Ce matin, pour la première fois depuis longtemps, j’ai mis un pied devant l’autre, sans me poser de question. Ce
matin, pour la première fois, je suis sortie de la salle de bain, en
jetant un coup d’œil furtif au reflet de mon image dans le miroir. Et
j’ai pleuré. Pas des larmes de colère, ni de désespoir ! Non, des
larmes de joie. Ce
matin, pour la première fois, je n’ai pas mis de foulard. Malgré le
froid, j’avais envi de sentir à nouveau la caresse du vent sur ma peau…
et puis je n’avais plus rien à cacher. Ce
matin, pour la première fois, j’ai préparé les petits-déjeuners sans
inquiétude. Sans vérifier une énième fois si les bols étaient bien
disposés comme tu le désirais. Sur les lignes qui se croisent, en
partant de la 5ème après la grosse ligne noire qui vient juste après la
petite rouge. Ce matin, pour la première fois, quand j’ai débarrassé la table, J’ai
osé porter à mes lèvres la rondelle de citron que tu mets toujours de
coté, pour une éventuelle deuxième tasse de thé. L’aigreur du fruit
acide m’a glacé le sang. D’un geste, j’ai chassé toutes les idées
noires qui pourrissaient ma vie.
Ce
matin pour la première fois, je me suis surprise à fredonner un air
d’autrefois… cela à bien fait rire petit Pierre. Après avoir habillé
les garçons, je les ai conduit à l’école sans porter d’horribles
lunettes noires. J’ai regardé le monde avec mes yeux. Ceux que tu
voulais garder, rien que pour toi « tant les étoiles qui se reflétaient sont lumineuses » disais-tu la 1ère fois que tu m’as abordée.
Ce
matin, pour la première fois depuis que je te connais, je n’ai pas de
bleu au cœur. Seule la couleur azurée de mon pull-over, tranche avec le
gris du ciel. Dehors rien ne semble avoir changé, et pourtant ! Cela fait maintenant
8 heures et 43 minutes exactement, que la police est entrée dans
l’appartement, alertée par des voisins qui n’en pouvaient plus des
nuisances sonores de notre poste de télévision et de tes éclats de voix
toujours plus forts, toujours plus violents.
Ce matin pour la première fois, je suis sereine, fini l’angoisse de tes pas dans le couloir. Ce matin pour la première fois, je suis libre de penser, de parler, d'avoir des projets. Ce matin pour la première fois, je sais que plus rien ne pourra me faire changer d’avis. Ce
matin pour la première fois, après avoir accompagné les enfants, je ne
vais pas rentrer directement, comme tu me l’ordonnais toujours. Quand
tu sortiras de la cellule de dégrisement je serai partie avec les
gosses. Ce matin, au commissariat, je vais signer ma déposition ….
Il faisait beau,
ce jour-là, il y a quatre ans. Ce jour-là, Majid avait pris un seau rempli d’acide et il l’a versé sur la tête de
la belle Amenah, la fière, celle qui avait refusé de l’épouser, la
garce !
Ce jour-là, le
corps d’Amenah s’est mis enfin à fondre devant les demandes de l’homme qui la
désirait.
L’acide a
rageusement rongé ses jolis yeux noirs. Il a fait liquéfier son beau visage. Il
a transformé la jeune femme en noix de beurre amer – aveugle et
cicatrisé.
Voilà comment
Majid et l’acide ont cherché à l’embraser, enfin.
- Je n’ai rien
fait de mal ! a-t-il protesté encore, tout en se moquant acerbement de
la « hideuse » lors du procès.
Mais la loi du
talion précise autrement.
La loi du talion
dit un œil pour un œil, un corrosif pour un corrosif.
Et parce qu'un homme vaut
deux femmes, Majid perdra ses deux yeux. Le tribunal l'a condamné à
recevoir dix gouttes d'acide sulfurique dans chaque œil.
Amenah, qui avait proposé cette punition, au lieu de l'argent,
a demandé au tribunal : « Retirez-lui ses yeux pour qu'il
devienne comme moi ».
- Ne vous inquiétez pas.
Je saurai lui faire la leçon, susurre l'acide.
L'As de pique dit : « Thé ! » Et la Reine de cœur, que dit-elle ? « Thé aussi ! » fait la Reine Divine. Le Roi se tait ; son amie Tiphaine accroche des ailes aux carreaux. Il rêve qu’elle enfante des fées. Le valet — vas-y, coupe ; c’est à toi — dresse sur le trèfle, — c’est l’été — les thés de l’As et la Reine. Divine, la Reine, suppe sa tisane de thé, la trouve basique. Elle hurle : « Du vinaigre pour mon thé ! »
Moralité : L’As i’dit « Thé » mais la Reine dit « Vinaigre ».
"Assis" dit Thé la maîtresse (pardon la professeure des écoles) en entrant dans la classe des petits Défiants.
"Aujourd'hui rédaction"
"Ah non" s'exclament-ils tous en choeur.
"Ah
si !" dit Thé "Le thème sera l'Acidité et vous êtes priés d'écrire en
Arial taille 12, allez sortez vos feuilles et au travail"
Ca grommelle dans les rangs.
"Comment veux-tu arriver à faire des bons mots avec ça"
"Et puis moi j'aime pas Arial"
"Et d'abord comment veux-tu qu'on arrive à écrire en Arial, moi je sais écrire qu'en Script"
"J'aime pas le citron"
"J'aime pas le vinaigre"
"Je m'en vais retourner dans les grandes plaines du far-west"
"Et les montages photos comment on les fait en Arial je vous le demande"
"Et moi qui aime mettre des petites images partout ben je vois pas comment ça va passer inaperçu"
"Vous croyez que je vais arriver à caser Miss Chasseriaux là-dedans ?"
"Et les vidéos vous en avez vu beaucoup vous en Arial"
Bref,
c'est la révolution dans la classe des Défiants, ils râlent après la
60ème consigne, faut dire que Thé la prof leur en donne à faire des
rédacs, c'est de l'acharnement, au moins une toutes les semaines,
comment voulez-vous ne pas être un peu acide après ça.
"Acidité, acidité est-ce que j'ai une gueule d'acidité"
"Ah
si dit Te(b), il y a un truc auquel elle n'a pas pensé la prof, elle a
pas dit s'il fallait écrire justifié, centré, à gauche ou à droite"
"Ouais pas bon jusqu'à maintenant on est pas des masses à avoir écrit en centré"
"T'es pas positif toi tiens !"
"Non, je suis acide voilà"
"Alors les enfants" dit assise Thé "ça avance ?"
"On réfléchit"
"De toutes façons nous on est pas acide on est tout doux et gentil"
"Je ramasse les copies" dit Thé à ses élèves "Mais c'est quoi ça, c'est la révolution ? Il n'y a rien d'écrit sur vos feuilles"
"Ah si" disent-ils "regardez en deuxième page"
Et Thé la prof voit écrit en Arial taille 12 bien appliquée le même mot sur toute les copies "Acidité".
Margarita
ou Gin Fizz ? Madame s’éclipsa dans un froufrou de satin paille. Le maître
de maison s’avança, smoking de rigueur sur une impeccable chemise de sergé
paille. Dieu qu’il est beau,
pensa-t-elle en secouant ses boucles platine.
Sur
un signe de Lawrence, le majordome, elle se tourna vers le troupeau de gorgones et autres dragons
familiaux emperlées, cravatés et momifiés qui s’engouffra illico dans la salle à
manger. Croustade d’écrevisses et asperges au citron, lotte au beurre
« colbert », poulet aux agrumes confits et lemoncake. Décidément, Jasper et Lucy étaient à la hauteur de leur
réputation culinaire. Un tour dans le salon parme ou le fumoir, avant de voir la
meute d’invités s'engouffrer dans la nuit froide.
Elle
l’observait, allongé sur le sofa, l’air satisfait. Orchidées, vins fins, cristal et
argenterie au grand complet sur la nappe tissée de fil d’or. Jusqu’à ce jour,
elle n’avait jamais connu sa belle-famille qu’à travers potins et articles de
presse. Et à ce regard sombre qu’il avait parfois. Elle y lisait toute la
tristesse d’une enfance solitaire dans le manoir grand-paternel. Jusqu’à la
salvation de l’internat à la mort de sa mère.
Elle
rit soudainement. Tu as remarqué, Chéri,
comme c’était drôle. Leurs persiflages et leurs propos acerbes, toutes leurs
piques perdaient de leur intensité au fur et à mesure du dîner. Leurs visages
avaient pris une teinte jaunâtre, comme si leurs remarques amères leur étaient
montées à la tête. Tu crois que c’était un effet d’optique ? Après tout,
les chandelles étaient en cire jaune. Ses traits se durcirent. Elle vit
passer un éclat de haine dans son regard. Ce n’est qu’au bout d’un long silence
qu’il murmura acidité gastrique.
Au
petit matin, alors qu’elle s’enivrait encore de l’odeur âcre et citronnée de sa
peau, il se confia enfin. Ils souffrent
tous de reflux variés, d’ulcères... Une tradition familiale en quelque sorte.
Estomac délicat et fiel de vipère. Leurs lèvres ne s’ouvrent que pour faire
souffrir leurs semblables. J’ai haï chaque repas sous le toit de Torsel Manor.
Toutes ces viandes grasses, ces gibiers, me donnaient la nausée et je courrais
aux cabinets pour vomir. Ma bonne me montait un porridge dans ma chambre pour
que je ne crève pas de faim. Ce n’était rien. J’ai vu ma mère retenir ses larmes
à chaque dîner. Ils l’ont tuée. J’ai pu respirer à nouveau le jour où, orphelin,
j’ai pu entrer à l’internat. J’étais maigre et souffreteux. Mais j’étais sauf.
Je me suis juré de n’avoir jamais à mendier leur argent. Qu’après ce repas, ils
crèvent, ce ne serait que justice. Mais je voulais les faire souffrir. Une seule
fois. Qu’ils savourent l’amertume de la cigüe, ces
salopards.
Il
se tourna vers elle et lui caressa la joue. C’est fini, nous ne les reverrons plus.
Ils se pencha mais ne l’embrassa pas. Ces mots lui étaient-ils
destinés ? N’avait-elle pas senti une frêle présence? Sa mère ? Sur le sol anglais, ça
n’avait rien de choquant. Et un fantôme au manoir, pourquoi
pas.
Bobby retourna soudain Pamela sur le
billard et la regarda droit dans les yeux.
- Au fait Pam, je me demandais, pour un aldéhyde de
formule : R-CH2-CO-H… Je sais que le H en alpha du carbonyle est acide car
l’attraction du carbonyle affaiblit la liaison C-H et l'ion énolate formé est
stabilisé par résonance. Mais quand même… Si c'est le cas du H en alpha, alors
pourquoi donc le H qui se trouve sur le C du carbonyle n'est pas acide vu que
l’oxygène est électronégatif et décharge le C et donc affaiblit la liaison
C-H ?
Bobby se défit vivement de l’étreinte
de Pamela pour aller saisir sa citronnade givrée.
Il but deux gorgées pensivement… Pam ne
disait rien… Il reprit alors :
- J'ai regardé dans mes bouquins, Pam,
et à chaque fois ils parlent du H en alpha qui est acide , jamais du H sur le C
du carbonyle, ça me laisse profondément perplexe... Dans un acide carboxylique,
le H du OH est acide car le O très électronégatif affaiblit la liaison O-H donc…
Est-ce que cette propriété acide dans l’aldéhyde n'est due qu’à la stabilité de
l'anion formé et se peut-il que l'affaiblissement de liaison ne puisse avoir
lieu que pour un H collé à l'hétéroatome?
Pamela rejeta sa longue crinière auburn
sur son épaule soyeuse et dit d’un air las :
- En fait Bobby, c'est très simple, les
stabilisations par effet mésomère sont beaucoup plus importantes que les stabilisations
par effet inductif… Si je me souviens bien, on appelle ce genre de cas un
équilibre céto-énolique. La forme déprotonnée est beaucoup plus stable sous la
forme énolate mais cette forme n'est accessible que si un H en alpha part.
Bobby se rapprocha, intéressé.
- Donc, si je comprends bien, le proton
en alpha est arraché plus facilement car l'anion formé est plus stable que
celui qu’on obtiendrait si on arrachait le proton sur le C carbonyle? Mais ce
dernier est quand même un peu acide non, ma Pam?
Pamela vit le trouble qui se reflétait
dans l’œil de son compagnon. Elle prit une pose lascive et, dévoilant
discrètement son voluptueux nid d’amour, elle poursuivit :
- Mon chou, il faut se dire qu'en
chimie TOUTES les réactions sont des équilibres plus ou moins déplacés !
Cela veut dire que le proton du carbonyle pourra être également arraché mais la
majeure partie des protons qui seront arrachés sur cette molécule seront ceux
en alpha du carbonyle !
Bobby, dans un état second, rapprocha
alors fougueusement son bassin de la bouche pulpeuse de Pamela et débita d’un
ton saccadé :
- Pam… L'arrachement d'un proton… sur
le C du carbonyle… conduirait… Ah… à un anion … dont la charge… négatiiiiive…
serait sur le car….bone du carbonyle… donc… sur un ah… sur un ah…tome voisin…
d'un ah… d’un atome électronégatif…ce qui est impossiiiiiiible !
Il explosa en elle et haleta :
- L'atome H du carbonyle d'un aldéhyde
n'est absolument pas acide…
Pamela bougonna quelque chose
d'inaudible et prit soudainement congé.
Comme
je n’ai plus une très bonne vue (Eh ben quoi ? Vous verrez quand ça vous
arrivera, bande de petits malins !) , je demande à ma petite-fille de me
lire les consignes pour que je puisse participer aux « délits du
samedi ». J’aime bien c’est tout plein de jeunes gens, ça me rajeunit.
Cette
semaine ça va être très dur.
Quoi ?
De la feuille ? Dur de la feuille toi-même, espèce d’ingrat !
Non,
je disais que ça allait être difficile.
La
consigne est compliquée. Elle ne me plait guère :
Pour la
soif en thème, on vous propose de jouer à la dinette. (Bon, ça je
comprends !).
Vous
avez bien lu ! (Enfin, sauf moi, je les lis pas, les consignes, parce que
c’est ma petite fille qui…Quoi ? Comment ça je radote ? Et mon pied
au cul ?).
Samedi
prochain, sur la piste des participants, excités, les sexes consignés seront
publiés. (Quoi, toi ? Comment ça,
obsédé ? Non mais dis-donc ! J’fais que répéter la consigne
moi ! ).
Ce
sera à vous deux de diner (A nous deux ? Moi et qui ? Et ma
petite-fille ?) qu’il y a d’écrit, quoi. (Oh ben ça, c’est pas
français ! Et ça se dit amoureux des mots ! Ah laisse-moi rire,
tiens !).
Après
c’est encore pire. Voilà qu’ils me parlent de la police et de mon
caractère ! Comment ils ont su ?
Charlotte ?
C’est toi qui leur a dit pour l’autre jour ? Au sujet de la police et pour mon caractère ?
J’t’avais interdit !
Bon,
ça pour la fourchette, logique. Soif, dinette, dîner, fourchette, j’ai déjà le
champ lexical. On s’en sort pas si mal !
Ah,
non d’un chien ! J’suis foutu ! Charlotte (c’est ma petite-fille,
elle est mignonne, la gosse…) vient de me dire que le thème cette semaine
c’était la surdité. J’suis baisé, les gars, vous m’verrez pas cette
semaine ! J’suis myope comme une taupe, ça, ça me connaît, mais la
surdité, j’y connais rien ! J’vais pas pouvoir participer.
Vous
m’en voulez pas, hein ? Mes oreilles, c’est tout c’qui m’reste, alors
laissez-moi les encore quelques années, d’accord ? Parce que le jour ou je
comprendrai plus rien quand ma Charlotte me lira les consignes, eh ben vous
m’verrez pu ! Et ça m’en f’ra, du chagrin, vous savez. A part ma
Charlotte, j’ai pu que vous au monde, les copains…
Tout le monde s'en rappelle
toujours. De l'avis général, c'est rarement la meilleure des fois. Oui mais
c'est la première.
Il faut dire qu'il l'attendait depuis tellement longtemps, ça fait une paie qu'il
a envie de passer à l'acte mais que l'occasion s'est faite discrète.
Et puis un jour, parce que
le patron a été encore plus con que d'habitude, parce qu'un type lui a fait une
queue de poisson, parce que le PSG a fait match nul contre l'OM, parce qu'il a
l'alcool festif, parce qu'il a enfin la faiblesse d'avoir le courage, il la
cogne.
La première fois c'est
toujours trop rapide. Juste une gifle.
Il s'étonne lui même de
l'avoir fait, mais il sait déjà qu'il va aimer ça, il sait déjà qu'il y aura
d'autres fois.
Il a franchi le pas, il l'a fait. L'histoire est en marche et
l'avenir lui appartient.
Les claques se rapprochent
en temps, s'intensifient, se font plus efficaces. Il fait dans la frappe
chirurgicale.
Puis les claques deviennent
de vrais coups, de ceux qu'on donne pour briser.
Puis les objets volent, les
meubles s'intègrent au procédé et les insultes se font toujours plus
jubilatoires.
La simple gifle de
présentation a muté en vraie correction, en "bonne branlée".
Il s'est installé dans le
processus, il s'y sent bien. Il a pris ses marques, elle compte les siennes.
Il a la présence d'esprit de
ne pas négliger la lucidité. Elle pourrait partir, se rebeller, parler ou pire,
tenter de lui donner des états d'âme.
Alors il l'entretient dans
un monde de terreur. Chaque raclée qu'il donne n'est rien par rapport à celle
qu'elle prendra si elle s'essaie au grabuge. Elle comprend ça? Bien…
Il sait lâcher du lest pour
qu'elle reste femme tout de même, qu'elle ne soit pas qu'une victime qui baisse
les yeux. Elle perdrait de son charme…
Il donne des raisons : le
boulot, les gosses ("tu préfèrerais que j'm'en prenne aux gosses,
peut-être?"), toutes les frustrations accumulées, tout l'alcool bu. Pas
forcément parce qu'il est alcoolique, non. Mais surtout parce que l'alcool est
un catalyseur, il désinhibe, décuple les forces, prend le self-control de
son incontrôlabilité, fournit une
excuse.
Boire parce qu'il cogne, pas
l'inverse.
Aux raisons, il attribue des
excuses.
Les excuses, ce n'est pas
vraiment ce qui manque. Un mot dit, un mot tu, un sourire, une expression mal
interprétée, un grief notable sur la tenue du foyer familial ou un truc que de
toute façon elle ne peut pas comprendre mais qu'elle a fait exprès de faire juste
pour l'énerver. La pute.
Lui fournira toujours les
raisons, elle fournira toujours les excuses.
Après chaque guerre il faut
reconstruire, ou du moins balayer les traces des combats.
L'armoire à pharmacie
regorge d'anti-dots et d'oublie-douleurs.
Il l'aide à penser ses
plaies, parfois. Il s'aide à panser ses plaintes, souvent.
Il l'aide à fournir des
alibis, lui rappelle qu'elle est tombée dans les escaliers ou qu'elle a pris
une porte en pleine tronche. Elle est édentée mais il est aidant.
Souvent, il accompagne tout
ça de gestes doux et prévenants, de paroles rassurantes.
Pas par rédemption, non.
D'abord pour se rassurer lui-même et se rappeler qu'il n'est pas une brute
sanguinaire mais tout simplement un "homme".
Et puis aussi pour lui
expliquer à elle. A quel point elle est conne et pénible, elle sait qu'il est
nerveux et elle l'agace exprès!
Si tout se passe bien pour
lui, elle murmurera un "oui, je sais…" et elle demandera pardon.
Alors il pourra s'endormir
en paix, serein et assouvi.
Non sans lui avoir fait
l'amour avant. Enfin il dit "faire l'amour" comme il aurait dit
"baiser". L'important c'est qu'il la saute.
Elle serre un peu les dents,
parce que son corps est endolori et parce qu'il la viole plus qu'il ne la
caresse. Elle ferme les yeux, elle gémit un peu pour l'encourager à en finir au
plus vite.
Qu'il s'endorme, enfin, avec
son sentiment du devoir accompli.
Tout n'est pas que violence
et crachats et viol.
Le reste est humiliation,
rabaissement quotidien, menaces et culpabilisation.
Qu'est-ce qu'elle
deviendrait sans lui?
Il lui rappelle qu'elle est
dépendante de lui financièrement, socialement, intellectuellement,
affectivement…
Et puis il l'aime, puisqu'il
est toujours là, avec elle.
On ne devient pas une femme
battue, on ne se retrouve pas victime. On est prédestinée à ça.
Il le lui rappelle aussi.
Il se sait crié, il se
devine moqué, il se voit caricaturé.
Mais n'est-ce pas là le lot
de tous les incompris, de tous ceux qu'on juge par principe plus que par
raison? Où est la victime?
Et qui le juge, après tout?
Les femmes, elles qui ne
sont rien sans les hommes ? Elles qui ont réclamé l'égalité des sexes alors que
la nature les a construites faibles ?
Les hommes ? Quels hommes ?
Ceux qui se laissent faire, les pédés, les lâches, les hypocrites?
Il a raison, il le sait.
Il a ses défauts, il a fait
des erreurs, il a ses souffrances et ses faiblesses.
Mais il a raison, il le
sait.
Elle fait la cuisine, il se
fait sa cuisine. La vie n'est-elle pas bien foutue?
Sur les plaies, rajouter un zeste de
citron.
Sur le visage, parsemer les gestes du
litron.
Séparer le souvenir de la mémoire,
Battre les yeux en beurre noir.
Réserver les larmes, cuire à feu dur.
Sur la patte brisée, du sel en
chapelure.
Accompagner d'un coup de rouge ou d'un
coup de sang,
J’ai toujours été un
angoissé du bocal. A me torturer pour tout et n’importe quoi. Je me rongeais
tellement les sangs que j’ai eu mon premier ulcère de l’estomac à six ans, les
médecins n’en revenaient pas. Je me consumais, pour ainsi dire, de l’intérieur.
On m’a donc interdit d’utiliser
les transports publics, j’étais considéré comme une matière dangereuse. Soumis
à étiquetage et à règlementation spécifiques. Tellement corrosif que j’irritais
tous ceux qui m’approchaient.
On peut dire que je ne
manquais pas de piquant.
Un jour que je marchais dans
la rue, je suis rentrée dans une jolie jeune fille. Sur le moment, je l’ai
trouvée plutôt caustique. Ce n’était pourtant pas ma faute si on s’était
tamponnés. Mais croyez-le ou non, elle m’a transformé.
Elle m’a totalement
neutralisé, je suis devenu doux comme un agneau.
Pourtant, elle n’a rien d’extraordinaire,
elle est même très basique. Et plutôt forte. Mais c’est la femme de ma vie.
Parler d'acidité à une victime des ulcères à l'estomac qui se bourre d'oméprazole, le plus célèbre des inhibiteurs de la pompe à protons, faut être gonflée ! Pour neutraliser l'effet je me dois donc d'être caustique (Où est le bicarbonate, vingt dieux !), ça ne va pas faciliter les choses. Quoique... Ben tiens, à ce propos, puisqu'on en est aux devinettes, pensez-vous que le style d'un auteur trempant sa plume dans le vitriol puisse, justement, être qualifié de caustique ?
Je tiens à préciser que ceux qui m'ont reconnu (tout le monde, donc) n'ont rien gagné, même pas septante centimes. Ça va maintenant, votre franc est tombé ?
Ca la foutrait
mal si je me débinais sur ce défi ! Le soixantième… Quelle
coïncidence ! Figurez-vous que ce matin (en beurrant ma tartine, l’avais-je
précisé ?), c’est alors que ça s’est produit, je me suis aperçu qu’en
ajoutant les jours d’avril à ceux de septembre, on arrivait au même nombre… Vous
n’en avez rien à fiche n’est-ce pas ? Vous avez raison, moi non plus !
Mais si je veux poster mon texte incognito, il me faut l’allonger… A quoi
servirait une devinette si je vous donnais immédiatement la
réponse ?
Quand j’étais
jeune (c'est-à-dire dans un passé récent), je travaillais au stalag 12 en tant
que chimiste. Dans mes temps perdus (et ils étaient nombreux parce que mes
gentilles collègues féminines adoraient travailler à ma place), dans mes temps
perdus donc, j’étudiais le langage HTML, j’ai essayé en vain de l’apprivoiser
mais les navigateurs sont restés sourds à mes appels… Je suis vexé ! Moi
qui jadis ai eu droit au système sexagésimal des degrés, minutes et
secondes ; au système vicésimal des sols et au do décimal des deniers,
voilà que le guide complet ne m’offre pas de solution au problème dont je vous
ai déjà parlé ici.
Je vous
bassine depuis un petit temps et tout cela, bien entendu, vous laisse
froids ! Je vous entends venir « qu’est-ce que tu fais de la
consigne ? » Je n’ai pas jusqu’à présent spécialement brillé par le
respect des consignes mais quand faut y aller, faut y
aller.
Acide :
chacun sait qu’en chimie, c’est le nom générique des corps capables de donner
des protons, notamment ceux dont la solution dans l’eau fournit des ions H3O+ et
qui agissent sur les bases et les métaux en formant des sels…, encore un peu de
patience, j’y arrive :
Acidité :
… N’avez-vous pas tous un dictionnaire à portée de la main ? Il ne faudrait
pas que je dépasse le nombre de caractères autorisés ! Je m’en voudrais
d’être caustique mais un peu de travail n’a jamais fait de tort à personne… Je
vous laisse chercher…
Vous allez me
traiter d’ours mal léché ? Tant pis ! Je prends le risque ! De
toute façon, je réponds rarement aux commentaires...
- un
équaliseur d'aigus, ça donne de l'acidité à la piste enregistrée.
- ...
t'es obligé d'en mettre ? ça vrille déjà pas mal la tête ton truc.
-
bon. tu m'as dit vouloir retrouver le son du Revolver des Beatles. eh bien,
c'est ça qu'ils ont mis partout comme effet. les guitares n'en sonnent qu'avec
un meilleur grain acidulé. très pop. on fait pas mieux.
Juste avant de goûter un repos bien mérité, Dieu créa Adam et Eve et je l'en
remercie puisqu'à un jour près je n'aurais pu écrire ce Traité d'Acidité.Adam
aurait dit selon des témoins "Dieu créa Adam mais Eve" après qu'elle se fut
empressée de lui offrir ce que Dieu avait créé au troisième jour et qui reste
aux hommes en travers de la gorge... un fruit au péache plutôt
acide. Expliquons qu'au premier jour la formation des planètes et
l'embrasement du soleil avaient donné naissance à "l'hydre aux gènes" et donc au
péache qu'on nomme aujourd'hui pH. Dès lors le grand combat entre acide et
basique allait commencer: Placide contre Al Calin ou Comment Satan met son grain
de sel dans le panier de la ménagère. Stressé par ce premier pépin, Adam
regardait baisser son péache avec inquiétude; alors Dieu créa le sommeil pour
son plus grand plaisir et au grand dam d'Eve qui était assez chaude selon des
témoins au-cul-l'air. Alors Satan créa le café, y ajouta le sucre et je l'en
remercie tant j'aime le café sucré. Le péache d'Adam en prit un coup mais
c'était sans compter sur Dieu qui riposta en créant les volailles puis les oeufs
ou le contraire, puis de mal en pis le fromage et enfin les fameux yaourts au
bifidus actifus. Le combat allait durer longtemps puisque 400 ans avant JC,
Hippocrate qui n'était pas à un serment près déclarait « l’acide est le plus
nuisible des états d’humeur". A cette époque Adam avait pris de la bouteille
ce qui n'arrangeait rien, et pas mal de thé-citron créé par Satan à défaut du
Coca Cola... mais il ne perdait rien pour attendre, d'après le devin Yes
OuiCane. Patates, bananes et fayots étaient arrivés à point nommé pour le
sauver d'une mort certaine et buvant la bonne parole, Adam se sentit un peu
rassuré: "Mange cinq fruits et légumes par jour, et tu auras la vie
sauve". Facile à dire quand l'Autre exhibe le miel et les six rôts des rables
! Monté sur sa balance à péache, marque déposée par Dieu, Adam qui n'était
pas bégueule s'efforçait de tutoyer le chiffre Sept du mieux qu'il pouvait sous
le regard indifférent d'Eve qui ne pensait qu'à son plaisir selon des témoins.
Eve usait beaucoup des bains de mer depuis que Satan avait ensablé Cabourg
et Deauville, et surtout de l'absinthe créée par Dieu, soi-disant pour soigner
le mal de mer... mais les absinthes ont toujours tort! Dès lors ni
l'Antiquité ni le Moyen Age et surtout pas le Second Millénaire n'auront su
consolider cet équilibre des plus fragiles; alors à vos balances à péache...
enfin, c'est vous qui voyez, et arrêtez de penser que là où il y a de
l'hydrogène il n'y a pas de plaisir.
Voilà
cette fois je la sens enfin se libérer cette sournoise colère ! Vous
m’avez tellement dit que j’étais gentil, adorable, bon, serviable. Je vais
changer puisque c’est ce que vous voulez, vous me verrez méchant, détestable,
pourri, infréquentable…
Si
quelqu’un tente d’entamer une conversation avec moi, de m’amadouer, je vais
devenir mordant, acide, perfide s’il le faut…
Je
le regarderai droit dans les yeux. Je m’amuserai à le voir déployer tous ses
efforts pour me faire changer.
Il
tentera tout… je tiendrai bon !
Je
lui répondrai méchamment, l’enverrai balader, l’insulterai. Et puis il se
résignera, abdiquera.
Alors
je deviendrai irascible, je repousserai tout le monde, je ferai le vide autour
de moi.