Sac matelot et camping car (Kate)
Nomadisme : luxe de ceux qui savent que c'est provisoire... ou évidence de ceux qui, tels que bien des héros et héroïnes de Douglas Kennedy pensent qu'ils pourront refaire leur vie, loin, anonymes, prêts à tout instant à s'enfuir et qu'une modeste pièce repeinte en blanc agrémentée de quelques vêtements et articles de base leur suffiront ? Mais, il y a un "mais", sinon il n'y aurait pas d'histoire et si loin qu'on aille, etc.
Le nomadisme, s'il n'est pas un mode de vie réellement choisi ne sera que générateur d'angoisse et de tension et le passé ressurgira forcément et c'est là tout le talent de l'écrivain qui arrive à nous entraîner et nous impliquer !
Ivan Jablonka, historien, m'avait emballée avec son livre si personnel "En camping car" où il y raconte l'engouement de ses parents pour ces longues équipées à travers l'Europe. Il m'avait aussi émue avec son étude sur les enfants de l'Assistance, abandonnés dans le XIVème arrondissement ou ailleurs qui allaient servir dans les fermes d'Auvergne ou ailleurs, telle ma grand-mère paternelle. Mais c'est une autre histoire, où le "nomadisme" est subi et où les chances de bonheur sont faibles...
Philippe Jaenada, découvert lors de la sortie de "La serpe", qui retrace son enquête autour de vies en lien étroit avec l'histoire contemporaine, m'a réembarquée cet automne avec "Au printemps des monstres". Qualifié d' "orpailleur du fait divers" (par Cyrille Falisse, librairie Lo Païs, Draguignan), cet écrivain passionne par son enquête tout en racontant sa vie personnelle et quotidienne en même temps. Parisien ancré dans son quartier, ne se dépare jamais de son éternel sac matelot. Nomade dans l'âme, nomade à ses heures, il passe des jours à fouiller et analyser des archives et toutes les sources documentaires possibles et loue soudain une voiture pour partir dans quelque endroit qu'il veut voir pour son enquête, toujours muni de son iconique sac matelot, quoi qu'il arrive, ville ou campagne, mer ou montagne.
Michel Bussi, géographe, m'a fait passer comme par enchantement de 2021 à 2022, à un rythme effréné, sur les pas de Maurice Leblanc et d'Arsène Lupin par tous les moyens de transport possibles pour essayer de déchiffrer le "Code Lupin" : nomadisme échevelé et haletant à travers la Normandie sur fond de carte IGN, comme quoi...
Oui, j'ai délaissé Deleuze, j'en ai eu marre, hein, et à bord du "Peace and Love", équipée de mon sac matelot, j'ai retrouvé des lieux de Normandie que je connaissais et j'ai eu envie d'en découvrir bien d'autres, dès que possible...