SOUS LA LUNE (Joye)
Sous la lune
quelques-unes
De mes pensées se défont
Elles m'échappent
Elles se drapent
Dans leurs manteaux de saison
C'est vrai, j'avais toujours imaginé qu'elles termineraient leurs courses derrière cette porte secrète au bout d'un jardin qui appartenait à cet inconnu dont je rêvais, lui qui serait un jour à moi, mais je ne pouvais pas en être sûre. Je volais des moments dans mes journées bien chargées, essayant vainement de savoir comment procurer la clé qui m'ouvrirait cette porte. Parfois, je me disais que c'était le secret du bonheur. Parfois je me disais que c'était tout simplement l'amour. Lors des jours de chagrin, j'étais convaincue qu'il ne s'y trouvait rien ; il suffisait d'un simple rayon de soleil le matin au coin de ma fenêtre pour me convaincre qu'il s'y trouvait les émeraudes d'une grande fortune égarée. Tout ce qu'il me fallait, ces jours-là, c'était la clé qui m'ouvrirait cette porte. Parce que je savais que si je n'arrivais jamais à trouver la porte, la porte et l'inconnu me trouveraient.
Le temps passa. Je grandis. Peu à peu, j'oubliai la porte. Et l'inconnu. De temps à autre, j'y pensais, mais en riant, parce que je savais que ce n'était qu'une lubie de gamine. La vie est rigoureuse pour ses apprentis. Peu à peu, je me rendis compte que le vrai bonheur n'existait pas. Et que même s'il existait, ce n'était pas mon destin d'être heureuse. J'acceptai.
C'était un jour comme un autre quand je le connus. Pas comme dans les histoires d'amour, où la héroïne s'évanouit et se réveille aux bras d'un bel homme au regard tendre. Il n'était ni beau, ni tendre. Au contraire, c'était un homme brutal, comme je découvris la nuit des noces. Comme il me le rappelait jour après jour après satané jour. Des insultes. Suivie par des gifles. Qui devinrent des coups. Qui devinrent, eux, des raclées. Des raclées qui devinrent une correction. Un œil au beurre noir. Deux côtes cassées. Trois nuits à l'hosto.
J'oublie combien de temps passa ainsi. Je ne sais pas pourquoi personne ne demanda jamais d'où venaient mes bleus ou mes fractures, mes chutes invraisemblables, des brûlures répugnantes. Moi, je ne pensai pas à les expliquer. Je sais que le personnel aux urgences me connaissaient de vue et de nom. Mais c'était clair que tout le monde s' en foutait. La vie est rigoureuse pour ses apprentis.
Lentement, je réussis quand même à ne plus provoquer les plus grosses rages. Lui les garda alors pour les jours de fête. Mais c'est vrai que le ménage était souvent en fête. Je ne sais plus comment ni pourquoi, mais je pris l'habitude d'écrire un peu chaque jour. Pour une raison quelconque, mettre quelques mots sur une page d'un de mes vieux cahiers avec un Bic ancien soulagea la douleur lourde qui m'accompagna. Il rendait moins fort le bourdonnement constant dans mes oreilles.
Un jour, je regardais un peu les pages de mon cahier. C'était d'un cours de français l'année où j'entrai en troisième. Je ne me souvenais plus du nom du prof qui nous avait expliqué ce que c'était qu'un haïku et qui nous encouragea alors d'en faire. Je regardai un peu la page vide où j'aurais dû commettre un poème. Elle était encore vide. Soudain, mon crayon gratta rapidement trois lignes, automatiquement, comme si j'avais toujours connu ces mots. Devant mes yeux étonnés, je vis :
Lune qui danse
Parmi les beaux nuages :
Curieux hasard.
Je restai bouche-bée devant la page. Moi, j'écrivis un haïku ? Non, c'était une erreur, je me trompai. Ce n'était pas moi qui venais d'écrire ces mots.
Je me concentrais trop fort. Erreur. Je n'entendis pas la porte rouge au fond du jardin qui claqua, ni les pas titubants sur l'escalier. Je ne sentis pas son odeur, je ne m'aperçus pas de sa présence avant que sa grosse main dure m'ait saisie par le cou pour me jeter par terre comme un vieux chiffon déchiré. La danse alla commencer, ne manquait que sa musique. Mais le chef d'orchestre resta à son tour figé devant ma page.
- C'est quoi cette merde ? hurla-t-il. Il passa deux moments à fixer difficilement la page.
Deux minutes passèrent dans le silence total. Et puis il commença à rire. À hurler comme un vent hivernal et vicieux. Et ensuite commença la musique. Avant la dernière mesure, il prit le vieux cahier et le déchira en petits morceaux, laissant son partenaire immobile sur le plancher joliment décoré par les confettis et le sang. Il fallut six mois avant de pouvoir tenir un stylo dans mes doigts cassés.
Mais je sais maintenant ce qui se trouve derrière cette porte rouge au fond du jardin. Un cadavre qui porte un vieux stylo Bic foncé enfoncé dans une des jugulaires.
Curieux hasard.
Car ce soir, la lune dansera bien parmi les beaux nuages.
Que deviennent
Mes poèmes
Quand ils prennent l'horizon
Où partent
Toutes ces cartes
Qui se décrochent de mes cloisons
Certaines
Me reviennent
Un peu plus troublées que de raison
PEAU DE HARANGUE (Joye)
Chers Admins :
Non ! Je ne vais pas participer à cette consigne ! C’est trop tordu ! À part les recettes pour le dinde au whiskey qui deviennent progressivement plus illisibles, je ne vois pas comment participer. Sans parler de donner une mensuration personnelle ! OH ! Et plus si affinité ?!? Non ! En fait, je pense que je vais les dénoncer auprès du comité pour la Préservation d’Éthique Naturelle et Intimité Sacrée.[1] Oui, c’est une bonne idée ! J’y vais de ce pas ! – J.
Chers les Responsables du P.É.N.I.S :
Je vous écris afin de vous mettre au courant d’une pratique répréhensible chez les Défiants du samedi. Il s’agit d’écrire un texte qui devient progressivement incompréhensible. Encore pire et, en même temps condamnable, c’est qu’il faut donner une mensuration ! Voilà pourquoi je m’adresse à vous parce que je sais que vous vous rendez compte que cela ne les grandit pas ! Je me ferai aussi un plaisir d’écrire à votre directrice, Kia Delatourde-Lapoitrine[2]. Merci de votre attention. – J.
Chère madame Delatourde-Lapoitrine :
Vous trouverez ci-joint des lettres de protestations contre la consigne 79 [3] de chez les Défiants du Samedi. Il s’agit d’une atteinte éhontée contre la pudeur d’écrivaine. Un des Administrateurs, un certain Papistache (Papistache ! Ha ! je ne serais pas surprise d’apprendre qu’il s’appelle en réalité Tomás de Torquemada, le XCXIX, car la ressemblance entre lui et l’autre est trop fortuite, vous me l’accorderez !) qui demande que les participants samediens écrivent un texte qui devient de plus en plus farfelu, voire indéchiffrable (comme la racine carrée de l’hypoténuse, quoi), tout en y mettant des notes en bas de la page – une pratique qui a disparu avec l’Inquisition espagnole, qu’on en prenne bien note. En tout cas, comme vous pouvez voir, c’est insupportablement intolérable, et je vous assure que s’il faut aller dans le Wyoming le crier du haut des Tétons[4], moi, je suis en mesure de pouvoir ce faire ! En attendant votre réponse de solidarité, je vais faire une copie conforme aux responsables des Éditions Hanches, à Tours. – J.
À qui de droit :
J’espère que vous ne me trouverez pas trop gauche, mais je tenais à vous signaler mon indignation révoltée contre cette demande impudemment insolente d’insérer une mensuration dans le texte qu’on propose cette semaine pour le Défi du samedi. Comme si je voulais annoncer au monde entier que j’ai un QI de 199,2[5] ! OH ! C’est inouï ! Non, ce serait trop bête de céder à la tentation irresistible de dévoiler au Monde ou même au Figaro et à la limite au Libé un chiffre quelconque qui représenterait ou pas un de mes charmes multitudineux. – J.
[1] P.E.N.I.S, ou Zone Irréfutablement Zélé et Intimiste jusqu’en 1964.
[2] Ancien chef du comité de Soutien à Senlis avant la Libération.
[3] Comme le Coup Fourré au jeu de Mille Bornes, mais plus.
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Teton
[5] Au système métrique, bien sûr.
Sophie (Joye)
SOPHIE
Norman Rockwell, The Girl in the Mirror, 1954.
Delphine se regarda dans le miroir, les mots de François brûlant encore ses oreilles.
- T’es qu’une pitchoune, lui cria-t-il avant de repartir avec ses copains qui venaient d’arriver.
Une pitchoune !
Ses joues redevenaient écarlates au souvenir de l’insulte hurlée et à celui du traitre abandon.
Une pitchoune !
Quand deux minutes avant l’arrivée de ses copains, Delphine discutait comme une grande avec François qui lui sourirait en parlant.
Pitchoune !
- Je vais lui montrer, Sophie, tu verras, dit-elle à la poupée, jetée avec fureur par terre à l’arrivée de sa maman. Je ne suis pas qu’une pitchoune. Je suis…une femme.
Delphine se regarda dans le miroir, les mots de François brûlant encore ses oreilles.
Coupe de Radio Ridicule (Joye)
I. MATCH NUL
[Générique d’ouverture]
Ici Radio Ridicule…avec Jessy Embêtante. Et les sports !
Aujourd’hui, interview avec Fifi Kif-Kif, grande joueuse de tennis.
- Fifi, bonjour.
- Bonjou’.
- Fifi, parlons de ce match extraordinaire l’autre jour…
- Quel match ?
- Bah, le match où Mata L’Amazone vous a écrasée 40-0.
- Bin, c’était un match nul.
- Match nul ? Mais non, elle vous a battue…
- C’était nul, vous dis-je, nul de chez nul, ce match.
- Mais non, Miss Kif-Kif, au jeu de tennis, un match nul n’est pas possible.
- Puisque je vous dis, hein ?
- Mais non, miss Kif-Kif….euh…Fifi…euh, qu’est-ce que vous allez faire avec cette raquette…
- Je vais vous montrer un peu ce que je veux dire…c’était NUL [whack] de chez NUL [whack]…ce match ! D’accord ?
[Silence]
- D’accord ?
- …Oui, Miss Kif-Kif…Ceci a été Radio Ridicule, les sports avec Jetté Embêtaaaaaaante…
[Générique de la fin]
II. DÉFAITE
[Générique d’ouverture]
Ici Radio Ridicule…les Sports avec Ron Plassan, pour Jessy Embêtante à qui nous souhaitons un prompt rétablissement. Aujourd’hui, nous reprenons la conversation avec Fifi Kif-Kif, grande joueuse de tennis.
- Fifi, bonjour !
- Bonjou’.
- On va parler de…
- Ah non, on ne va pas recommencer, hein ?
- Pardon ?
- J’ai dit qu’on ne va pas recommencer…
- Oh, noooooooooon, non, non, non, miss Kif-Kif, aujourd’hui, on va parler de votre défaite récente contre cette grande star américaine : VENUS WILLIAMS.
- C’est un mec.
- Pardon ?
- J’ai dit que c’est un mec !
- Mais non, Miss Kif-Kif, Miss Williams est UNE femme. Euh…miss Kif-Kif, euh…qu’est-ce que vous comptez faire avec cette raquette ?
- Je vais vous montrer un peu ce que je veux dire…c’est [whack] un [whack] MEC !
- Ouf !
- Vous comprenez ???
[Silence]
- Vous comprenez ?!?
- Euh, euh, oui, Miss Kif-Kif..euh…euh…Ceci a été Pron Récent avec les Ridicule, sur Radio Sports…
[Générique de la fin]
III. VICTOIRE
[Générique]
Ici Radio Ridicule avec la plus grande star de tennis du monde : Fifi Kif-Kif.
Pour les scores :
Hier, c’était Kif-Kif – Embêtante : 6 – 0,. 6 – 0, 6 – 0 !
Voici le commentaire d’Embêtante après le match :
- eUhEuH….
Après, c’était Kif-Kif – Plassan : 6 – 0, 6 – 0, 6 – 0.
Plassan, avez-vous des commentaires ?
- EuHeUh, EuHeUhEuHeUhEuHeUh !
C’est ce que je pensais, merci.
Ah tiens, j’ai encore remporté la Coupe de Radio Ridicule.
Je me félicite !
Bravo moi !!!!
Ceci a été Radio Ridicule avec la plus grande star de tennis du monde : Fifi Kif-Kif
Et n’oubliez pas : Si vous n’êtes pas d’accord….
[whack]
[Générique de la fin[
Les petits bruits de la maison (Joye)
Les petits bruits de la maison
Skkkkkkkkkreuuuuuuk,
Oooooooorrrrrrrrrrooooooooooonnnnnnnnn
Skkkkkkkkkreuuuuuuk,
la nuit
tic-tac, tic-tac,
arou-rou-rouuuuuuuuuuuu
tic-tac
vous tiennent compagnie ...
Skkkkkkkkkreuuuuuuk, salut !
Oooooooorrrrrrrrrrooooooooooonnnnnnnnn, et vous ?
Comme skkkkkkkkkkkkkrueuuuuuuuk, comme skkkkkkkkkkkraaaaaaaaaak.
Rassurants ou bien inquiétants
?
OUIIIIIIIII, noooooooooooooooon…
Racontez-nous.
Il était une fois une consigne difficile…
Veuillez glisser dans votre récit le mot
DIPLODOCUS.
Okaaaaaaaaaaaaaaay, voilà ce qui est
fait !!!
Merci !
Mais je vous en prie, merci à vous.
PORTE-BONHEUR (Joye)
C’était un samedi, le 26 septembre, lorsque j’ai vu ces deux bambins pour la première fois. Lui, barbu, frisé ; elle, cheveux blonds et longs, lunettes, le sourire en permanence. Tous les deux aux yeux bleus, c’est quand même assez rare dans un couple…
J’ignore combien de temps j’avais passé sous le verre chez ce bijoutier à Shenandoah, mais du moment où je les ai vus, je savais que moi et ma compagne rentreraient avec eux. Ils étaient adorables, ces deux. Ne voulant pas prendre trop hâtivement la décision, ils ont tout étudié, longtemps. Elle avait tout essayé, ce n’était pas une question de fric, mais juste ma simplicité tout courte qui l’attirait.
Après trois heures, ils sont partis. Sans achat. Mais je savais qu’ils reviendraient, et j’avais raison. Et ils nous ont choisies, moi et ma compagne. Et puis une autre, plus large, pour lui, le frisé aux beaux yeux bleus.
Elle n’a rien dit à ses copains, mais c’était son ami bibliothécaire le premier à voir ma compagne sur son annulaire et j’ai bien ri, parce qu’il paraît qu’il a crié comme une fille quand il l’a vue. Moi, j’ai passé l’hiver en solitude, mais j’ai enfin rejoint ma copine un soir d’avril.
Cela fera bientôt vingt-huit ans que je ne quitte plus son doigt. Ma compagne a pris sa retraite, je sais où elle est, mais je ne la vois presque jamais. Je ne lui ai pas dit que la blonde n’avait jamais vraiment voulu d’elle, ce serait les blesser inutilement, ma copine et son diamant. Mais elle s’amuse à côté de l’autre car il est trop dangereux pour le barbu de le porter lorsqu’il travaille.
Quant à ma blonde, on a vécu bien des moments. Mais je ne l’ai fait pleurer qu’une seule fois.
Ce matin-là, elle faisait du pain, et pour bien pétrir sans me salir, elle m’a ôtée. Et puis elle m’a perdue et ne pouvait plus me retrouver. Qu’est-ce qu’elle a pleuré, cette petite ! Elle s’est jetée au bras du frisé, inconsolable. Mais quand il lui a dit de retracer ses pas, elle m’a retrouvée dans le jardin à côté de la véranda où elle avait secoué un torchon recouvert de farine. Moi, j’ai profité de ma sieste interrompue pour me promener dans l’herbe, mais le soleil m’a décelée, je brillais pour lui aussi, et, trahie, mais heureuse des retrouvailles, j’ai été vite remise à ma place.
Depuis, on travaille, on joue, on dort ensemble. Oui, on a dû se séparer pour quelques séjours à l’hosto, mais c’était le règlement, pas son idée à elle.
Tiens, ce samedi, c’est encore un samedi, 26 septembre…
J’avoue que je n’ai pas vu passer le temps.
A SHAGGY DOG STORY (Joye)
Ça rentrait comme dans du beurre : me trouver un
sponsor pour mes participations chez les Défiants du samedi. Autrement dit,
mettre du bon beurre dans les épinards. Allez, fastoche, même pour une Ricaine
lointaine comme moi qui n’ai pas inventé le fil à couper le beurre.
Pas grave, j’attrape mon portable.
Heum, ah oui, oké, appel international, on fait d’abord le
011 : tip-tip-tip.
Et puis le code du pays, c’est bien le 33 : tip-tip.
Et puis le numéro, mais gaffe, on ne fait pas le zéro sauf
lorsqu’on a les pieds dans l’Hexagone même, sinon, tous les réseaux
téléphoniques mondiaux s’éclatent en même temps et les ondes de choc arrivent
jusqu’à l’espace pour griller la petite satellite traquée à Ploumour-Boudou.
Donc, prudence. Et une fois arrivée en Armorique, ma petite communication
n’aurait pas encore trop loin à filer.
Donc, voilà, pas de zéro, mais un bien joli 2 : tip.
Et puis le reste du numéro en orthographotapant
NOBODY (6626339) : tip-tip-tip-tip-tip-tip-tip.
Ça sonnait à la française : Brrrrrrrrrrrrp. Brrrrrrrrrrp.
Et puis ce petit déclic.
- Allô bonjour le toutou, tu es bien chez Adopte-Un-Homme,
à qui voudrais-tu aboyer ?
- Euh…Aboyer ? Eum, je ne sais pas aboyer…
- Vous n’êtes donc pas un chien ? Désolée, madame, nos
clients sont des chiens, exclusivement, nous les aidons à adopter de beaux maîtres gentils et généreux…
- Oui, oui, je sais ! Ne coupez pas ! Je
téléphone depuis les États-Unis !
- Mais nous sommes un organisme…
- Oui, je sais, madame, je sais que vous êtes une agence
qui permet aux chiens d’adopter des maîtres singuliers. Moi, je cherche des
sponsors, et je voudrais bien vous demander de me sponsori…
- Écoutez madame, nous ne sommes pas là pour vous servir d’assiette de beurre, vous savez ! Nous sommes un organisme sérieux, fondé par un très beau chien extraordinaire, Nobody, et l’homme qu’il a adopté, l’incroyablement talentueux J. Nikolai Baryshnikov Bolshoi Spasiba Troïka à la Balilaika-Krapov. Père.
- Ah oui, je sais, madame, mais je me demandais bien…
- Même si je vous proposais un petit générique de
pub ?
- Générique de pub ? De la musique ?
- Oui, cela vous dirait-il ?
- Ah, si vous saviez, madame ! Depuis le temps que
monsieur Balilaika-Krapov a eu le Prix Nobel en Rondeaux Exceptionnels, il est
devenu photographe du National Geographic. Il pédale partout dans la
Chouque-Route, sur celles de Ma Dissonance et ailleurs, et il n’a plus du tout
le temps de composer des musiques.
- Je vous passe un morceau de la mienne ?
- Avec plaisir !
Donc, je pose le télef, j’attrape ma Takamine, et je chante de tout chœur…euh…cœur !
http://www.onmvoice.com/play.php?a=8468
À la fin, la dernière corde toujours en train de vibrer
tendrement, j’entends comme un petit étouffement à l’autre bout du fil, le son
d’un tiroir qui s’ouvre, un Kleenex qui sort d’une pochette et trois ou quatre
secondes de mouchages étrangement bruyants.
- Mais, vous pleurez, Madame ? Ça, je n’aurais jamais
cru !!!
- Non, madame, je ne pleure pas, je suis allergique au
moisi !
- Aumoix quoi ?
- Non, je suis
désolée, nous ne pouvons pas vous aider.
- Non ?
- Non ! La chanson n’est pas très…eum…comment
pourrais-je le dire gentiment ? C’est que..finalement…bon…Madame, il n’y a
pas plus de Balalaika-Krapov dans cette chanson-là que de beurre en brioche à
la margarine ! Au revoir !
Et clic.
Hélas, mes amis, vous connaissez maintenant la triste fin
de la triste histoire…
…car lors de mes démarches pour faire mon beurre d’Adopte-un-Homme, je suis tombée, hélas ! complètement à côté de la plaquette.
Brought to you by...
LES AIGUILLEURS (Joye)
6 h 37. Ce matin-là, le soleil se levait timidement, il faisait froid dehors. Dans l’obscurité grisante, la femme discernait l’autre tête sur l’autre oreiller, le mouvement lent d’une autre poitrine sous le duvet. Tout son corps sentait la chaleur rayonnant de l’autre, elle humait l’odeur épicée de sa peau. Ses doigts, hésitants, connaissaient déjà le grattement des bouts durs des poils sur sa mâchoire, la soie de ses sourcils ayant déjà souvent subi des caresses. Son front était paisible, ses yeux fermés bordés des cils qui restaient noirs pendant que la chambre reprenait doucement ses couleurs. Peu à peu, elle voyait paraître la courbe du nez de l’homme, au dessus des deux lèvres charnues qui savaient, elles, être douces et tendres par moments, insistantes et voraces, par d’autres. Il était encore trop tôt pour voir les couleurs dans cette lumière grisâtre d’un matin d’hiver, mais c’était un plaisir voluptueux d’explorer sans hâte cette topographie. D’ici quelques secondes, ses yeux s’ouvriraient, sa bouche à lui retrouverait avidement sa bouche à elle, ses lèvres, ses joues, son cou, ses épaules, son ventre…ils se rediraient bientôt bonsoir, bonjour, bonheur, et bon, très bon, bonjour… et puis bon retour…7 h 37.
SAMEDI, LE 5 SEPTEMBRE (Joye)
Pour eux
un espace
nec plus littéraire :
un endroit
pour briller
dans l’ex-
traordinaire
*
Pour elle,
la magie :
d’abord celle
des gens
et puis celle
des claviers vraiment é-
légants
*
Pour eux,
toute la gloire
qui était leur dû ;
pour elle,
patinoire,
lieu de joie é-
perdue
*
Pour eux,
c’était clair
c’était juste
un samedi
(même si c’était
Le Retour
du Défi !)
*
Pour elle,
pas d’excuse :
pas d’oubli
tant qu’à faire !
(bien sûr
que c’était
son anniver-
saire).
PETITE CHANSON POUR UNE PASSANTE (Joye)
Tu ne veux pas de romantisme !
Tu ne piges pas le symbolisme ?
Tu comprends pas l’image camouflage ?
Tu veux – pardi - de l’érotisme ??
Alors, afin de te plaire
Je ferai un p’ti t’inventaire :
Sein, nichon, doudoune, robert !
Du monde au balcon, tant qu’à faire :
Nénés, tétons, et mamelons tout ronds.
En espagnol, on dit chichis
En anglais boobs and yes, titties
Et encore pour te plaire : une belle paire !
Non, tu ne veux pas de romantisme ?
Tu ne piges pas le symbolisme ?
Tu comprends pas l’image camouflage ?
Tu veux, pardi, de l’érotisme !
Eh ben, afin de te plaire
J’m’sers encore du vocabulaire :
Pénis et verge et pine, quéquette !
Zizi et zob, queue violette !
Oh oui, oh oui, une grosse, une vraie colosse.
N’oublions pas l’p’ti’ Jésus
La jolie tige, un membre féru !
A stick, a dick, a cock ! Cocorico !
Mais tu ne veux pas de romantisme.
Tu ne piges pas le symbolisme.
Tu comprends pas l’ image camouflage.
Tu veux pardi, de l’érotisme !
Mon dieu, quelle insatiable !
Donc on continue, que diable !
Eh bon, tu sais, ça me fout la trouille
Parlant des gosses, tu sais, les couilles…
Des roubignoles, des valseuses (testicules) !
Des coucougnettes bravement poilues !
C’est quoi tu dis ? Pas de refus ?
Des roustons et des roupettes noctambules !
Mais tu ne veux pas de romantisme…
Tu ne piges pas le symbolisme !
Tu comprends pas l’image camouflage
Tu veux, pardi, de l’érotisme !
Allez, ma douce, voici du fin
On parlera vagi – vagin
Non, n’oublie pas ton clitoris.
Qui veut sa part, son petit kiss,
Nourris bien ta chatte, ta douce foufoune !
Bouch-e bien ton petit trou,
Ton con, ta boîte, ton tu-sais-où :
Tu voudrais pas choper une sale scoumoune...
Non ? Toujours pas de symbolisme ?
Toujours rien ? Pas d’cataclysme ?
Tu veux – pardi- de l’érotisme, yes ?
Je te propose donc un petit tour...
En Grèce.
POUR UNE BELLE AMIE (Joye)
Je l’aime tant
Mais je ne sais pas comment le lui dire
Que c’est elle
Que je désire
Je l’aime tant
Je suis tenace même lorsqu’elle menace
Car c’est elle qui est ma belle
Que je désire
Ah oui,
C’est bien toi mon amour glamour
J’aimerais tant
Laisser ma trace
Sur ta bouche
Ah oui,
C’est bien toi mon rêve, mais je crêve
Tu m’espionnes
Tu m’empoisonnes
Tu es trop farouche
À mon chagrin
Chaque matin
Tu me chasses…
Car je ne suis qu’une limace !
AMITIÉ VOISINE (Joye)
Je savais que c’était elle devant la porte même avant qu’elle ne sonne, même avant qu’Abraham, mon berger allemand, me signale avec ses doux gémissements qu’il y avait quelqu’un.
- Oui, entrez, c’est ouvert, criai-je et la porte s’ouvrit doucement, presque sans bruit.
- C’est moi, monsieur, dit-elle dans sa voix de velours, mais j’entendis de ces quelques syllabes mélodieuses que ma voisine d’en face avait encore pleuré. On est jeudi, continua-t-elle, je vous ai apporté la lessive.
- Ah merci ! Vous allez bien, madame ?
Je n’entendis pas bien sa réponse, elle devait déjà se trouver dans ma chambre, à ranger les vêtements qu’elle lavait pour moi chaque semaine, histoire d’avoir ses « quelques sous pour la folie » comme elle aimait dire. Je savais bien que les sous n’étaient pas à elle, qu’ils seraient sans immédiatement refilés chez ses deux gosses pour leur petits plaisirs ou encore à ce goujat de mec qui lui servait si piteusement de mari.
- Allez, monsieur, tout rangé !
- Merci madame, vous avez le temps de prendre un petit thé ?
C’était notre petit rite. Le jeudi, elle venait avec son panier qui sentait la lavande et moi, je lui proposais un petit thé. Souvent, elle disait non, qu’elle avait encore à faire avant que son Homme ne rentre, mais aujourd’hui, elle accepta. Je fis donc un mouvement vers la cuisine, mais elle mit des petits doigts légers, qui sentaient encore la lessive propre, sur mon épaule.
- Vous en faites pas, je ferai l’honneur.
Je la laissai faire, parce qu’il me plaisait bien d’entendre ses petits mouvements que je devinais gracieux. Je ne sais pas si elle était belle ou laide, j’ignorais la couleur de ses cheveux, et celle de ses yeux, mais son pas était léger, et sa voix encore jeune, douce.
Le thé préparé, j’humais sa vapeur. Elle me demanda pour le sucre et le lait comme si elle ne se souvenait pas que je n’en prenais pas. C’était une petite attention, mine de rien, et je me laissais bercer de nouveau par la musique de son débit, les consonnes soigneusement prononcées, les voyelles liquides, exquises.
Normalement, on ne se disait rien d’important. Cela faisait presque sept ans qu’elle vienne s’occuper un peu de mon linge et parfois de l’appart’, cela faisait presque six ans qu’on prenait un petit thé ensemble, dans le calme d’un jeudi après-midi d’immeuble, avant d’entendre dans l’escalier les pas des résidents qui rentraient du boulot ou de l’école ou de leurs vagues sorties au monde des couleurs qui les caressaient négligeamment comme une vieille amante longtemps oubliée.
Oh, je sortais, oui. Je sortais pour sentir le soleil ou la pluie ou le vent ou la grêle sur mon visage. C’était parfois comme une caresse, parfois comme une claque contre ma joue, pendant qu’Abraham m’emmenait au square nous asseoir sur un banc au plein milieu des bruits des passants, des grincements des freins des cars, des échos des talons sur le béton.
Parfois on m’adressait la parole. Souvent, c’était pour admirer mon chien, pour demander de le caresser, que je devais, malheureusement refuser, à chaque fois expliquant qu’Abraham travaillait, qu’il ne fallait pas le caresser, que ce n’était pas le moment de son break. Parfois les gens continuaient à me parler, parfois, ils s’en allaient furieux, jetant une petite injure derrière eux, destinée à mes esbrouffes de connard. J’apprenais des tas de choses assis sur ce banc là au square. C’est terrible ce qu’on dira devant une personne aveugle qu’on croit aussi sourd et dingue. Il arrive même que les gens les plus discrètes ne font pas attention.
C’est ainsi qu’un beau jour, il y a trois semaines, j’appris que le mari de ma voisine recommença son infidélité. Il ne passait pas trois mois de suite sans que j’entende sa voix, murmurant des sottises à quelqu’un qui lui répondit d’une voix douce, ou cuivrée ou abîmée par la cigarette. Et cette fois-ci, comme toutes les autres, c’était sa voix et une qui n’était pas celle de son épouse légitime. Ma voisine.
- Mais quel con ! dis-je à moi-même, perdu dans le souvenir.
- Pardon ? vint la voix troublée de ma voisine.
- Oh, excusez-moi, madame, je rêvassais ! Excusez-moi, je sais que c’est fort impoli !
Soudain, ma voisine commença a sangloter. Pour la première fois, j’entendais cette petite voix angélique s’étrangler dans sa gorge.
- Mais madame ! criai-je. Madame, qu’est-ce qui vous prend ? et sans m’en rendre compte, je quittai ma chaise et me mis derrière sa chaise, osant mettre une main hésitante sur ses épaules frèles. Je sentis au bout des doigts le coton de sa blouse. Je passai ma main gauche sur ses cheveux que je découvris soyeux, pendant que sa tête hôchait.
Je la sentis lever la tête, elle plaça ses petits doigts rugueux des tâches ménagères sur la mienne.
- Voyons, Sylvie, prononçant pour la première fois son prénom, qu’est-ce qui te prend ?
Ce tutoiement s’échappa de mes lèvres qui tremblaient, elles aussi, d’émotion. J’étais au paradis, j’avais envie de la prendre dans mes bras, de recouvrir sa bouche avec la mienne, de lui apprendre que ce ne sont pas tous les hommes qui sont des crétins, lorsqu’elle dit, enfin :
- Oh, pardon monsieur !
- Marc ! murmurai-je, un peu perdu dans le toucher et le parfum de la femme devant moi.
Elle hésita et puis prononça mon nom pour la première fois, délicieusement, hoqueté comme si elle venait de boire une gorgée de champagne.
- C’est que…
- Oui ? je l’encourageai doucement, mais j’éprouvai une envie furieuse de la retourner contre moi, de tâter avec mes doigts la rondeur de ses joues, la pente de son nez, la courbe de sa bouche, la soie de ses sourcils.
Mes doigts se contractaient, légèrement, envoyant des frissons le long de mes bras.
FEUILLE DE ROUTE (Joye)
[ma traduction libre depuis Wikipedia]
La US-69 en
Iowa... À Lamoni, US-69 se
retourne vers l’Est. À l’ouest de Léon,
elle se fond avec la SH-2. Au
centre intime de Léon, elle repart vers le Nord, lorsque la SH-2
tourne sa tête langoureusement vers l’Est. À l’est du lac
Ahquahbi, près des ombres d'un jardin publique, la US-69 se rejoint avec la
US-65, et les deux, l’une collée sur l’autre, s’emportent encore plus haut, plus
loin. À Ames, la US-69 se
cambre, d’abord vers sa gauche et encore, vigoureusement, vers sa droite et
puis continue encore vers le haut. À l’est de Clarion,
elle se blottit brièvement contre la SH-3. Les deux se
séparent, la SH-3 se retourne vers l’Est, mais la 69 continue à monter plus
haut. Près de Garner, la
US-69 se permet un petit détournement avec la US-18, toute jeune, mais bientôt, la 69 rompt pour encore
monter vers le haut, s’insinuant vers Forest City où elle se lie à la SH-9 et
lovées, les deux font encore un bout de chemin ensemble. Et juste quand elle
ne peut plus, la SH-9 s’écarte. Maintenant,
en-dessous d’Emmons, la US-69 enfourche insatiablement la frontière du
Minnesota.