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Le défi du samedi
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10 avril 2010

LA DISPARITION (Lorraine)

Le rideau s’est levé.

«  Et voici le célébrissime magicien Luis Enrico et sa charmante assistante Henrietta ». Le pouvoir mental de l’un, la réceptivité étonnante de l’autre vous offriront ce soir encore un inoubliable spectacle.

Sanglé dans son habit noir, le cheveu gominé, la manchette blanche, Luis Enrico surgit des coulisses, salue les longs applaudissements et, se tournant vers le fond de la scène, tend la main à la jeune femme qui s’avance. Henrietta porte une rose rouge sur sa petite robe noire, nul bijou, un sourire. Les projecteurs isolent le couple, le spectacle commence.

Non, je ne vous dirai pas l’adresse incroyable de Luis Enrico, les colombes sorties de ses manches, le mouchoir bleu soudain multicolore, les cartes qu’il manipule en jongleur, ni les couteaux qu’il lance en artiste, un à un, autour d’une Henrietta impassible debout contre le panneau dans lequel se fichent les lames à quelques millimètres du visage, du cou, de l’épaule, de tout le corps. Je ne vous dirai pas comment le public retient son souffle, avec quel soulagement, quelle clameur unanime il salue l’exploit et l’immobilité héroïque de sa « proie ».

Tout cela vous le savez, vous étiez parmi les spectateurs, vous avez ressenti leur émotion. Et la vôtre. Mais vous n’étiez pas à Rio de Janeiro le soir où le couple afficha une grande première : « Luis Enrico fera disparaître sa compagne en un simple claquement de doigts ». Et ce soir-là, j’y étais, les hasards de ma profession m’ayant déposé là-bas pour une dizaine de jours, épuisants de rendez-vous et de chaleur humide. On placarda des affiches dans toute la ville. Je revis à peu près tout ce que je connaissais déjà, attendant impatiemment le clou du spectacle. Juste avant, une vingtaine d’hommes robustes firent ostensiblement la haie devant les coulisses, empêchant tout tentative de fraude. Aucune issue possible, donc.

La salle fut longée peu à peu dans une totale obscurité. Des roulements de tambour annoncèrent l’imminence du tour de magie. Luis Enrico sortit soudain de son plastron une rose rouge qu’il offrit galamment à Henrietta :

- Pour vous souvenir de moi, là où vous allez, dit-il galamment. Elle l’attacha à son corsage.

Le tambour gronda pour la seconde fois. Luis Enrico claqua des doigts. Une lumière scintillante s’interposa entre la jeune femme et lui, une seconde, deux peut-être. Les lustres se rallumèrent. Le magicien saluait, mais la foule réclamait Henrietta. Bien sûr, elle avait disparu, mais le public, bon enfant, voulait applaudir l’héroïne, la voir reparaitre. Luis s’inclina de bonne grâce. Et fit le geste convenu. La même lumière scintillante, une seconde, deux peut-être et…Rien. Les spectateurs, d’abord amusés, murmuraient. Et Luis, pâle, nerveux, multipliait en vain ses claquements de doigts. Alors, une rose rouge sembla voler dans les airs et tomba mollement aux pieds du magicien.

- Henrietta, cria-t-il, Henrietta, où es-tu ?..

On la chercha partout. Elle n’était nulle part. Ni dans les coulisses, ni dans le plancher dont on souleva les lattes pour vérifier l’absence de trappe, pas davantage dans l’orchestre ou dans la salle. On ne la retrouva pas. Certains crièrent au miracle, d’autres soupçonnèrent un enlèvement adroit suivi de rançon probable. On soupçonna la lumière de l’avoir démoniaquement consumée ; on soupçonna Luis de ce crime. Personne n’eut raison. La lumière n’était qu’un pétard un peu sophistiqué, nul ne réclama jamais de rançon et seule la rose rouge tombée des cintres sembla prouver qu’Henrietta s’était envolée…

Jusqu’où ? C’est toute l’énigme. Mais qui connaît les limites de la magie ?...

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Commentaires
L
PAPISTACHE: si vous voulez, je vous en laisse le soin?...<br /> J.F.: Tut est possible!<br /> MAP: Je ne sais pas si elle entend...<br /> JOYE: tu aurais sûrement réussi! Merci pour tes mots!<br /> VENISE: Je n'y avais pas pensé...Mais c'est possible!<br /> VANINA: Où va Henrietta? Peut-être peux-tu éclairer ma lanterne?...<br /> TEB: très possible...Elle en avait marre...<br /> ZIGMUND: Moi non plus je ne veux pas savoir où est partie Henrietta...<br /> ADRIENNE: Vos mots me comblent...Merci!<br /> CAPTAINE LILI: Oui, disparaître pour de vrai, il n'y avait pas pensé, le magicien...<br /> CARTOONITA: Un très beau rapprochement...Où est le corps? Pardon, Henrietta?<br /> <br /> MERCI A TOUS
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C
Ah, avec les magiciens, comme avec les meurtriers et les Don Juan, se pose toujours le problème de la disparition du corps ;-)
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C
La belle a dépassé le maitre et joué un tour au magicien... Jolie histoire bien racontée.
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A
bien écrit, Lorraine! vos textes sont toujours si joliment peaufinés... bravo pour le fond ET la forme ;-)
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Z
j'ai toujours été fasciné par le tour très connu de "la malle des indes" et je n'ai jamais voulu connaitre la solution.<br /> cette histoire me plait énormément <br /> belle disparition
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T
Le Belle en a profité pour se faire le belle ...
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V
"Bonjour, j'disais justement à ma femme hier..."<br /> L'inspecteur Colombo: ton texte m'a remis en mémoire un des épisodes qui se déroule dans le milieu de la prestidigitation.<br /> Mais si la magie s'ajoute à la presti où va-t-on! ou plutôt où va Henrietta!?<br /> Sourire<br /> Vanina
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V
elle s'appelle depuis Henri et traine le soir dans les faubourg rue du magicien !!
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J
Moi aussi, j'avais pensé à une histoire de magicien, mais je ne l'ai pas faite, et heureusement, je n'aurais pas su égaler la tienne.<br /> Bravo Lorraine !!!
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M
Henrietta !!!! HENRIETTA !!! HEN-RIETTAAAAAA !!!
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J
Enlevée par des extra-terrestres ?
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P
Ah, ah, Lorraine, votre histoire s'achève où pourrait commencer un autre défi : mener l'enquête.
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