deux tailles différentes... Sa rypophobie s’est augmentée d’une sévère trichophobie depuis ce jour de 1981 où un premier chat est arrivé chez moi. « Là, là… tu vois là ? Il y a un poil ! Ramasse-le ! »
Ou serait-ce de l’ailurophobie ?

Mon père était capitellophobe. Avant son anniversaire, la nouvelle année ou la fête des pères, il nous prévenait toujours de ne rien lui offrir. S’il nous arrivait d’outrepasser, nous le mettions dans l’embarras, même si nous étions sûrs que ce cadeau lui plaisait. Il détestait être au centre des regards et ne trouvait pas les mots ou l’attitude qui convenaient pour remercier.

En punition de son alopophobie, mon frère est devenu chauve lui-même avant ses trente ans. Un peu comme cette pognophobe dont je ne dirai pas le nom qui déclarait haut et fort « jamais un barbu ne rentrera dans ma maison ! » jusqu’au jour où son propre petit-fils s’est laissé pousser la barbe.  

Ma grand-tante Maria avait toujours peur pour son lustre, ses miroirs ou ses vitres quand on faisait sauter un bouchon de champagne. Heureusement pour nous, sa placomusophobie ne l’empêchait pas de mettre des bouteilles au frais pour le premier janvier, car son amour des bulles était plus fort que sa peur du bouchon.

Etc., vous avez compris, très certainement, sans que je vous parle encore de l’aquaphobie de mon oncle qui s’était pourtant offert un appartement à la mer ou de cette ancêtre couturière qui avait peur des aiguilles (achnophobie).

Oui moi, je le confesse, j’ai du mal à décider ce qui me rend le plus nerveuse, la vue de drapeaux (vexillophobie), trois personnes dans un ascenseur (claustrophobie), le cinquième échelon quand je nettoie les corniches (acrophobie), le soleil sur ma peau même avec un facteur 30 sous un parasol (héliophobie), une visite à la Chapelle Sixtine (ochlophobie), les vipères en Haute-Loire (ophidiophobie), les odeurs corporelles dans le métro parisien en fin de journée (bromidrophobie) ou les décibels quand je vais à une fête organisée par mes élèves (akousticophobie).

Mais je suis très copine avec les araignées, les poules et les souris, même dans le noir sourire12

29 janvier 2011

Derrière une fenêtre close… (Adrienne)

Elle sort de la chambre où règne une tiédeur fade.
Elle referme doucement la porte derrière elle, le cœur serré, comme chaque soir.
Elle marche sous les néons d’un couloir aux odeurs diverses et aux bruits de télé.
Elle redescend tous les étages à pied parce qu’elle a besoin de marcher.
Elle sort prestement à l’air libre et respire à fond.
Elle se sent un peu coupable du petit bonheur qu’elle ressent à être dehors.
Elle cherche des yeux parmi toutes les fenêtres, là-haut, celle de la chambre qu’elle vient de quitter.
Là, elle est là.
Elles se font un petit signe de la main.
Aucune des deux ne sait si l’autre l’a vue.
Aucune des deux ne sait si elles se reverront.

Car un de ces soirs est le dernier.
Le lendemain, l’hôpital l’appelle : « Votre grand-mère est DCD »

Aujourd’hui encore quand elle repasse devant, elle reconnaît la fenêtre.
Alors elle la regarde intensément, comme si elle guettait quelqu’un pour lui faire un ultime signe de la main.

22 janvier 2011

Vive la nature! (Adrienne)

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Voilà, se dit-il, nous y sommes. Quel endroit de rêve ! Quel calme ! Quelle beauté ! Quel bonheur que de tels endroits préservés existent encore dans notre pays…

La construction récente, luxueuse, et les parterres manucurés ne cadraient pas tout à fait dans le paysage. Il sonna à la porte qui s’ouvrit à l’instant : on l’attendait, visiblement.

- Ah ! vous êtes là, dit madame. Je vais tout de suite vous montrer de quoi il s’agit.

Elle l’emmena derrière la maison. Là s’étendait un magnifique étang.

- Quel beau plan d’eau vous avez là, dit-il.

On voyait aisément qu’elle avait l’habitude de recevoir des compliments pour ce lieu exceptionnel où elle avait le privilège de vivre.

- Ici, dit-elle, tout est absolument naturel ! pas de bâche, pas de béton. Le terrain est argileux et c’est une source qui alimente le plan d’eau.
- C’est absolument magnifique, dit-il encore, laissant errer son regard au-delà de l’étang, vers l’orée du bois où les étourneaux commençaient leurs grands vols de rassemblement pour la nuit.
- Pour la végétation aussi, ajouta-t-elle, sachant qu’elle avait affaire à un connaisseur. Autour de l’étang, nous n’avons planté que des espèces indigènes. Et voyez la qualité de l’eau…
- En effet, dit-il. Mais alors, le problème pour lequel vous m’avez fait venir…
- Mon mari et moi, répondit-elle, nous aimerions nous débarrasser des grenouilles. A la saison des amours, elles font trop de bruit. Ça nous empêche de dormir !

 

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages.
Tant de citadins veulent jouir de la nature ,
Et vivre en plein bois ou dans  coin d’air pur,
Mais ils oublient qu’il y a aussi les ramages.

 

8 janvier 2011

Défi 131 (Adrienne)

Votre enfant a reçu en cadeau un "Jeu de mots". MAIS ..... Il n'y avait pas de règle du jeu dans le coffret. A vous d'inventer la règle du jeu puis de la mettre en application en utilisant les 10 mots proposés.

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C’est Walrus qui débloqua la situation en faisant une première proposition:

- Barrons tous les mots qui ont entre eux un point commun. Le gagnant sera celui qui en gardera le moins à la fin.

Et il en fit immédiatement une brillante démonstration, barrant les trois mots en –ion (qui de plus sont tous féminins), les trois noms propres (qui de plus relèvent tous de mythologies), les deux mots possédant une famille avec verbe et adjectif et même les deux derniers, l’otage et le rez-de-chaussée, vu qu’ils étaient totalement sans famille et tous les deux masculins.

Tout le monde se rendit compte qu’à ce jeu-là, Walrus serait toujours gagnant . Aussi, chacun se mit à proposer des règlements dans sa propre spécialité, comme d’utiliser les dix mots piochés pour en faire l’histoire la plus poupounesque possible, le poème le plus délicieusement lorrainien, la chanson la plus joyeuse, le récit le plus Tendreman soft spice…

On n’écouta même pas les propositions de Joe Krapov, vu que de toute façon il aurait été le gagnant dans toutes les catégories. Map, Venise et Vanina avaient pensé à une sorte de Pictionary photographique, Pivoine avait déjà un Delly en tête et Sebarjo des haïkus. Il lui en vint d’ailleurs spontanément deux :

Masque de Moloch
En suspension d’Atlante
Cyclope en otage

Au rez-de-chaussée
Intuition d’étudiant
Otage du masque

Et vu qu’il venait de terminer la lecture de Cien años de soledad, il leur donna même une structure cyclique, ainsi que chacun put le constater.

- Bon, tout ça ne nous avance pas trop, fit Walrus. Qui a d’autres idées ?
- Transposer le tout en argot des banlieues ? fit Vegas, qui n’avouera jamais que Cobra le Cynique, c’est lui. Et si vous ne me croyez pas, la preuve est là
http://www.dictionnairedelazone.fr
- On pioche dix cartes et on doit les utiliser dans une histoire avec les mots ‘queue’ et ‘culotte’, proposa B*** (qui préfère rester anonyme, vu son boulot d’institutrice)
- Moi, dit Captaine Lili, je formerais deux équipes avec onze mots et on ferait un match poético-verbal !

Mais on ne lui demanda pas d’expliquer son propos : le docteur Zigmund avait enfin débarrassé sa table de sa comptabilité, de sa nappe flashy antitaches et des reliefs du réveillon et mis la main sur le règlement.

Qui était d’une si navrante banalité qu’on regretta de l’avoir retrouvé…

(à suivre…)

 

1 janvier 2011

Douze fois douze (Adrienne)

- Tu n’a pas oublié les raisins ?

Mamá, confortablement installée dans son fauteuil et ses coussins,  s’inquiète. C’est Alejandro, le fils aîné, qui a fait les courses.

- Oui, Mamá, ne t’en fais pas, j’y ai pensé. D’ailleurs, c’était sur ma liste.

De tous les préparatifs, c’est la seule chose qui la préoccupe, « las uvas ». Les boissons sont au frais, Eduardo s’en est chargé. Dans le four d’I***, de petits gigots d’agneau de lait cuisent doucement côte à côte sur un lit de pommes de terre, d’herbes aromatiques, d’ail et d’oignons. Ce sera parfait.

- Et tu es sûr d’en avoir pris assez ? Il y en aura bien pour tout le monde ?

- Oui, Mamá, ne t’inquiète pas, je n’ai oublié personne.

- Tu as compté les enfants aussi ? Et notre invitée de Belgique ?

- J’en ai même pris plus qu’il n’en fallait, il en restera. Là, tu es rassurée, maintenant ?

Peu avant minuit, on met la télé et on remonte un peu le son : il ne s’agirait pas de rater « las campanadas ». Dans la cuisine, les frères et la sœur s’affairent, ouvrent des petites boites dont ils vident le contenu sur des soucoupes. Une par convive.

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Puis, à minuit, Mamá vérifie si nous sommes tous prêts : chacun tient en main sa soucoupe, les yeux fixés sur la télé où l’on montre en plein écran le haut de la tour « el reloj de la Puerta del Sol » à Madrid . Quand sonnent les cloches, petits et grands mangent consciencieusement un grain de raisin pour chaque coup, un pour chaque « campanada », en espérant que l’année à venir leur sera clémente.

- Vous comptez bien, n’est-ce pas, les enfants ! intime encore la Mamá à ses petits-fils, ne vous trompez pas !

Mais elle s’inquiète pour rien : les grains sont petits, pelés, épépinés, on a largement le temps de bien les mâcher sur chaque coup de minuit en pensant à ce qu’on voudrait pour l’an neuf. Même quand on n’a pas dix ans.

Cette nuit, à Malaga, quand partout ailleurs en Europe les embrassades se terminaient, nous commencions les nôtres.

D’abord « las doce uvas de la suerte »

Feliz año nuevo !

 

18 décembre 2010

Passacaille de ma vie de pauvre petite fille riche (Adrienne)

Je suis riche de toutes les années que j’ai vécues
Et de celles qu’il me sera encore donné de vivre

O come t’inganni
se pensi che gli anni
non hanno da finire.
Bisogna morire.

Je suis riche d’un pays
où les soins de santé sont les plus performants
et où la sécurité sociale couvre la plupart des frais

Non vale medicina ,
non giova la china,
non si può guarire.
Bisogna morire.

Je suis riche d’un pays
qui m’offre toute la culture
les tableaux les opéras le cinéma

Si muore cantando,
si more suonando
la cetra o sampogna.
Morire bisogna.

Je suis riche d’un pays
qui mange bien qui boit bien
qui chante et qui rit

Si muore dansando,
bevendo, mangiando.
Con quella carogna
morire bisogna.

Je suis riche d’amis
des jeunes des vieux
des doux des durs à cuire

I giovani, i putti,
e gli uomini tutti,
I bravi, gl’inermi,
tutti hanno da finire.
Bisogna morire.

Et puis en ce jour où suite à une émission sur FR3 je rêve de train bleu et or Orient Express, une facture de 3648 € arrive dans ma boîte aux lettres…

Merci à Marco Beasley pour http://www.youtube.com/watch?v=YjzAi9f9PM0

4 décembre 2010

Si j’avais le temps… (Adrienne)

Si j’avais le temps…
Si j’avais le temps, je me fabriquerais une baguette magique pour que les corvées se fassent toutes seules et en musique comme chez Disney.
Si j’avais le temps, j’enfilerais mon costume de super-héroïne et j’irais redresser les bretelles à ces quelques malpolis qui empêchent le monde de tourner paisiblement.
Si j’avais le temps, je me préparerais un philtre dont quelques gouttes suffiraient à tout transformer en art. J’y tremperais les doigts pour jouer du piano ou du violoncelle. J’y tremperais mes pinceaux pour l’aquarelle. J’y tremperais ma plume et il en naîtrait de la poésie.
Si j’avais le temps, je rallumerais la petite flamme qui avait été offerte aux apôtres pour qu’ils puissent entendre et parler toutes les langues de l’univers. Chacun en recevrait une étincelle et serait étonné de constater que cet étrange étranger a les mêmes pensées que lui.
Si j’avais le temps, j’inventerais une merveilleuse machine à vaporiser de la bonne humeur. Un petit pschitt dans l’appart de ma mère, dans la salle des profs et autour de la table des négociations et la Belgique et moi voguerions sur un nuage de bonheur.

27 novembre 2010

Défi 125 (Adrienne)

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20 novembre 2010

Trésors (Adrienne)

Quand Michaël est rentré de l’école ce soir-là, il a jeté son cartable dans un coin de la cuisine, d’un geste machinal. Il s’est affalé sur une chaise. Il était fatigué, il avait faim. Il avait traîné un peu avec les copains, comme d’habitude. Il faisait déjà noir. Ses devoirs, ses leçons, il les ferait plus tard. Ou il ne les ferait pas. Ce ne serait pas la première fois…

Sa sœur était occupée à côté. Son père venait de rentrer du travail et tripotait encore un truc au garage. Sa mère était aux fourneaux. La table était mise. Ça sentait bon. La viande grésillait dans la poêle.

Tout à coup, il y a eu un boum formidable. A l’instant même, les flammes atteignaient déjà le faux plafond, les rideaux se sont embrasés, une épaisse fumée a tout envahi. Michaël, sa mère, sa sœur, n’ont eu que le temps de sortir de la maison en courant.

Par les carreaux cassés on pouvait voir un brasier d’une violence incroyable. Le père a sauté dans sa voiture et l’a mise en sécurité dans la rue. Michaël avait son portable dans sa poche, il a appelé les pompiers. Les voisins ont accouru puis sont restés là, hébétés, impuissants face à l’ampleur du drame.

Dix minutes plus tard, des trombes d’eau finissaient d’anéantir tous leurs biens. Les meubles, les vêtements, les appareils ménagers, la literie, les photos, les souvenirs : ils n’ont rien pu sauver, rien récupérer.

Ce que Michaël n’a jamais réussi à comprendre jusqu’à aujourd’hui, dix ans plus tard, c’est pourquoi dans sa fuite il a eu l’idée d’emporter son cartable.

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