Ratatiné sur sa chaise comme un vieux salsifis tout sec, le petit homme se tenait de guingois. C’était comme si l’ensemble de son approximative anatomie avait été revisité par un origamiste malveillant. Ses yeux cernés racontaient qu’un sommeil réparateur l’avait déserté ses nuits depuis des lustres.
— Cela fait longtemps que vous souffrez de ces douleurs ? demanda le médecin.
Le petit homme répondit par le truchement d’un imperceptible murmure. Il s’exprimait comme à regret. On aurait dit qu’il ne voulait pas faire le moindre bruit.
— Depuis que je suis arrivé à Paris. Il y a six mois.
— Parlez plus fort. Personne ne va vous manger. Déshabillez-vous, s’il vous plaît.
Le petit homme se leva avec précaution, non sans avoir jeté un regard craintif autour de lui. Ses gestes étaient lents, furtifs, exaspérants. Le médecin, qui pourtant en avait vu d’autre, fut impressionné par sa maigreur et la lividité de sa peau encombrée çà et là de multiples ecchymoses.
— Par tous les dieux ! Qu’est-ce qui vous est arrivé ? Quelqu’un vous a frappé ? Tournez-vous pour voir. Aïe ! C’est bien ce que je craignais.
Le petit homme baissa les yeux, comme pour s’excuser d’exister.
— Il ne faut pas rester comme ça, continua le médecin. Je vais vous prescrire des soins, mais ce qu’il faudrait surtout, c’est avertir la police.
— Oh non, bredouilla le petit homme. Ce n’est pas ce que vous croyez.
Le médecin examina rapidement l’homoncule. Tension trop élevée. Langue chargée. Fond d’œil ? Un désastre. Et le cœur ? Le stéthoscope raconta que celui-ci n’avait aucun sens du rythme.
— Bon ! Je vais vous prescrire un fortifiant et des tranquillisants. Et puis quelque chose pour soulager la douleur. Mais racontez-moi ce qui vous arrive. Tous ces bleus, c’est quoi ?
— Je me cogne, docteur.
Le médecin leva les yeux de l’ordonnance qu’il rédigeait et scruta son patient d’un air sceptique.
— Vous vous cognez ? Où ? Dans quoi ?
— Dans les meubles. Contre le plafond. Les murs. Un peu partout.
— Un peu partout ? Vous avez une mauvaise vue ?
— Non, ma vue est excellente. C’est simplement que je vis dans un studio.
— Désolé, je ne vois pas.
— Un studio minuscule.
— Minuscule.
— Trois mètres carrés, sous les toits. Juste la place de mettre une couchette, une petite table et un tabouret. La télévision est posée par terre. Pour la toilette, ben… c’est dans l’évier, sous la mansarde. Je ne peux me tenir debout que près de la porte. Pas de place. Je me cogne partout.
— Ah bah oui, je vois ! Mais vous ne pouvez pas chercher quelque chose de plus grand ?
— Plus grand ce serait trop cher pour moi.
— Oui. Je suppose que vous payez un loyer… minuscule.
Là, le petit homme sortit de ses gonds.
— Non, docteur. Mon loyer, il est MAJUSCULE !