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Le défi du samedi
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4 septembre 2010

OBJETS INANIMES (Lorraine)

“Objets inanimés, avez-vous donc une âme”, (Lamartine). Certes, et du feeling, un langage, une personnalité et tout compte fait, du caractère!

Si isabelle n’en doute pas, c’est que le coupe-papier aigu comme un stylet, rouge et or, qu’elle utilise quotidiennement lui a donné depuis plus de vingt ans la certitude qu’il devait lui percer le coeur. La certitude qu’en le lui offrant, celle qui se disait son amie, le chargeait de toute sa haine. Alors que rien jusqu’ici ne l’avait alertée, elle le comprit aussitôt, intuitivement, et aussitôt fit du symbole maléfique, une force. Elle l’adopta comme s’il était son arme à elle, Il devint son objet quotidien, sa chose, elle se l’appropria comme un défi, et (par un effet de boomerang, peut-être?) quelques jours plus tard apprit de façon totalement inattendue le travail de sape qu’avait entrepris sa collègue pour l’évincer.

Isabelle n’hésita pas une seconde: documents en mains, elle monta chez le patron, abasourdi par son impulsivité et sa franchise mais stupéfait de ce qu’il découvrait.

L’intrigante fut remerciée sur-le-champ.

Isabelle a toujours le coupe-papier fétiche.

 

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21 août 2010

Une liste de courses poétiques -défi #6 (Lorraine)

Je pars, pardon, je m’envole. J’ai des ailes, oui, oui, regardez bien, diaphanes, ourlées d’or, doucement nervurées. Aujourd’hui rien n’est normal, c’est un jour hors du monde, un jour imaginaire, un jour inventé où tout est permis, à condition d’établir une liste de courses poétiques.  Je n’hésite pas, je vous la montre, j’ai tout noté :

 

- D’abord, le ciel de mon enfance. Il effacera tous les chagrins de ma vie.

- J’y ajoute  une robe à crinoline. J’en ai tant rêvé ! La voici, dansante, parsemée de roses, découvrant les épaules, serrée à la taille, et belle, belle !

- Pour me contempler, le miroir des fées. Elles me l’offrent avec indulgence, il donne vingt ans à tout le monde, et me revoici prête à aller au bal.

- Comment oublier l’oiseau des îles ? Il chante,  il virevolte, il enivre, il apporte le parfum des fleurs polynésiennes, il charme.

-  Et pour l’accompagner, un air de guitare un peu guttural, un peu ardent, très sensuel et si évocateur !

- Une anthologie. Ils y sont tous, mes poètes d’autrefois, mes poètes de vie, ils me lancent une poignée d’alexandrins lorsque j’entrouvre le livre, un sonnet, une balade. Sans eux, que serais-je ?

- Enfin,  pour m’accompagner dans ce périple qui m’entraîne , le regard bleu de mon amour. Ce regard perdu à jamais et retrouvé en cet instant où l’illusion est reine.

 

       Je clos ma liste.  Elle contient le bonheur du rêve. C’est bien.

 

LORRAINE

 

14 août 2010

LA BOÎTE AUX PETITS BONHEURS -défi #17 - (Lorraine)

Je conserve pieusement une boîte à boutons où se sont réfugiés des souvenirs, des coquetteries, des couleurs et des formes.  J’y retrouve  des petites perles frileusement cachées dans un sachet, pour orner une robe noire, un jour, peut-être…

Elles sont là depuis plus de trente ans,  ces larges pastilles noires qui ont boutonné le manteau blanc dont je me rappelle si bien la forme, l’élégance courte…et le chapeau blanc qui accompagnait cette toilette de « maman d’une communiante » . Je la revois, elle, si jolie, si jeune, et mes rêves s’envolent vers le passé.

Ma boîte à boutons est une boîte à bonheurs ; sinon pourquoi aurais-je conservé ces dorés qui ressemblent à des boucles d’oreilles, ces gris pâle, cet unique petit nacré creusé d’un faux diamant, ces argentés à l’allure militaire provenant d’une veste bleu marine. Quand je l’enfilais, tu me disais :  «Oui,  mon général » et je me souviens de ton sourire taquin si je protestais.  Cette boîte te faisait rire : « Tu comptes les réemployer ? » demandais-tu . Non, bien sûr, mais maman le faisait, autrefois, et  cousait tandis que je  jouais à pleines mains dans ce coffret dont les  joyaux tintaient si agréablement à mes oreilles.

Je viens de retrouver un de ces témoins de naguère. Il roule sous mes doigts.  D’où vient-il ? Quel uniforme ornât-il ? A qui appartînt-il ? Lourd, argenté,  l’inscription « BN » s’affiche bien visible au centre,   la mention « Banque Nationale » aussi arrondie tout autour,  et à l’arrière, dans une banderole, « Bruxelles ». Il a gardé son secret ; il le gardera toujours !

Ma boîte à souvenirs n’est qu’une boîte à boutons, certes. Mais elle  conserve, avec son parfum d’autrefois, la nostalgie des jours qui passent et ne reviendront plus.

7 août 2010

VERT ! (Lorraine)

Ce petit homme vert qui s’en va dans la plaine,

Descend d’un engin vert qui l’a posé sur l’herbe.

Il fait vert, se dit-il, c’est la couleur que j’aime

Allons voir si l’étang est de ce vert superbe!

 

En cet après-midi l’être vert s’achemine

Vers les verts horizons qu’il découvre aujourd’hui

Le vert, c’est bien connu, n’a pas très bonne mine

Un peu de rose aux joues fait un vert attendri

 

Sur les toits d’alentour son regard vert se pose

“Tiens, dit-il, il a plu!”, j’ai mon parapluie vert”

Il l’ouvre, et tous deux dans la brume morose

Disparaissent à jamais dans un autre univers.

24 juillet 2010

LA CONQUETE (Lorraine)

Jupe au ras des fesses et petit fichu

Eloïse avait l’air d’une nymphette

Nous allions au bois, le chemin herbu

M’invitait, ma foi, à faire la causette

Eloîse dit : « Il m’est défendu

De boire du vin, il me rend pompette »

C’était désolant, car dans mon bahut

J’avais emporté pas mal de canettes

Nous nous arrêtames à l’endroit branchu

Qui nous séparait , saperlipopette,

Des voyeurs, passants, et sur la carpette

De mousse bientôt je fus étendu

Eloïse aussi. Quels beaux yeux, mazette !

Quels genoux, quels cils, quel profil de nu

Dans l’ombre bleutée! Quelles galipettes

Au bord du ruisseau Je n’aurais pas cru

Qu’Eloïse et moi allions à la fête

Quand je l’invitai comme un ingénu

A m’accompagner sur la douce herbette !

…Nous y retournons chaque soir venu…

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17 juillet 2010

LA CLEF D’UNE PRINCESSE (Lorraine)

La clef d’une princesse

Ouvre les miroirs

Et ferme les recoins sombres

 

Elle est seule à connaître

La chambre émeraude

Où dort la princesse

 

Elle reste dans son écrin

Les jours de fête

Quand la princesse invite

 

D’autres princesses

Et quelques princes

 

Alors la clef de la princesse

Dort, rêve, s’envole

 

Et sourit aux images

Qu’elle seule connaît.

 

LORRAINE

10 juillet 2010

LA FILLE QUI PARLAIT AUX OIES (Lorraine)

« Il était une fois une jeune fille qui parlait aux oies. Elle connaissait leur prénom . C’est très utile quand on veut s’adresser à l’oie à tête barrée ou à l’oie des moissons. Ou encore à l’oie des neiges venue de si loin que le nom de son pays était imprononçable. Mais Lou n’avait qu’à élever les doigts , les agiter un peu et l’oie apparaissait ; c’est pourquoi elle l’appelait l’Eclair.

La bernache du Canada avait l’accent de ses lacs gelés. Lou l’interrogeait : « Tu m’emmèneras en voyage, un jour ? ». L’oie, (très sage) se taisait. A quoi bon dire « Non » à cette jolie gardeuse de basse-cour, qui parlait aussi aux poussins, aux dindons, aux poules effarées. La bernache du Canada savait bien que Lou connaissait le langage des oiseaux parce qu’elle n’avait pas d’amoureux. Que se passerait-il quand elle le rencontrerait ? Par contre l’oie des moissons ne se posait pas de question. Elle était la préférée de Lou et un peu jalouse des autres . Mais pas trop. D’ailleurs, elles s’en allaient souvent à deux en promenade. Et voici ce qu’il arriva :

L’oie dandinait devant, Lou dandinait derrière,
Elles allaient pas à pas au marché de l’Archelle
Et tout en dandinant, l’oie devant, Lou derrière
Aperçurent le puits et Yan à la margelle

Yan cria « Bonjour, Lou » ! Lou sourit au beau Yan
L’oie cancana très fort, appelant au secours
L’oie cendrée, l’oie rieuse, agressant le beau Yan,
Comme l’oie des moissons, comme l’oie au bec court

La bernache au cou roux était de la partie.
Le boucan assourdit Lou qui prit les devants
Et leva son bâton face à la compagnie
L’oie rieuse s’enfuit, Yan vint en conquérant

La bernache nonette et la jolie oie naine
Prirent un vol alourdi et cessant la querelle
Les autres au bord de l’eau plongèrent, incertaines
Tandis que Yan et Lou passaient la passerelle

L’oie de Lou comprit-elle que l’amour transfigure?
On la voit désormais , se taire en dandinant
Devant Lou qui dandine ajustant sa coiffure
Le long du lac ombreux où l’attend son amant.

 

19 juin 2010

La cabanimaginairêve (Lorraine)

Delphine vit dans le faubourg avec sa maman, deux pièces d’une vieille maison grise. Devant, la rue oblique aux pavés usés ; derrière, un terrain vague sans horizon. Les enfants s’y ébattent après l’école. Delphine y retrouve Hélène ou Martine. A dix ans, on danse à la corde, on joue à la marelle et parfois, avec les garçons, on entame une course à qui arrivera le premier au coin du boulevard.

Mais cette année, les garçons disent non : ils bâtissent une cabane. Des bouts de troncs d’arbre, des branches, des clous, un marteau, des outils prêtée, empruntés ou…dérobés, en ce mois de juillet c’est la fête des gros bras. On tape, on scie, on érige, on commente. Les filles, à l’écart, admirent.

- On en fait une aussi ? demande Hélène qui ne doute de rien.
- On ne saura pas. Eux, ils sont forts.

Delphine se tait ; une cabane, pour elle qui n’a même pas d’appartement ! Elle aimerait pourtant, une cabane qui serait un petit refuge, un coin personnel tout doux, une cabane, oui, mais pas trop petite. Pas trop grande non plus. Les garçons s’encouragent à coups de « Ca va, Jacques ? T’en sors, Emile ? » ; les murs, un peu vacillants, se dressent. Ca discute, ça rouspète. Ca avance.

Le dimanche après-midi, elle est presque seule . A l’aide d’un cailloux, elle trace des lignes dans la terre.

- Qu’est- ce que tu fais ? demande Martine.
- Je joue « maison ».

Et elle continue, affairée. Elle parle toute seule, hésite, trace un angle ici, un long trait là, un corridor, une salle de bain, un salon et des canapés, oui, il en faut, c’est évident. Pour s’asseoir comme une dame, jambes bien croisées, la robe rabattue sur les genoux.

- Tu veux visiter ma maison ? Viens…

Martine la suit ; dans le salon, des fleurs rouges et blanches, un petit bureau et un clavecin. « C’est quoi, un clavecin ? ». « Pour faire de la musique, quand on a suivi des cours ». Delphine ouvre une porte : » ici, vous voyez, Madame, c’est ma chambre. J’ai acheté ce couvre-lit en velours bleu, j’aime tellement le bleu ». « Moi aussi », dit Martine, respectueuse. Les deux fillettes tournent vers l’escalier qui monte à l’étage ; une large baie vitrée ouvre sur le jardin. « Car nous avons un jardin, vous le voyez, Madame ? » « Oui, répond Martine penchée à la croisée. C’est la chambre de ta maman, ici ? ». « La plus grande, tu vois. Moi la petite me suffit »…

L’été passa. Les années passèrent. Delphine se souvient. De la cabane impossible, elle avait fait pendant tout un mois cette maison chaque jour renouvelée. Cette maison qui contenait, elle le sait, tous les rêves interdits , les miroirs ciselés, les abat-jours de taffetas rose, les escaliers cités, les somptueux tapis, l’imaginaire d’une enfant pauvre qui n’attendait rien de la vie…

 

5 juin 2010

LA COLLECTIONNEUSE (Lorraine)

La vieille demoiselle Amélie descendit les marches avec précaution et partit vers la forêt. Elle portait sa robe grise à fleurs mauves et par-dessus son visage ridé un chapeau de paille l’ombrageait toute . Elle se retourna et me sourit. Je la connaissais à peine, nous étions descendues au même hôtel tranquille, moi cherchant des vacances paisibles, elle des herbes et des fleurs. On m’avait avertie qu’elle était un peu « spéciale »,elle revenait chaque année et chaque année recommençait sa quête. La veille, nous avions bavardé : Melle Amélie cherchait chaque matin « les pétales du bonheur». Je n’osai pas l’interroger davantage, son air mystérieux me mettait dans la confidence et semblait dire, que moi aussi, je savais…

Elle emportait un cabas de grosse toile pour y glisser ses découvertes. « Je collectionne », me souffla-t-elle avant de me quitter, silhouette un peu cassée mais encore alerte. Quand elle revint à midi, de longues herbes minces dépassaient du sac, et je crus voir l’arrondi d’une reine-marguerite, mais je ne le jurerais pas, car Melle Amélie me fit un clin d’œil et rentra dans sa chambre. Après le déjeuner, nous prîmes le café ensemble. Je demandai si la matinée avait été fructueuse mais elle fit un signe m’intimant de changer de sujet. Le patron, derrière le comptoir, nous regardait d’un air goguenard. Melle Amélie, imperturbable, lui fit le plus charmant sourire. Il sourit à son tour, un peu gêné, puis s’avança :

- Puis-je offrir un petit remontant à ces dames ?

- Avec joie, répondit Melle Amélie.

Il nous apporta deux petits alcools du pays. Melle Amélie but gaillardement. Puis elle remercia notre hôte en levant le pouce d’un air convaincu. La semaine s’écoula, chaque matin Melle Amélie partait à la recherche de ses mystérieuse plantes, chaque midi nous prenions notre café ensemble, et le patron nous apportait ensuite nos liqueurs quotidiennes. Je me sentais bien, Melle Amélie aussi, et la veille de son départ j’osai enfin lui demander ce que contenait son sac.

« Rien, répondit-elle, ou plutôt si « les pétales du bonheur ».

Et comme je restais interdite, elle ouvrit son cabas vide et m’expliqua :

- Tout le monde peut collectionner les pétales du bonheur. Mais il faut la tournure d’esprit. Je suis seule, vieille et presque bossue. Banale, je ferais pitié ou j’inspirerais le mépris (et je ne veux ni l’un ni l’autre), donc je collectionne, cela intrigue, on se moque d’abord puis les gens sont curieux, m’interrogent, et commencent à se poser des questions : que fait-elle, qui est-elle, quelles sont ces fleurs qu’on ne voit pas, fait-elle un herbier, des tisanes, des philtres peut-être ? Et je deviens « un personnage ».

Admirative, je regardais ce profil fin, ces yeux bleus si clairs qui semblaient ingénus et j’y perçus la malice incontestable de l’humour mêlé de sagesse :

- Donc vous n’étudiez pas les fleurs ?

- Non, j’étudie les gens…Depuis très longtemps, je collectionne les petites choses de la vie, je vous l’ai dit : un sourire qu’on me refuse, un mot jeté avec indifférence, un haussement d’épaule sur mon passage. Mais aussi, grâce à ma « collection » un sourire qu’on me donne, un intérêt qui se manifeste, une main tendue pour franchir le perron, le garçon qui ramasse promptement ma canne et s’offre à me mener à ma table et les choses se retournent, comme en ce moment. Vous voyez, j’ai choisi. Je pouvais me morfondre, devenir amère. J’ai opté pour l’inverse.

 « Les petites choses de la vie », sans aucun doute, Melle Amélie en connaissait le prix et savait les cueillir. Et, comme elle montait dans le bus pour aller à la gare, je compris qu’elle était une collectionneuse non de « pétales » mais de « bonheur ».

15 mai 2010

Tout un fromage‏ (Lorraine)

    Pendant que les Maroilles s’opposent,
    Se disputent et enfin explosent
    Je fais le guet à la fenêtre
    Et qui donc vois-je apparaître ?
    Le renard sans doute alléché
    Par l’odeur au goût bien tranché
   
    Il me dit « Corbeau de malheur
    J’aperçois ton œil aguicheur
    Faisons un pacte, toi et moi
    Allions-nous pour cette fois
    Quand le centurion ahuri
    Ira laver son pied meurtri
   
    Le patriarche au désespoir
    Ira avec lui au lavoir
    Tout comme on verra la sœurette
    Partir sans tambour ni trompette
    Et la suivre en un instant
    L’amoureux sourd et bedonnant
   
    J’ai donc accepté la combine
    Il fallait voir notre trombine
    Du fromage jusqu’aux sourcils
    Nous mangeâmes presqu’au péril
    De notre vie réconciliée
    Nous avions trouvé l’amitié
   
    Quant aux Maroilles père et fils
    Je crois qu’ils n’y ont rien compris.
   

8 mai 2010

TROIS (Lorraine)

   

Nous irons à pas lents, puisque le temps s’y prête
Le chemin fait trois tours au creux des trois vallons
Donnez-moi votre bras, je suis un peu pompette
Trois valses, c’est beaucoup. Tiens, voici trois moutons !

J’ai eu trois fois vingt ans, cher ami de toujours
J’ai quitté trois maris, il m’en reste trois filles
Le temps se rafraîchit, ne parlez pas d’amour
Pour vous je ne serai à jamais qu’une amie !
   
Quand nous reverrons-nous, compagnon de jeunesse
Vous partez pour trois mois ou peut-être trois ans
Trois rides sur le front empreintes de tendresse
Donnent à votre sourire la douceur d’un printemps
   
Le geste bénisseur d’une statue de bronze
Nous arrête à trois pas de la grille du parc
Quittons-nous donc ici, le ciel déjà se fonce
Trois cloches dans le soir me rendent élégiaque
   
Ecrivez-moi surtout, trois lettres par semaine
Répétez-moi trois fois que nous nous reverrons
Trois baisers sur la joue, voyez que j’ai de peine…
Vous aimer, mon amour ? Perdez-vous la raison ?...
   

24 avril 2010

La petite voie (Lorraine)

     Condamnée à mourir la voie du chemin de fer dormait au soleil.  Le petit train l’avait désertée pour toujours. Elle avait connu les départs en vacances, les enfants turbulents, ravis et un peu anxieux, les grands-mères fatiguées, les mamans pimpantes, les indifférents qui lisaient leur journal debout sur la plate-forme, les travailleurs journaliers et les amoureux.

     Elle connaissait la chanson  (interprétée par Mireille et Jean Sablon) “Puisque vous partez en voyage...” et se disait avec un orgueil dissimulé “C’est pour moi qu’ils chantent”. D’ailleurs, elle-même fredonnait quand le train, parti doucement, prenait de la vitesse et scandait les paroles pour elle seule. Peu  importait qu’on aille à Paris ou ailleurs, la voie du chemin de fer était bucolique et s’arrêtait avant les grandes villes, dans une gare de banlieue.  S’il fallait changer de train, tant pis, les voyageurs en prenaient leur parti calmement: le trajet n’était-il pas pour eux une petite aventure embaumée d’herbes folles, du parfum de chèvrefeuille? Ils ouvraient les carreaux  quitte à les refermer vivement quand le “banlieue” entrant en gare envoyait son panache de fumée et son essoufflement enrhumé.

    Oui, la petite voie a vécu son aventure. Maintenant elle se repose. Evoquer des souvenirs ensoleillés la berce de douceur. Vieillir n’est pas si mal...


10 avril 2010

LA DISPARITION (Lorraine)

Le rideau s’est levé.

«  Et voici le célébrissime magicien Luis Enrico et sa charmante assistante Henrietta ». Le pouvoir mental de l’un, la réceptivité étonnante de l’autre vous offriront ce soir encore un inoubliable spectacle.

Sanglé dans son habit noir, le cheveu gominé, la manchette blanche, Luis Enrico surgit des coulisses, salue les longs applaudissements et, se tournant vers le fond de la scène, tend la main à la jeune femme qui s’avance. Henrietta porte une rose rouge sur sa petite robe noire, nul bijou, un sourire. Les projecteurs isolent le couple, le spectacle commence.

Non, je ne vous dirai pas l’adresse incroyable de Luis Enrico, les colombes sorties de ses manches, le mouchoir bleu soudain multicolore, les cartes qu’il manipule en jongleur, ni les couteaux qu’il lance en artiste, un à un, autour d’une Henrietta impassible debout contre le panneau dans lequel se fichent les lames à quelques millimètres du visage, du cou, de l’épaule, de tout le corps. Je ne vous dirai pas comment le public retient son souffle, avec quel soulagement, quelle clameur unanime il salue l’exploit et l’immobilité héroïque de sa « proie ».

Tout cela vous le savez, vous étiez parmi les spectateurs, vous avez ressenti leur émotion. Et la vôtre. Mais vous n’étiez pas à Rio de Janeiro le soir où le couple afficha une grande première : « Luis Enrico fera disparaître sa compagne en un simple claquement de doigts ». Et ce soir-là, j’y étais, les hasards de ma profession m’ayant déposé là-bas pour une dizaine de jours, épuisants de rendez-vous et de chaleur humide. On placarda des affiches dans toute la ville. Je revis à peu près tout ce que je connaissais déjà, attendant impatiemment le clou du spectacle. Juste avant, une vingtaine d’hommes robustes firent ostensiblement la haie devant les coulisses, empêchant tout tentative de fraude. Aucune issue possible, donc.

La salle fut longée peu à peu dans une totale obscurité. Des roulements de tambour annoncèrent l’imminence du tour de magie. Luis Enrico sortit soudain de son plastron une rose rouge qu’il offrit galamment à Henrietta :

- Pour vous souvenir de moi, là où vous allez, dit-il galamment. Elle l’attacha à son corsage.

Le tambour gronda pour la seconde fois. Luis Enrico claqua des doigts. Une lumière scintillante s’interposa entre la jeune femme et lui, une seconde, deux peut-être. Les lustres se rallumèrent. Le magicien saluait, mais la foule réclamait Henrietta. Bien sûr, elle avait disparu, mais le public, bon enfant, voulait applaudir l’héroïne, la voir reparaitre. Luis s’inclina de bonne grâce. Et fit le geste convenu. La même lumière scintillante, une seconde, deux peut-être et…Rien. Les spectateurs, d’abord amusés, murmuraient. Et Luis, pâle, nerveux, multipliait en vain ses claquements de doigts. Alors, une rose rouge sembla voler dans les airs et tomba mollement aux pieds du magicien.

- Henrietta, cria-t-il, Henrietta, où es-tu ?..

On la chercha partout. Elle n’était nulle part. Ni dans les coulisses, ni dans le plancher dont on souleva les lattes pour vérifier l’absence de trappe, pas davantage dans l’orchestre ou dans la salle. On ne la retrouva pas. Certains crièrent au miracle, d’autres soupçonnèrent un enlèvement adroit suivi de rançon probable. On soupçonna la lumière de l’avoir démoniaquement consumée ; on soupçonna Luis de ce crime. Personne n’eut raison. La lumière n’était qu’un pétard un peu sophistiqué, nul ne réclama jamais de rançon et seule la rose rouge tombée des cintres sembla prouver qu’Henrietta s’était envolée…

Jusqu’où ? C’est toute l’énigme. Mais qui connaît les limites de la magie ?...

29 mars 2010

100 MOTS POUR FREMIR (Lorraine)

Frémir? Mon cher ami, je frémirais pourquoi?
Certes, vous êtes beau, certes, vous me plaisez
Mais cessez d’affirmer d’un petit air narquois
Que je suis frémissante...et que vous frémissez!

Vous allez calmement me conduire à ma table
N’effleurez pas mon bras, je vous prie, laissez-moi
Car votre entêtement devient insupportable
Et me ferait frémir...Je dis n’importe quoi!

Qu’insinuez-vous donc au creux de mon oreille?
Que j’ondule en marchant? Et que vous frémissez?
Frémir, toujours frémir! Votre voix s’émerveille
De ce frémissement...Bon, en voilà assez!

Oui, je frémis un peu. Beaucoup serait sincère...
La nuit est incendiaire...

 

20 mars 2010

Le Temps (Lorraine)

Le Temps arrive de loin , il ne s’en souvient pas toujours  mais sa mémoire a brusquement de belles éclaircies : Oui, il était à Reims en 497 au baptême de Clovis, roi des Francs, mais aussi au mariage de Maximilien d’Autriche et de la Princesse Charlotte de Belgique en 1857. Il a ourdi l’union de Marguerite de Valois avec Henri IV en 1572 mais si huguenots et catholiques s’empoignèrent, il le jure, il n’y est pour rien.

 

Ce sont les hommes et leurs ambitions qui sont responsables des assassinats, des guerres, des massacres, depuis le début du monde.Peu après le Paradis Terrestre,  il a bien tenté de détourner la main de Caïn qui tua son frère Abel mais si le Temps est pacifique, l’humain l’est si peu !

 

La Temps, mais oui vous le connaissez ! Il était debout près de votre berceau et depuis il marche à vos côtés. Il lui arrive de courir, ou de traîner, ou de rêver, comme vous, comme moi. Mais bon an, mal an, il nous accompagne depuis notre naissance.

 

Il est un peu farceur, le Temps. On croit le diriger, le posséder mais ce funambule nous file entre les doigts pendant que nous vivons notre premier bal, notre premier amour, notre première déception. Il est tellement aérien, léger, il se transforme en bulle de savon, il flotte, il pèse, il réfléchit, il s’ennuie, il nous ennuie, il se souvient…

 

Ah ! comme il se souvient bien, le Temps, de ce que nous aimerions oublier, de ce que nous avons perdu. Il s’attarde quelquefois, il console, il guérit. Il pèse lourd à ses heures, il se fait discret, on l’oublie, on ne pense plus à lui…Et le revoilà, tellement présent, deux ans plus tard : « Cette ride, tu ne l’avais pas ? Ton ami, où est-il ? Tu ne vas pas pleurer, je suis là, moi… ». Il est toujours là, pour rappeler ce qui fut et n’est plus, ces années qui passent en silence, l’âge soudain bien présent.

 

Est-il un ami ? Cela lui arrive. Un ennemi ? Je ne pense pas. Il « est », tout simplement, impalpable et pourtant redoutable, allant son chemin jusqu’au bout. Jusqu’au bout du nôtre…Le Temps passe. Notre temps est passé…

13 mars 2010

DEPECHE (Lorraine)

28 décembre 2009

XVIème Avenue, 23 Heures. Il gèle. L’ours est dans l’encoignure. Ca et là, une lumière brille sur les vingt-trois étages de façade. Au 2ème, comme toujours, ça chauffe, les services de police ne chôment pas. John qui prenait son tour de garde, a donné l’alerte.

« On évacue tout le monde. Pas de rouspétance, en vitesse »…

Ils sont descendus en cohorte, les uns furibonds, les autres affolés, des femmes, des enfants, des vieux, de couvertures, des sacs, des GSM, des cris, des regimbades, des pleurs des cris.

« Du calme ! On a appelé l’équipe de déminage. Pas de panique ! »

Ils ont établi un cordon de sécurité à 50 mètres, et le démineur s’est approché. Lentement, en homme habitué au danger, il a pris délicatement la peluche. Passée au rayons X, elle s’est révélée inoffensive : c’était bien un jouet d’enfant sans la moindre trace d’explosif !

Les habitants ont regagné leur logis. La police a refusé tout interview.

27 février 2010

BEL-AMI (Lorraine)

Ce chapeau, avant tout, c’est la vie parisienne
Les fiacres, les secrets, les rendez-vous volés,
Bel-Ami attendu derrière les persiennes,
La trahison d’un soir, les espoirs exaltés

L’amante aux baisers fous, confiante et amoureuse,
La chambrette là-haut, l’éventail refermé,
Ce chapeau, c’est l’adieu qui laisse la pleureuse
Face à ses souvenirs désormais consumés

Ce chapeau huit-reflets défraya la chronique
Dans les salons huppés au temps de Maupassant
Il passa du boudoir au perchoir politique
Avec diplomatie et succès fracassant

Ce chapeau d’autrefois rangé dans une armoire
A perdu tout éclat comme tout romantisme
Il dit modestement comment s’écrit l’Histoire
Oubliant pour toujours qu’il fut roi du dandysme.

20 février 2010

Couleurs de vie (Lorraine)

Nul n’y peut rien mais la tendresse
Se vit en bleu, c’est bien connu
Le gris revêt de sa tristesse
L’absent qui ne reviendra plus

Voyez le rose et sa douceur
Le vert joyeux de l’espérance
Et si vous parlez de douleur
Voici le noir de circonstance

L’incarnat se porte en tous temps
De l’amour il est le symbole
L’amitié habillée de blanc
Vient s’appuyer sur votre épaule

Cet arc-en-ciel de sept couleurs
Bat au rythme de ses envies
Qu’il soit chagrin ou bien moqueur
N’est-il pas le pouls de la vie?

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