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Le défi du samedi
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4 mars 2023

Ma noctuelle (Vegas sur sarthe)


Elle n'apprécie pas que je l'appelle ma noctuelle.
Pourtant je trouve que ça lui colle à la peau.
Toute petite, Germaine était parait-il vorace voire boulimique, la terreur du jardin d'enfants et des jardinières qui en avaient la garde et qui la surnommaient Vers gris.
Il fallait la voir grignoter le goûter de ses congénères en se cachant au pied des plantes ornementales.
Quand je l'ai connue elle était nymphe et désirable.
Aujourd'hui c'est encore un beau papillon inoffensif au corps massif, dodue et souvent grise … en résumé c'est ma noctuelle.

Jules Renard disait que le papillon est un billet doux plié qui cherche une adresse de fleur.
Germaine m'a trouvé; je suis sa fleur bien qu'elle affirme le contraire et qu'elle prétende que je l'ai sournoisement capturée dans mes filets.
Ça n'est pas ma faute si Germaine est insensible à la poésie de Jules Renard.
Je dis qu'un type qui a eu le courage d'écrire que la femme est un roseau dépensant ne peut pas être foncièrement mauvais.
 
A  propos de dépenses il faut dire que Germaine a des mœurs nocturnes, dans la famille des noctuelles c'est une méticuleuse comme disent d'éminents lépidoptéristes.
J'ai découvert qu'à la tombée de la nuit elle pratiquait le vol furtif.
Ça peut être ma carte bancaire ou mon meilleur whisky, toutes ces choses que je retrouve au matin au pied du lit alors qu'elle dort du sommeil du juste.
Je regarde dormir ma noctuelle enroulée sur elle-même...  et dire qu'au stade larvaire on dit qu'elle grignotait de jeunes tiges.
Ça laisse rêveur, alors je rêve.

On dit qu'un papillon sur cinq est une noctuelle, et il a fallu que ça tombe dans mes filets !

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11 février 2023

Le kung fu pour les Nuls (Vegas sur sarthe)

 

On dit arts martiaux quand on pratique plusieurs arts martials, par contre on dit kung fu quel que soit le nombre de kung fu.
Il ne faut pas chercher à comprendre, c'est du chinois.

Le kung fu comporte des techniques et des positions à l'instar du kama sutra mais à la différence que le kama sutra est indou alors que le kung fu est un dur.
Les techniques et les positions du kung fu sont extrêmement concises et codifiées ; ainsi la technique du pas clouté pieds serrés dont un sur la pointe se dit simplement : Ding Bu.
Il est difficile de faire plus court.
La technique du pas frappé s'appelle Ta Bu même si l'on est à jeun.
La position du pas rasant se dit Pu Bu même si l'on a encore soif.
La position de la brouette thaïlandaise n'appartient pas au kung fu.

Il ne faut pas confondre le karaté japonais avec le kung fu chinois.
J'ai voulu tester la différence mais je n'en ai pas trouvé, pas même auprès des personnels de santé qui m'ont pris en charge à l'hôpital ...
J'ai pu vérifier également qu'un combattant pesant 100 kg sera toujours moins mobile et aérien qu’un combattant plus léger.

Quel que soit l'art martial, la respiration est essentielle et pour le reste aussi y compris le kama sutra.
Trop d'apnée tue !

On peut aussi se tourner vers le tai chi qui est un art martial chinois « doux ».
On sent toute la douceur du tai chi dans les positions nommées  le serpent rampe vers le bas, saisir la queue de l'oiseau ou brosser le genou.

En conclusion on dira que le kung fu doit être pratiqué avec prudence; on n'oubliera pas que Bruce Lee est décédé à l'âge de 32 ans.

 

4 février 2023

Retour d'affection (Vegas sur sarthe)

 

« Tout comme le pruneau et la grenade sont les symboles de la guerre, le jujube est le symbole de la paix ».
Ainsi parlait la bamiléléké, une diseuse de bonne aventure camerounaise qu'on m'avait chaudement recommandée et que j'allai consulter pour un retour d'affection.

A l'entendre il me suffisait de mâcher neuf grains de jujube et d'insuffler par la fenêtre en appelant ma bien-aimée – en l'occurence ma Germaine – le matin au réveil.

Il faut dire que je ne suis pas du matin, alors j'ai attendu midi – l'heure de l'apéro – pour mâchouiller ces infâmes graines de jujube avec mon whisky.
Je ne sais pas si vous avez déjà essayé d'insuffler par la fenêtre en appelant votre moitié avec la bouche pleine de graines …
Le voisin du dessous qui prenait lui aussi l'apéro sur son balcon n'a pas apprécié et il est monté me le faire savoir d'un direct au menton.

Bien plus tard Germaine m'a trouvé ainsi, ensanglanté et avachi sur le canapé … « comme d'habitude » a t-elle commenté.
Elle était soit disant simplement allée faire quelques courses.
Dans son panier il y avait entre autres choses des pruneaux – symbole de la guerre – alors je me suis bien gardé de lui parler de ma bamiléléké, la camerounaise qu'on m'avait recommandée.

Je suis retourné voir cette diseuse de bonne aventure pour me plaindre mais l'enseigne avait changé.
A la place il y a un club d'arts martiaux et de self-défense ; je me suis ins crit aussitôt … ça peut servir

 

21 janvier 2023

L'hurluberlu (Vegas sur sarthe)

 

Tout petit, tout minot j'étais un étourneau

cervelle de moineau, bulbe de bigorneau

J'ai cru qu'en grandissant, moustachu et velu

je serais raisonnable et bien moins farfelu

 

Au travail je passais pour un joyeux maboul

j'avais des fantaisies, des trous dans la ciboule

 

Au lit c'était pas mieux où Germaine excellait

j'attendais – pédalant – la voiture-balai

 

Aujourd'hui je vais mieux, locataire à l'Ehpad

je m'offre à l'occasion une belle escapade

 

Sur la tombe où m'attend un silence absolu

je sais qu'on écrira : Ci-gît l'hurluberlu

 

14 janvier 2023

Trouver des rimes en 'pette' (Vegas sur sarthe)

 

Alors que je rampais, singeant le mille-pattes
à l'affût des souris armé d'une tapette,
quel est ce malotru, qui est ce psychopathe
qui m'a mis au défi: trouver des rimes en 'pete'?

Cliquant sur le mulot, j'ai quitté ma carpette
sorti tous mes dicos, mis la main à la pâte
mais je ne trouve rien, j'en ai jusqu'à perpette
quand tant d'autres ont fini qui me narguent et m'épatent.


Je vous mets au défi, rois de la galipette
de chasser mieux que moi souris et souricettes;
vous semblez moins malins, j'en entends qui rouspètent
mais je sens que ça vient! Oui! Saperlipopette!

Me voilà rimailleur sans tambour ni trompette
je sens au bout des doigts la force centripète
qui détruit mon clavier et que plus rien n'arrête!
Restez! Ne prenez pas la poudre d'escampette.


Tandis que j'écrirai vous serez mes arpètes,
je jouerai du clavier et vous en salopettes
de tous ces souriceaux vous ferez des brochettes
pour mon plus grand plaisir... et pas d'entourloupettes!!  

 

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7 janvier 2023

Allégro à six-huit voire plus (Vegas sur sarthe)


« 3... 2... 1... Bonne année !!! »
Un tsunami se leva brusquement dans la salle surchauffée et je me retrouvai, alpagué par deux matrones qui m'écrasaient les paluches, m'entraînant au milieu des tables dans ce qui ressemblait à un serpentin à échelle humaine.
J'ignore quel forcené menait la tête mais mes pieds ne touchaient plus le sol et pourtant je progressais malgré moi …

« Hé bé ! Avance couillon ! T'es ensuqué ou quoi ? » me lança ma meneuse.
Je dus hurler pour me faire entendre « Qu'est-ce que c'est qu'ce binz ? »
« C'est une farandole, fada ! La danse populaire provençale » reprit-elle en m'écrasant les phalanges.
Un ban bourguignon m'aurait amplement suffi... au moins on reste le cul sur sa chaise en agitant les mains devant sa fillette d'aligoté et on peut même faire du pied à sa voisine.
« C'est bien rythmé » osai-je crier à ma meneuse.
L'autre derrière moi m'écartelait à chaque virage, chaque volute, chaque escargot.
« Bien sûr que c'est rythmé » enchaîna ma meneuse « c'est de l'allégro à six-huit »
Pourtant on était beaucoup plus que huit dans ce train infernal, peut-être quarante.
Je repérai le dernier de la file – lanterne rouge de l'allégro – qui volait littéralement et tentait de s'accrocher de sa main libre au moindre obstacle.
Je songeai que s'il avait pu s'accrocher à la tête on aurait pu freiner le cercle vicieux... à condition de pouvoir poser les pieds par terre !
« C'est quoi ce six-huit ? » demandai-je à ma meneuse.
Elle eut une moue dédaigneuse « une mesure à deux temps, fada et chaque temps est une noire pointée »
J'en conclus que la noire pointée, ça devait être ma suiveuse, une grosse antillaise sans doute naturalisée provençale car elle avait l'air de prendre son pied et le mien avec …
Mis à part Mistral, Giono et le pan bagna, j'ignorais tout de la Provence et de cette danse de cinglés que ma meneuse devait maitriser depuis son plus jeune âge.
« Je suppose que tu t'appelles Mireille ?» osai-je sans trop y croire.
« Non … c'est Fanny mais appelle-moi Adriana » me cria t-elle dans l'oreille avant de me faire décoller dans un virage à angle droit.
Derrière moi, la fameuse noire pointée avait trébuché et je sentis craquer mon bras gauche.



Dans l'ambulance, une jolie secouriste m'observait d'un œil morne.
« Bonne année » dit-elle avant de s'allumer une clope « tu veux une taffe ? »
Je n'avais envie de rien, à part récupérer mon bras qui pendait à des kilomètres.
« Comment t'as fait ça ? » demanda t-elle alors qu'elle s'en foutait royalement.
« C'est compliqué » répondis-je « un allégro six-huit qui a mal tourné à cause d'une noire pointée »
Elle fit mine de comprendre « les gens font n'importe quoi de nos jours »
On en est venus aux confidences... rien d'autre à foutre dans cette ambulance qui fonçait sirène hurlante vers la Pitié-Salpêtrière.
Je devais être leur premier bras arraché de l'année !
Fanny - elle s'appelait vraiment Fanny - était originaire du Pas-de-Calais et elle aimait le slow.
Ça me convenait tout à fait ; je me sentais même d'attaque pour la serrer dans mon bras.

31 décembre 2022

Faut pas pousser mémé (Vegas sur sarthe)


Sur la porte de l'officine il y avait une grosse plaque marbrée très différente de celles qui m'apparaissaient un peu partout sur le corps depuis quelques jours.
Il y était écrit en lettres dorées « Comte Jouvence, apothicaire »
Je me suis gratté la tête encore une fois avant d'entrer.
Un grand type avec des yeux de cocker trônait derrière un comptoir mais il n'avait rien d'un comte à part un gilet garni de petits boutons douteux qui ne m'inspiraient pas confiance.
« Vous êtes vraiment comte ? » ai-je demandé en me grattouillant.
Il m'a toisé de toute sa grandeur : «Z'avez jamais entendu parler des comtes d'apothicaire ? »
Trop occupé à me gratter je n'avais pas fait le rapprochement.
« J'espère que vous ne soignez pas exclusivement les calculs, je voudrais quelque chose pour cesser de me griffer » ai-je supplié.
« Vous faites quelle pointure ? » me demanda t-il en s'approchant pour me prendre la main.
J'ignorais que les comtes – fussent ils apothicaires – avaient des manières si cavalières.
Cet espèce de grand comte n'avait ni queue-de-pie ni jaquette flottante et figurez vous qu'il voulait tout bonnement me refiler une paire de gants en latex !

« J'ai besoin d'une médecine pour soigner ces plaques rouges que j'ai chopées sur le corps » ai-je grogné en me labourant le dos de ma main libre.
Il lâcha enfin l'autre main : «Je vois... vous êtes en train de NOUS faire une poussée de fièvre ortiée »
Ce NOUS ne me disait rien qui vaille ; on n'avait pas gardé les gueux ensemble, ni les comtesses.
J'étais perplexe : «C'est quoi une fièvre ortiée ? »
Sur les étagères trônaient des bocaux remplis de formol où ricanaient des crapauds à deux têtes.
Il prit un air inspiré, l'air du cocker devant une gamelle de croquettes pour chat: «Nous désignerons ça par poussée d'urticaire
celle qui autrefois ravagea la mouquère »
Comme je l'ai déjà dit j'étais perplexe : «Vous êtes obligé de vous exprimer en alexandrins ? »
Ignorant ma question il continua, le bougre : «Prenez donc ce flacon de poudre de calcaire
à laquelle j'ai joint la fleur de persicaire »
Ça commençait à être lourdingue toutes ces rimes en caire ; j'ai failli prendre un joker mais j'ai juste pris son flacon tout en m'épluchant les épaules.
« Ça coûte cher cet élixir? » me suis-je inquiété en attendant une rime en découvert bancaire.
« Une plaque » a t-il simplement lancé en entrebâillant son tiroir-caisse.

Alors d'une main tremblante je lui ai refilé une de mes plaques – c'était toujours une de perdue – et j'allais sortir quand il m'a demandé : «Vous sucrez souvent les fraises ? »
Dans trente secondes il allait me diagnostiquer un Parkinson et me vendre une tisane à base de bébé crocodile et de bave de salamandre.
J'ai déguerpi tout en m'arrachant la peau des fesses.
Croyez moi, je ne suis pas prêt de retourner folâtrer dans les orties avec Germaine !

24 décembre 2022

La pêche aux rimes (Vegas sur sarthe)


« T'en fais une tête, Fernand ? »
« M'en cause pas. J'arrive d'acheter des appâts chez Moulinot et je crois bien qu'on m'a refilé de la daube »
«Chez Moulinot, là où l'père Colucci achetait ses schmilblicks ?»
« Tout juste sauf qu'il m'a servi des vers de douze pieds de long ! Qu'est-ce que tu veux qu'je pêche avec ça ? Des anguilles ?»
« Y t'aurais refilé des dodécasyllabes que ça m'étonnerais pas »
« Ah bon ? »
« Ouais, c'est de l'appât vieux comme Moïse. Y devait lui en rester un fond de tiroir dans son arche»
«Moïse avait une arche ? »
« Ouais »
«Ah bon ? Et si je les coupais en morceaux ? »
« Ouais mais si tu fais une coupe à l'hémistiche, ça sera plus des  dodécasyllabes »
«Ça sera des quoi ? »
« Ça fera des moitiés d'alexandrins … des hémistiches comme j'te dis »
« Moi j'ai pas d'préférences pourvu que ça morde ! Qu'est-ce qu'on pêche avec des hémistiches ? »
« Ça dépend de la moitié que tu prends »
«Parce que les moitiés sont pas pareilles ? »
« Non, malheureux ! La deuxième moitié finit par une rime, une sorte d'hameçon»
«Pour hameçonner quoi ? »
« Ben, le vers suivant … c'est ça la rime »
« Arrête. J'crois que c'est plus fastoche avec un asticot »
« Ça t'coûte rien d'essayer. Vois-tu la pêche c'est comme la poésie, tout peut arriver au détour d'une rime … des beaux yeux ou du thon, du maquereau ou du merlan, de la vive ou de la vieille, du poisson-clown ou même de la morue »
« J't'en foutrais d'la poésie ! C'est pas ça qui va remplir ma bourriche !  Et puis tu connais des poètes qui péchaient à la ligne ? »
« Ouais, Rouget de Lisle par exemple »
« Ça va. Le Rouget j'connais»
« Boileau»
« Bois l'eau, j'veux bien et qui d'autre ? »
« La Fontaine »
« La Fontaine pêchait ?»
«Un peu oui ! Ecoute ça :
Un carpeau qui n'était encore que fretin
Fut pris par un pêcheur au bord d'une rivière»

« Et il l'avait pris avec quoi, son carpeau ? »
« Si tu comptes bien, il l'a pris avec des vers de douze pieds d'long »
(Soupir)
« J'aime pas l'carpeau … c'est plein d'arêtes »

« Laisse tomber, j'en ai aussi de François Coppée »
« François Coppée, le ministre ? »
«T'es pas drôle. Ecoute ça, Fernand :
Les pieds dans l’eau, bien plus persévérant qu’habile,
Portant, pendue au col, sa boîte aux asticots ... »

«Un type qui porte ses asticots autour du cou c'est pas un pêcheur ! »
(Soupir)
« Va t'plaindre à Moulinot, pauv' pomme » 

 

17 décembre 2022

Tout seul dans mon froc (Vegas sur sarthe)

Que n'ai-je entendu quand j'ai annoncé à ma famille que Germaine était en colloque !
J'ai eu droit aux pires reproches et sarcasmes « Quelle folie à son âge » « Vous êtes irresponsables » « Elle ne peut pas le garder » …
Passé l'orage, j'ai expliqué qu'il était prématuré de la critiquer alors qu'elle entrait dans son premier mois et que ça durerait 8 mois si elle allait au bout du cursus.
« Sauf complications » me répondit-on « à son âge ! »
Je répliquai qu'il n'y a pas d'âge pour ça quand on est motivé et d'ailleurs elles étaient une trentaine comme Germaine dans ce séminaire.
« Une inséminarisation ! » hurla un érudit.

J'hallucinais. Je tentai d'expliquer ce qu'est un séminaire et un corps enseignant.
« Le corps en saignant ? » hurla t-on encore avant de s'évanouir.
La gent féminine me demanda si elle avait déjà des nausées, des vômissments, des envies.
Des envies Germaine en avait toujours eu et des plus bizarres mais rien de tout ça. Elle avait juste soif d'apprendre ; j'étais de son côté et je la soutenais entièrement.
J'ai senti venir le sarcasme « Tu la soutiens entièrement ? C'est pas trop lourd ? »
« C'est normal qu'elle ait soif » me dit-on « je m'souviens pour mon deuxième ... »
J'ai bien failli me fâcher.
La famille s'inquiétait déjà de la suite : « Et quand elle aura bien colloqué, elle voudra faire quoi ? »
« Elle va remettre ça ?» me demanda t-on.
C'est vrai. Je n'avais pas envisagé la suite …
« Elle ne va pas être licenciée au moins ? » s'inquiéta quelqu'un qui travaillait avec elle.
Je répondis « Pas tout de suite la licence. Et pourquoi pas le doctorat tant que vous y êtes »
« Elle ferait bien d'en voir un dès maintenant » me dit-on.
Je n'y comprenais rien « Voir un quoi ? »
« Voir un doctorat » répondit l'analphabète qui précisa «je lui conseille de demander une péridurable »
Je soupirai.
On me tapa dans le dos en me souhaitant bon courage « C'est pas drôle pour le mari non plus »

Derrière moi quelqu'un tentait d'imiter Renaud en braillant :
Je m'retrouve planté, tout seul dans mon froc
Depuis qu'elle est en cloque...

Ça n'était pas drôle du tout.

 

 

26 novembre 2022

Something stupid (Vegas sur sarthe)

 
Vous me croirez ou pas mais c'est juste après avoir appuyé sur Display que son fourreau en lamé a rejoint la moquette !
On n'avait même pas eu le temps d'enquiller nos Margarita's qu'elle était déjà offerte devant moi avec un sourire qui semblait dire "Come on, essaie autre chose".
Je me gardai bien d'appuyer sur Retour de peur qu'elle se rhabille, alors d'un doigt fébrile - n'importe qui aurait eu le doigt fébrile dans cette situation - je pressai la touche Outils.
Le convertible bascula brusquement à l'horizontale tandis que ma chaîne s'était mise à distiller du Sinatra.
Pas le temps d'aller sur Menu pour choisir un Barry White de derrière les fagots, j'allais devoir me contenter de 'Something stupid'. (un signe prémonitoire)
Je ne connaissais rien d'elle mais dans la position où nous étions, nul besoin de la touche Info pour deviner qu'elle avait tout ce qu'il faut là où il faut.
Fébrile, j'hésitais entre les touches Open/Close et Size quand la touche Exit s'enfonça malencontreusement!
Cette foutue zapette venait de me lâcher alors que je lui avait offert des piles neuves la veille, des Duracell Supreme à dix euros pièce.


D'un coup de reins - celui dont je ne profiterai jamais - elle se relève et tandis qu'elle renfile son fourreau en lamé, je pianote sur Retour à qui mieux mieux... le canapé en folie s'ouvre et se referme comme une huître au rythme de 'Douce nuit Sainte nuit' immortalisée par les petits chanteurs à la croix de bois.
Je peux vous dire que ça, ça vous plombe une ambiance... Vous avez déjà essayé d'emballer sur  'Entendez résonner les pipeaux' ?? J'ai tenté un Mute en espérant que le silence jouerait en ma faveur mais j'avais bel et bien perdu tout contrôle.
Je n'ai pas eu le temps non plus de rentrer son petit nom au clavier - ça c'est pour mes statistiques - qu'elle était remontée sur ses talons aiguilles.
De son mètre quatre vingt dix augmenté elle me toisait avec la moue dédaigneuse de celles qui ne pardonnent rien à la technique, même la plus sophistiquée. A cet instant elle était bien la seule à avoir du sexe-à-pile.

J'ignore ensuite ce qui s'est passé, j'ai sans doute appuyé par mégarde sur la seule touche qui devrait être interdite, la touche Skip et j'ai entendu deux fortes explosions dans son bustier …
Effondrée sur le canapé - réouvert par bonheur - elle venait de perdre son 95D et moi toute occasion de finir la nuit avec mon inconnue.


Dans l'ambulance j'ai bien essayé de consoler ma planche à pain avec un vieux Dylan récupéré sur mon smartphone mais elle ne pensait déjà qu'à la reconstruction de ses airbags.
Ça chantait "How many roads must a man walk down ... » et un  ambulancier alangui me faisait de l'oeil !!
J'ai balancé la zapette par la fenêtre... de nos jours on nous vend vraiment de la camelote!   


19 novembre 2022

On arrive YOUPIIIII (Vegas sur sarthe)


08H00 et des poussières … il y a beaucoup de poussière blanche alentour.
Germaine appelle ça de la poudreuse, pourquoi pas de la neige tant qu'on y est ?
Départ du parking du téléphérique de Chamoni ; on prononce normalement le X sauf si on a les lèvres gercées et j'ai les lèvres gercées.
Altitude 1100m indique le panneau. Pas étonnant que j'aie les lèvres gercées.
La balade sera longue, la fille rousse de l'office de tourisme parlait de 7 heures d'ascension alors qu'elle vendait des tickets de téléphérique à des fainéants endimanchés.

09H00 et toujours autant de poussière blanche.
Par moments on passe sous le téléphérique avec dans la petite boîte des gens qui nous font des signes mais on ne peut rien faire pour eux, les pauvres !
Germaine boîte également, alors elle fait des pauses et moi des poses pour l'album photo.
On voit bien Chamoni et même notre hôtel et même le parking de l'hôtel et même notre bagnole, celle avec les portes ouvertes... les portes ouvertes ?
Si Germaine ne boitait pas, je lui causerais du pays.

11H30: Germaine s'arrête sur un replat et décrète qu'on est arrivés ; des crêtes il y en a aussi partout.
Un panneau annonce Plampraz, on prononce normalement le Z sauf si on a les lèvres gercées. J'ai toujours les lèvres gercées et Germaine boîte.
Des gars nous dépassent en courant, ils disent que Germaine a chopé un agacin; il parait qu'on en attrape beaucoup dans la région.

12H00: Sur mon smartphone je cherche encore agacin, c'est agaçant.
Larousse (le dico, pas celle de l'office du tourisme) me dit que l'agacin est le bourgeon le plus bas d'une branche de vigne et qui ne donne pas de fruit.
Germaine avait besoin d'emmener une branche de vigne ?
Si l'agacin ne donne pas de fruit, "ON" a également oublié les sandwiches dans la bagnole.

13H00: ça monte toujours – Larousse ou plutôt la fille rousse de l'office de tourisme appelle ça du dénivelé – il parait que c'est courant en montagne sauf quand on redescend mais ça s'appelle quand même du dénivelé.
En montagne, on ne doit pas s'encombrer de mots inutiles.

14H00: On aperçoit le sommet du Brévent, les Aiguilles Rouges qu'on nous avait vantées ne sont pas rouges ; c'est également venté alentour. C'est toujours la même chose avec les filles rousses des offices de tourisme.
Par endroits ça monte en lacets sauf pour Germaine qui a balancé les siens. En montagne, on ne doit pas s'encombrer.

16H00: Agacé, je cherche encore agacin sur mon smartphone avant que la batterie ne soit à plat tout comme Germaine. Google affirme que c'est une maladie des pieds, une excroissance de chair, mais on dit echcroichanche quand on a les lèvres gercées.
Germaine ne dit rien, elle souffre de son excroissance en silence, c'est beau et puis 1525m de dénivelé ça vous ôte l'envie de parler.

15H00: Altitude 2525m et des cailloux.
On arrive ! La fille rousse de l'office de tourisme ne s'était pas trompée sur l'horaire, à croire qu'elle était montée avant nous.
Je pousse un grand YOUPIIIII de victoire et Germaine joue du cor... au pied.
Les gars qui nous ont dépassé en courant trouvent qu'on fait beaucoup de bruit pour rien et que ça vaut pas l'Annapurna. On aimerait les voir avec des cors aux pieds et l'estomac dans les talons !

15H10: Justement on est devant le restaurant "Le panoramique".
On va devoir choisir entre payer 32,50€ pour redescendre en téléphérique ou une tartiflette à 25€.

15H15: On fait nos fonds de poches de sac à dos; "on" a oublié le fric à l'hôtel.

15H30: Germaine est un peu pesante sur mes épaules mais comme nous avait dit la fille rousse de l'office de tourisme ça ne fait que descendre sur 1525m de dénivelé.
Germaine dit que sur mes épaules la vue sur le glacier est superbe et qu'on devrait arriver avant la nuit.
On repasse sous le téléphérique où dans la petite boîte les gens nous font des signes mais ils ne peuvent rien faire pour nous, les riches !

20H30: On arrive à la bagnole, YOUPIIIII enfin... là où on avait laissé la bagnole

22 octobre 2022

OVNI limougeaud (Vegas sur sarthe)


Ce matin j'ai vu une soucoupe volante, parfaitement.
Il était neuf heures, l'heure à laquelle je prends mon café sur la terrasse, le nez en l'air à regarder je ne sais quoi.
Germaine a horreur de me voir regarder je ne sais quoi à neuf heures, le nez en l'air.
Je l'ai parfaitement identifiée ; c'était une antique soucoupe du siècle dernier, rescapée du service à café que tante Anastazia nous avait offert pour notre mariage.
Elle est passée comme une fusée à dix centimètres de mon crâne avant d'aller s'abîmer dans le massif de forsythia.
A son passage j'ai cru voir rigoler les angelots joufflus de ce décor suranné qui – patiné par le temps comme moi – m'avait si souvent donné envie de gerber.
Germaine appelle ça des sous-tasses et moi des soucoupes ; c'est un de nos nombreux sujets de discorde. Elle prétend que les soucoupes ça n'existe pas, bref.
Je maintiens qu'on devrait interdire ce genre d'engins, surtout quand on ne sait pas les piloter.
Germaine a toujours eu la main leste mais elle n'a jamais su conduire.
« Encore raté ! » ai-je ricané en fouillant le massif à la recherche des angelots limougeauds (il paraît que c'est du Limoges).
Germaine était tout juste retournée dans sa cuisine quand je l'ai aperçu, un halo brillant qui grandissait à vue d'oeil et se dirigeait tout droit sur nous.


Il n'y a qu'un ufologue – Germaine dit urologue – pour affirmer que ces trucs ne sont pas identifiables !
Ceux qui piétinaient ma pelouse n'étaient pas des petits hommes verts mais des costauds avec un fort accent de l'Est.
«Z'auriez pas du gasoil ? » a demandé celui qui semblait être le chef.
J'ai poussé un cri.
Le plus jeune venait de m'arracher la soucoupe des mains et gesticulait, les yeux exorbités … même si tous avaient les yeux exorbités d'origine.
« C'est quoi ce bins ? » a aboyé le chef.
« C'est une soucoupe » ai-je répondu, et pour faire classe j'ai ajouté «c'est du Limoges »
Le chef a pris l'objet délicatement, l'a soupesé et longuement ausculté avant de le refiler au plus jeune.
« OVNI » a-t-il conclu dans un dialecte que je ne comprenais pas.
Ils ont tous rigolé comme des baleines ; des costauds qui rigolent avec un fort accent de l'Est ça impressionne.
J'étais surexcité, sur le point d'échanger voire de commercer avec des êtres venus d'ailleurs quand Germaine est apparue sur le seuil de la terrasse.
L'instant d'après le halo brillant disparaissait sur l'horizon.
« C'était quoi ce bins ? » a demandé Germaine.
J'ai balayé le sujet : »Oh rien. Comme d'hab. Des types qui cherchaient du carburant »

15 octobre 2022

Jolie môme (Vegas sur sarthe)


“Qu'est-ce qui vous amène, ma p'tite dame?”
“Le 38, Docteur”
“38? C'est pas une grosse fièvre ça, rien de bien grave”
“Euh... c'est le Bus 38, Docteur”
« Ah c'est vrai! Vous m'avez déjà fait plusieurs fois le coup»
« Le cou … c'est aussi ce qui m'amène, docteur »
« Maintenant que vous me le dites, c'est vrai que votre tête penche à droite »
« C'est aussi ce que m'a dit mon mari ce matin, docteur et pourtant il n'est pas médecin sinon je ne serais pas venue»
« Ma p'tite dame, si votre tête penche à droite c'est peut-être à cause de cette chose encombrante que vous portez à gauche »
« C'est une minerve docteur... mon mari m'a conseillé de porter une minerve et pourtant il n'est pas médecin sinon je ne serais pas venue»
« Oui mais celle-ci doit bien peser trente kilos ! »
« Vous n'êtes pas loin, docteur. Quarante kilos d'albâtre ! Une statue que m'avait offert ma tante Anastazia pour notre mariage »
« Votre tante n'y est pas allée de main morte »
« C'est une Juliette Gréco-romaine à ce qu'il parait »
« Hum ... Permettez-moi de vous faire remarquer qu'une déesse de la guerre en cadeau de mariage, ça n'est pas de bonne augure»
(Soupir)
«Vu ainsi, ça peut expliquer bien des choses»
« Médicalement parlant vous souffrez d'une contracture du muscle sterno-cléido-mastoïdien »
(Soupir)
« Et facilement parlant ? »
« C'est un torticolis. Est-ce que ça vous a pris au réveil ? »
«En effet docteur. Faut vous dire que je dors en chien de fusil, mais du côté du chien »
« Du côté du chien ? »
« Oui docteur, je préfère sentir notre épagneul que l'haleine de chacal de mon mari »
« Vous devriez essayer du côté du fusil »
« Si vous insistez. Mais c'est un fusil à un coup et il s'enraye souvent»
«Ceci ne me regarde pas ma p'tite dame »
« Appelez-moi Germaine, docteur »
« Et bien Germaine, vous allez troquer cette « jolie môme » de quarante kilos pour un collier cervical »
« Un collier ? C'est tout ? »
« Oui, un collier et du repos »
« Ah ? Comme pour l'épagneul alors ? »
«  Eh bien, quand mon mari saura ça il me dira que c'était bien la peine de prendre le 38 pour aller voir le médecin … et pourtant il n'est pas vétérinaire »
« Ma p'tite dame, moi je suis médecin est c'est 38 »
« 38 quoi ? »
« Trente huit euros »

 

1 octobre 2022

Porte-bonheur au poil (Vegas sur sarthe)

 

Aujourd'hui Germaine s'est mise en tête de nous cuisiner des pâtes de lapin au prétexte que ça porterait bonheur.
Je comprends vite qu'il s'agit en fait de pattes de lapin.
Je lui rétorque que les pattes de lapin portent bonheur sauf aux lapins mais elle n'a pas l'air de comprendre car elle renchérit : »Si ça ne te convient pas, je te fais des rouflaquettes ! »
A mon avis elle confond culinaire et capillaire aussi je lui suggère de nous mijoter une queue de cheval.
« Où veux-tu que je trouve une queue de cheval ? » lance t-elle depuis sa cuisine tandis que raidissent quatre patounettes de léporidé.
Je réponds « Sous le sabot » et j'ajoute « comme dirait mon coiffeur ».
« T'as déjà mangé de la queue de cheval, toi ? » questionne t-elle.
«Bien sûr» dis-je effrontément et comme je suis en verve, j'ajoute «c'est mon plat favori ».
Germaine semble larguée.
J'insiste « C'est mon plat favori, Germaine … favori ! »
Seul me répond le crépitement des quat'pattes.
Une odeur de poil roussi envahit le salon ; sans le vouloir je viens de soulever un lièvre : « Tu les as dépecées au moins, avant de les faire cuire ? »

Contrite, Germaine émerge de sa cuisine : »Dépecer des porte-bonheur ? Ça n'a aucun sens » et elle ajoute « tu as une idée pour le dessert ? »
J'en ai une qui me vient, en effet : »Fais nous donc une coupe au bol »


24 septembre 2022

Speed dating (Vegas sur sarthe)

 

J'avais rencontré Germaine sur un quiproquo en speed dating.
Drôle de nom pour un bateau-mouche parisien mais c'est ainsi.
Très vite – exigence du speed dating – elle me proposa d'aller chez elle pour faire l'amour cinq minutes montre en main car elle devait récupérer un tailleur au pressing !
Désolé mais pour la bagatelle j'ai toujours eu besoin de mes deux mains …
Donc on suspend la séance d'autant plus que son pressing est à l'autre bout de Paris.
Voilà t'y pas qu'elle exige de prendre un Hubert pour aller plus vite.
Il m'a fallu une demi-heure pour trouver un taxi avec un prénom approchant – un dénommé Umberto – bref.
Nous arrivons et bien évidemment le pressing venait de fermer et Germaine de déclarer : «Pas grave, je repasserai demain ».
Je lui réponds que si c'était pour faire du repassage demain, c'était pas la peine de courir au pressing.
Elle rétorque qu'il y a méprise, qu'on s'est mal compris et qu'on devrait tout reprendre à zéro.
Du coup nous revoilà sur le Quiproquo pour un nouveau départ.
A l'entrée on expose le malentendu qui nous préoccupe.
« C'est toujours comme ça la première fois » dit le type en nous poussant vers une table.
Il faut dire que je suis mal à l'aise car j'avais mangé des pruneaux à jeun mais ça n'est pas le sujet.
Germaine me sourit, je lui rends son sourire, après tout c'est son outil de travail puisqu'elle est hôtesse d'accueil au crématorium du Père Lachaise.
Oublié l'amour cinq minutes montre en main, on prend notre temps ce qui n'est pas du goût du type qui s'impatiente derrière nous.
«Filez… mignons ! » hurle t-il en nous montrant la sortie «à cette heure-ci je fais resto».
Je serais bien resté mais Germaine a le porc en horreur.
Elle m'entraîne vers son resto préféré qui cuisine le magret de canard au piment des squelettes ! « Un truc mortel » ajoute t-elle.
Je note de lui parler plus tard du pays basque et d'Espelette … si plus tard il y a.
En attendant je prendrais bien une petite cuite avec un grand cru. Je note de lui apprendre plus tard à apprécier mon humour. C'est pas gagné.

 

10 septembre 2022

Pâques aux tisons (Vegas sur sarthe)

 

Ce fameux matin de Pâques j'avais fait revenir tout spécialement de Bacon de fines tranches de lard salé à feu doux dans une poêle dont j'ai peiné à trouver l'accent circonflexe depuis la récente réforme de l'orthographe.
J'ai fini par le dénicher pêle-mêle dans un placard, du coup j'en avais trois!
Comme un idiot j'avais commandé mon lard sur Amazon.uk, persuadé que Bacon se situait en Grande-Bretagne, comme si le jambon d'York venait des States ou la salade romaine d'Italie.
Finalement j'en ai trouvé chez Ducoin, le petit arabe Ducoin en bas de l'immeuble et que les voisins appellent Oussama parce que ça fait plus épicier.
Ne me demandez pas comment il a trouvé du lard salé celui-là, toujours est-il qu'il m'en a proposé sous le manteau... enfin, sous le boubou.
C'est lui qui m'a appris que Bacon est un bled du sud de la Côte d'Ivoire.
Comme je lui demandais où il avait appris ça, il m'a répondu: “J'y suis peut-être ivoirien mais j'y m'appelle Konan mais on dit Le Barbare dans mon village” ,comme quoi on a tôt fait de se fourvoyer sur les origines de son épicier.
Quand il a ajouté que son grand-père était entré en résistance aux côtés de De Gaulle en 40, je me suis dit que je n'allais plus pouvoir le regarder comme on regarde son épicier en bas de l'immeuble.
Du coup on s'est embrassés – surtout lui – et il m'a offert le bacon qui revient actuellement à feu doux et sans matière grasse parce que je n'en ai pas sous la main... j'ai du gras sous la main mais pas pour la cuisine.
Pendant que ça rissole je casse un à un les oeufs de chez mon épicier nouvellement ivoirien dans un des ramequins de tante Yvonne, parce que je n'ai jamais eu de bol et que les cadeaux de mariage c'est fait pour ça... pas pour avoir du bol mais pour avoir de la vaisselle.
Je la revois encore nous offrant ce duo de ramequins en porcelaine décorée de petits amours ailés et joufflus – la porcelaine, pas Yvonne – qu'elle avait ramené d'un voyage au Népal ou d'Arcopal enfin, un bled en Pal... bref, pas de quoi en faire un plat d'autant que ce jour-là Germaine et moi étions fourbus d'une nuit de noce folkloriquement éreintante et peu branchés sur la dînette.
 

Je passe les détails de nos acrobaties car j'entends mon lard salé qui revient et il est grand temps que j'y verse mes oeufs avant qu'il ne reparte.
“Faire cuire 3 minutes en arrosant avec la graisse du bacon jusqu'à ce que le blanc soit pris alors que le jaune est encore liquide”!

J'ai toujours eu horreur des contraintes et encore plus des ordres – Germaine pourrait vous le dire – alors je sens que ces trois minutes vont me courir sur le haricot.
Je touille dans la poêle avec le dos de la cuillère, cherchant désespérément la graisse du Bacon de Côte d'ivoire que m'a donné Konan Le Barbare... ce charlatan m'aurait cédé du lard sans graisse de lard?
L'image me revient de ces porcelets noirs courant au milieu de villages noirs dans cette Afrique noire qu'on nous impose le soir en couleurs et en 16/9ème Haute Définition à trois mètres du canapé et aux caprices du zapping.
Il est vrai que ceux que j'ai vus n'étaient pas gras et d'abord le zapping, ça devrait être interdit.
Alors d'accord Konan m'en a fait cadeau mais comment je fais moi pour arroser mes oeufs? 
D'habitude j'appelle Germaine à la rescousse mais ces oeufs au bacon c'est une surprise que je veux lui faire, la surprise d'un dimanche matin d'anniversaire de mariage depuis qu'on est mariés, depuis les fameux ramequins en Pal de tante Yvonne, depuis... combien d'années déjà?
Le temps passe si vite, aussi vite qu'un jaune d'oeuf pour se figer quand on ne l'arrose pas.
On devrait vendre la graisse de lard en tube, comme le dentifrice ou le ketchup: une pression et hop, le tour est joué. Y a un truc à trouver avec ça.
Tant pis, je sale et je poivre copieusement, Germaine aime bien quand je l'assaisonne.
 

Pour des œufs miroir, mettre un couvercle sur la poêle en fin de cuisson”.
J'ai pas envie de faire des oeufs miroir, avec mon manque de bol je serais fichu de casser les oeufs miroir et ça doit sûrement porter malheur.
De toute manière et si je peux user d'une métaphore, la seule fois où j'ai essayé d'ajuster un couvercle sur une poêle c'est quand j'ai rencontré Germaine et c'était pas pour son goût du rangement.
Je regarde ma surprise d'un dimanche matin d'anniversaire de mariage et je me dis qu'une fois par an c'est encore de trop quand on pense à tout ce gâchis: une poule et un cochon pour un tel résultat.
 

Cramponné au plateau repas, je pousse sans bruit la porte de la chambre; inutile car ça ronfle sec, ça vrombit, ça rugit, ça mugit, comment dire ?
Germaine est inscrite au club des Ronfleurs Inspiratoires Dominants, c'est du soixante décibels au bas mot et du trois cent Hertz au plus aigu !
Je pose ma création au bord du lit pour retirer mon pyjama et repousse la couette histoire de réveiller ma locomotive.
Un rugissement me répond; Germaine ouvre un phare.
Je lui glisserais bien un “T'as d'bio oeufs, tu sais” mais depuis le temps que je la pratique, je sais qu'il faut y aller doucement quand son chant frise les trois cent Hertz.
Voilà quarante jours que je fais carême – Germaine a des principes indéboulonnables – et je me sens d'attaque à célébrer la Pâque, avant ou après les oeufs au bacon ou peut-être les deux à la fois.


Il faut dire que chez nous, Carême c'est jeûne et abstinence pendant plus d'un mois. J'ai beau essayer d'expliquer à Germaine que l'abstinence d'absorption d'aliments carnés ne s'applique pas à tous les organes, elle fait mine de ne pas comprendre.
Raconter ça à mon épicier arabo-sénégalais qui fornique à tout va reviendrait à le faire mourir de rire... et je me sens tellement ridicule à poil devant mes oeufs.
Germaine remonte la couette en jetant un oeil vide sur mon plateau repas:  Oeuf au bacon, Pâques aux tisons” bougonne t-elle en grelottant.

Je n'ai plus qu'à me rhabiller en songeant qu'il faudra que je révise mes dictons.

 

25 juin 2022

Voir la Lubie et mourir (Vegas sur sarthe)

 

T'as voulu voir Bali et on a vu Bali
enfin toi tu l'as vu, moi j'étais dans un lit!
A vouloir emporter deux tonnes de bagages
j'ai dû pousser l'avion avant le décollage.

Aux bambous et aux gongs tu préférais les cloches
tu étais la plus belle et aussi la plus moche,
toi qui as toujours cru que Rome est aux Antilles,
que la coke espagnole est blanche de Castille.

Si tu avais fermé ta bouche de chacal
au lieu de claironner à une javanaise
"j'en ai bavé pas vous" et toutes tes fadaises
on n'aurait pas eu droit à un toucher rectal...

Les douaniers balinais n'étaient pas délicats
j'en garde pour longtemps un souvenir cuisant
doublé d'un lumbago au parfum d'arnica,
mêlé de vin de riz et de tranquillisants.

Alors je te préviens l'an prochain c'est sans moi
Tataouine ou Cuba, à Lille chez Maurice
tu iras où tu veux au gré de ton caprice
te faire palper le dos et ce que tu voudras!

 

4 juin 2022

Appâts rances (Vegas sur sarthe)

 

Une jolie mine explosive
l'ombre d'une gorge profonde
instantané, pose lascive
le fard illumine la blonde

Le cinoche, grande illusion
vision 3D et confusion,
le monde est rempli d'avatars
on s'en méfie mais c'est trop tard

Il ne faut pas tel saint Thomas
ne croire qu'à ce que l'on voit
et se méfier des évidences,
Ne pas se fier aux apparences

Petit poisson deviendra grand
s'il ne nage dans l'ignorance,
il doit craindre le cormoran
et tout autant les appâts rances

 

28 mai 2022

A l'ombre de l'abat-jour (Vegas sur sarthe)

 

J'avais toujours été nul en maths quel que soit le prof qui tentait de m'y intéresser.
Cette nouvelle prof – fraîchement débarquée au collège – avait tout pour m'intéresser et la courbe de ses hanches prolongée par celle de ses jambes interminables jusqu'à l'infini illustrait à la perfection le sujet du jour.

Mae West disait très justement que la courbe est la ligne la plus jolie d'un point à un autre.

Je buvais les mots de cette jeune prof comme une musique mais si l'air m'envoûtait, je ne comprenais rien aux paroles .
J'en saisis pourtant quelque bribes … ça disait «conique d'excentricité supérieure à 1 ».

Des connes et des coniques j'en avais connu et aussi des excentriques largement supérieures à 1 mais celle-ci n'avait rien d'une conne ni d'une excentrique.

J'étais presque un homme c'est à dire à l'âge où les culottes rallongent et où l'acné illumine nos fronts juvéniles ; c'était aussi l'âge où on apprend que l'on donne une note aux poitrines des femmes.
Résolument fâché avec les maths j'étais déçu qu'on attribue un chiffre là où le regard suffit à l'appréciation de tout homme normalement constitué.
A celle-ci je donnais un quatre vingt quinze, un quatre vingt quinze C pour être précis.
Elle portait de fines lunettes par pure coquetterie car un tel regard n'avait pas besoin de correction.
J'appris dans le même temps quelle réputation on donne aux femmes à lunettes mais ayant déclamé haut et fort cette soi-disant vérité lors d'une réunion de famille, la correction qui s'ensuivit m'ôta pour longtemps toute envie d'en savoir plus.

Bref, nous en étions à cette étude mathématique de l'hyperbole qui ajoutait à ma confusion car selon notre prof de français – un homme dont la courbe des hanches rappelait plutôt le théorème de Thalès – l'hyperbole n'était pas un championnat de football américain mais une figure de style qui utilise l'exagération comme « une histoire à dormir debout «  ou encore « souffrir le martyre » …

 

Pour l'heure, l'hyperbole qui me venait à l'esprit était « briller de mille feux » ou « plus belle que le jour ».

J'hésitais entre les deux quand Vanessa m'interpella.

Oui, la prof s'appelait Vanessa, et alors ?

Vanessa voulait savoir si selon moi lorsqu'une lampe munie d'un abat-jour est placée non loin d'un mur vertical la courbe qui délimite, sur le mur, la zone éclairée et la zone ombragée est bien un arc d'hyperbole ?

Je faillis répondre que si le miracle se fut présenté que nous fussions tous deux sous un abat-jour je me serais intéressé à d'autres zones ombragées que celle sur le mur … mais je restai muet, comme fait chaque cancre au fond de la classe dans la chaleur rassurante du radiateur.

 

En trouvant ma place j'avais trouvé ma voie, l'étude des transferts thermiques et la part de convection et de radiation des radiateurs de chauffage.

Puis le ventre de Vanessa finit par s'arrondir sans que j'y sois pour quelque chose, elle avait dû s'approcher imprudemment d'un abat-jour.

Elle prit un congé et on ne la revit jamais plus et je retournai me consoler auprès de mon cher radiateur.


14 mai 2022

Divine fulgurance (Vegas sur sarthe)


Félix ne dormait pas.
C'était toujours ainsi à chaque veille d'intronisation.
Demain il y aurait un banquet, un de plus, une réception en l'honneur des Chevaliers du Pignon Fixe, des pédaleurs assoiffés qu'il lui faudrait arroser au cassis-champagne avant d'être adoubés avec une pompe à vélo!
Seigneur Dieu !
Chaque insomnie l'amenait irrémédiablement à la cave où – coiffé de son bonnet de nuit et chaussé d'une des nombreuses paires de lunettes qu'il abandonnait ça et là – il refaisait son inventaire.
Il est des régions de France où on peut tout à la fois être chanoine, maire d'une grande ville et amateur de bons vins sans défrayer la chronique.
On disait que la mairie de Félix était le plus grand débit de boissons de la Ville mais il préférait ça à cette sombre rumeur de pédophilie qui sourdait et qui ne manquerait pas d'éclater au grand jour un siècle plus tard.

Il en avait rincé des gosiers entre les associations de tous poils, les clubs sportifs, les hommes politiques, les vedettes sans compter cette jeunesse dont on voyait « rougir la trogne », qui roulait sous la table et confondait Saint Vincent tournante et partouze...
Du coup sa pile de bouteilles de champagne était encore descendue d'un bon mètre.
Etait-ce un effet divin ou bien la buée sur ses verres, il buta sur une caisse d'aligoté, écrasant à la fois son gros orteil et un juron où figurait en bonne place le Bon Dieu.
C'est alors qu'un éclair fulgurant illumina la voûte sombre au point qu'il tomba à genoux, serrant « religieusement » sa bouteille de crème de cassis de Dijon à 20°.
La main divine guidait la sienne et le premier bouchon d'aligoté sauta miraculeusement.
Un quart de cassis, trois quarts d'aligoté... non... trop acide pensa t-il en
faisant claquer cette langue qu'il avait souple et bien pendue.
N'avait-il pas répondu récemment à untel qui lui reprochait de croire en Dieu sans jamais l'avoir vu « Mon cul, tu l'as pas vu et pourtant il existe ! »
(Citation véridique)

Un tiers de cassis, trois tiers d'aligoté... non... quatre tiers ça s'appelle un sacrilège, un affront aux lois de la mathématique !
Un deuxième bouchon sauta, embuant un peu plus ses verres de lunettes.
Un tiers de cassis, deux tiers d'aligoté... Son « Nom de Dieu » résonna sous la voûte tendue de toiles d'araignées.
Il tenait l'accord parfait, ni trop acide ni trop sucré, une potion qui allait ravir les palais les plus retors.
Il s'en resservit un verre avec les mêmes justes proportions, pour être tout à fait certain.
A quoi bon pinailler en pleine Création ?
Le Tout Puissant avait-il autant joui en créant ses deux premiers bipèdes ?
Il tenait là le petit Jésus en culotte de velours, n'en déplaise au très Haut.
Demain à l'heure de l'intronisation, les amoureux de la petite reine chercheraient les bulles dans leur traditionnel blanc-cass ; il seraient les premiers à déguster son... comment l'appellerait-il ?
Kir... comme lui... Félix Adrien Kir né à Alise-Sainte-Reine le 22 janvier 1876

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