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19 juin 2010

La cabanimaginairêve (Lorraine)

Delphine vit dans le faubourg avec sa maman, deux pièces d’une vieille maison grise. Devant, la rue oblique aux pavés usés ; derrière, un terrain vague sans horizon. Les enfants s’y ébattent après l’école. Delphine y retrouve Hélène ou Martine. A dix ans, on danse à la corde, on joue à la marelle et parfois, avec les garçons, on entame une course à qui arrivera le premier au coin du boulevard.

Mais cette année, les garçons disent non : ils bâtissent une cabane. Des bouts de troncs d’arbre, des branches, des clous, un marteau, des outils prêtée, empruntés ou…dérobés, en ce mois de juillet c’est la fête des gros bras. On tape, on scie, on érige, on commente. Les filles, à l’écart, admirent.

- On en fait une aussi ? demande Hélène qui ne doute de rien.
- On ne saura pas. Eux, ils sont forts.

Delphine se tait ; une cabane, pour elle qui n’a même pas d’appartement ! Elle aimerait pourtant, une cabane qui serait un petit refuge, un coin personnel tout doux, une cabane, oui, mais pas trop petite. Pas trop grande non plus. Les garçons s’encouragent à coups de « Ca va, Jacques ? T’en sors, Emile ? » ; les murs, un peu vacillants, se dressent. Ca discute, ça rouspète. Ca avance.

Le dimanche après-midi, elle est presque seule . A l’aide d’un cailloux, elle trace des lignes dans la terre.

- Qu’est- ce que tu fais ? demande Martine.
- Je joue « maison ».

Et elle continue, affairée. Elle parle toute seule, hésite, trace un angle ici, un long trait là, un corridor, une salle de bain, un salon et des canapés, oui, il en faut, c’est évident. Pour s’asseoir comme une dame, jambes bien croisées, la robe rabattue sur les genoux.

- Tu veux visiter ma maison ? Viens…

Martine la suit ; dans le salon, des fleurs rouges et blanches, un petit bureau et un clavecin. « C’est quoi, un clavecin ? ». « Pour faire de la musique, quand on a suivi des cours ». Delphine ouvre une porte : » ici, vous voyez, Madame, c’est ma chambre. J’ai acheté ce couvre-lit en velours bleu, j’aime tellement le bleu ». « Moi aussi », dit Martine, respectueuse. Les deux fillettes tournent vers l’escalier qui monte à l’étage ; une large baie vitrée ouvre sur le jardin. « Car nous avons un jardin, vous le voyez, Madame ? » « Oui, répond Martine penchée à la croisée. C’est la chambre de ta maman, ici ? ». « La plus grande, tu vois. Moi la petite me suffit »…

L’été passa. Les années passèrent. Delphine se souvient. De la cabane impossible, elle avait fait pendant tout un mois cette maison chaque jour renouvelée. Cette maison qui contenait, elle le sait, tous les rêves interdits , les miroirs ciselés, les abat-jours de taffetas rose, les escaliers cités, les somptueux tapis, l’imaginaire d’une enfant pauvre qui n’attendait rien de la vie…

 

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Commentaires
K
Lorraine, comme je te comprends !... <br /> Merci de l'avoir si bien exprimé ici.
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C
L'imagination est une richesse et savoir jouer avec peu, une force.<br /> Votre histoire vraie est touchante, émouvante.
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L
WALRUS - Je vais essayer d' étancher les larmes, Walrus! Merci!<br /> <br /> TATABEA - Rêver, vivre...quelquefois tout se mêle et on n'a pas toujours le choix! Merci pour ta visite chez moi!<br /> <br /> KATYL - Quand on met des rubans et des fleurs autour d'une triste réalité, on la transfigure...le temps d'un rêve!<br /> <br /> JO CENTRIFUGE - Merci de "plussoir". je suis touchée.
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J
Je "plussoie", cette cabane impossible est réellement émouvante.
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K
émouvant et si vrai, tant d'enfants rêvent leur vie plutôt que de vivre dans une réalité souvent si triste ... on dit : " n'oublies pas tes rêves , ne perds pas tes rêves de vue " tout le long de notre vie s'y accrocher, garder cette part de rêve et lutter contre ceux qui nous disent :" ce n'est pas possible " !!pourquoi pas ?
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T
cette semaine je suis en retard d'un métro ..Cette très jolie histoire me réconcilie avec les rêves, car c'est toujours la question : vaut-il mieux vivre ses rêves ou rêver sa vie ??<br /> J'aime beaucoup cette plume Lorraine
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W
Des vers qui arracheraient des larmes au granit, Lorraine.
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L
JOYE - Nous nous sommes peut-être croisées, alors!<br /> <br /> ADRIENNE - Deux sociétés, deux sortes de logement...mais peut-être les nantis ne sont-ils pas les plus heureux?<br /> <br /> WALRUS - Le Prince est venu. M'interdire ce blog? J'en mourrais!...Que ferait Walrus de mon désespoir?..<br /> <br /> VEGAS SUR SARTHE - Oui, ça fait des souvenirs...C'est mon histoire vraie,Vegas!<br /> <br /> MAP - Les rêves aident à continuer la route, quelquefois. Et à s'inventer le bonheur.<br /> <br /> JOYE - Merci de dire Non au référendum...Walrus devra donc me supporter!<br /> <br /> FAFA - Tiens, voici une serviette.<br /> <br /> BRIGOU - La vie est imprévisible: tout peut arriver!<br /> <br /> PAPISTACHE - Le taffetas rose est parfois donné en sus...<br /> <br /> PIVOINE - C'est peut-être émouvant parce que c'est vrai, chère Pivoine!<br /> <br /> ZIGMUND - Elle n'est pas devenue architecte, mais journaliste. Merci, Zigmund.
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Z
émouvant c'est sûr<br /> on peut rêver qu'elle est peut etre devenue architecte au référendum de walrus je vote :gardarem lou lorraine
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P
Snif! J'ai aussi trouvé cela très émouvant, j'ai le nez qui pique un peu...
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P
qui n'attendait rien de la vie... mais que la vie, néanmoins, parvint à surprendre et quitte à choisir entre l'aisance matérielle et le rêve, combien ici choisiraient-ils le taffetas rose ?
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B
On aimerait que ce rêve se réalise !
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F
Ouais, ben moi j'en ai marre d'éponger mon clavier...
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J
Je vote NON au référendum de Walrus !! Ce serait trop méchant de nous priver de cette beauté.
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M
Je dis comme Vegas ! Et les rêves sont tellement beaux !!! Cela me rappelle une chanson qui disait : "Le rêve est plus beau que la réalité, je rê-ve, je rê-ve, le rêve est plus beau que la réalité,je pré-fè-re rêver !!!
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V
J'aime bien cette histoire où le rêve offre tout ce qu'on ne peut pas s'offrir... et si en plus ça fait des souvenirs !
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W
Et si Lorraine continue à me mettre le blues au coeur et la larme à l'oeil, je vais demander qu'on lui interdise ce blog. Non mais...
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W
Et ne chantait-elle pas "Un jour mon prince viendra" ? (Et Poupoune ajouterait "Sûr ça ! et avec cran d'arrêt, blouson de cuir et mob !")
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A
c'est triste!<br /> j'ai deux sortes d'élèves: ceux qui ont piscine et jacuzzi (ou des amis avec piscine et jacuzzi) et ceux qui ont "la cabane impossible", comme Lorraine l'écrit.<br /> c'est trop triste
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J
Exquis !<br /> <br /> Je crois que j'ai eu la même enfance que Delphine, son histoire m'émeut très fort.<br /> <br /> Bravo Lorraine, c'est expertement raconté aussi !
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