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Le défi du samedi

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15 janvier 2022

L’ogre (Pascal)

 

Été 1990. Méthodiquement, tel un ogre dévorant avidement chaque plat proposé devant lui, le feu dévastait la campagne. Les jeunes futaies, la garrigue, les chênes verts, les châtaigniers, et tout ce qui brûle, avec un insatiable appétit, il réduisait tout à l’état de cendres. Inlassablement, comme pour lui donner à boire, avec des manœuvres de haute voltige, des escadrilles de Canadairs tentaient de l’enivrer jusqu’à ce qu’il s’affale ; des colonnes ininterrompues de pompiers montaient à l’assaut des flammes ; l’état de guerre était proclamé…

Sur le chemin du retour anticipé des vacances, on voyait les figures décomposées des estivants ne sachant plus s’il fallait fuir ou prendre des photos de ce gigantesque incendie. Sur les visages, on lisait la peur, l’effroi, l’incompréhension, la petitesse ; on y voyait ce sentiment d’humain fragile et impuissant face à la force destructrice du feu.
Dans la file des véhicules bloqués, parce que c’était trop dangereux d’aller plus loin, encore jeune dans la boîte, simple magasinier, réquisitionné, je faisais partie d’un effectif d’intervention d’EDF. C'est-à-dire, aussi inutile que les autres, au milieu de tout ce spectacle de désolation, je regardais nos équipements électriques partir en fumée. Les fils avaient disparu ; dans la forêt dévastée, ils formaient des traces rectilignes d’un métal fondu ; les poteaux en bois se consumaient lentement et ceux en acier étaient tordus, comme s’ils étaient passés dans le pressoir d’une fonderie d’abîme…  

L’ogre avait traversé plusieurs fois la route ; aidé par le vent tournant, il avait rebondi de colline en colline, était revenu prendre un peu de dessert dans cette châtaigneraie ; il avait envoyé des animaux sauvages en éclaireurs, pauvres torches vivantes, qui allumaient sur leur passage d’autres brasiers le long des talus ; il avait balancé des pignes de pin dans les airs, telles des bombes incendiaires, qui embrasaient à leur tour d’autres hectares déjà condamnés. À perte de vue, l’enfer était reconnaissable. Puisqu’il y avait beaucoup à dévorer, l’ogre avait dépêché ses petits qui, eux-mêmes, s’essaimaient en d’autres foyers.
Parfois, un Canadair passait au-dessus de nos oreilles ; il volait si bas, c’était l’impression tenace d’un gigantesque frelon accroché dans nos cheveux. Le bruit infernal, l’air vicié, la fournaise proche, la fumée oppressante, le goût irritant du brûlé dans la bouche, on se sentait autant utiles que des arrosoirs vides dans un jardin assoiffé. On ne savait pas où regarder pour se reposer les yeux dans cet holocauste, et croire à un début d’accalmie.
Parfois, un bout de ciel bleu se découvrait ; c’était une illusion apaisante, un semblant d’éclaircie, un tour de prestidigitation de la nature pour nous faire croire que le beau existait encore mais, très vite, comme si le feu, en plus de la terre, conquérait aussi le ciel, un lourd nuage de scories et de pépites de flammes venait obscurcir cette petite lucarne optimiste. Parfois, des pompiers revenaient du front ; sur leurs visages maculés de sueur et de suie, ils ressemblaient tous à des mineurs de fond. De tout leur être, il n’y avait plus que la couleur de leurs yeux rougis par la chaleur qui pleuraient leurs escarbilles de charbon…  

Concentrés de résine, des troncs d’arbre explosaient comme s’ils se suicidaient avant la tempête de la fournaise, arrivant droit sur eux. On entendait l’explosion macabre et, je vous assure, on était petits dans nos souliers. Tout à coup, tel un nouveau supplicié, un pin s’embrasait, et tout son habit de verdure se décomposait en myriades d’étincelles éblouissantes s’enroulant autour de lui et l’entraînant dans une tempétueuse danse enfumée et macabre. La douleur de l’arbre, c’était ses crépitements infernaux ; on aurait dit qu’il criait sur son bûcher ; on aurait dit qu’à lui seul, il représentait la fin du monde. Puis c’était un autre, et un autre qui posait la tête sur le billot de l’infortune. On n’arrivait pas à parler parce qu’on voyait tous la même chose…

Quels décors plus apocalyptiques peut-on rencontrer au cours de son existence ? Immondes champs de bataille, il ne restait plus que des pointes d’arbres encore fumantes, des branches plantées dans le sol comme des hallebardes brisées, des friselis rougissants de flammèches léchant l’orée des champs, des cendres grises et encore des cendres grises en tas informes, comme dans un incinérateur de crématorium en panne de ses fonctionnaires. Il faisait anormalement chaud comme si la chaleur montait de la terre ; le feu avait enfanté son vent. Spontanément, il se créait des mini-tornades qui s’élevaient du sol ; tourbillonnantes et cleptomanes, elles ressemblaient à des pilleuses de cadavres, avides d’un peu de leur essence, d’un peu de ce qu’elles pouvaient encore leur prendre, comme des trophées arrachés à l’ennemi. La nature est sans pitié ; ce qu’elle élève à ses sommets, tout aussi vite, elle le souille d’un seul coup de pied ; la grandeur est subjective, la petitesse est l’apanage de l’humilité. En mer, j’avais connu des grandes tempêtes, avec des creux insondables et des crêtes tout aussi incalculables ; petit sorcier de mes sensations, j’aurais voulu en garder un peu dans mes poches pour les jeter dans ces brasiers. Je rêvais de barrage pour tout inonder, mais je ne sentais que mes larmes brûlantes d’amertume couler sur mes joues ; elles avaient le goût de l’inutilité, de l’impouvoir, de l’incompétence…  

Pauvres lieux communs, paysages lunaires, cratères découverts, dévastation, ici, la vie n’était plus qu’un cendrier rempli de mégots au seul pouvoir du cancer. Mais l’ogre n’était jamais rassasié ! Ici et là, ces avions héroïques, jetant du retardant, ce n’était qu’un peu de maquillage rouge sur sa boulimie ! Je me souviens de cette nuit, où nous avons vu danser les flammes sur toutes les collines avoisinantes ; l’horizon était barré par une forme de coucher de soleil qui ne s’éteignait jamais. Cela dépassait tout ce qu’on pouvait imaginer ; même les films d’anticipation les plus terribles, même les cauchemars les plus terrifiants ne pouvaient rivaliser avec cette pénible réalité, au goût de cendres ; je vous assure, il y avait des insomnies en gestation…  

À cinq heures du mat, les pontes du poste de commandement nous avaient libérés ; il n’y avait rien d’autre à faire que d’attendre que le feu et ses flammes s’épuisent d’avoir trop embrasé, trop incendié, trop martyrisé. Demain, à sept heures trente, c'est-à-dire tout à l’heure, une autre mission bien plus périlleuse m’attendait. Épuisé, j’étais rentré à la maison ; j’étais allé voir ma fille qui dormait dans son berceau, et je me disais qu’il y avait encore de l’espoir dans l’humanité.
Je m’étais allongé tout habillé sur le lit ; je puais la fumée, la transpiration et tout ce qu’on voudrait jeter… dans les flammes, pour ne plus jamais les respirer. Ma femme s’était réveillée ; elle m’avait parlé, m’avait questionné à cause de cette barre lumineuse à l’horizon qui ne se départait pas du balcon du salon. Mais oui, tout allait bien… Je me souviens d’un gant de toilette frais sur mon front, sur mes joues, de sa voix douce comme un jet de pomme d’arrosage, et je m’étais endormi…

 

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15 janvier 2022

Elixir de plaisir (Lecrilibriste)

 

Un gobelet laid, dont le rôle sur terre était de faire gober le lait aux marmots ou encore de faire avaler quelque tisane infâme au Grand-Père pour calmer ses ardeurs … Un gobelet laid rêvait d’une autre vie.
Il aurait vécu mille morts pour se remplir, un jour, un seul jour dans sa vie, de ce mélange odorant fleurant bon la vanille et le gingembre… l’anis des prés et la coriandre … ou peut-être bien le rhum blanc de la Martinique que concoctait le père chartreux de la Silve Bénite.
Un soir, frémissant sur le feu de bois, notre gobelet laid entendit une nouvelle fois la casserole rubiconde bouillonner de plaisir.
Le chartreux de la Silve, ce mélangeur d’herbes aphrodisiaques, ce goûteur de potions magiques, ce pilier d’alambic, chantonnait des onomatopées, incompréhensibles devant son chaudron de cuivre, tel un ogre bavant de plaisir avant de croquer sept marmots.
Il inventait un breuvage pour la nuit de Noël.

Un arôme entêtant fleurant l’écorce de cannelle, le sucre candi et l’orange amère s’échappait de la casserole éthylique.

Allait-il mourir sans connaître ce plaisir ? Sans se remplir de ce breuvage d’ange qui rendait les gens si gais ?

La recette accrochée au mur dans un cadre de bois de rose clignotait doucement dans la cuisine au-dessus du gobelet laid, éclairée par une luciole joliment enrobée, ramassée fortuitement avec une feuille de tanaisie.
Le chartreux jeta un œil distrait sur le clignotement inhabituel de sa recette.

-      Mazette ! Fulmina-t-il soudain, J’ai oublié le clou de girofle !

Mais le clou de girofle badinait gentiment avec dame Luciole qui n’en pouvait plus de dodeliner du clignotant.

Le Chartreux voulut l’attraper ! Mal lui en prit !
Au moment où il l’atteignait du bout des doigts, il roula sur une noix muscade, s’étrangla d’une praline, s’accrocha à la recette qui valdingua sur le sol avec la luciole, qui brisa le pot de porcelaine, qui renversa le gobelet laid plein de lait.
Il rebondit, se retrouva sur son séant pour accueillir au vol le contenu de la casserole éthylique toute rubiconde remplie du nectar précieux où plongea sans hésiter le clou de girofle pour rattraper la luciole un peu pompette.

Tout ce beau monde se retrouva nageant et soufflant dans le précieux liquide répandu et c’est ainsi que le gobelet laid s’emplit du fameux nectar, le Père Chartreux s’en emplit la panse, tel un ogre croquant sept marmots et savoura, sans l’once d’un péché, même véniel,  la félicité enivrante du breuvage des dieux.  

                                  

15 janvier 2022

Pénurie (Walrus)

 
Poussé par sa fibre artistique,
Exaltant son côté mystique,
L'ogre, extatique,
Tenait l'orgue à la basilique.

Hélas, il dut bien s'arrêter :
Les enfants, aux soufflets, finirent par manquer...

 

15 janvier 2022

Ogre(s) (Laura)

 

J'avais un appétit d'ogre pour “Les nourritures terrestres” dans tous les sens jusqu'à me mettre en danger. Il a fallu toute ta patience pour que certains de mes sens se limitent à toi. Nous fumes alors longtemps deux ogres qui se partageaient ces nourritures terrestres. Toi, cela ne t'empêchait pas de travailler, encore et encore, comme un forcené et moi, j'apprenais encore et encore à t'aimer, toi et les paysages de notre vie. L'ogresse mince devint obèse et ce fut la fin de la faim. Pas la tienne jusqu'à ce que l'ogre de travail s'effondre et moi j'ai rempli le vide de toi et des nourritures terrestres par une curiosité ... d'ogre.



15 janvier 2022

maxime le sylvicole (joye)

bougre

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8 janvier 2022

Défi #698

 
Bon appétit !

 

Ogre

 

6981

8 janvier 2022

Sont rentrés de voyage

8 janvier 2022

Participation de JAK

 

Ce soir je suis damnée, je ne peux pas terminer mon billet sur Nomade.

Au moment où  je relis, et émonde mon texte de Sam ‘défi,
péniblement scribouillé, à la lumière  d’une  LED A67 ,
v’la qu’ un démon fait  surgir  d’elle, un  immense éclair en zigzag,.
Etincelle pas dans mon crâne hélas, mais au plafonnier.

Chuis dans le noir

Mon chien Ado hurle,

Nulle en électricité, je mande aussitôt un spécialiste sur les ondes,

Il m’assure que c’est une histoire d’anode

C’est quoi ? lui demandé-je

Problème avec votre Conducteur relié au pôle positif d'une source de courant continu,
m’affirme-t-il

J’en conclus dans ma p’tite tête que mon courant est devenu nomade, et que je ne suis pas près de voir clair dans la maison, d’ici un bon moment. !

Alors je m’affale sur le canapé, et pour être davantage dans le noir, je mets un masque,
Dans mes mains, je serre, un galet  zen relaxant et nomade- lui aussi- , mais qui  fonctionne sous batterie.

gallet nomade

 

8 janvier 2022

Nomade (TOKYO)

 

Avant de partir j’avais décidé de découper ma photo dans tous les albums photos.

 Cela faisait longtemps que je ne me sentais pas à ma place ici.

J’ai toujours été un cheval dans une course truquée mais la s’en était trop.

Mais je n’abandonne pas , le nomadisme me conduira jusqu’à la ligne d’arrivée.

Et je me débrouillerai toute seule.

Depuis ma vie est dingue, je ne suis quand même pas sur cette terre pour uniquement payer mes traitres.

 Le nomadisme me va comme un gant.je suis entrain de me transformer complètement.

 Sans domicile fixe, je me suis approprié un charriot de carrefour et j’y ai mis toute ma fortune.

J’ai un sacré pouvoir sur les automobilistes surtout quand je traverse hors des passages cloutes.

Dire que je voulais être ingénieur quelle bourde !!Je laisse aux imbéciles les mauvais choix.

Je me sens essentielle à l’intrigue du monde. Je sais maintenant qu’on peut déjouer le destin, l’autorité, le mensonge du progrès, de croître ou crever.

Je veux faire triompher le rire sur le dogme.je sais que vous me prenez pour une snob, amis croyez-moi j’en ai fini avec ça .

D’ailleurs venez me retrouver quand je cherche les toilettes alors que tous les accès sont interdits aux nomades.

 C’est un moment créatif qui demande beaucoup d’habileté je méconnaissais mes ressources en stratégies.

La seule chose que je regrette dans cette vie de bohème c’est ma robe de mariée mexicaine, avec plusieurs couches de dentelles et plusieurs épaisseurs de fanfreluches. Et ces rangées de boutons de nacre et ces rubans de couleurs vives.je ferme les yeux les mains rives au chariot de carrefour je rêve à ma robe de mariée.

En raison de ce satané rêve j’ai abandonné ma vie de nomade j’ai rendu le chariot à carrefour. Bon les conséquences ont vite été désastreuses mais ça c’est une autre histoire.

v1

8 janvier 2022

On the road again (Walrus)

 
Un beau jour, lassé du camping sous tente dont les montages et démontages sont de solides freins aux déplacements, j'ai proposé à mon épouse de nous équiper d'une caravane.

Les enfants ne venaient plus en vacances avec nous, nous allions pouvoir parcourir l'Europe et vivre des septembres nomades ! (Oui, moi, l'été, le soleil et la mer : rien à cirer !)

Nous avons donc acheté un petit modèle pas plus large que la voiture, ce qui nous permettrait de passer partout. Pour ne pas sacrifier la robustesse nous avons opté pour un truc comme seuls les Allemands peuvent en produire : chassis en acier et tout et tout !

La première année, question de ne pas nous précipiter, nous nous sommes installés à Chimay et avons exploré à fond tous les alentours, principalement la Thiérache, ses églises fortifiées, sa boulette d'Avesnes et ses tartes au Maroilles avec bol(s) de Poiré.

Cette première expérience nous a permis de constater qu'une petite caravane, c'est bien, mais un brin exigu ce qui vous oblige à transformer chaque soir votre coin à manger en lit et vice-versa le matin. Nous lui avons donc adjoint un auvent/tente latéral·e (mouarf).

Et, comme le serpent qui se mord la queue, nous nous sommes retrouvés avec l'incovénient typique des tentes : le montage et le démontage.

C'est pour cette raison que, pendant une vingtaine d'années, nous nous sommes installés sous le même pommier d'un camping de Sankt-Vith et avons exploré l'Eifel. Et si vous dégotez dans cette merveilleuse région un burg que nous n'ayons pas vu, je vous y paie un séjour de deux semaines !

P1030679

 

8 janvier 2022

Voix nomades (Joe Krapov)

 

Une hypothèse un peu morbide :
Il se peut qu’un jour on décède...

Est-ce le temps qui le décide ?
Trois Parques souffrant d’hémorroïdes ?
Au bout de combien de décades ?
Qui juge qu’on est passé de mode ?
Qui met les peuples à l’amende ?

Que l’on soit tribus en exode,
Vieil aède rêvant de saine solitude,
Nous voilà tous humains nomades
A parcourir le vaste monde
Pour cueillir ses offrandes,
Ses citrons, ses amandes,
Fabriquer limonade
Et chanter à la cantonade
Les beautés dont il abonde...
Ou fuir des contrées incommodes.

Nos saisonnières escapades,
Nos déplacements de bipèdes,
Cette quête qui nous obsède
D’éphémères béatitudes,
En ferons nous quelques ballades,
Des contes de Schéhérazade
Ou de somptueux interludes ?

En écrirons nous, des salades ?
En remplirai-je, camarades,
Des cahiers d’écriture nomade ?

2022-01-07 - 285 19

Oui ! Oui ! Ecrire à toute blinde
Comme on avale un vieux remède,
Comme souffle le vent d’Ostende,
Comme s’entortille la ronde,
Comme tourne la sarabande !

Oui ! Oui ! Tant qu’on me le demande !
Tant que j’aurai de la faconde,
De l’aptitude à la débride,
La joie et l’appétit solides,
Et l’envie de taquiner l’oud !

Qu’on chante et danse, ami·e·s nomades !
 

8 janvier 2022

Dans nomade il y a 'no' et 'mad' (Adrienne)

 

Le 10 mai 1940, comme bon nombre de Belges, les quatre futurs grands-parents de l’Adrienne étaient prêts à se jeter sur les routes en direction de la France.

Côté paternel, à la chapellerie, chacun était paré : les deux gamins portaient fièrement leur petit sac à dos de scout et le plus jeune se trouvait investi de la mission de confiance, le transport du pique-nique. Du pain, du saucisson.

Prêts à partir à pied pour l’aventure.

Mais au dernier moment, alors qu’ils étaient déjà tout harnachés au seuil de la porte, le père a changé d’avis : tous ces pauvres gens qui remontaient sa rue en direction du sud avaient l’air d’être déjà en bout de course, exténués et hagards. Ce n’étaient plus les belles voitures du début, ni les attelages, mais des charrettes à bras et de tristes baluchons. Comme le leur.

Alors il est rentré et a déclaré qu’ils resteraient là, finalement.

C’est le gamin au saucisson qui en a été le plus déçu.
Il avait 12 ans.

De l’autre côté de la ville, chez grand-mère Adrienne, on ne cessait de peser le pour et le contre : en fait, grand-père était pour, grand-mère était contre. Elle s’imaginait la soldatesque allemande dans sa maison et cette idée lui était intolérable :

- Il n’est pas question, déclara-t-elle finalement, il n’est pas question que je leur laisse ma machine à coudre toute neuve !

Une Singer qui venait précisément tout droit des usines berlinoises.

C’est ainsi que des deux côtés de la famille de l’Adrienne on a continué à faire ce qu’on faisait très bien depuis des siècles : ne pas quitter la ville où on était né.

 

8 janvier 2022

Vieux routard que j'aimais (Vegas sur sarthe)

 

En ces temps dérangés il faut être nomade
voler par la pensée vers des contrées plus vertes
faire au fond de nos lits de belles découvertes
sentir nos cœurs ardents qui battent la chamade

Courir le guilledou au rythme des saisons
fourrager au buisson sans souci des épines
surprendre à son terrier l'agile salopine
ou l'oie blanche alanguie jusqu'à la plumaison

Oublier d'où l'on vient pour mieux y revenir
et jouer les routards sans guide ni contrainte
sur la carte du tendre ouvrir des labyrinthes

Jalonner nos parcours d'intrépides conquêtes
et quand nous aurons bien éculé nos baskets
rentrer fiers et repus, gavés de souvenirs

 

8 janvier 2022

NO MADE ( maryline18 )

 

Dans un magasin de souvenirs, on y entre acheter l'objet qui matérialisera pour toujours le parfum des beaux jours : Un bol, un vase, un verre, une carte, un porte-savon et peu importe qu'il soit fabriqué en Chine ou à Tataouine, l'important est ailleurs.

La boutique est tout en désordre alors, chercher cet objet me prendra plus de temps que prévu. Comment faire ? Je ne sais pas où poser mon regard. Me vient alors une idée : J'arrête le balancier de l'horloge de Grand-Mère trônant au beau milieu du bric-à-brac.

Je vide l'une des étagères encombrées et j'en contemple le vide, celui qui pourrait me permettre de tout recommencer, de tout réorganiser d'une façon plus hamonieuse, plus satisfaisante...Je pose sur leur tranche chaque livre. Le dictionnaire à été recouvert d'un papier adhésif identique à celui de l'intérieur des armoires de la cuisine, avec des carreaux jaunes et oarngés. Je me souviens de ces quelques livres d'histoires et de leurs illustrations, tant regardées qu'elles en ont perdu un peu de leurs couleurs.

(Aimait-t-elle me regarder quand j'étais là, de ses yeux si gris ?)

Je dépose, déçue, les cahiers de l'année. J'en ai arraché toutes les vilaines pages raturées. Je voulais mieux faire... En dessous, un pot de crème bleu pour me graisser le visage avant de partir à l'école et puis une bouteille d'eau de cologne. Arriverais-je à remettre assez d'odre pour retrouver ce que je cherche ? Voilà un bonnet et une écharpe beige à grosses mailles et puis la robe de chambre cousue sur la machine à pédale, devant la fenêtre. < Regarde maman, je sais coudre !> L'odeur du tissu neuf est partout. 

L'horloge perd patience et reprend son tic-tac insolent qui remplit aussitôt la pièce. Le commerçant, agacé m'interroge :

_" Je peux vous aidez Madame ? Quel genre de souvenir cherchez-vous ? "

_" Je ne sais pas au juste, une preuve, un signe...

_" J'ai ce que vous cherchez, tenez ! "

Il me tend sa paume soutenant un contenant vide et totalement invisible. Je le secoue pour en deviner le contenu mais ne s'agite qu'un silence assourdissant. Je le retourne et y lis l'inscription :

NO MADE

 

8 janvier 2022

Nomade, no cry (joye)

L’intellect de Naomi devint nomade longtemps avant la naissance de son dernier petit-fils. 

Mais, comme tant de belle-filles, la jeune mère était trop occupée, trop stressée, trop chargée, pour se douter de ce départ.

Voilà pourquoi, en passant récuperer son fils ce soir-là, Caroline était surprise de retrouver Naomi, seule, muette, perchée sur un tabouret dans la cuisine obscure. La table n’était pas mise, il n’y avait rien sur le petit réchaud à gaz.  Lorsque Caroline alluma, Naomi commença à fredonner une chanson sans mélodie.

- Naomi, il est où, notre Alain ? demanda la jeune femme.

- Alain, Alain, bambin, bambin, murmura Naomi.

- Naomi, il est où, notre Alain ? redemanda sa mère, qui commença à regarder partout dans l’appart’.

- Il est où, bambou, bambou l’est où, chantonna Naomi, immobile sur son tabouret. Dans sa tête, elle parcourait encore à cheval les steppes eurasiennes de naguère.

Caroline eut une envie sauvage de secouer la vieille absente devant elle, de la gifler, mais elle se retint. Il ne fallait pas paniquer. Cela ne servirait à rien. 

Elle saisit son portable et fit le numéro de son mari. Ayant sa messagerie, elle arriva à expliquer la situation avant que les sanglots ne pussent écraser les mots qui voltigeaient bizarrement au bout de ses lèvres rouges et crispées. 

Son message terminé, Caroline resta figée encore quelques secondes, ne sachant quoi faire après. Le réflexe de faire le 17 était repartie comme une grande rapace de passage, un oiseau rare dont les ailes battaient douleureusement dans sa poitrine.

Naomi répétait ses dernières syllabes ; les sons résonnaient dans la petite cuisine.

- Rappelle-moi, moi, moi, ra, pelle, moi…

Le visage blanchi, Caroline rattrapa ses clés et quitta le petit appartement en courant.

Avant d’arriver au bout de l’escalier, le talon de sa botte se cassa, et Caroline s’envola comme un petit faucon grisé par la vitesse d’une pourchasse violente.

Naomi, égarée par le bruit dans l’escalier, se leva lentement pour aller voir. 

Caroline, atterie sur le palier, entendit à peine les vagues pépiements de sa belle-mère qui la fixait du haut dans les nuages sombres qui se rassemblaient, peu à peu.

- Cassa coucou le cou le cou, cassa le cou, pauvre coucou…

8 janvier 2022

Rêve éveillé (Lecrilibriste)

 

Un beau matin

Je partirai sur les routes nomades

Sans savoir où mes pas vont me porter

Semée de doutes, l’âme tourmentée

Mais décidée à ne pas renoncer

À l’aventure, Je partirai

Oubliant la géométrie des tours

et l’univers obscur de l’ailleurs

de ces coins de terre que j’ignore

La mue déjà craquelle la peau

De la fin de ce monde fracturé

Un loup dort encore, prêt à mordre

Dans la profondeur des steppes

Mais l’enfant élu

Caresse les branches du pommier en fleurs

Loin de la démesure humaine

Loin de la toute puissance

Loin des jeux pervertis du monde

Son regard se perd vers un horizon neuf

Au-delà du ressac des illusions figées

Sa vague de jeunesse balayera le monde

Alors je partirai rassurée

 

8 janvier 2022

Alors les nomades?! (Laura)

"Alors les nomades?!"

Voilà l'apostrophe interroga/exclama-tive qui nous accueillait sur un ton ironique là où nous allions voir mes parents parce que si nous avions attendu qu'ils viennent, nous en serions comme aujourd'hui: 2 ans sans se voir, jusqu' à 3 en fait... comme lorsqu'on m'a appelé pour me dire que... tu étais mort. Je les ai appelés par faiblesse alors que tu m'avais fait promettre justement de ne pas les appeler s'il t'arrivait quelque chose. Je t'ai trahi... par faiblesse.           

Alors que tes parents à toi sont venus nous voir, eux, jusqu'à leurs 85 ans.. et encore, parce qu'on a pensé que c'était trop fatigant pour eux à 85 ans en train. D'autres n'avaient pas les mêmes scrupules. En plus mes beaux-parents seraient nous voir encore plus souvent si je n'avais pas déjà été aussi asociale.

En fait, mon père nous traitait de touristes mais pas dans le sens premier du mot, du Grand Tour. Non, nous étions des touristes, des gens qui n'arrêtaient pas de bouger parce que n'avions que ça à faire donc peut-être même l'inverse des nomades dont c'est le mode de vie de bouger. Nous voyagions pour voir les gens que nous n'avons jamais vu chez nous ou si peu; ils bougeaient ailleurs mais pas chez nous. C'était ç cause du travail, de la tante, du chat etc. En fait, ils n'avaient pas envie de nous voir, nous. Je leur demande juste aujourd'hui de le reconnaître q, qu'ils m'aiment moins ou pas au lieu aujourd'hui de se trouver d'autres excuses comme l'âge ou la maladie.

Les gens extérieurs nous trouvaient aussi nomades: nous faisions beaucoup de kilomètres pour voir nos familles à travers le pays alors que ces mêmes venaient chez nous quand ça leur chantait avec forces criques

Alors que nous, prévenions longtemps à l'avance de notre venue et tout le monde n'était pas là.

8 janvier 2022

Une amie de passage (Yvanne)

 

C'était juste après la rentrée scolaire de septembre. J'avais huit ans. Dans la classe, la maîtresse dispensait ce matin-là sa leçon de morale journalière. Elle fut interrompue par l'irruption d'un homme et d'une petite fille à peu près de mon âge. Nous regardions tous, bouche bée ces deux personnages insolites qui s'étaient avancés jusqu'au bureau de Madame Briard. Le père, un grand sec, poussait devant lui sa gamine. Elle, les yeux baissés, résistait, semblait clouée sur place.

Après un bref entretien le bonhomme repartit non sans nous avoir jeté, à nous les enfants un coup d'œil qui en disait long. Un coup d'œil que nous avions facilement pris pour un avertissement. Je compris pourquoi plus tard. La petite n'avait toujours pas bougé d'un pouce. La maîtresse tenta vainement de lui enlever une veste informe qu'elle serrait convulsivement sur son ventre. En désespoir de cause, l'institutrice la prit par la main et la guida à travers la salle jusqu'au bureau que j'occupais seule. Elle finit par s'asseoir sur l'insistance de Madame Briard.

C'était un vieux pupitre en bois à plan incliné, de deux places avec un banc accolé. Ma nouvelle voisine se tenait tout au bout, la tête penchée en avant, ses cheveux tombant en mèches raides et noires sur sa poitrine. Je fus immédiatement surprise par l'odeur qu'elle dégageait. Un mélange de sueur, de fumée et surtout d'urine forte.

La maîtresse nous indiqua que notre camarade se nommait Rosalie. Des rires fusèrent. Rosalie ? La chienne du père Nussac portait ce nom. Les garçons se poussaient du coude et on entendait murmurer « baraquaine, c'est une baraquaine » terme péjoratif s'il en était. Mais le calme fut vite rétabli : il suffisait pour cela d'un coup de baguette asséné sur le tableau. Nous eûmes droit à une autre leçon de morale où il était question de tolérance. Et pour couper court la maîtresse décida que Rosalie serait Rosa.

Nous étions curieux et n'avions pas beaucoup de distractions. Aussi, la présence de Rosa nous occupa tous pendant quelques jours. Elle se tenait loin de nous, repliée sur elle-même pendant les récréations. Insidieusement cependant elle s'approcha petit à petit des groupes que nous formions pour nos jeux - sans pour autant participer - quand tout le monde l'eut oubliée un peu.

Quant à moi je m'étais si bien habituée à ma petite camarade que je lui proposai bientôt de l'aider pour ses exercices. Après avoir un temps refusé farouchement mon concours elle accepta sans mot dire. Je la vis se métamorphoser au fil des jours. D'abord physiquement. Elle était maintenant à peu près propre et les cheveux démêlés. Persistait cependant les remugles d'urine. Puis Rosa se mit à me suivre partout à l'école et aussi au dehors, à me parler, à se confier.

J'appris tout de sa vie nomade. Elle et sa famille – le père, la mère et deux autres enfants en bas âge – se déplaçaient au gré de leurs envies ou plutôt pour trouver quelque travail. Ils vivaient dans une roulotte. Elle était tout leur bien avec un cheval de trait. Rosa ne m'invita pas à venir dans la clairière où ils avaient établi leur camp. Mais je l'accompagnais jusqu'au bout du village. C'était la limite qu'elle me fixait. Elle me repoussait ensuite.

J'avais aperçu cependant leur campement et toute étonnée je l'interrogeai sur ce lit incongru posé entre les roues de la roulotte. Rosa m'expliqua que ses parents dormaient là par manque de place à l'intérieur. Elle partageait sa couche avec ses petits frères « qui faisaient tout le temps pipi ». Je compris alors qu'elle m'avouait implicitement d'où venait cette odeur dont elle n'arrivait pas à se débarrasser. Je ne l'en aimais que davantage. Elle me raconta leurs déboires dans les villages où ils n'étaient pas les bienvenus et comment son père devait chasser les enfants qui leur lançaient des pierres et des insultes. D'où le regard appuyé du bonhomme aux élèves le premier jour de classe de Rosa.

Puis un jour, avant Noël, ma petite amie n'est plus venue à l'école. Et la clairière est restée désespérément vide. J'eus beaucoup de chagrin. Chaque année, juste après la rentrée, je l'attendais, je l'espérais mais je ne la revis pas.

 

8 janvier 2022

Sac matelot et camping car (Kate)

 

Nomadisme : luxe de ceux qui savent que c'est provisoire... ou évidence de ceux qui, tels que bien des héros et héroïnes de Douglas Kennedy pensent qu'ils pourront refaire leur vie, loin, anonymes, prêts à tout instant à s'enfuir et qu'une modeste pièce repeinte en blanc agrémentée de quelques vêtements et articles de base leur suffiront ? Mais, il y a un "mais", sinon il n'y aurait pas d'histoire et si loin qu'on aille, etc.

Le nomadisme, s'il n'est pas un mode de vie réellement choisi ne sera que générateur d'angoisse et de tension et le passé ressurgira forcément et c'est là tout le talent de l'écrivain qui arrive à nous entraîner et nous impliquer !

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Ivan Jablonka, historien, m'avait emballée avec son livre si personnel "En camping car" où il y raconte l'engouement de ses parents pour ces longues équipées à travers l'Europe. Il m'avait aussi émue avec son étude sur les enfants de l'Assistance, abandonnés dans le XIVème arrondissement ou ailleurs qui allaient servir dans les fermes d'Auvergne ou ailleurs, telle ma grand-mère paternelle. Mais c'est une autre histoire, où le "nomadisme" est subi et où les chances de bonheur sont faibles...

Philippe Jaenada, découvert lors de la sortie de "La serpe", qui retrace son enquête autour de vies en lien étroit avec l'histoire contemporaine, m'a réembarquée cet automne avec "Au printemps des monstres". Qualifié d' "orpailleur du fait divers" (par Cyrille Falisse, librairie Lo Païs, Draguignan), cet écrivain passionne par son enquête tout en racontant sa vie personnelle et quotidienne en même temps. Parisien ancré dans son quartier, ne se dépare jamais de son éternel sac matelot. Nomade dans l'âme, nomade à ses heures, il passe des jours à fouiller et analyser des archives et toutes les sources documentaires possibles et loue soudain une voiture pour partir dans quelque endroit qu'il veut voir pour son enquête, toujours muni de son iconique sac matelot, quoi qu'il arrive, ville ou campagne, mer ou montagne.

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Michel Bussi, géographe, m'a fait passer comme par enchantement de 2021 à 2022, à un rythme effréné, sur les pas de Maurice Leblanc et d'Arsène Lupin par tous les moyens de transport possibles pour essayer de déchiffrer le "Code Lupin" : nomadisme échevelé et haletant à travers la Normandie sur fond de carte IGN, comme quoi...

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Oui, j'ai délaissé Deleuze, j'en ai eu marre, hein, et à bord du "Peace and Love", équipée de mon sac matelot, j'ai retrouvé des lieux de Normandie que je connaissais et j'ai eu envie d'en découvrir bien d'autres, dès que possible...

1 janvier 2022

Défi #697

 
Allez, on se bouge !

 

Nomade

 

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Le défi du samedi
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