A SHAGGY DOG STORY (Joye)
Ça rentrait comme dans du beurre : me trouver un
sponsor pour mes participations chez les Défiants du samedi. Autrement dit,
mettre du bon beurre dans les épinards. Allez, fastoche, même pour une Ricaine
lointaine comme moi qui n’ai pas inventé le fil à couper le beurre.
Pas grave, j’attrape mon portable.
Heum, ah oui, oké, appel international, on fait d’abord le
011 : tip-tip-tip.
Et puis le code du pays, c’est bien le 33 : tip-tip.
Et puis le numéro, mais gaffe, on ne fait pas le zéro sauf
lorsqu’on a les pieds dans l’Hexagone même, sinon, tous les réseaux
téléphoniques mondiaux s’éclatent en même temps et les ondes de choc arrivent
jusqu’à l’espace pour griller la petite satellite traquée à Ploumour-Boudou.
Donc, prudence. Et une fois arrivée en Armorique, ma petite communication
n’aurait pas encore trop loin à filer.
Donc, voilà, pas de zéro, mais un bien joli 2 : tip.
Et puis le reste du numéro en orthographotapant
NOBODY (6626339) : tip-tip-tip-tip-tip-tip-tip.
Ça sonnait à la française : Brrrrrrrrrrrrp. Brrrrrrrrrrp.
Et puis ce petit déclic.
- Allô bonjour le toutou, tu es bien chez Adopte-Un-Homme,
à qui voudrais-tu aboyer ?
- Euh…Aboyer ? Eum, je ne sais pas aboyer…
- Vous n’êtes donc pas un chien ? Désolée, madame, nos
clients sont des chiens, exclusivement, nous les aidons à adopter de beaux maîtres gentils et généreux…
- Oui, oui, je sais ! Ne coupez pas ! Je
téléphone depuis les États-Unis !
- Mais nous sommes un organisme…
- Oui, je sais, madame, je sais que vous êtes une agence
qui permet aux chiens d’adopter des maîtres singuliers. Moi, je cherche des
sponsors, et je voudrais bien vous demander de me sponsori…
- Écoutez madame, nous ne sommes pas là pour vous servir d’assiette de beurre, vous savez ! Nous sommes un organisme sérieux, fondé par un très beau chien extraordinaire, Nobody, et l’homme qu’il a adopté, l’incroyablement talentueux J. Nikolai Baryshnikov Bolshoi Spasiba Troïka à la Balilaika-Krapov. Père.
- Ah oui, je sais, madame, mais je me demandais bien…
- Même si je vous proposais un petit générique de
pub ?
- Générique de pub ? De la musique ?
- Oui, cela vous dirait-il ?
- Ah, si vous saviez, madame ! Depuis le temps que
monsieur Balilaika-Krapov a eu le Prix Nobel en Rondeaux Exceptionnels, il est
devenu photographe du National Geographic. Il pédale partout dans la
Chouque-Route, sur celles de Ma Dissonance et ailleurs, et il n’a plus du tout
le temps de composer des musiques.
- Je vous passe un morceau de la mienne ?
- Avec plaisir !
Donc, je pose le télef, j’attrape ma Takamine, et je chante de tout chœur…euh…cœur !
http://www.onmvoice.com/play.php?a=8468
À la fin, la dernière corde toujours en train de vibrer
tendrement, j’entends comme un petit étouffement à l’autre bout du fil, le son
d’un tiroir qui s’ouvre, un Kleenex qui sort d’une pochette et trois ou quatre
secondes de mouchages étrangement bruyants.
- Mais, vous pleurez, Madame ? Ça, je n’aurais jamais
cru !!!
- Non, madame, je ne pleure pas, je suis allergique au
moisi !
- Aumoix quoi ?
- Non, je suis
désolée, nous ne pouvons pas vous aider.
- Non ?
- Non ! La chanson n’est pas très…eum…comment
pourrais-je le dire gentiment ? C’est que..finalement…bon…Madame, il n’y a
pas plus de Balalaika-Krapov dans cette chanson-là que de beurre en brioche à
la margarine ! Au revoir !
Et clic.
Hélas, mes amis, vous connaissez maintenant la triste fin
de la triste histoire…
…car lors de mes démarches pour faire mon beurre d’Adopte-un-Homme, je suis tombée, hélas ! complètement à côté de la plaquette.
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