Cannelle et les bars (Laura)
En déambulant dans sa ville de naissance, Cannelle ne songeait à rien d’autre qu’à fuir la maison de ses parents ; en fait, les fuir, eux et leur hypocrisie.
Elle allait de bars en bars (ceux qui étaient encore ouverts à cette heure avancée de la nuit).De plus en plus soûle, elle se prit une branche d’arbuste dans le visage. « Une ombellifère » se dit-elle.
C’était son père –féru de botanique- qui lui avait appris à reconnaître une ombellifère. Comme quoi, les connaissances acquises dans la cellule familiale ne se diluent pas forcément dans l’alcool. Pourtant, ce n’était pas faute d’essayer…Oui, vraiment, elle essayait d’oublier tout ce qu’elle avait fait pour leur faire plaisir, pour être conforme à l’image qu’il se faisait d’elle. Elle aurait voulu s’oublier elle-même telle qu’il l’avait façonnée, pleine de peurs et d’inhibitions.
Elle arrivait à cet oubli en buvant mais ça ne durait pas ; car après l’exaltation venait la dépression et encore après, le lendemain au réveil (avant de reboire), le dégoût d’elle-même.
Elle avançait en tanguant d’un bout du trottoir à l’autre. Elle essayait de corriger sa trajectoire mais c’était difficile car le feu de l’alcool la brûlait, lui envahissait le cerveau. Elle savait qu’elle n’aurait pas du continuer à boire. Elle avait déjà son compte mais elle passa tout de même la porte de chez Roberto où elle avait commencé sa tournée tôt le matin :un petit blanc pour remettre la machine en route, pour oublier la nausée, pour se nettoyer. Elle avait vu de la lumière, elle était rentrée.