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Le défi du samedi
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3 novembre 2012

SILENCE (Lorraine)

Immobile voilure
Debout sur l’horizon
    Absence

Plage effilée vers l’Est
Vol bleu du cerf-volant
     Présence

Escaliers de glycines
Murmure du ruisseau
     Vacances

Tes yeux posés sur moi
Le parfum du gazon
     Silence

 

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20 octobre 2012

QUAND LES MARIONNETTES PRENNENT VIE (Lorraine)

La nuit, quand le marionnettiste dort, les marionnettes s’éveillent.  Le Chevalier rejette son épée et s’extrait de sa lourde armure. Il n’est plus ce valeureux croisé qu’il incarne depuis tant d’années mais un homme jeune amoureux d’une princesse. Celle qui, enjambant ses jupons en haillons, cesse d’être Esmeralda par cette nuit sans lune.

Princesse, non. Femme tout simplement. Elle se hâte vers un rendez-vous galant, il le voit bien, le Chevalier, il sait qu’elle aime ailleurs. C’est Arlequin qui l’attend au creux de l’impasse et l’attire contre lui. Jamais lui, Chevalier de Montauban, vainqueur des Sarrasins,  n’aurait cette hardiesse. Jamais en une nuit trop courte il n’aura l’audace d’exprimer sa passion.

 Le marionnettiste les reprend en main dès l’aube pour les astiquer, les recoller tant soit peu, les frotter pour que leurs ors et leurs paillettes luisent. Le Chevalier voit bien que les yeux d’Esmeralda brillent plus fort et qu’Arlequin fanfaronne. Il voit aussi la douce Fée des Eaux, si pâle, si fluide, s’étioler plus encore chaque matin ; comme lui, elle  sait lire l’amour des autres et cacher le sien pour cet Arlequin séducteur. Même si Pierrot, si beau dans son costume lilial, dépose chaque soir une rose devant la boîte feutrée où elle feint de dormir, elle est triste, de plus en plus triste.

Le marionnettiste, lui, ne voit rien que son agilité manuelle qui, sur scène, heurte le Chevalier à un Cyrano de comédie, ou envoie au ciel constellé d’étoiles, la fée diaphane. Une sorte de Mère Michel tricote au bord de l’estrade quand le spectacle commence, et elle commente  les pitreries d’Arlequin, les prouesses du Chevalier, la beauté d’Esmeralda. Quelquefois, Pierrot la fait taire, car il chante à la lune. Et tout le monde écoute. Quand le marionnettiste, fatigué, éteint les lumières, il ignore que ses gigantesques poupées vivent pour quelques heures la vie des hommes. Et il ne comprendra jamais pourquoi, un matin d’été, il a retrouvé le Chevalier désarticulé dans la rigole voisine, comme s’il s’était tiré une balle dans la tête…

 

29 septembre 2012

Où est le Bout du Monde (Lorraine)

                Le bout du monde? Quel monde? Le vôtre, celui des Chinois, celui des gitans, le petit monde de Don Camillo ou le grand monde des milliardaires? Celui du chômeur, celui du patron, celui où on peine ou celui où on flingue ?

                Il en est d’autres, tellement d’autres. Le monde de la drogue, tenez, comment voulez-vous qu’on en trouve le bout? Elle est partout, dans les vestiaires, dans les cartables, dans les prisons et dans la poignée de main du fournisseur; sur le stade, sur la route, à pied ou à vélo, vous avez le choix.

                Le monde du spectacle? Parlons-en! Il est si divers, si diffus, si bariolé, si grimmé, si vrai, si faux, si bavard et si vaniteux; si exceptionnel et si émouvant, énigmatique ou racoleur, et tellement, tellement éparpillé sur la terre qu’en trouver le bout serait un prodige!

                Le bout du monde c’est loin, très loin. Là où je n’irai jamais. Là où vous irez peut-être.  Parce que vous aimez les grands horizons et l’aventure, que vous êtes jeunes et plein aux as, sportifs et entreprenants, parfaitement documentés, outillés, affranchis. Le bout du monde, c’est un but, que dis-je, un sacerdoce! Je vous souhaite toutes les découvertes espérées et haletantes, toutes les joies, tous les bonheurs.

                Je rentre chez moi. Je ferme les rideaux. Seule une petite lampe palpite. Je me niche dans  le divan, je ferme les yeux ...et je m’envole au bout du monde. Le mien.

 

8 septembre 2012

EVENEMENT INSOLITE (Lorraine)

            C’est le soir, je regarde les informations à la télé. Une légère odeur m’arrive, je dis machinalement “Tiens, le voisin a oublié son dîner sur le réchaud” et à ce moment précis, mon alarme se déclenche. J’ai toujours maudit et bénit en même temps la loi qui oblige à installer le détecteur de fumée. Il se déclenche parfois pour rien et comme il est installé en hauteur, inaccessible, je me résigne alors à l’entendre jusqu’à la fin.

            Mais ici, pas de fin, il hurle à tout casser. Inquiète, j’ouvre la porte donnant sur le palier...et je suis refoulée par un tourbilon noir d’épaisse fumée qui, en un instant, a envahi le hall , le living et se dirige allègrement vers ma chambre. Au même moment les sirènes de la rue me le confirment: il y a un incendie dans l’immeuble. Aïe! Que faire?...

             Dans la rue, trois voitures de pompiers, une ambulance, la police. Et moi,  sur le balcon telle Soeur Anne qui ne voit rien venir, m’obligeant à rester calme tout en évaluant le danger. Mon détecteur de fumée me casse les oreilles. Il ne me fera grâce  qu’époumonné après trois quarts d’heure ! Un pompier  est hissé dans sa cabine jusqu’à l’appartement de gauche. Viendra-t-il vers moi? Non. Je m’imaginais déjà en héroïne descendant les étages enroulée dans une couverture et serrée contre la robuse poitrine. Nenni! Il ne s’intéresse en rien à mon sort ; on redescend sa cabine. Et j’assiste en témoin résigné, aux agissements de l’équipe, concentrée au rez-de-chaussée. J’apprendrai plus tard que le feu avait pris dans une voiture et une pile de papiers entreposés là on ne sait par qui.

            En conclusion, trois heures plus tard j’ai vu partir les voitures à tour de rôle. Et, ouvrant précautionneusement  ma porte d’entrée,  j’ai constaté que le sol était imprégné de ce que j’ai supposé être de la neige carbonique: un tapis blanchâtre marqué par l’empeinte bien nette  de pas cloutés qui s’arrêtaient juste devant  chez moi. J’appris plus tard qu’un pompier avait gravi tous les étages pour inciter les locataires à descendre. Le concert des détecteurs de fumée avait empêché sept autres habitants et moi d’entendre la sonnette ! Je sais que trois de ces prisonniers du feu ont été si secoués  qu’ils eurent besoin de soins.

            Moi je m’en suis tirée avec une bonne migraine la nuit suivante. Cela se passait début juillet. Maintenant encore, dans l’ascensseur, persiste un parfum de fumée...

11 août 2012

LE PETIT BONHEUR (Lorraine)

             J’ai laissé ma voiture  juste avant le pont,  mon bureau d’architecte est de l’autre côté et je porte mes souliers bruns en veau fin, souple, des souliers d’homme élégant.  Je chantonne aussi à bouche close :

 

             « C’est un petit bonheur que j’avais ramassé, il était tout en pleurs sur le bord d’un fossé.

 

             Ca tourne dans ma tête. Il fait un de ces soleils d’automne à vous coller l’envie de tout plaquer, de vous envoler par-dessus les arbres et de planer, loin. Alors, j’ai bifurqué, oui, d’un coup, comme ça  sans me consulter vraiment, j’ai quitté le trottoir et coupant à travers une prairie, je suis parti vers le sous-bois dont je vois la cime se balancer. Une envie folle d’odeurs humides, de sentiers détrempés, une envie d’étang boueux et verdi. Et toujours cette rengaine du « P’tit bonheur ». Je marche. C’est vrai, j’aurais dû mettre mes basketts., ou mes vieux cloutés de randonnée.  Mais non, voyons,  j’allais au bureau, j’ai donc enfilé mes  souliers bruns en veau fin. Oui, je me répète, mais je me sens bien, comme cela ne m’était plus arrivé depuis longtemps.  J’entends le rare appel d’un corbeau, le doux grésillement d’un écureuil discret, la voix plaintive  d’une fleur. Une fleur ?... Une fleur d’automne comme je n’en ai jamais vu.  Assise au bord de l’eau, sa corolle de pétales jaunes humides de brume, elle a les larmes aux yeux. Enfin, c’est incroyable, une fleur ne parle pas ! Mais elle insiste, elle dit :

 

            « Monsieur, emmenez-moi, chez vous emportez-moi »...

 

            Je me secoue : impossible, ce sont les mots de la chanson, elle ne peut pas savoir que je la fredonnais, elle est sorcière, cette fleur ! Une fleur ?..

 

            Alors, j’ai bien regardé. Non, c’est une toute petite femme triste, haute comme une tige, qui tend vers moi des bras de verdure, des yeux de myosotis. Agenouillé près d’elle, dans le chemin détrempé, je l’ai prise dans ma main. Elle a souri, s’est assise dans ma paume, puis, couchée en rond, comme un chat, elle s’est endormie.

 

             Je l’ai emportée dans la poche de mon veston. Nous allons nous marier. Demain, je la présente à ma mère. Elle sera contente.

 

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21 juillet 2012

LE REFLET (Lorraine)

En passant devant le miroir, j’y ai jeté un coup d’œil nonchalant. Il reflétait un morceau de paysage. Ou peut-être est-ce moi qui l’ai cru? Je ne sais pas vraiment. Mais je me suis revu deux ans plus tôt, à ma place habituelle.

C’est l’été. Les peupliers du chemin de halage éclaboussent le canal de leur vertige vert. Sur l’autre berge, assis dans l’herbe sous mon chapeau de paille, je suis le vieil homme quotidien , qui s’en vient tuer le temps. Ici, il fait calme. Quelquefois du haut d'un chaland , lourd, tranquille, on me fait « Bonjour », un signe de main, un sourire vague, le chaland passe, il est passé..

En face, un vélo pédale poussé par le vent. Les cheveux du garçon s’emmêlent,  je vois qu’il est blond, costaud, sans doute ce que les filles appellent aujourd’hui « un beau mec ». La rectitude du canal me fait mal aux yeux, comme le soleil frisant qui étincelle. Et soudain je la vois : une silhouette fine surgie je ne sais d’où, elle court, elle se presse, elle fait des gestes et elle crie, je crois. Oui, elle crie. Personne ne répond.
Le chemin de halage la happe, semble la tirer comme on tire un fardeau, le garçon s’est retourné, elle écarte très haut ses bras frêles, agite comme des oiseaux ses petites mains vides.

Il pédale. Et, j’en jurerais, elle pleure. Il fuit, il s’enfuit, c’est évident, je le vois à son allure qui s’accélère et à la pauvrette qui brusquement, s’arrête, désemparée, désespérée, peut-être ?

J’aurais voulu lui dire que le chagrin ira en s’étiolant, que les larmes perdues ne le feront pas revenir. J’ai fui ainsi, autrefois, sans un mot. J’ai laissé une femme belle et sensible, assez fière pour ne pas m’assaillir ensuite de vains appels. J’étais jeune, j’avais peur de son ascendant, de sa gaîté, de sa force. Plus tard, six ans après, je suis revenu. Elle était plus épanouie encore, elle m’a regardée avec une indifférence qui m’a pétrifié. Moi, je portais son souvenir. Elle, m’avait banni à jamais.

De l’autre côté du canal, la jeune fille a fait demi-tour. Pour elle commence la saison de l’oubli.

Je tourne les yeux vers le miroir. Il ne reflète que moi…

30 juin 2012

LA FETE DES MOTS (Lorraine)

            Quel   branle-bas dans l’alphabet : j’entends des rires étouffés, des chuchotements, des petits cris joyeux et, intriguée,  j’ouvre le dictionnaire : Ils sont tous là, pêle-mêle, les majestueux et les malingres, les stridents et les rampants, les têtes couronnées et les brigands, cohorte de siècles enfuis et de connaissances géographiques.  Un bruit de fond larmoie, une page se tourne toute seule et soudain, s’extirpant de la cohue, un I se plante devant moi, tout droit, moulé dans une robe  lamée d’argent qui épouse parfaitement sa silhouette d’éphèbe.

            - Je suis prêt, dit-il. Et, se tournant vers le B vêtu en bedeau, il l’exhorte: “Dépèche-toi, nous allons être en retard”...

            Le M enjambe la page du haut de ses longues guibolles, le D rebondit, le rattrape , lui prend le bras; le E, tout fringant, enlace le ravissant  F beau comme  une fée dont il a, d’ailleurs les ailes.  Le H est en hercule, pagne court, tête rasée, bras velus. Je vais l’arrêter, lui poser ma question, mais le K me devance. Il porte une cagoule vert pomme, un fouet et parle fort:

            - Allez, allez, on se dépêche ! Vous, là-bas, toujours à traînailler, hein ? Attendez que je me fâche...

            Le Z lui rit au nez. Il avance d’un pas de sénateur et m’apercevant, s’exclame:

            - Zut! Vous étiez là?...

            Je suis là, oui, médusée, dépassée par Y déguisée en Yseult, que soutient un Tristan dont je reconnais le T.  Je commence à m’y faire: voilà le V sans aucun doute, emmaillotté du drapeau de la Victoire;  le bicorne de Napoléon chapeaute le W, le bras dans son gilet ! Le O déclame, j’entends “O temps, suspends ton vol”...mais il est déjà loin. Le S a beaucoup d’aisance, il manipule adroitement un lasso et incarne à lui tout seul la Sierra Nevada, tandis que le R remonte le temps sur une horloge de pacotille en gémissant “Je suis en retard, je suis en retard...”.

            D’autres sont passés, que je n’ai pas vus, ils se bousculent, ils me bousculent. Et soudain, comme ils disparaissent au loin, un petit dernier sort du dictionnaire : le A, souriant, joli, couronné de fleurs.

            - Je suis l’Amour, dit-il.

            Et je le crois. Sa frimousse est celle d’un ange. Alors j’ose lui demander:

            - Mais que vous arrive-t-il, où allez-vous donc ?

            - Tu ne le savais pas ? dit-il un léger reproche dans la voix. C’est la Fête des Mots aujourd’hui. Tu viens avec nous ?

            Alors j’ai abandonné tout respect humain, j’ai laissé là mon stylo et mes papiers, et je suis partie en courant rejoindre l’alphabet en folie pour la plus belle des aventures: celle du rêve, celle de l’Ecriture.

 

9 juin 2012

Ombre et lumière (Lorraine)

Qui donc va dans la nuit se méfiant de son ombre?

Un passant? Un larron?  Ou Pierrot amoureux

Cherchant sa Colombine, aux abois, malheureux

Soupçonnant Arlequin, là-bas, dans la pénombre,

 

Cet Arlequin maudit aux habits de lumière

Qui joua les bouffons, apprit la révérence

Naquit en Italie, se trouva bien en France

Séduisit tour à tour servante ou douairière!

 

Mais là-haut tout soudain, Arlequin étincelle

Funambule éclatant  debout sur un fil d’or

Il domine la foule et danse encore, encore

Pour les nobles seigneurs et les dames en dentelle

 

                 XXX

 

...On vit un Pierrot blanc chanter au clair de lune

Et la porte s’ouvrir l’inondant de bonheur

Colombine sur eux referma en douceur

Eteignant sa chandelle en la nuit opportune...

 

 

26 mai 2012

Galet Bleu (Lorraine)

 

Galet bleu sous le pas de la dame alanguie

Tu connais le secret de l’océan brumeux

Son appel de dément, sa fureur, sa folie,

Et ses hérissements de dragon caillouteux

 

Galet bleu endormi sur la grève où somnole

Le soleil du matin que l’été a surpris

Ta rondeur adoucie ressemble à une étole

Eclaboussée d’argent par-dessus le surplis

 

Galet bleu échoué sur le sable de l’aube

Tout bruissant du parfum échappé des lichens

Galet bleu que le flux et le reflux érodent

Ton mystère se tait à l’appel des sirènes

12 mai 2012

Roses du soir (Lorraine)

Le soir s’est glissé dans la chambre close
Faisons quelques pas dans le chemin creux
Qui mène à l’étang. La lune morose
Ouvre son grand oeil jaune et ténébreux

Donne-moi la main. Vois comme les roses
Aux têtes poudrées, aux cils vaporeux
S’inclinent en rêvant et disent des choses
Que seuls entendront les coeurs amoureux

La nuit le jardin se tait et repose
Ecoute l’écho d’un oiseau peureux
Et ce bruit mouillé d’un crapaud qui ose
Sauter dans l’étang lourd et colèreux

L’heure a le parfum des amours écloses
Le vieux banc rêveur semble malheureux
Viens, la nuit frissonne et sur mon cou pose
Le baiser léger des amants heureux.

5 mai 2012

L'accent (Lorraine)

  

Mon ami hollandais est le beau-frère de mon ami flamand . C’est simple. Mais pourtant le premier affirme que beau-frère se dit « zwager » ; le second prétend qu’il s’agit de « schoonbroer » ; moi je ne dis rien, je me contente qu’ils soient mes amis.

 Ils acceptent d’ailleurs que je leur parle en français, ce qui est heureux, car je ne connais pas leur langue, étant uniquement francophone. J’ai bien essayé, mais je n’ai pas l’ »accent ». L’accent guttural pour dire « jongen » (garçon ), me manque, je dis « jonjen » alors qu’il faut prononcer « yonguen » et ainsi de suite. Heureusement, nous sommes amis au-delà des prononciations et eux, ils ont eu le courage d’apprendre le français !  Donc, entre nous, point de chamailleries. On s’accepte tels qu’on est.

 

Les légers frottements surgissent parfois entre eux. Leur langue, pourtant si proche, contient des particularités et quand je demande un jus de fruits, Hans m’offre un « vruchtensap » que rectifie aussitôt Guido en me présentant un « fruitsap ». Je bois l’un ou l’autre sans sourciller. Quelquefois, dans le feu de la conversation commencée en français ils continuent dans leur langue. J’en profite pour passer une quiche au micro-ondes, ou plus exactement dans le « magnétron » cher à Hans, ou dans le « microgolfoven » que Guido surveille du coin de l’œil.

Quand nous avons enfin eu un gouvernement, Hans a exprimé sa sympathie en applaudissant à la création de ce « kabinet », qu’aussitôt Guido qualifia de « regering ». Parfois, ils me fatiguent un peu. Puisqu’ils parlent tous les deux le néerlandais, ce devrait aller tout seul, non ? Mais voilà, l’un parle le néerlandais des Pays-bois l’autre le néerlandais de Belgique. Et chacun avec son accent ! Qui diffère, bien entendu…

Vous avez dit « Tour de Babel » ?...

 

LORRAINE

21 avril 2012

Si... (Lorraine)

Si j’étais au matin la rosée du printemps
Je viendrais dans l’iris déposer une perle
Et si j’étais l’azur dedans le firmament
J’aiguiserais le chant que sifflote le merle

Si j’étais une fée  assise au bord du puits
J”habillerais de fleurs la charmante Lisette
Et  Lisette à son tour attendrait qu’à minuit
Le berger de son coeur apparût en cachette

Si j’étais une femme aux chagrins retenus
Je croirais néanmoins que le bonheur existe
Si j’étais le bonheur fugace ou incongru
J’irais vivre longtemps dans le coeur des artistes

Si j’étais le Destin qui gère l’univers
Je lancerais l’amour par-dessus les ruelles
J’éteindrais tous les feux qui se mettent en travers
De la paix, de la joie, et brûlent les cervelles

Si j’étais...mais je suis simplement un clavier
Jetant sur le papier mes rêves qui s’embrument
Et s’envolent au vent tout recroquevillés
Emportant l’illusion parfumée d’amertume

 

7 avril 2012

Le premier objet que je regarde ... (Lorraine)

            Comme j’habite en face du square, forcément mes métamorphoses quotidiennes ont un petit air de flânerie. Jugez-en: j’ai été le banc juste à l’entrée,  la grille qu’on ferme le soir et même le nouveau costume du gardien! Je lui donnais une folle allure avec  mes boutons dorés et mes galons aux poignets. Il m’ajustait, me tirait dessus pour éviter le moindre froissement, tapotait délicatement le pli de mon pantalon, époussetait mes revers. J’étais un vrai dandy.

        Nous nous sommes pavanés toute la journée mais le lendemain j’ai, par inadvertance,  levé les yeux vers la capeline de Mademoiselle Zaza, une gentille petite qui précède la mode au lieu de la suivre.  Ca n’a pas raté, en deux temps trois mouvements j’étais sur la tête de Zaza, qui avait ajouté au bord ajouré de la paille écrue un “suivez-moi-jeune-homme” comme au temps de sa grand’mère. Ce succès! Les garçons n’arrêtaient pas de me tripoter (pas Zaza, moi), pensez donc ce flot de rubans qui volait gracieusement derrière elle à chaque pas me valait des oeillades coquines, bouffonnes, outrées, méprisantes selon qui nous croisions.

        Zaza s’en moquait; ele m’a jeté en l’air pour rire, Armand m’a attrapé et j’ai fait le ballon quelques minutes sous les poings avisés d’Armand et de Julien. Zaza éait un peu fâchée. Quand elle m’a récupéré, ele m’a serré amoureusement contre sa poitrine et blotti, je m’y suis endormi. J’avais besoin de repos. Alors, aujourd’hui, en sortant de la maison, j’ai regardé tout net le parasol orange du marchand de glaces.

        Et je vais dormir, étendu sur ma toile, dormir et bronzer jusqu’au soir, tandis que sous moi les enfants achèteront  “une à la vanille”, “une à la pistache”, “chocolat et vanille, M’sieur”....en tendant leurs sous dans leurs petites mains un peu sales.

 

31 mars 2012

"Quoi de neuf?..." (Lorraine)

         Rien. Ou si peu. Voyons, que je récapitule: j’ai ouvert les fenêtres toutes grandes parce que le soleil les inondait déjà;  on cloue et on maçonne chez le voisin d’en face, qui rénove sa maison; j’hésite entre sortir ce matin ou marcher d’un bon pas cette après-midi; mon chat Milord tente du bout des  griffes de déstabiliser ma petite vitrine adossée au mur, détruisant d’un coup mes bibelots conservés amoureusement au cours des années. Oui, je sais, ce n ‘est pas neuf...et pourtant!

         Cette potiche chinoise reçue d’une amie me rappelle la couleur du temps en ce jour précis d’été 67; le déjeûner en porcelaine fine comme un pétale, c’est Johnny qui me l’offrit, un ami très cher, en même temps d’ailleurs que la vitrine tapissée de velours grenat, pour inaugurer un appartement (une fois de plus, je suis une grande nomade!..);  ce couple de  danseuses en porcelaine allemande le bras gracieusement levé en cerceau, le jupon en corolle fut un cadeau de ma soeur qui, sagement, répartissait ses souvenirs entre les membres de sa famille, prévoyant l’avenir. Mes deux petits anges musiciens, l’un jouant du flûteau, l’autre  du violon nous vinrent aussi de Jhonny, un jour d’anniversaire.  Et je m’aperçois, en vous les citant, qu’un à un ils ont tous  quitté cette terre et que je suis là, seule, à énumérer mes souvenirs, parce que vous m’avez demandé: “Quoi de neuf?”...

         Parce que le souvenir, pour moi ,est un constant renouveau. Selon l’instant ou l’heure, il surgit au bout de mon regard, au creux de mon âme.  Semblable et chaque fois diffférent, il m’habite.

         Vous avez dit: “Quoi de neuf?..”. Vous voyez bien: rien. Ou si peu...

17 mars 2012

LA MADELEINE DE PROUST (Lorraine)

               Hier sans raison me revint soudain en mémoire un refrain idiot et lancinant que les ondes de Radio-Toulouse lançaient jadis aux « chers auditeurs » juste avant le feuilleton du soir.

                « Je suis le Bonhomme en bois, mes meubles sont ceux qui plaisent, allez voir Boul’vard Barbès au coin de la rue là-bas….Ah ! ah ! Je suis le Bonhomme en Bois… »

                Et bientôt, machinalement, je me laissai emporter par le tempo. Il m’entraînait, il voulait me dire des choses à n’en pas douter et accablée, ne sachant où j’en étais, j’allais ouvrir la télévision pour échapper à mon obsession quand je tressaillis. Un plaisir délicieux m’envahit, isolé, dont pourtant j’ignorais la cause ! Mais je savais qu’en cet instant rien ne valait cette émotion suprême, inexpliquée et pourtant intense, effaçant d’un trait ma fatigue, les aléas de la vie, les pérégrinations de mon âme.  J’étais soudain d’une essence supérieure, une joie puissante me portait, liée intimement au « Bonhomme en Bois » et me transcendait.

                Je me tournai vers mon esprit : allait-t-il me dire pourquoi cette extase, cet engouement imprévu, ce besoin de réentendre la musiquette source d’une féiicité qui pourtant semble s’amenuiser et que je veux passionnément faire réapparaître. Je veux revivre l’apothéose qui doit m’ouvrir d’autres portes, j’en suis convaincue. Je me concentre au prix d’un effort surhumain et je chante à mi-voix, en scandant bien les paroles « Je suis le Bonhomme en Bois, mes meubles sont ceux qui plaisent… ». Je fais le vide, j’entends une rumeur, un vague souvenir se dessine, je vais l’atteindre mais il m’échappe . O dieux ! arrivera-t-il à la surface de ma conscience, ce souvenir, ce rien, cette explosion insensée ?...

                Et soudain, une voix nasillarde me crie à l’oreille : « Et maintenant, chers auditeurs, voici votre feuilleton quotidien : « Le mystère de la Chambre Jaune… ». J’y suis, un bien-être immense m’enveloppe. J’ai six ans et j’ai peur. Ah réminiscences !

                Proust avait goûté ; moi j’ai entendu. Nous sommes pourtant exactement pareils.

                Vous reprendrez bien une petite madeleine ?

 

25 février 2012

JE ME BALANCE... (LORRAINE)

 

Je me balance, balancelle,

Nous effleurons dans la nacelle

Le ciel de mon imaginaire

Où le réel est éphémère

 

Je me balance, mes amis,

Voyons, ne soyez pas contrits,

Je reviens toujours, je vous jure

Et sans la moindre meurtrissure

 

Je me balance droit devant

Par-dessus tous les paravents

Là-haut, croyez-moi, je jubile

Car aucun lien ne me mutile

 

Je me balance dans le vent

Un peu, beaucoup, passionnément

Il suffit pour que je descende

Tout simplement qu’on le demande

4 février 2012

VILLE (Lorraine)

    Le plus court chemin pour visiter Bruxelles ? Je l’ignore. Je m’y promène d’instinct, je coupe une ruelle, débouche sur un rond-point, emprunte une cour secrète, me retrouve sous un porche creusé d’un  lit de pierre sur lequel dort pour toujours un seigneur  entouré de touristes respectueusement perplexes.
    Je ne vous conte guère l’histoire de cette cité où bouillonnèrent révoltes et révolutions, conquêtes et rebellions. C’est le sort de toutes les villes opulentes voici des siècles,  que pourfendirent le peuple et la milice, le bourgeois et le gentilhomme. Il en reste quelques frontons déglingués de gloires oubliées, des lieux pittoresques, quelques tours d’enceintes, des demeures dont l’huis de chêne  s’ouvre encore sous le gong du heurtoir de cuivre. Des vestiges ensevelis sous les embellissements successifs d’une ville pourtant riche de ses turbulents souvenirs.
    En sus, Bruxelles incorpore ses rues  dont les noms suggèrent des exploits ou…rien du tout. Peut-on  trouver un point commun entre cette Rue du Melon  et celle  du Monténégro ? Le clos des Tulipes et le Chemin de  Poésie ? Le  Coin des Muses et le sentier des Oliviers ? Aucun sinon qu’ils sillonnent les communes, les colorent d’un sceau qui leur est propre et dont je ne puis vous dire qu’une chose : tous ensemble ils composent cette ville où je suis née et qui , dès lors, est mienne.

28 janvier 2012

OMBRE( Lorraine)

  

Ombre, où es-tu? Je te croyais à mes côtés, nous avons ensemble tourné le coin de la rue et me voici soudain seule. Ce que tu es agaçante! Quelquefois, tu me devances. Il t’arrive de me suivre. Mais aussi de disparaître. Tes jeux de cache-cache seraient enfantins si je n’étais assez stupide pour croire que tu le fait exprès, pour me taquiner, me narguer peut-être?

 

Certes, tu me ressembles. Nous avons la même silhouette, nous marchons du même pas, nous nous arrêtons en même temps. Mais je te perds souvent. J’ignore où tu vas. Tromper une autre femme? Calquer chaque mouvement de cet homme nonchalant qui pêche à la ligne? Disparaître soudain dans le noir d’un garage béant? T’allonger de tout ton long contre la paroi d’un édifice criard ou vibrer doucement près du canal, dans les herbes mutines sous les arbres?

Tu prends des formes multipliées; tu es ce réverbère, ce chien qui passe, ce funambule sur sa corde, l’encoignure d’une porte prometteuse de secrets. Tu dessines en ce moment même l’arrondi de ma lampe de chevet, tu es partout et tu n’es rien...Rien qu’une ombre...

14 janvier 2012

POUSSIèRE (Lorraine)

 

Poussière végétale et parfumée de thym

Quand le soleil poudroie les plaines endormies

Poussière des iris comme un miel de festin

Poussière bleue du soir aux complaintes frémies

 

Douce poussière éclose à l’antique althéa

Poussière appesantie et sentant la vanille

Poussière au goût d’encens qui s’envole là-bas

Tu rôdes nuitamment autour des campaniles

 

Qui es-tu donc poussière aux multiples couleurs

Tu éveilles en riant l’appel frileux et vague

Des souvenirs perdus et l’infime bonheur

Des serments oubliés dont le tic-tac divague

 

Poussière parsemée tout au long du chemin

Qui dans la soie du cœur se ravive et se pâme

Qui es-tu donc, dis-moi? Sinon un vieux chagrin

Un espoir, un émoi ? Une poussière d’âme ?...

 

 

17 décembre 2011

PETITES ANNONCES (Lorraine)

Les petites annonces, c’est utile. Quelquefois. Quand vous recherchez par exemple un “Hom. aim. gr. Frt, élég. Doux, pr acc. Dame et + si affinités”.  Je l’avais insérée dans une revue spécialisée  et je reçus une douzaine de photographies de mâles sous toutes les coutures . Pardon, je rectifie,  dans toutes les positions: de face, de profil, de trois quarts, habillés (à peine), biceps gonflés,  estomac rentré, muscles du poitrail accueillants, mollets de coureur, sourire carnassier. Vous voyez d’ici?

            Ils n’avaient pas besoin de X. (je tais la marque, on pourrait me poursuivre pour publicité illicite ou, au contraire, pour dérision portant atteinte au produit). Si je vous en parle, c’est qu’une erreur de mail (cela arrive!) m’avait malencontreusement prise pour un homme.  Je fus inondée d’offres alléchantes, genre: “Effet immédiat et de longue durée, dynamisme, jeunesse retrouvée sans effet secondaire, bonheur de vivre,  etc. Etc.).  Ces propositions me laissèrent de glace mais je compris mieux toute l’angoisse masculine quand survient le blocage. Je transmets donc amicalement à ceux qui le souhaitent les coordonnées de ce produit miracle.

            Mais revenons à mes athlètes. J’hésitai longtemps. Comment faire un choix? Une amie m’avait vanté les services des escort-boys (on peut aussi les appeler “gigolos”). Mais comme tout est une question de peau, je risquais de me tromper: l’apparence ne garantit pas le frisson. Il fallait essayer. Le cinquième fut le bon. Voilà un an qu’il m’est fidèle. Fidèle? Soit, n’ergotons pas sur les mots.  Un an qu’il vient fidèlement à mon coup de téléphone.

            Je vais bien, très bien même.  Vous dites?...Volontiers, je vous refile l’adesse.

 

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