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Le défi du samedi
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17 janvier 2015

Le portait d'un oiseau (Emma)

Forcément certains de vous, amis défiants, aurez l'idée de faire le portrait d'un oiseau, mais pour l'émotion de retrouver la voix de l'ami Serge, c'est ici (clic) (ne pas manquer cette écoute)

 

…//Faire le portrait de l'arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l'oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
Si l'oiseau ne chante pas
c'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il chante c'est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l'oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.

 

J'ai suivi les conseils de Prévert, et il est venu, l'oiseau, mais je ne l'ai pas encore entendu chanter....alors j'attends un signe pour signer

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17 janvier 2015

Illusion (Walrus)

Embrassant la photo d'un seul regard, je n'y ai vu que des branchages se détachant sur un ciel gris.

Mais à y regarder de plus près, j'ai repéré les quelques ondulations qui m'ont fait revoir mon interprétation : les rameaux se découpent sur fond d'eau où se reflète le ciel sombre. Et la position des goutelettes s'intègre mieux à la vue.

 

Comme un peu d'attention peut nous aider à mieux comprendre !

(Quelle leçon ? Je parle de l'image...)

17 janvier 2015

L’empreinte (EnlumériA)


C’est un robot-groom à la voix chuintante et au pas menu qui introduisit l’archéo-docteur Sorlens dans l’antichambre. Angoissé et vaguement fébrile, il tenait contre sa poitrine la petite mallette dans laquelle il conservait sa découverte. C’était la première fois qu’il rencontrait le Sondeur-Commodore Lëondradt ; et le voyage interminable et pour tout dire angoissant l’avait épuisé.
« Son excellence le Sondeur-Commodore Lëondradt va vous recevoir dans un instant, dit le robot-groom. Souhaitez-vous un rafraichissement pour patienter ? »
L’archéo-docteur Sorlens déclina l’offre et prit place sur un élégant fauteuil furtif aux formes incertaines. Il posa délicatement sa mallette sur ses genoux serrés et attendit. Les accords lancinants d’une musique venue de nulle part conférait à la pièce une atmosphère feutrée. Les minutes s’égrenaient comme à regret. Dans le vaste miroir qui ornait l’antichambre, Sorlens discernait un petit homme fluet aux épaules rentrées, à la silhouette étriquée, presque insignifiant. Cependant le regard clair et dur que lui renvoyait son reflet exprimait un indéfinissable sentiment de ruse mêlée d’opiniâtreté.  
La porte s’ouvrit enfin sur un homme de haute stature vêtu de l’uniforme pourpre propre à son rang. Sorlens reconnut immédiatement le chambellan Mercy, premier conseiller du Sondeur-Commodore.
— Docteur Sorlens. Salut et fraternité. Vous avez fait bon voyage ? Venez. Le Sondeur-Commodore vous attend avec impatience. Il a hâte d’apprécier votre découverte à sa juste mesure.
Sorlens se leva pour serrer la main du conseiller qui s’effaça aussitôt pour lui permettre d’entrer dans le bureau du Sondeur-Commodore. Ce dernier se tenait debout près de la baie vitrée. Un large sourire éclairait la barbe de jais qu’il portait à la mode du moment. Il était habillé avec la simplicité des moines Shonsay. Une bague d’onyx à sa main droite témoignait d’une touche de fantaisie.
— Ainsi, voilà notre éminent archéo-docteur. Merci d’avoir répondu à mon invitation. Je vous en prie, veuillez prendre place, dit le Sondeur-Commodore de cette voix ample et grave qui trahissait la présence d’implants vocodeurs.
Sorlens, plus intimidé qu’effrayé au final, s’installa du bout des fesses sur le siège, sa mallette toujours blottie contre sa poitrine. Lëondradt prit place en vis-à-vis. Il observait l’archéo-docteur d’un œil curieux. Il se rencogna dans son siège et croisant les bras demanda si Sorlens avait eu le temps d’apprécier Furianow, la capitale de Terra Austria. L’archéo-docteur se plia de bonne grâce à cette futile entrée en matière, puis fit mine de présenter sa mallette.
— Je crois que le temps de votre excellence est précieux. Me permettez-vous de…
— Mais, justement, j’allais y venir, coupa Lëondradt. Ainsi, il semble que vous ayez mis la main sur une découverte exceptionnelle. Mercy m’a parlé d’une sorte de référence à de vieux mythes. Pourriez-vous éclaircir ma modeste lanterne.
Pour toute réponse, Sorlens ouvrit la mallette et en présenta le contenu au Sondeur-Commodore. Celui-ci se pencha un peu, intrigué et perplexe.
— Je ne comprends pas très bien ce que c’est, fit-il sur le ton de la confidence. Pouvez-vous m’expliquer.
L’archéo-docteur se racla la gorge pour s’éclaircir la voix, puis sortit avec d’extrêmes précautions une plaque de syncristal dans laquelle était sertie une forme oblongue assez incompréhensible parcourue par de fins réseaux grisâtres ponctués de minuscules taches blanches.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Lëondradt. On dirait une image à deux dimensions. C’est absurde.
— C’est une empreinte graphique, expliqua Sorlens. C’est très ancien. D’après les analyses, cet objet aurait aux alentours de 6 ou 700 années standards.
Lëondradt émis un sifflement admiratif.
— Tant que ça. Mais docteur, on dirait que cette chose a été manufacturée. Or chacun sait que le monde de cette lointaine époque n’était qu’un désert de poussière tout juste peuplé de lichens et de bêtes.
— Il semblerait que non. J’ai découvert cette empreinte dans une bizarre configuration rocheuse géométriquement parfaite. Un peu comme les vestiges d’une habitation. Mon équipe a également extrait du sédiment divers artefacts.
— Mais… Selon l’Académie d’Histoire Sainte, la raison a été révélée aux Hommes par Notre Sublime Sondeur, il y a seulement trois siècles. Toute autre explication relève…
— du mythe ?
— Ou du blasphème. La frontière est mince, docteur.
Un frisson parcourut les épaules de Sorlens. Il n’aimait pas ce qu’il venait de lire dans le regard de son interlocuteur.
— C’est vraiment ce que vous pensez ? Moi, je ne vous parle que de science, excellence. Regardez mieux cette empreinte et dites-moi ce que vous voyez.
Le Sondeur-Commodore se caressait le menton d’un air absent. Il adressa un bref signe de tête au chambellan pour l’inviter à regarder aussi. Ce dernier posa familièrement sa main sur l’épaule de Lëondradt et examina attentivement l’empreinte. Une expression de profond scepticisme mêlé d’incompréhension se lisait sur le visage des deux hommes.
— Voyez, Excellence. Observez bien les réseaux qui parcourent l’empreinte. Remarquez que cela ressemble à des tiges irrégulières.
— Oui. Comme si elles avaient été tordues et redressées. Mais, docteur, sur quoi sont-elles posées ces tiges ?
— Elles ne sont posées sur rien, expliqua Sorlens. La surface grise que vous voyez autour, c’est le ciel.
— Le ciel ? De cette couleur ? s’écria le Chambellan. Mais c’est absurde. Le ciel n’a jamais été gris. Il est jaune. Il a toujours été jaune depuis le premier jour de la création.
— Et pourtant, ce ne peut-être que le ciel parce que…
— Parce que ?
Sorlens attendit un instant. Le Sondeur-Commodore l’observait avec cet air étrange qui laisse présager quelque ennui à venir. Le Chambellan était blanc comme un linge. Un silence de mauvais aloi encrassait l’atmosphère. Au-dehors, le vrombissement aigre d’un orthoptère apporta une touche de bizarrerie supplémentaire.
— J’attends votre théorie avec impatience, dit Lëondradt d’une voix blanche.
— Ce que vous voyez sur cette empreinte était un… arbre, excellence.
Le Sondeur-Commodore se leva d’un bond, faisant sursauter du même coup Mercy et Sorlens. Les mains jointes dans le dos, il se dirigea vers la baie vitrée et regarda au dehors. Il semblait soudain extrêmement préoccupé. Le chambellan Mercy s’approcha du bar et se servit un verre de liqueur sans en proposer à Sorlens.
D’interminables minutes s’écoulèrent, chacun demeurant sur son quant-à-soi. On percevait la respiration oppressé du docteur et celle plus profonde du Chambellan. Lëondradt semblait de marbre.
Enfin, il se retourna vers l’archéo-docteur.
— Il semble que vous ayez soulevé un point de divergence. Je ne vous savez pas partisan de l’ancienne croyance. Docteur, si les savants de l’Académie d’Histoire Sainte disent que le monde a été peuplé par l’Homme il y a trois siècles grâce à Notre Sublime Sondeur, je le crois et si je dis que les arbres sont des créatures mythiques qui n’ont jamais existé, j’aime qu’on me croie. Ne suis-je pas, par mon statut, le commandeur des croyants ? Oseriez-vous mettre ma parole en doute ?
— Certes non, votre excellence. Mon but n’est que d’enrichir nos connaissances. Je…
— Nous allons conserver votre… empreinte afin de la faire étudier par nos savants. Je vous souhaite un bon séjour dans notre capitale, cher docteur. Je vous ferai part de mes conclusions dans quelques jours.
Ainsi, l’entretien était terminé. L’archéo-docteur Sorlens prit donc congé selon le protocole, accompagné par le robot-majordome qui prononça les formules d’usage.
Aussitôt seuls, les deux hommes se regardèrent avec un air de connivence. Le Sondeur-Commodore décrocha le téléphone.
— Capitaine Chonsoert. L’archéo-docteur Sorlens s’apprête à quitter le palais. C’est un homme dangereux. Stoppez-le !

Évreux, le 16 janvier 2015

17 janvier 2015

Cicatrices (par joye)

L’attaque fut brutale mais sommaire.

À moment donné, il y a vingt mois, deux semaines, et trois jours, entre 17h45 et 18h, un soir pendant qu’elle rentrait du boulot, ma femme fut attaquée. Battue. Violée. Meurtrie. Défigurée.

Autant qu'on puisse savoir, son assaillant réussit d’abord à lui casser le bras gauche et la cheville droite en la jetant par terre. Ensuite, il dut piétiner sa tête, écrasant la moitié droite de son visage contre le trottoir. Grâce à un miracle quelconque, il ne lui brisa pas le cou.

Et, pendant qu’elle saignait, pendant qu’elle souffrait, pendant que sa mâchoire ruinée l’empêchait d’appeler au secours, il lui fit une dernière violation.

Il dut lui cracher à la figure avant de se sauver. J’espère qu’elle était inconsciente, qu’elle ne se rendait pas compte que tous ces passants, rentrant à la même heure qu’elle, sur le même chemin qu’elle, ne virent rien. N’entendirent rien. Jusqu’ici, elle et moi nous n’en parlâmes pas.

Enfin, quelqu’un la remarqua dans l’obscurité, pas très loin de la sortie du métro et appela la police. Les secouristes, en arrivant, retrouvèrent  ma femme au bord du trottoir,  froissée et moite, comme un bout de papier de soie écarlate foncé et jeté au caniveau.

Je me souviens de nos retrouvailles, à l’hosto, après. Je ne regardai pas les plâtres. Je ne regardai son corps, qui paraissait bizarrement tordu sous le drap. Je n’osai pas trop regarder son visage, ni ses yeux enflés.

Muet, je ne vis que sa joue droite,  suintant comme une part de steak tartare sous la lumière d’examen cruelle au-dessus de son lit.

Vous savez, elle ne s'en souvient pas, et moi, je ne me souviens plus du tout de notre couple d’avant. Maintenant, notre quotidien est un cauchemar rouge criant, peuplé de toubibs et d'infirmières, de consultations, de marathons d’interventions chirurgicales, de médocs, de thérapie physique et psychiatrique, et encore - comme vous pouvez bien vous imaginer.

Parmi d’autres marques profondes qui resteront à tout jamais, le chirurgien ne sut pas réparer cette cicatrice énorme qui recouvre encore sa joue droite comme une toile d’araignée de filigrane,  comme des branches nues d’un arbre en hiver. Au commencement, la blessure était la couleur de la colère. D’abord rouge, puis pourpre, puis cramoisie.

Hier, pour la première fois depuis une éternité, nous allâmes nous promener au bord du lac. Assise sur un banc, elle regarda l’eau.

Moi, j’étudiai les branches de l’arbre contre le bleu clair de l’eau.

illustration

 

17 janvier 2015

Après la pluie (MAP)

 

Après la pluie

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17 janvier 2015

Jamais (JAK)

ja

17 janvier 2015

Ciel Gris par bongopinot

bo01

 

 

Un arbre en pleurs

Mais qui fait face

Retrouvera sa grandeur

Après l'hiver de glace

 

Il pleut et il vente

 Et passe des larmes

Et dans cette tempête

Siffle ton drame

 

 Devant ce ciel gris

Cet arbre dénudé

Ne fait aucun bruit

Amaigri et gelé

 

 Arbre sans feuilles

Ton écorce se voûte

Et le temps s’effeuille

Mais est-il honnête

 

Et le gel fond

En gouttelettes

Une autre saison

Arrive en vedette

 

10 janvier 2015

Défi #333

Laissez vous inspirer par cette photo :

Gouttelettes

Vos envois seront accueillis à

samedidefi@gmail.com

A tout bientôt !

10 janvier 2015

Nous ont fait part de leurs... réflexions

10 janvier 2015

Participation de Venise

 

L’existence est un miroir qui te condamne à l’isolement.

Brise-le !! et  affiches toi comme une gargouille, la bouche ouverte pour en manger l’étain.

Certes sans miroir tu ne distingueras guère plus tes traits et comme une vielle voiture à la batterie épuisée  tu te traineras jusqu’à lui  comme une caisse de soldats de plomb.

Peu importe que tu sois noir, blanc ou peau rouge  le miroir distribue à la roulette les races et le temps, dans nos reflets ridicules.

Ce miroir est comme un photographe qui prendrait  toute sa vie des clichés de nos cous de girafes comme au temps du cinéma muet.
Le miroir est incapable  de contrarier l’inexorable travail du temps  par manque d’imagination sans doute.

Il sera toujours là pour donner un avis négatif à ton ouvrage.

J’ai moi même tenté de le séduire, de piquer sa curiosité mais il est resté un humble employé que je suis sur le point de congédier.

 

10 janvier 2015

miroir, mon beau miroir… (Fairywen)

 

Miroir, mon beau miroir…

Miroir, miroir,

Mon beau miroir,

Reflet de tes yeux,

Mémoire des jours heureux…

 

Miroir, miroir,

Mon beau miroir,

Reflet de l’onde pure,

Parfum d’aventures…

 

Miroir, miroir,

Mon beau miroir,

Témoin de ma vie,

Jeunesse qui s’enfuit,

Vieillesse qui mûrit…

 

Miroir, miroir,

Mon beau miroir,

Gardien de mes secrets,

Complice de toutes ses années

Par les yeux de mon amant

Qui me voit toujours comme il y a vingt ans,

J’ai appris à aimer

Tout ce que tu m’as montré

Illustration défi 332 du samedi 3 janvier 2015

10 janvier 2015

Participation de Lilou

Miroir, mon beau miroir

Je te hais,  oui je te hais !!!!

Toi mon compagnon de tous les jours, et même de tous les instants, aujourd’hui je te hais ! Oui je te hais.

Tu oses me demander pourquoi ! Tu as un culot phénoménal de te présenter à moi comme cela ce matin….

Mais revenons en arrière d’une cinquantaine d’année. C’est trop ! Alors disons quarante-cinq ans. Je t’ai rencontré et, pour la première fois on me rendait ce que je montrais avec une fidélité exemplaire. Tu étais indéfectible ; chaque jour je te posais la même question : suis-je belle et la plus belle ? Oui me répondais-tu, tu es la plus belle. Tu prenais soin de moi comme je prenais soin de toi ; oui bien sûr tu n’aimais pas que je t’asperge de détergent, ta vue se brouillait mais c’était pour mieux te contempler mon cher miroir. Tu me disais que j’avais une mèche de cheveux de travers, tu me consolais quand je pleurais avec des mots parfois durs : attention tu as les yeux gonflés et rouges. Tu me raillais quand le maquillage était un peu trop accentué avec des couleurs de caméléon et tu te souviens encore de cette horrible robe que ma mère avait voulu me faire porter pour le bal des anciennes de l’école. Quel fou rire !

Puis, je me mis à t’emmener partout. Tu étais dans mon sac et cela me rassurait ; fallait bien repoudrer le nez et remettre un peu de rouge pour donner bonne mine.

Une fois cependant tu m’as dit : « tu toujours aussi  belle mais attention, trois belles jeunes filles qui te ressemblent, te rattrapent et bientôt tu seras coiffée sur le poteau d’arrivée ». Je n’étais pas jalouse, elles étaient un peu moi les demoiselles.

Et puis le temps inexorable  passait et plus il temps passait plus tu devenais grognon. Tu te mis à faire grise mine. Je t’ai demandé si c’était mes ridules qui te gênaient. Tu m’as bredouillé une réponse comme on fait une pirouette et je me suis mise à chanter : Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir ! Tout en me tartinant de sérums de jeunesse et de crème anti rides, d’antis radicaux libres, d’anti vieillissement de jour et de nuit.

Rien n’y fit et aujourd’hui, je te découvre aussi craquelé qu’un tableau de Bruegel !

Miroir, je te hais, hélas tu ne peux rien contre la fuite du temps, mais tu réfléchis bien !

 

10 janvier 2015

Matière à réflexion (Vegas sur sarthe)

Qu'on se souvienne ou pas qu'on appelait, Blanche laCappuccetto Rosso ou encore la Petite Cape Rouge, toujours est-il qu'elle était partie chercher ingrédient ou deux pour sa marâtre impatiente de confectionner le traditionnel masque de beauté de Cesare Frangipani à base de frangipane et de beurre en pot.

Ainsi donc chaque matin le miroir de la marâtre - son royal smartfaune- lui donnait des nouvelles fraîches de ses sujets ainsi que des nouvelles fraîches du temps qu'il fait et des recettes de beauté pour rester fraîche jour après jour car il y avait des applications pour tout ça.

Smartfaune, Ô mon beau smartfaune, dis-moi qui est la plus gironde?” interrogeait tactilement chaque matin la marâtre puisqu'elle avait un doigt pour ça.
Le miroir était trop poli pour être honnête et la marâtre trop imbue d'elle-même, fière et vaniteuse et aussi trop bête et méchante pour réfléchir autant qu'un miroir.
C'est le miroir qui se mire dans la reine et pas le contraire se répétait-elle, mais si le royal
smartfaune ne répondait pas à cette question c'est qu'il n'y avait pas encore d'application pour ça et la marâtre fulminait chaque matin depuis que le conte existait.

Le roi Merlin - dit l'enchanteur et par qui les envies prennent vie - l'avait maintes fois prévenue: “Ô marâtre! Ce smartfaune dernier cri “Made in Empire du Milieu” vous perdra. Vous en deviendrez esclave, vous en oublierez le héraut qui sonne, le crieur qui crie, le bonimenteur qui bonimente, la cire qui cachette en cachette, le coursier qui course, l'oiseau qui touite au printemps et aussi les...”

Ô toi dont les envies prennent vie quand pour d'autres c'est fastoche” fulmina la marâtre “tu disais déjà ça pour ma quenouille sans fil, mes loups Boutin de sept lieues, mon épilateur Excalibur, ma lampe halogène de chez Aladin mais aucune des catastrophes que tu m'as prophétisée ne s'est jamais produite!!”

Lorsqu'il était désenchanté l'enchanteur se transformait parfois en cerf vidé et c'est ce qu'il fit.
Comme il regagnait ses bois - ce qui est une bonne chose pour un cerf, même vidé - le royal
smartfaune se mit à émettre une troublante musique.

Smartfaune, Ô mon beau smartfaune, quel air me joues-tu? Dis-moi tout, car je suis la marâtre et je dois tout savoir!” ordonna la marâtre.

Ô marâtre, puisque vous voulez tout savoir j'ai la puce qui sautoie, la mémoire qui flanchoie et aussi la batterie qui merdoie” répondit le smartfaune qui se sentaitde moins en moins royal.
C'est pas cool” répondit la marâtre désabusée et, du doigt qu'elle avait pour ça elle s'empressa de poster un courriel à l'Empire du Milieu avant que son smartfaune ne se pâme.

A mille sept cent lieues de là - soit huit mille kilomètres car la lieue était à 6.47 kilomètres à cette époque - un philosophe de l'Empire du Milieu, affecté au service après-vente déchiffrait entre deux parties de mikado un étrange courriel venu du château de Stauffenburg en Basse Saxe.
Avec celui de Harry Potter, celui de la Belle, celui de la princesse Kaguya et celui de Shrek, ça commençait à faire beaucoup de problèmes autour du merveilleux
smartfaune dernier cri “Made in Empire du Milieu”!

Avec toute la philosophie propre aux sujets de l'Empire du Milieu, il estima que cette marâtre se prenait le chou pour peu de choses et se contenta de lui renvoyer un lien wiki vers Freud et Jung accompagné d'un coupon de réduction sur l'achat d'une horloge * comtoise connectée...

 

A dix lieues de là, Blanche - qu'on appelait toujours Cappuccetto Rosso ou encore la Petite Cape Rouge - croisa un cerf vidé qui ruminait dans sa barbe mais elle se garda bien de le questionner, de peur d'être hors sujet.
Elle se rendait tout droit chez sa great-mother-fucker, sans passer par la case Départ, sans recevoir vingt mille sequins, sans ces foutus miroirs que tout le royaume avait reçu en étrennes... et elle se dit que c'était bien.

 

* l'horloge comtoise est celle qu'on trouve dans les contes (connectée ou pas)

10 janvier 2015

De l'autre côté du miroir (Walrus)

Si l'on se met à réfléchir, à spéculer même, sur les réflexions spéculaires, on tombe vite sur les gros mots et les expressions douteuses : chiralité, énantiomorphisme, diastéréoisomères, dextrogire, mélange racémique, nomencalture Cahn-Ingold-Prelog, j'en passe et de meilleures... si, si !

 

Enantiomere-3D

 

On en viendrait peut-être même à se demander si ce mec que l'on contemple de l'autre côté du miroir et qui prend notre droite pour sa gauche, a aussi ses composants biologiques inversés ? Sa vitamine C est-elle de l'acide D-(-)-ascorbique alors que la nôtre est l'acide L-(+)-ascorbique* ?

Question oiseuse s'il en est, puisque, comme chacun sait, les images spéculaires sont virtuelles.

Le mec de l'autre côté du miroir n'existe pas, n'en déplaise à Alice et à l'Ange Heurtebise.

 


* (5R)-5-[(1S)-1,2-dihydroxyéthyl]-3,4-dihydroxyfuran-2-one
si l'on se réfère à la nomenclature évoquée ci-dessus

10 janvier 2015

Participation de Nhand

UN CERTAIN MIROIR

 

 

D'abord, tes yeux comme un miroir
Dans lequel je me vois sourire...
Sans un mot, tu sais me décrire
La fin de tout mon désespoir.
Je me découvre et m'envisage
Heureux pour le reste des jours,
J'entends s'accorder nos tambours ;
Nous parlent-ils d'un bon présage ?

Le temps court, les saisons se font
Au soleil leur petite place,
La pluie éreinte, le vent lasse,
Mais l'été revient vite, au fond.

D'ailleurs, je ne hais point l'automne,
Jusqu'à ce maudit lundi noir
Où je ne vois dans le miroir
Que l'ombre d'une autre personne...
Je m'étais presque trouvé beau,
Voici mes charmes obsolètes,
Ce n'est plus moi que tu reflètes ;
Ta flamme change de flambeau !

Les saisons vont, le temps décampe,
Un cafard infernal, bavard,
Saigne et prend mon cœur pour buvard ;
Autant que j'éteigne la lampe !

Et puis, soudain, le désespoir,
Par enchantement, se défile
À nouveau lorsque se profile
L'éclat retrouvé du miroir...

 

 

LOGO NH-PF

10 janvier 2015

Le miroir (Krystel)

Miroir,oh mon beau miroir!

Qu’elle est donc cette vieille femme qui me scrute de son regard sombre et triste?

Les cernes sont soulignées par le Rimmel ,qui n’a pas résisté au rythme effréné de cette fin de matinée.

Mon visage au teint olive semble suspendu dans les profondeurs du miroir.

Sur mon front, je repousse une mèche blonde qui tente de s’échapper de mon chignon.

Une ébauche de sourire s’élance sur mes lèvres fines,comme si personne ne pouvait résister à l’emprise de ce grand réfléchisseur.

Sa tendre complaisance à mon égard efface en un instant toute mélancolie.

Quel ami sincère!Usant de son empathie,il se penche sur nos vies,reflète nos états d’âmes pour révéler nôtre inconscient à celui qui veut bien voir.

Derrière moi,une voix impatiente s’élève: «Mais enfin Maryléne,que faîtes-vous?»

Je fais un clin d’oeil à mon complice,et m’en retourne auprès de Blanche.

J’observe la carnation pâle de son joli minois,encadré par ses longs cheveux bruns,ses yeux noisettes m’interrogent.: «Si vous ne vous pressez pas ,m’implora-t-elle,je vais être en retard à ma séance!»

«Allons,la rassurais-je,vous avez rendez-vous à onze heure,nous avons le temps il n’est que dix heure.»

Elle haussa les épaules et pivota sur le bord de son lit,ses longues jambes nerveuses pendaient mollement.

Je me saisis de sa paire de baskets et la chaussait rapidement.

Elle se leva,dépliant son long et frêle corps,liane vacillante que je soutenais fermement.

Je l’accompagnais dans la salle de bain,pour elle, chaque pas est une épreuve d’équilibriste.

Elle s’assied face au miroir et mesure le chemin parcouru.

Ses mains fines se tendent vers ce destin perturbé,ses doigts s’immiscent dans le creux de la cicatrice qui orne sa tempe droite,sous la peau du crâne semble battre un coeur,fragile sans sa carapace osseuse.

Son apparence a tellement changé,ses petits anges oseront-ils l’enlacer,l’embrasser?

Calmement elle attrape sa brosse à cheveux.

Tenter un geste rationnel pour appréhender l’irrationnel.

Je pose une main amicale sur son épaule,je suis très impressionnée par son courage.

«Vous êtes une femme magnifique Blanche!»Murmurais-je.

Miroir,oh mon beau miroir,vous êtes donc cette femme qui veille sur moi!

 

10 janvier 2015

L’homme au manteau gris (EnlumériA)

Le Merrygold Exotic Tearoom était un établissement de style colonial, décoré de plantes vertes surdimensionnées, de bouddhas désœuvrés et d’hilares poussahs chinois obèses jusqu’à la lippe. Une atmosphère feutrée de salon proustien saturait les lieux fréquentés par des dandys post-victoriens, des punks dilettantes et crunchy ainsi que de vieilles dames compassées de mode. Un fond musical discret laissait croire que le fantôme d’Éric Satie hantait l’endroit de sa présence éthérée. Les habitués y dégustaient des crumbles aux fruits rouges arrosés de thé noir Marco Polo ou bien des cheesecakes accompagnés de Darjeeling Himalaya. D’autres, plus austères, se contentaient de quelques financiers timidement humectés de café Bluemountain ou Bourbon pointu. Quant à moi, mes préférences s’orientaient plutôt pour un Gunpowder et quelques biscuits fins à la vanille de Madagascar.

Je me souviens qu’au milieu de cette faune interlope évoluait parfois un personnage étrange et déplacé perpétuellement vêtu d’un manteau gris. Oh, Dieu ! La tristesse et la médiocrité de cette dégaine ! Ne croyez pas que je méprise le gris, non. Il en existe de somptueux comme l’anthracite ou le pinchard, le gris de Payne, le gris souris, l’ardoise ou encore le gris perle. Certaine auteure américaine n’en a-t-elle pas récemment vanté cinquante nuances. Mais là, mes amis, que vous dire à propos de cette affligeante teinture qui telle une pollution visuelle encrassait mon calme regard jusqu’à l’écœurement.

Cet après-midi là, alors que je venais de m’installer à ma table habituelle et que je dépliais mon Monde Diplomatique à la page économique, je constatais sans plaisir que le sinistre acolyte perturbait une fois de plus la sérénité du salon. Il s’était installé au même endroit que d’habitude ; à quelques mètres de moi. Comme si, sous l’influence d’un bizarre caprice, il lui avait pris le désir insolite de m’incommoder par son incongruité.

Je fréquentais ce salon de thé depuis quelques temps déjà et je dois bien admettre qu’il était déjà là. À vrai dire, il était toujours là, quelque soit l’heure à laquelle je me présentais, ce chevalier à la triste figure me devançait systématiquement. D’aucuns d’entre vous, chers lecteurs, m’enjoindraient sans doute de changer de place. J’aurais pu en effet. J’ai essayé deux ou trois fois d’ailleurs ; sans succès. Cependant, quelqu’un pourrait-il m’expliquer en vertu de quelle règle devrais-je m’effacer devant cette offense aux bonnes mœurs.

J’en étais là de ma sombre méditation lorsque la serveuse, une accorte jeune blonde toute sucrée dans sa petite jupe noire et son chemisier en dentelles de Calais se présenta pour prendre ma commande. Comment vous décrire le charme ineffable qui se dégageait de sa personne. Si Dieu, dans son infinie clémence, avait jugé bon de personnifier la grâce ultime d’un coucher de soleil à l’aube du monde, il aurait façonné cette créature à partir du cristal le plus pur au lieu de l’argile d’où il avait extrait l’Adam primordial. Sa beauté toutefois ne l’autorisait pas à me toiser avec un tel dédain. Cette moue dédaigneuse qui profanait son visage ne lui seyait guère et me déplaisait fortement. Elle m’adressa une salutation glaciale puis me demanda d’une voix sèche et impatiente si j’avais fait mon choix.

Alors que je confirmais ma commande, finalement comme d’habitude, je remarquais avec soulagement que son regard lourd de mépris s’adressait en fait à l’homme au manteau gris.

— Ah ! Vous aussi vous avez remarqué cet individu, murmurai-je avec un bref sourire de connivence. Vous le connaissez, ce malencontreux personnage qui ose perturber par sa présence un établissement si raffiné ?

Elle haussa les épaules, comme par inadvertance. De son côté, l’homme au manteau gris jeta vers moi un regard perdu que j’esquivai aussitôt. Un frisson me parcourut. Où avais-je déjà rencontré cet homme ?

— De qui parlez-vous encore ? demanda-t-elle enfin. Je ne comprends pas.

— Mais enfin ! De cet homme, là. Un peu plus loin. Ne me dites pas que vous n’avez vu à quel point il détonne dans ce salon. Je sais bien qu’il faut être tolérant, mais une telle médiocrité, une telle… — Les mots me manquaient — Même d’ici, j’ai l’impression qu’il empeste la naphtaline et le suint.

Comme prise d’une soudaine condescendance, elle me jeta un regard apitoyé et réitéra son incompréhension. Je sentis l’impatience me submerger.

— Mais enfin ! Vous ne voyez pas ? Ce type, avec le manteau gris, là !

Et je désignais avec véhémence, l’objet de ma rancœur. Elle se pencha enfin vers moi et me dit en articulant chaque syllabe :

— Ce qu’il y a là, monsieur, c’est un miroir. Eh ! Oh ! Monsieur. — Elle agitait sa main devant mes yeux — Vous comprenez ce que je dis où devrais-je vous le répéter à chacune de vos visites ?

Derrière moi, quelqu’un gloussa tandis qu’un autre chuchotait.

— Quelle tristesse. Le pauvre vieux ne reconnait même plus son reflet.

 

Évreux, le 6 janvier 2015

 

10 janvier 2015

Le miroir coquin (Prudence Petitpas)

Chaque fois qu’elle se regarde dans un miroir

Son reflet lui lance un clin d’œil…

La première fois  l’a surprise,

L a deuxième fois elle fut prise

D’un fou rire devant sa mine.
La fois d’après elle grimaça

Le miroir alors se fâcha…

Il se mit à parler

Ce qui la fit reculer

Et ouvrir des yeux étonnés :

Pourquoi grimacer, reprit ce dernier

Je te lance des œillades

Je te montre que tu me plais

Et toi tu me railles

Comme si je n’existais…

Elle s’avance alors près du miroir

Plante ses grands yeux dans son regard

Et vois enfin tout cet amour

Que lui renvoie ses beaux atours…

« Est-ce moi qui m’aime ainsi »

Se dit-elle tout haut

Le miroir lui renvoie poli

Un clin d’œil si joli

Qu’alors elle lui sourit

Et retourne à sa vie !

Et l’on voit sur le miroir

Ces quelques mots s’aligner, puis partir en fumée…

« Sans estime de toi, comment veux-tu aimer ! »

 

10 janvier 2015

Miroir (Djoe l'Indien)

Que cache le miroir des affres de la vie
Quand tout est morne et gris sous le couchant du soir,
Lorsque ne brille plus l'étincelle d'espoir
Et que le désespoir prend la place à l'envie ?

Que montre le miroir des âmes asservies
Par leur propre reflet, comme le repoussoir
De rêves trop parfaits, sinistre déversoir
du sombre dépotoir où sombre la survie ?

Mais voilons-le enfin, ce satané miroir
Qui le monde corrompt de son triste pouvoir
Projetant devant lui l'image poursuivie,

Aseptisée, sans grain, passée au polissoir
De songes d'idéal, chimère inassouvie
A ranger, inutile, au tréfonds d'un tiroir.

10 janvier 2015

Miroir (Pascal)


Elle marchait lentement, en hésitant, sur le petit muret de la vieille fontaine débordante. Ses pieds nus cherchaient, dans l’équilibre précaire, un petit emplacement encore presque sec ; chacun de ses pas menus enfantait des bouts d’empreintes éphémères. Un soleil malicieux s’évertuait pourtant à polir l’onde chancelante dans ces petites cascades convenues d’abondance nonchalante et la mousse verdoyante et sévère incrustait les pierres en dépendance immobile et séculaire.

Puis elle tournait comme une aiguille affolée du temps pressé, dans la mélancolie profonde, incomprise, et dans l’immensité de sa solitude apprise. La grâce de ses bras en balancier ajoutait à ses formes évanescentes, des charmes d’Ange assoiffé cherchant à s’abreuver dans cette limpidité miroitante.

J’ai pensé que j’étais en plein rêve, de ceux qui nous réveillent à l’aube frissonnant et qui continuent d’exister un moment parce qu’on les empêche de s’éteindre et qu’on veut s’en faire sa conclusion heureuse. J’ai pensé être dans un film muet, en noir et blanc, mais en voyeur déjà séduit par ces instants improbables. J’ai pensé à la réalité mais où pouvait vivre une telle finesse et autant de délicatesse avec ces quelques images dans toute ma vie réelle ? J’ai abandonné l’espoir incessant d’être présent acteur dans cette scène impressionnante. Il est des endroits qui gardent toutes leur beauté sauvage quand on ne les approche pas. On ne peut que faire chavirer la toile et dévier le pinceau de ces courbes magistrales. Alors, je ne serai qu’un voyeur incertain, un simple contemplatif, presque malandrin, dans cette fresque intime. C’est comme voler tous ces instants magiques qui ne nous appartiennent pas et de les approprier pour sa propre mémoire soudain trop vide,  en croyance de belle contagion d’un bonheur réciproque.

Son ombre décolorée la suivait docile et elle adoucissait encore ses mouvements amples dans cette marelle innocente. Elle remontait le temps sans l’espoir de revenir en arrière. J’ai souvent cru qu’elle allait tomber parce qu’elle oubliait l’équilibre, tellement perdue dans ses pensées les plus secrètes et les plus présentes. Son corps fuyant, insaisissable, ondulait dans ses avancées sans allant. Toute en souplesse, elle oscillait dans ses gesticulations troublantes. Elle caressait la pierre attiédie de son pied pour s’en faire un îlot salutaire, l’instant de sa présence aérienne, l’instant de son passage fugace, l’instant du frisson de cette chaleur rendue à cette belle plante fragile. J’étais petit devant cette immensité si rapprochée… Sa robe blanche dansait avec elle dans l’amplitude de ses attitudes valsant et son ombre habillée, lui faisait son cavalier le plus charmant, le plus fervent... La triste fontaine pleurait son eau en son milieu jaillissant et cet insondable chagrin perpétuel, en simples cataractes irisées, se répandait à sa surface, en petites vagues incessantes. Et cet Ange insatiable tournait, tournait…

Si j’avais pu faire quelque chose… Serrer les mains pour lui donner à boire, arrêter sa course infinie en posant mes bras en croix sur sa route mouillée, remonter le temps pour lui réapprendre à sourire, mourir peut-être, pour lui donner quelque plaisir d’être moins seule et pour que j’arrête enfin de paraître… Mais j’étais tellement absent de son monde.

Des fleurs posées dans ses longs cheveux bruns parfumaient son aura dansante et elle parcourait cette fontaine alanguie en mutuelle compréhension de femmes tristes et déçues. Puis elle s’est couchée le long du petit muret et son ombre est tombée dans l’eau sans un secours et sans un appel. Elle tentait de se regarder de près dans l’onde pour continuer à imaginer sa beauté parfaite. Et dans cette limpidité absolue, ses grands yeux bleus réfléchissaient encore à son passé d’amoureuse perdue, éconduite sans doute.
Quelques larmes devenues trop lourdes sont tombées prés des poissons rouges attentifs et leurs échos craintifs se sont perdus dans ce miroir flottant.

Je voulais l’appeler, faire une diversion à sa dépression ; je voulais la calmer, prendre sa taille pour faire respirer son ombre haletante ; je voulais faire son reflet bienfaisant et lui expliquer sa beauté en dessinant le contour de son visage avec un doigt ; je voulais tant… On ne peut pas approcher un Ange, je le sais… On ne peut étancher la soif de ses désirs les plus simples même si on les comprend un peu, dans leur détresse infinie en chagrins troubles.

J’avais de la peine. Collée sur cette margelle, je voulais souffler sur elle et sur son ombre trempée pour assécher ses malheurs et ses ailes. Je voulais lui apprendre à sourire en regardant mes pleurs en vases communicants, je voulais la voir s’envoler au plus haut pour penser que je suis utile à quelqu’un, je voulais tant… Je pouvais tout lui donner, sans rien espérer…

Elle s’est agenouillée simplement comme une petite fille trop grande sur ce parapet trop étroit. J’ai dû fermer les yeux un instant car j’étais ébloui par toute cette beauté irréelle. Elle envisageait l’onde propice ou regardait les nuages en artifice les traversant, je ne sais plus les desseins qu’elle cachait en son sein. Elle a caressé l’eau patiente pour faire ses vagues ou pour goûter la fraîcheur ambiante.

Le soleil a percuté mon regard encore. Elle était posée sur une branche du grand platane de la placette. Des enfants jouaient au ballon en criant leur joie de courir au présent. Quand je l’ai cherchée encore entre les feuilles, elle avait disparu…

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