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Le défi du samedi
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7 mars 2009

Quatrain (Caro)

Thème: La bouteille avait du culot
Genre : Quatrain

A plus B, la bouteille avait du culot,
Le vin se mêlait à ma thèse spinozienne.
Je laissais la philo pour une théorie dionysienne
B plus A. Que la serveuse avait le cul haut!


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7 mars 2009

Evasion de l'ïle de la tentation (Carito)

Thème : addictions amoureuses
Genre : Abécadaire

"Amour butine", chantait délicieusement Emmanuelle. Fringuant, Gigolo hésitait: "Idylliquement jalouse, Katia lascive? Mélodieuse nymphomane onirique? Pertinente question? " Rattrapant sa tentatrice ultime, voyage Wagner, xénophile,  Yeoman  zutiste.

7 mars 2009

Mauvaise graine (Caro Carito)

Genre: haïku

Thème: Cicéron c'est pas carré


Cicéron pensif

Six sont ronces en carré

Racines ôtées.


7 mars 2009

Nouvelle (Caro_carito)

Thème : Il y a de l'eau de la cave
Genre : Nouvelle

"Il y a de l'eau dans la cave!" gémissait une Marie-Madeleine échevelée.
Son mari posa sa main sur l'épaule tremblante.
Il se dirigea vers l'escalier non s'en s'être saisi auparavant d'une cruche.
Il ôta ses sandales et marcha sur la surface brillante.
Il se pencha et lui dit " Avant de m'y mettre, pour ce midi, un Gigondas 2005, ça te va comme miracle?"


7 mars 2009

Proverbe (Caro)

Thème : Femme avec poil sur le ventre
Genre : Proverbe

 

Femme avec poil sur le ventre, tous feux éteints

Récolterez cheveu sur la langue, au petit matin


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7 mars 2009

Commère Quelle, Maître Quil et Auxquels (s’ajoute) Salamandra maculosa - Caro_carito

Thème: Quelle est la femelle du crapaud
Type: sonnet régulier

Quelle est la femelle du crapaud, de Maître crapaud,

Laquelle s’enticha d’une salamandre plus âgée.

Cette coquine dans les hautes herbes la rejoignait

Tandis que son époux marronnait comme un sot.

 

Cette Quelle ! Toute bestiole lui tire son chapeau.

A la barbe de sa boueuse moitié,

En Phrynosoma cornutum le transformait

Et pourtant l’ingénu baveux se réjouissait de son lot…

 

C’est que commère Quelle avait ramené avec elle,

De ses amours clandestines, une ribambelle

A la robe tachetée de jais et d’or mythique.

 

Le paternel, fier comme Artaban, oubliant

Son ventre mollasson, ses cornes et les regards obliques

Clamait que jamais jardin ne vit plus belle lignée d’enfants


7 mars 2009

Chez le coiffeur Guillotin - Caro_carito

Thème: Tout ce qui dépasse sera raccourci

Genre: alexandrins (2)



Tout ce qui dépasse sera raccourci pense Louis

Rentre tes épaules. Ta tête. Ta perruque! Trop tard...

21 février 2009

LES COULISSES DU PALAIS (Caro Carito)

 

Les coulisses du Palais - version audio

 

Partie 1: avertissement aux lecteurs - La salle

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Partie 2: la plaidoirie

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Partie 3: les couloirs du Palais

couloirs

 

 

Texte version écrite

http://lesheuresdecoton.canalblog.com/archives/2009/02/21/12647455.html#comments

24 janvier 2009

Défi 44 (Caro_Carito)

 

 

A Lisab@block.com.fr / RV Garnier. 18h45. 21/03.

A Fredv@intern.com.fr / OK.

 

18h45. Marches de l’Opéra, attendre. Une multitude de silhouettes stationnent, souriantes, ennuyées ou absentes. Je les questionne, ses voisines anonymes, histoire de temporiser... Il doit venir, longiligne et cheveux aux quatre vents tandis qu’une masse humaine, confuse, progresse sur le large passage clouté.

18h58. J’ai achevé le journal du jour. Rien. Il n’est toujours pas là. Je connais ses retards sans excuses, au gré du temps. Je ne m’inquiète pas. Pas encore. Enfin, j’essaye. Je regarde autour de moi. La place de l’Opéra est un endroit étrange, peuplée de voitures et de bus à perte de vue. Sur les marches devant le Garnier, les touristes étrangers s’agglutinent, vont et viennent, désorientés. Il doit y avoir une représentation ce soir. Seule témoin de leur désœuvrement, je suis au spectacle. Et il s’en faut de peu pour que ces visages hagards ne m’alarment : si j’étais si anonyme qu’il ne me retrouvait pas ?

19h. J’use le cadran de ma montre à force de vérifier la place des aiguilles. Toutes les minutes. Je lutte contre la confortable sensation de désespoir et d’abandon, la tentation de ne pas le voir ce soir, de simplement passer une soirée tranquille entre mon chat Violet et un plateau repas à picorer.

19h03. L’étape de l’angoisse est passée. Je pèse le pour et le contre. Je retrouve pour un temps les statistiques de mon enfance, les comptines qui prédisaient l’avenir, am stram gram. Comptons les nuages. Impair. Il ne viendra pas. Mon rythme cardiaque s’apaise. Je repère la cabine téléphonique où j’irai tout à l’heure consulter mon répondeur. Je n’ai pas de portable, inutile, je l’égarerai par mégarde parfois, par déni d’attache souvent.

19h05. Les minutes s’étirent paresseusement. Béatement, je regarde le ciel rose, sirupeux. Je suis assise sur les marches crasseuses, en compagnie d’un couple de Japonais bardés d’appareils photo et d’une jeune fille mélancolique plongée dans un livre. Je me demande si elle respire entre deux pages tant elle semble absorbée. Je respire lentement, avant de prononcer pour ma conscience filante une résolution : dix minutes. Pour la forme. Dix minutes d’attente pour pouvoir dire : « Je t’ai attendu une demi-heure et tu n’étais pas là ». Une demi-heure de guet pour rien. J’hésite sur la conduite à suivre: préparer une scène froide comme une tête de veau, raisonnée, avec une once de cynisme, ou accepter le pardon d’un air détaché ou blessée, pourquoi pas avec une moue mutine voire sensuelle. Me montrer magnanime ou exhaler une bouffée de colère. Mon cœur oscille à chaque éventualité. Envie de décider : « Allons-nous continuer ? » De laisser libre cours à toutes me s peurs, mes frustrations, mes silences. Ce jeune homme frêle ne résisterait sans doute pas à cette charge explosive. Et moi non plus.

19h08. La lecture du journal du jour m’a profondément ennuyée, après avoir lu chaque article au moins trois fois, j’en retire une profonde sensation de vide, identique à celle qui vous étreint au petit matin. Et puis j’ai horreur de l’attente, ça m’énerve, je me sens ridicule. Et légèrement paranoïaque : est-ce que tous ne remarque pas cette jeune femme esseulée ? On lui a posé un lapin sans doute. Pauvre looseuse. Et celui-là qui n’arrive pas. Les pas hasardeux des touristes et des badauds m’exaspèrent. Quelle idée de se donner un rendez-vous dans un endroit pareil. Et puis pourquoi est-il si en retard? Il ne l’est jamais autant. Jamais plus de vingt minutes. Brusquement, une pointe d’inquiétude transperce mon cœur. Et s’il lui était arrivé quelque chose ?

19h10. Et s’il nous arrivait quelque chose ?

19h13. Je l’aime bien ce type. En farfouillant dans un passé pas si immédiat, dans les premiers sans conteste au hit-parade. Sois honnête, c’est le nec plus ultra. Il ne m’ennuie pas, il ne râle pas, il est gai. Et il n’a pas ces sales manies communes à la gent masculine. J’énumère : laisser traîner ses chaussettes ou, selon les variantes, les slips, les mégots, les amendes... Si au moins ils s’agissaient de billets tout neufs ou de petits mots sympas. Revenons à lui.  Ce qui ne gâte rien, côté physique, il est pas mal. Conversation et sexe, mettons huit sur dix, on peut toujours progresser. N’empêche, ce beau mâle est en train de me poser un lapin et, si ça continue, je vais louper mon Bergman.

19h19. J’ai faim.

19h21. J’ai très faim.

19h22. Tant pis pour ma culotte chevaline naissante. J’entame une délicieuse barre chocolatée saturée en sucre, graisses et autres monstruosités. Je sais, plus dure sera la chute mais…

19h25. Ça m’énerve. Pour ce mec, je viens d’enfreindre lune de mes règles de base : attendre plus d’une demi-heure. Très mauvais. Je louvoie, je vieillis. Je me ramollis. Pouah…

19h30. Je papillonne, je regarde à droite à gauche. Ouf, le groupe de Japonais est parti finalement. Les gens entrent et sortent. Tenue de soirée de rigueur. La Traviata à l’affiche d’après le guide spectacle que je viens d’ouvrir ; hautement saluée par le Tout-Paris. Magnifique spectacle auquel on pourra se vanter d’avoir pu assister dans des dîners rasoirs.

19h31. Foule bigarrée et bruyante mais j’ai l’œil, je remarque un jeune homme, non plutôt un  bel homme. Il me sourit, je lui rends son sourire. Un instant se dire, peut-être une autre histoire. Qui sait ?

19h34. Je lui jette à nouveau un coup d’œil. Il me regarde avec insistance. J’entends mon greffier, mon noiraud, mon ange gardien comme s’il était à mes côtés. Allez ça ne fait pas mal de changer de crèche pour un temps ; t’as pas fait vœu de célibat ma cocotte. Et puis ton mec, c’est pas à cause de moi qu’il ne saute pas le pas ? Et un gars qui n’aime pas ton chat, tu peux le noyer dans le népéta*, il ne vaut pas plus cher…

19h38. Une jolie rousse, auburn, très « in », l’a rejoint. Le type brun s’en va avec elle et, en s’éloignant, me fait un petit signe. Je le regarde s’éloigne, dommage il est aussi bien de face que de dos.

19h42. Tu devrais avoir honte ma fille, ton Fred tu l’aimes bien. J’ai l’impression d’être une coureuse, une vulgaire fille des rues. Huit mois qu’on sort ensemble, cela compte. Et je ne peux pas toujours... fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve. Mon ange-gardien aux longues moustaches me susurrerait, tu n’es pas un peu cruche, toi dans le genre, avec tout ses mecs qui t’ont fait miroiter la lune… Normalement tu devrais connaître le dicton, chat échaudé

19h45. Je sens des larmes poindre au coin de mes paupières. Une heure et il n’est toujours pas là. Mon cœur saigne. Comme le ciel.

19h48. Heureusement, mon mascara est waterproof. Je me lève, mon chat m’attend. Je dois bien avoir une tablette de chocolat qui traîne dans mon sac, sinon je me ruerai sur l’épicerie du coin. Il est toujours ouvert et 5 euros de bonbons en vrac ne peuvent pas faire de mal à une personne au bord de la rupture.

Je sens une main sur mes yeux et son visage dans le creux de mon cou. Je sens l’odeur du bouquet de roses qu’il glisse dans ma main. Je me retourne et aucun mot ne me vient à l’esprit. Il est là et j’ai déjà oublié où je me trouvais. J’entends sa voix qui murmure dans mon oreille : « Je te regarde depuis une heure de la terrasse du café là-bas, tu es belle ». Et puis plus doucement encore : « Ça te dirait de vivre à deux, juste pour voir »

Je glisse mon nez au creux de sa nuque… et ferme les yeux.  J’entends alors une petit voix me souffler « à trois plutôt, non ? Il n’oublierait pas ton greffier ? »

* népéta ou herbe à chats

27 décembre 2008

L'heure walrus (Caro_Carito)

horloge


L’horloge sommeille dans la pénombre glacée. Cliquetis de métal dans la solitude des vieilles pierres. Les Parques glissent entre leurs doigts flutés les fils de nos vies, défaisant l’écheveau emmêlé de nos destins. Une ombre passe dans le square abandonné. Un courant glacé effleure le manteau de la cheminée. Telle une sentinelle muette aux abords d’une salle à manger vêtue de rires et de lumière.

Minuit au loin. Les Parques suspendent leurs gestes. Un rayon de lune se pose sur le mécanisme à peine vieilli par les siècles. La grande aiguille de métal recouvre la petite. Douze coups et une brèche béante. Quelques minutes glissées là par les facéties d’un calendrier. Chaque année voit se nicher quelques minutes dérobées jusqu’à ce 31 décembre ; là le décalage se fait fracture. Le grand Horloger suspend le ballet des secondes et lance les dés. Les ombres se font plus pressantes. Le silence enveloppe chaque geste. Le Maître va-t-il, au gré d’une face blanche de jeu de hasard, envoyer le monde ad patres ? Faille béante, invisible à nos yeux, dans laquelle notre monde peut, en un battement de cil, basculer.

debronze


La course du dé se fait plus hésitante, oscille encore quand une main s’en saisit. Les parques retournent à leurs métiers, les ombres se font à nouveau discrètes et quelques dieux toussent. Dans l’ombre, le grand Horloger sourit, il est inutile de forcer le destin. Ebrécher le temps, vanité des vanités...

Le rayon de lune s’estompe, la roue dentée reprend sa course. Il est minuit passé.

20 décembre 2008

Drame en Laponie (Caro_Carito)

 

Lu dans la dernière édition de France Flash

Drame en Laponie.

En pénétrant dans l’atelier de fabrication des jouets de Noël, l’équipe du matin des lutins a retrouvé le corps sans vie du Père Noël. Le célèbre homme en habit rouge était affalé près de la cheminée, un couteau de boucher fiché en plein cœur. La mère Noël est pour l’instant maintenue en garde à vue ainsi que M. Schiksal, ami très proche de la femme de la victime et président de la très récemment privatisée poste finlandaise. Il s’agirait où d’une banale affaire de mœurs ou d’une dispute ayant dégénéré sur fond d’intérêts boursiers. En effet, la famille Noël fait actuellement l’objet d’une enquête pour délit d’initiés depuis une étonnante prise de bénéfices sur l’Euronext. La victime clamait son innocence tandis que l’avocat de son épouse n’avait pas voulu répondre aux questions de la presse. Un mobile mêlant affaire de cœur et de d’argent n’est toutefois pas encore exclus.

Un appel à candidature pour pallier cette défection de dernière minute a été diffusé pour un intérim allant de la période du 21 au 31 décembre inclus (et oui ! le service après vente vous en faites quoi . Etant donnée les chiffres astronomiques du chômage dans notre région et la récente acquisition d’un traîneau autoguidé par GPS par Santa Klaus Illimited, nul doute que le poste sera très vite pourvu.

13 décembre 2008

Double vie (Caro Carito)


La journée vient de s’achever et elle n’a pas même défait son cartable. Il fait déjà sombre. Elle s’est lovée dans le vieux plaid au pied du téléviseur qu’elle n’allume jamais. Le verre de chablis se réchauffe malgré sa paume glacée. Elle aime cet instant entre chien et loup où ses rêves affluent à toute volée. Elle oublie le préau bruyant, le préfabriqué où on l’a logé par manque de place, où elle ne donne pas trois minutes de cours et où l’on gèle chaque lundi matin de décembre. Elle grignote un sablé et finit de se verser le fond de vin blanc. La journée se perd dernière des brumes inexistantes. Si seulement demain pouvait s’effacer par miracle. Lila tend la main vers la table basse. Elle sait qu’elle ne devrait pas, que ce geste va lui ôter ses dernières forces et la plonger directement dans les eaux glacés de ses chimères. Elle devrait se lever et aller à ces réunions dont le magazine de la municipalité faisait mention. Mais l’idée de ces mots coupants qu’elle devra prononcer, la réalité brute qui ne se dérobera plus… lui est intolérable.

Son conseiller vient de partir. Un aléa de la vie familiale lui a-t-il dit en attrapant son attaché case. Antoine se retrouve seul au milieu des boiseries vieillissantes. Il se dirige vers la petite armoire derrière son bureau et en sort une bouteille de vieil Armagnac. Il doit encore affronter une réunion où sa cravate l’étranglera et rentrer chez lui où un compte-rendu détaillé de la mise à sac de son compte banque lui sera récité par une épouse distante. Les draps glacés et solitaires de son lit l’attendent. Il n’apercevra les enfants que le lendemain quand ils auront déjà quitté leurs pyjamas d’épais coton et que Marcella ou Olga, la jeune fille au pair les aura fait déjeuner. L’Armagnac a ce goût boisé et fruité dont il raffole. Il s’abstient de boire dans les grandes réunions préférant l’alcool en tête à tête. L’homme à la mine coupante qu’il tache d’éviter dans les reflets d’une vitre ou d‘un miroir a enfin disparu. Sa vie pressée se détend. Il sait qu’il devrait renoncer à ce plaisir coupable, son médecin lui en a touché un mot. Il ne peut pas, il refuse tout bonnement ; c’est son seul délice, son unique liberté.

Au moment de saisir la bouteille que l’épicier lui tend, Lila aperçoit une main aussi avide à saisir un flacon à l’étiquette doré. Ballet synchrone. Elle lève les yeux. Le même regard en faux semblant qui sourit mais qui n’est plus là. Un sourire de connivence les réunit. Un bref instant avant qu’Antoine n’esquisse une brève grimace de douleur en s’agrippant sur le comptoir et qu’elle ne glisse, l’air étonnée, sur le sol beige et sale. Est-ce cela, est-ce l’écho de l’alcool glacé… Ils n’ont vraisemblablement pas entendu les deux malfrats pénétrer dans la boutique fine et intimer à la clientèle l’ordre de se jeter à terre. C’était sans aucun doute une seconde de trop dans la ligne de mire.

6 décembre 2008

Deux colonnes à remplir (Caro Carito)


 

La feuille posée devant moi me semble irrémédiablement blanche. Stylo noir adossé au côté droit. Un brin agressif. Je ne vois pas mes mains, glissées sous la table. Mais je les sens trembler.

« Deux colonnes. » m’avait-t-elle dit. A l’éclat d’airain qui brillait sous ces trois syllabes, j’ai compris que les 10 séances où je n’avais pas ouvert la bouche avaient eu raison de la patience de ma thérapeute. Sous le visage au brushing soigneusement maîtrisé et malgré la neutralité beige de son ensemble, j’avais senti que l’exaspération n’était pas loin. J’avais donc fait précéder mon «à la semaine prochaine » par un oui à peine audible.

Je sors lentement mon cv de mon sac de cuir. Je dois aligner ma vie en deux ridicules listes. Piocher dans mes souvenirs d’enfance des bribes de moi. Empaqueter le tout et le livrer en vrac pour analyse. J’avais pensé trouver la matière dans de vieux albums photos. La simple idée de plonger dans l’humidité crasse d’une cave m’avait filé la nausée. Ma détermination vacillante n’avait pas pu aller plus loin. Je m’étais rabattu sur l’idée du CV. Je lirais entre les trois lignes de l’enfance coincé entre lycée et bac. Facile. Une ville moyenne, une scolarité monochrome, deux flirts d’ado qui, mis bout à bout, avaient duré 182 jours. Je pouvais éventuellement retrouver avec une marge de 10% d’erreur le nombre de baisers avec ou sans, et pour le deuxième gars, un dénommé Eric, un nombre certain de pelotage, nettement plus agréables et poussés dans le dernier tiers de notre relation. Je pourrais atteindre sans mal une validité frisant les 95%... si je retrouvais mon journal intime où une adolescente à fleur de peau avait consciencieusement recensé faits et gestes amoureux. Mais pour cela il me fallait descendre à la cave. C’était non. Pour la deuxième fois.

Je décide de laisser en friche cette première partie de vie. Les deux colonnes sont toujours aussi désespérément vides. Mon regard passe de mon affligeant désert personnel, écrit blanc sur blanc aux lignes soigneusement imprimées de mon curriculum. Les cursives, les entrejambes si fines, s’épaississent jusqu’à ne plus former qu’une ligne dansante. J’entends soudain le bruit de la roulette. Ce tressautement grêle sur les bords noirs et brillants, semblable à un ronronnement mécanique et félin. Ce silence presque imperceptible quand la boule s’immobilise.

Je t’avais rencontré au casino. Aucun de nous n’était flambeur. Nous avions laissé la place à d’autres joueurs, plus féroces. Nous avions aligné nos jetons, changé le tout, bu un verre et vécu ensemble un bon paquet d’années. Une alliance et deux enfants plus tard…. Cette musique m’obsède depuis ; la boule argentée s’est arrêtée à la case divorce.

Ces deux colonnes me donnent la nausée ; elles me rappellent mes six mois d’assistanat comptable chez le vieux Schnock. Son œil, au fond jauni, traînait un peu trop sur moi ; il avait les pattes luisantes et la couenne terne. Pourtant, il ne s’agissait que du décor, le pire se trouvait ailleurs. Aligner des chiffres imbéciles dans les cases d’un logiciel aride Au bout de quelques semaines, il était clair que la tentative de reconversion de l’agence chômage avait capoté en beauté. Je n’avais pas l’âme d’un comptable.

 

J’ai rangé mon cv. Il me suffit de vouloir étaler ma vie pour savoir qu’elle se résume au crédit et au débit de notre divorce en cours. Retour à la case départ, où nous alignions nos jetons. Côté immobilisations, on compte les plus-values, on soustrait le mobilier de ta grand-mère et l’aide de mon oncle pour la réfection des murs. C’est toi qui casque : le Henri IV n’est plus coté à l’argus des broc et autres dépôts-vente. Ca m’arrange car, de fait, en plus de notre maison en région parisienne, je rafle l’appart en Vendée. Tu peux te garder ton truc miteux à la neige. Elle est moche cette station. Dans cinq ans, tu va pleurnicher que le remboursement t’étrangle. Conseil d’ex : le lieu ne sera jamais rentable et les crédits à taux variable, c’est jouer avec le bâton clouté du parfait masochiste. Et puis, ça t’apprendra à garder des stock-options en douce. Un actif douteux. Et tu croyais que je ne le savais pas. J’avais assuré mes arrières, pas besoin d’un privé pour découvrir tes petites combines. J’ai tout noté dans les règles, sans oublier de payer le coup de patte de l’huissier lorsque cela s’avérait nécessaire. Garde ton coupé sport qui te demandera un bon nombre d’heures sup jamais facturées. Après tout, c’est l’avantage d’être cadre ; tu réduis comme ça les chances de te faire virer. Alors ne compte pas ton temps, tu en auras besoin pour la pension, ton train de vie et surtout ta confiance en toi. En contrepartie, je m’occupe des enfants : même forfait horaire que toi, jour, nuit, vacances et WE dans le paquet. Simplement à moyen terme et même avant, tu va regretter ce temps que tu ne leur donneras pas, aux gosses. Il y a des options fiscales et certaines d’autre nature que l’on choisit par facilité, qui vous poursuivent jusqu’à votre mort.

Voilà, j’ai fait les comptes sur deux colonnes, les jeux sont faits. Côté finances, mon conseiller fiscal salut le bénéfice que je vais empocher et lui aussi, évidemment. Je t’ai laissé les mouchoirs de baptiste offert par un ancêtre lors de nos noces. Les soirs de blues, c’est toujours classe d’éponger sa tristesse dedans et il ne faut pas en racheter. Tu geins de t’être fait dépouiller… Remarque, fallait pas tout miser sur la rouquine méchée, vraie ou fausse, qui t’envoyer au 7ème ciel siliconé des amours vénales. Elle t’a coûté cher - les bimbos ça casse une tirelire d’hommes d’affaires en trois caprices – mais le retour sur investissement, lui, tu ne l’avais pas vu venir. L’effet de massue s’est déployé le jour où tu as reçu la lettre de mon avocat.

Le fric va nous aider, les gosses et moi. Quant à toi, je te fais confiance, tu retomberas sur tes pattes. Mais je n’ai pas besoin de remplir ma feuille ni de psy pour savoir que, au bout du compte, on n’alignera pas de jetons. En posant les deux colonnes, si je retranche les sentiments cassés, nous tomberons d’accord sans l’avouer qu’il n’y a pas d’estimations matérielles possibles et pas d’assurance. On aligne les torts à cinquante / cinquante et les pertes sont infinies.

Il est l’heure de remballer mes devoirs, Mme la Juge appréciera ma participation active à une improbable réconciliation. Elle aura matière la psy avec tout ce que j’ai griffonné même si je ne veux pas lui parler. D’ailleurs, je n’ai envie de rien depuis que cette bille n’en finit pas de tourner dans ma tête : 23, rouge 51, 12, 7, impair. Je ne souhaite qu’une chose, que la roulette s’arrête et que sa mélodie métallique s’efface à tout jamais.


29 novembre 2008

Braises (Caro Carito)


Sainte-Reine…..    …..

     Pirou Plage   

.

J’ai reçu cette carte hier. Elle s’était glissée entre un catalogue et quelques prospectus. Et une facture, je crois. J’ai d’abord cru que c’était une erreur. Je l’ai retournée plusieurs fois dans mes mains mais mon nom était bien inscrit en toutes lettres. L’adresse aussi. Il n’y avait même pas d’erreur à Janinscky. Qui pouvait encore connaître mon nom de jeune fille… J’ai cru un instant à une mauvaise blague…

Pas de texte, juste quelques lettres hoquetantes, sous le timbre banal, tracées sur la surface glacée. Là, j’ai vu qu’il ne s’agissait pas d’une carte postale mais d’une photographie.

Plus tard quand j’ai enfin trouvé quelques minutes apaisées dans l’envol permanent qui règne sur la maison : portes claquées, rires et guerres fraternelles factices, course effrénée entre les jumeaux et Mistigrette. Plus tard donc, je me suis assise là où un peu de sérénité s’était réfugiée. Je voulais  observer ce paysage brumeux. Eaux dormantes, frêle esquif. Un phare juché au bout du monde.  Pour te redécouvrir.

Car c’est toi, n’est-ce pas ? Ta main carrée a tracé soigneusement l’adresse. Dix ans sans nouvelles, dix ans jour pour jour. Postée de Pirou Plage.  J’entends encore ce petit nom que tu me glissais à la dérobée dans le creux de l’oreille. Pirou…

Et cette tache grise qui rend mon prénom presque illisible. J’ai voulu croire à la pluie. Je n’ai pas pu. Pas longtemps. Je t’ai deviné, quelques jours de printemps plus tôt, dans la fraîcheur persistante des matins d’avril, te dirigeant vers la boîte jaune. Le froid piquant t’a arraché une larme, ou serait-ce une ombre du passé…

J’ai encore en tête ton odeur de sel et d’herbe dure quand je me brûlais en embrassant ta joue pour un bonjour. J’aurais voulu plus. Je sentais nos corps se durcir puis s’éloigner. Gêne fugace. Nos paroles s’accrochaient, s’écorchaient. Enfin, un souffle complice. Trêve.

Ce jour-là. Dix ans déjà. J’avais posé ma main, un instant, sur ton bras. Tu avais incliné ta tête vers moi. Je revois l’ombre grise de ton regard. Tu es resté immobile. Aucun de nous n’a osé ce geste qui aurait fait flancher la balance. Un léger bruit, l’instant s’est enfui.

Tu parlais trop, de projets et d’impossible. D’un phare du bout du monde comme une lueur dont le sillage apaise. Tes paroles se déversaient en flots tumultueux. Je ne disais rien. Aucun mot n’aurait pu endiguer le courant de tes pensées. Je devinais sans peine comment apaiser ton âme. Ton regard, tout en toi quémandait une réponse, cherchait à m’arracher un serment, un demain. Comment promettre sans me dédire. J’évitais ton regard, je me voulais transparente. Tu es parti, me laissant ces derniers mots qui tremblaient presque. Dans dix ans, m’auras-tu oublié, parce que moi… Dix ans déjà, ta voix frisonne encore en moi.

Je suis toujours institutrice ; mon adresse est la même. Je n’ai jamais quitté Sainte-Reine. Les enfants ont grandi, bien sûr. Au fond, rien n’a vraiment changé.

Je posterai cette lettre dès que la nuit viendra. Le village sera désert. Quand le rectangle gris disparaîtra dans la fente della bocca de la verita, je frissonnerai. Je sentirai comme parfois le poids de ton regard. Le regret mordra à pleines dents, je sentirai le manque s’emparer de chaque parcelle de mon être. De toutes mes forces, j’éloignerai les chimères assassines, les peut-être cruels, parce que je t’ai aimé.

Parce que je t’aime encore.

.

V.

.

Toute ressemblance entre les personnages est peut-être fortuite. Ou pas.
.

22 novembre 2008

Pétanque japonaise (Caro Carito)

 

Là, créchait cette illustre Madame

Au-dessus d’un rade de Paname.

Cette Suzanne qui avait avalé,

Au sortir d’un matin graisseux,

Un haïku tout cru, seul et malheureux

Ah ! Tout çà pour un colis mal adressé.

 

Velours et satin

Jeu de geisha  alanguie

Choc Choc  Aïe Aïe  Ah…. !!!

 

Moralité :

La curiosité est bien vilain défaut chez le bon peuple ; un bien mal acquis conduit parfois à des chemins inexplorés. Ainsi en est-il de Madame Suzanne, honnête femme et veuve estimée. Elle déflora l’écrin soyeux égaré en son meublé propret. Du brasier entrevu et ranimé, naquit une Suzie, qui chavira le vieux rade de la rue Merle et ses habitués avec ses mines et ses miaulements de chatte énamourée.

Ami lecteur, pourriez-vous m'aider...
En une phrase poétique, il faudrait faire allusion à la loi ou aux lois physiques qui sous-tendent ce duo de boules nipponnes.
D'avance merci de votre collaboration à la morale de la morale.

 
15 novembre 2008

Le premier regard (Caro_Carito)

Regardez-moi.

 

Je m’appelle Eve.

 

Certains me voueront une haine ancestrale, née aujourd’hui, jour où j’ai… Non. Où nous avons croqué la pomme. Je serai alors plus Lilith que femme.

 

D’autres m’aduleront, me voueront aux nues de la féminité, de la liberté. Je serai Eve le symbole. La terre nourricière. Je ne serai plus.

 

Mes filles penseront à cette malédiction attachée à nos ventres. Tu enfanteras dans la douleur. Elles gémiront quand leurs dos courbés, leurs corps fatigués les feront regretter d’être venues sur terre.

 

Pour elles, trois larmes.

Une qui rafraîchira leurs tempes lasses et enlèvera un boisseau de peine à leur âme.

Une qui se mêlera à celles qui ruissèlent sur leurs visages. Ainsi, elles sauront qu’elles ne sont pas seules.

Et la dernière se fraiera un chemin jusqu’à leur cœur. Alors, elles trouveront la force de se redresser. Leurs regards se perdront dans le mien.

 

Laissez le mythe. Regardez-moi.

 

Je ne suis qu’une femme et je m’appelle Eve.

25 octobre 2008

Tour de manivelle - Caro_Carito

     Bonjour, Arthur Guimpoix. Candidat n°157

   - Monsieur, prenez place et montrez nous ce que cache cette boîte

  Le jeune homme frêle remonte ses lunettes et ouvre un carton. Il en sorte une boîte métallique avec une manivelle

  Il s’éclaircit la voix et annonce d’un trait:

     - C’est une boîte à poésie on met des mots dedans on ajoute le style vers libres ou alexandrin sonnets oulipo hexamètres rimes croisées allitération anacoluthe et on tourne la manivelle…

  Il s’interrompt et chuchote quelque chose. Dans un crac métallique, il actionne la poignée. Un bout de papier lilas sort comme par enchantement. Il la tend aux trois juges.

     - Ah !

S’exclament, décontenancés, ces trois derniers.

     - Essayez !

Réplique l’inventeur.

Et il tend l’engin à un vieillard chenu. Celui susurre quelques mots, attrape le papier et lit attentivement. Il lève les yeux

     - Et la musique, jeune homme, et la musique ?

Le candidat sourit imperceptiblement et ajoute avec la gaité d’un enfant qui a devancé un adulte.

     - Monsieur est un puriste. Mais… j’y ai pensé. Ici, vous pouvez préciser le mouvement : lento, cantabile, pizzicato et même chuchoter une mélodie.

Devant la mine sceptique de ses vis-à-vis, il ajoute :

     - Et là c’est pour les couleurs. Là, les odeurs. Les arpèges du toucher se déclinent ici.

Dit-il en indiquant un endroit à la base du cylindre.

Le vieillard réessaye. Lit le papier en silence. Puis à haute voix.

Le jeune homme ajoute :

     - C’est un petit programme statistique ; il n’y a rien de mystérieux là-dedans. Des formules, des mercuriales, des dérivés… Et quelques hypothèses.

Le vieillard soupire :

     - Vous avez raison, il n’y a rien de magique dans le hasard mathématique qui a réuni ces mots. Pas le moindre supplément d’âme…

Il se tait un instant, le regard perdu dans le vide avant de s’enflammer.

     - Vous vouliez changer le vil métal des chiffres en poésie. Vous êtes un alchimiste de la plus belle eau. Pourquoi pas ? J’aime les âmes brûlées, les quêtes vaines, elles écrivent l’histoire. Je prends !

18 octobre 2008

Cet été-là (Caro_carito)

Ce film, je suis sûr que ce film est la cause de tout. Je n’ai qu’à m’en prendre à moi-même. J’aurais dû dormir. Le dimanche soir, les enfants sont censés aller au lit à 20h. Même à douze ans et même s’ils ne rêvent qu’à être grands. Au lieu de cela, je m’étais glissé derrière le fauteuil où somnolait ma mère. J’ai oublié le nom du film et une bonne moitié de l’intrigue. Mais en partie seulement. Est resté gravée une atmosphère de légèreté, une faculté à regarder les femmes différemment, leur démarche gracieuse, cette coquetterie touchante

Ou alors, Ces tableaux chez mon grand-père, des femmes nus. Des peintres viennois, me disait-il fièrement. Et dans ce tourbillon de cuisses et de sexes crayonnés au fusain et à l’encre, il ne pouvait s’empêcher d’ajouter que sa mère - oui, sa mère - avait été modèle. Et de grands peintres fascinés par sa croupe ivoire et ses cuisses graciles. Elle était de Prague ou de pas très loin. C’est plus tard que je pris le temps de vérifier un à un les fanfaronnades de l’illustre aïeul qui avait fait prospérer l’usine familiale de broderies sur vestes et autres frivolités, avant de tout dilapider en caprices et investissements farfelus. Mais ceci est une autre histoire.

Il avait aussi conservé, le pauvre bougre, une immense bibliothèque de livres aux estampes colorées où j’aimais plonger mes regards. Ainsi Baudelaire, Baudelaire et ses femmes aux parfums étranges. Des livres d’auteurs reconnus, Apollinaire, Sade, dont les gravures étaient suffisamment explicites pour m’expliquer les passages obscurs qu’un bon gros dictionnaire

J’en étais toutefois aux prémisses ; ce qui décida de ma folie, de ma passion, ce fut ce qui arriva cet été-là. Ma mère souffrait d’une énième crise et la maison était sans dessus-dessous. Mon père qui ne supportait plus son épouse, ses maladies à répétitions, ses plaintes et ses refus de se soigner, avait pris la tangente. Deux de mes frères étaient partis chez ma tante. Ne me restaient sur les bras que les jumeaux Marion et Lucas avec leur premier anniversaire juste passé. Je n’avais pas le choix, il me fallait jouer l’homme de la maison. En tout cas c’est ce que m’intima  le regard sans concession de ma mère en me mettant un sac de provision rempli de livres à rendre à la bibliothèque dans les mains et en refermant la porte sur ma pauvre personne.

Je passais donc en premier chez Valérie, la bibliothécaire. On murmurait dans le quartier que c’était une vieille fille. Terme obscur car elle n’avait pas trente ans et sa voix douce m’enchantait. On disait encore plus bas qu’elle avait des amants, ce qui m’étonnait. Comment cette créature si mince dont le public était composé de grands-mères, de femmes en mal d’amour et d’enfants aurait pu rencontrer un homme. Je lui tendis la pile de livres empruntés. Valérie, remarquant mes traits soucieux, me pris à part dans son bureau. Ses yeux gris m’observaient et je lui dévidais toute l’histoire en essayant de maîtriser ma voix tremblante. Sa main légère se posa sur mon épaule. Elle me conseilla de passer vers 10h chez Bella la charcutière, elle aurait sans doute du travail pour moi. Quant aux livres, inutiles de dépenser quelques centimes pour régler les retards récurrents, il me suffisait de passer chez elle le soir, vers 18h, elle m’en prêterait avec plaisir. Sa main fine inscrivit en lettres soigneuses son adresse et la glissa dans ma main. Elle caressa ma joue. « Brave petit »  murmura-telle tandis que ses yeux gris pétillaient.

Je passai donc chez Bella. Son magasin était désert et c’est avec un grand sourire qu’elle m’accueillit. Bien sûr, elle avait du travail pour moi et, après avoir retourné la petite pancarte de l’entrée, elle m’amena dans les bâtiments qui donnaient sur l’arrière- cour. Je pourrais l’aider pour trimballer les livraisons qui arrivaient le matin à l’heure où son ivrogne de mari cuvait encore. Elle tâta ma musculature, la mine gourmande. Et je reviendrai vers 13h à la pause pour manger un morceau et l’aider avec les factures. J’acquiesçai. Le marché se conclut tandis que son visage au teint si frais  rosit de contentement. Elle me donna d’autres noms, Nelly, la pâtissière, Milène, l’artiste, qui cherchait un modèle, Clara, la vendeuse au grand magasin et Charlotte l’infirmière qui s’occupait de Mme Henri au 26.

La journée s’acheva rapidement. Je rejoignis Valérie qui m’avait préparé un ou deux livres pour ma mère et attendait le bref résumé de mes avancées côté travail. D’ailleurs, pour une fois, mon cabas était chargé de provisions. Il me fallait rentrer, les jérémiades de ma mère et les pleurs des enfants m’attendaient. Elle m’embrassa près de l’oreille et me glissant un livre dont la couverture était recouvert de papier kraft. « Pour toi ».

Le cœur débordant de joie, je décidai  de m’octroyer une pause. Je m’assis à une terrasse pour siroter une limonade. J’étais heureux, mes bienfaitrices défilaient devant mes yeux. Ah Bella, j’aimais ses cheveux soigneusement rangés sous le petit bonnet blanc. Et ses bras ronds que laissait entrevoir sa blouse. Mais je la préférais au bureau quand elle ne portait que ce chemisier de cotonnade légère qui semblait retenir avec peine sa poitrine. Sa jupe blanche laissait deviner à contre-jour ses jambes charnues. Un autre visage se présentait à moi quand ma voisine de table m’interrompit. Elle se présenta sèchement Anne-Sophie, étudiante. Hier encore, je l’eus remarqué mais là, non. Plate, un air maussade, la voix boudeuse. Elle s’installa à ma table sans avoir été invitée et, après quelque phrases échangées, insista pour je vienne chez elle en fin de semaine. Tout à mon bonheur tout neuf d’être tiré des ennuis, j’acceptai.

Les jours suivants se passèrent sans encombre. J’observai à la dérobée mes employeuses. Je détaillai leurs formes, je les comparais. Elles avaient chacune leurs particularité mais si… il m’aurait été impossible d’en préférer l’une à l’autre.

Je venais d’achever mon sandwich quand je rejoignis Bella pour quelques vérifications administratives. Il faisait chaud ce jour-là. Je remarquai qu’un bouton de la robe était dégrafé laissant entrevoir un carré de peau luisante et un peu de dentelle blanche. Dans un sourire, Bella me demanda de ramener un torchon imbibé d’eau. J’obtempérai. Elle me pria de tamponner la peau de son cou, elle dégagea ses épaules et… Je me retrouvais sur le sofa à rafraîchir ses bras, ses seins, son ventre. Dieu qu’elle était belle est appétissante. Je ne savais où donnait de la tête. Son sourire aux petites dents nacrées semblait vouloir me mordre. Ce qu’elle s’empressa de faire. Sa peau avait la fraîcheur du printemps. Elle me dévorait de baisers, sa bouche gourmande qui me dégustait petit à petit. C’est ainsi que j’appris entre les factures  à être moins gauche et timide dans les bras duveteux de ma Bella.

Elles s’étaient toutes donné le mot, mes employeuses,  et je me perdis entre leurs draps le temps d’un été. Milène aux odeurs de peinture et de glaise. Ses doigts rêches me brûlaient. Quant à Valérie, elle attendit que je finisse mon livre pour me demander de lui en faire un résumé. Je le fis, rougissant, en buvant le thé qu’elle m’avait servi. Elle ôta ses lunettes, laissa couler ses longs cheveux jusqu’au bas de son dos et se déshabilla. Je fis de même et, ainsi, elle me démontra que je pouvais découvrir un sens scellé des mots en suivant les courbes de son corps. Je connus aussi Charlotte l’infirmière aux élans emportés et Anne-Sophie, l’étudiante,  qui épuisa toutes mes techniques.

L’été passa très vite. J’oubliais l’enfer chez moi en découvrant à quel point une femme pouvait me rafraîchir de sa langue ou m’envoyer en enfer. Pourtant, il y eut ce jour précis où je sus que leur souvenir ne me quitterait jamais. L’ombre des persiennes découpait des énigmes sur la croupe de Valérie. Je posais ma joue dans le creux de son dos. Elle se tourna légèrement et je chatouillais la naissance de son ventre, à l’orée de son sexe quand je sentis comme une onde la parcourir. Pas de plaisir, une vague de tendresse toute en retenue. Et je lus sur les traits de son visage, sur ses lèvres légèrement entrouvertes, cet abandon qui l’avait gagné toute entière. Chacune à sa façon me laissa simple spectateur de ce moment où une femme baisse les armes, où aucune tension ne subsiste ni dans leur corps et dans leurs pensées.

Mon père revint, nous déménageâmes en septembre et je ne les revis plus. Pourtant, quand je retrouve  cette allure alanguie, cet instant secret auprès d’une autre femme, je les revois toutes. Clara, Bella la gourmande, Milène et même Anne-Sophie l’égoïste. Allongées contre moi, leurs yeux m’observent et se détachent ensuite, m’autorisant à être spectateur de leur secret.

11 octobre 2008

Fin du défi de Tilleul (Caro Carito)

Rififi au parc Igrec (Tilleul)

C'est l'été... Le soleil généreux darde ses rayons caniculaires...

Monsieur Pol Hisse, nouvellement élevé au grade d'adjudant, arrive, toutes sirènes hurlantes, sur les lieux de l'incident au volant de sa Peugeot de service. L'appel était clair : "grabuge naissant au parc Igrec, s'y rendre immédiatement!"

Garer sa voiture, ne sera pas un problème, pense-t-il... Avec le gyrophare, il peut s'arrêter au milieu de la chaussée... mais, plus il approche, moins il progresse... Une foule immense lui barre le passage... Il sort du véhicule. La marche n'est pas son sport favori, et avec cette chaleur ! La sueur perle déjà à son front.

A coups de sifflet stridents, il tente de se frayer un passage au milieu des badauds.

"Poussez-vous ! Police, laissez passer !" Rien n'y fait ! Il transpire à grosses gouttes...

Sa chemise fraichement repassée du matin, n'a plus aucune forme, elle lui colle à la peau.

"Laissez-moi passer ou je vous colle une amende !"

Entrainé par cette marée humaine, il recule plus qu'il n'avance...

"Savez-vous qui je suis? Je vais vous coller une châtaigne, moi si vous ne bougez pas !"

Bon sang ! Il faut qu'il arrive à se frayer un passage ! Si ça se trouve, l'adjudant-chef est déjà sur place...

******

Ouille, il sent un talon aiguille qui lui transperce le pied gauche. Et il doit être en acier trempé car ses godillots sont épais. Aïe ! Un coup de coude dans les côtes. Oups, il protège juste à temps ses parties sensibles d’une attaque félonne et esquive un coup de pied jeté des plus gracieux. Mais qu’est-ce c’est que ce bazar ? Il sent que sa tête tourne de plus en plus. Un parfum… Entêtant. Ecœurant. Affreux. Un truc à vous coller mal au crâne pour vingt-quatre heures. Identique à celui que l’on respire dans les bars à putes de la ville basse ou dans les soirées de gala au théâtre de la municipalité les jours de surveillance officielle.

Il réalise alors que la foule, qu’il avait prise pour un rassemblement d’inoffensifs badauds, était une manif en bonne et due forme, munie de pancartes, banderoles et autres éléments sonores du parfait trublion de l’ordre public. Sur ce coup, il avait été irréfléchi. Qui aurait pu imaginer le parc Y Grec en lieu de rassemblements ? Avec son dédale de chemins qui reliaient des terrasses exigus et des bassins bétonnés toujours à sec, il était d’ordinaire désert.

Un parfum, mais bien sûr ! Il est environné de nanas. Il ouvre un œil puis l’autre. Des ongles s’incrustent dans sa chair. Le pincent. Le malmènent. Rester stoïque malgré leurs hurlements de louves. Elles vont lui crever les tympans, ces hystériques ! « Arrêtez ! Mais je suis un représentant de l’état. Je dois passer ». Son cri se perd au milieu du brouhaha ambiant et d’une claque qui lui ravit son képi.

Et l’adjudant-chef ? Qu’a-t-il bien pu lui arriver ? Ces folles l’ont peut-être attaqué. Et lui qui ne se pressait pas de venir aider son supérieur, savourant, avec une tasse de nescafé fumante, sa promotion toute neuve. Il lui faut trouver coûte que coûte le moyen de sortir de ce guêpier.

Et dire qu’il n’a pas cru bon de noter autre chose que l’endroit où il devait se rendre. Il n’est même pas sûr que l’adjudant-chef lui ait fourni cette précision. Il faut dire qu’il a appris, après une année dans ce coin perdu des Landes, que la seule chose à craindre est de ne pas se conformer exactement aux desiderata de ce supérieur irrascible. C’est autre chose que son ancienne affectation : un coin repus de misère… Il y avait gagné plus souvent des plaies et des bosses qu’une tomate bien mûre ou des œufs pourris à se frotter à des salariés très remontés.

Maintenant il faut qu’il se sorte de cet embrouillamini où la désinvolture de son commandement l’avait envoyé. Des femmes, que faire ? Il n’a jamais été préparé à une telle éventualité. Il se décide à réutiliser son sifflet. Damned, lui-aussi a disparu Il s’égosille : « Mesdames, laissez-moi passer, je dois.. » Mais ces paroles se noient dans les invectives et autres chansons de campagne. Que peuvent bien vouloir ces nanas ?

Au fur et à mesure qu’il se sent happée par les poussées des manifestantes, la panique le gagne. Des images délirantes déferlent. Un homme qui se fait dépecer par des femmes en furie. Les trois jours d’incapacité de Jojo quand trois forcenées l’ont agressé à coup de sac et de parapluie parce qu’il s’était laissé allé à une ou deux remarques, un peu grivoises il faut l’admettre. Il se sent glacé soudain, malgré le soleil qui semble vouloir griller tout ce qui ressemble à un centimètre carré de peau. Il a peur. La pétoche. Plus question de penser à l’adjugeant-chef ou à la bagnole, il lui faut sauver sa peau. Et il sent que plus il flanche, plus la foule se fait menaçante, semblant se nourrir de sa peur. Enfer ! Il se rappelle avec effroi cette histoire que lui avait lue sa grand-mère, inconditionnelle du Reader Digest. Ce requin qui n’attaquait que lorsqu’il sentait la peur chez sa victime. « Pitié « » lâche-t-il dans un souffle. Il sent l’étau de poitrines, de côtes, de fesses qui se resserrent sur lui. Il va mourir, étouffé dans une manif de gonzesses. Bonjour les gros titres ! Il deviendra la risée du corps de la Gendarmerie, la honte de sa famille, de ses maies. Les louves le regardent et il voit dans leur regard la colère et aussi… Il sursaute. De la peur. Elles le craigne lui ou son uniforme ou ce qu’il représente.

Il tente alors une dernière sortie, rassemble toutes ses forces, gonfle ses poumons à bloc et s’écrie : « Mesdames, n’ayez pas peur de moi. Ma femme dit toujours, pour rigoler ; pour ne pas avoir peur d’un homme en uniforme, il faut le mettre dans son lit et se marier avec. » La foule surprise, interrompt sa marche en avant. Les mains, qui le malmenaient quelques minutes auparavant, se font plus douces et lui arrachent. Un bouton. Deux boutons. Jusqu’à ce que sa veste tombe à terre. Puis c’est le tour de sa chemise. Il sent son pantalon au pli d’ordinaire impeccable glisser sur ses hanches harmonieuses. Un index dessine avec précision la ligne de ses pectoraux, modelés par des séances quotidiennes d’abdominaux et la pratique assidue d’un jogging matinal. Sa cuisse droite sent une caresse circulaire de ce, non, elles n’oseraient pas ! doux renflement. Un deuxième mont de Vénus se colle à sa cuisse gauche et décrit le même cercle avec un rythme parfaitement synchrone - et complètement excitant, gémit le gendarme embarrassé. La pression des corps qui l’entoure se fait de plus en plus douce et enveloppante. Le mouvement de la foule, un instant interrompu, reprend, rebroussant chemin. Le lent cortège finit par disparaître après avoir gravi tous les étages jusqu’au sommet du parc Y grec, entraînant en son sein un Paul Hisse, dépouillé de tout et passablement sous tension.

Un peu plus tard, à la surprise de l’adjugeant-chef et des renforts enfin arrivés sur place, il ne reste des incidents qu’un léger nuage de poussières et un uniforme essaimé un peu partout mais, somme toute, au complet.

A LA UNE

UNE EMEUTE ET DE TAILLE !

Depuis la venue de Brigitte Bardot en 1967, la Croisette n’avait pas connu une journée aussi torride ! C’est une véritable émeute qui a accompagné la montée des marches par le jeune premier Paul Hisse. Seul, car il porte sur ses solides épaules, avec un talent indéniable, le dernier Opus du réalisateur Charles Cabrol. Après avoir marqué une pause juste avant de pénétrer dans le palais, l’acteur s’est retourné vers la foule qui scandait son nom. Il a alors arraché son uniforme, apparaissant alors dans la tenue qui a fait de lui la star des vidéos X : pantalon noir moulé sur un débardeur anthracite en lycra. Provocant au passage quelques évanouissements dans le public. Car force nous est de constater que la série des Le Gendarme se déshabille dont il est le héros a peu à peu remplacé dans la mémoire collective un autre gendarme, il faut l’avouer nettement moins sexy mais néanmoins lui-aussi très populaire. Pour exemple, l’opus n°6 Le Gendarme et les Sextraterrestres est en cours de réédition pour la neuvième fois consécutive !

C’est pourtant un acteur de tout premier ordre qui a reçu la palme pour son interprétation d’un héritier névrosé qui déterre avec patience tous les secrets tapies dans le sombre manoir familial. Monsieur Rocco Siffredi, vraisemblablement très ému, a salué celui qui accomplit le rêve que lui-même a un temps caressé. Elisabeth Hébert, au bord des larmes, a souligné qu’il accomplissait le destin dont rêve chaque acteur.

Impossible pourtant de percer à jour le mystère de ce jeune homme, entré dans l’industrie pornographique après avoir disparu une semaine lors d’une émeute. C’était en août 2008. Il a alors tourné ce film qui le fit connaître instantanément : Pour ne pas avoir peur d’un homme en uniforme, il faut le mettre dans son lit. Il enchaîna ensuite les succès jusqu’à ce qu’un réalisateur totalement inconnu Lionel Ahn le remarque. Le film est une réussite. Ce premier succès lui permettra de mettre un pied dans le cinéma d’auteur. Son deuxième film, toujours réalisé par Lionel Ahn marque à nouveau les esprits et il reçoit le césar du meilleur acteur. Le succès ne se démentira plus.

Cet homme qui provoque une émeute à chacune de ses apparitions a pourtant toujours refusé de parler de celle qui déclencha ce revirement de carrière. A ce jour, le mystère reste entier.

4 octobre 2008

De la taille d’un œuf de pigeon (Caro Carito)


J’ouvre les yeux. A nouveau cette pénombre suffocante. Il me faut quelques minutes avant de distinguer un rai de lumière aussi mince qu’un fil. Je palpe le sol humide, une terre friable et collante. Des morceaux d’images se succèdent tandis que des douleurs lancinantes attaquent mon corps par vagues. Il me faut essayer de faire le vide. Fermer les yeux.

Ai-je dormi ? Je n’en sais rien. Je passe ma langue sur mes lèvres craquelées. Plus que la faim et la soif, un curieux sentiment de désespoir s’est emparé de moi. Des écorchures et une cheville attachée. Pas la moindre d’idée de l’endroit où je me trouve. Les questions se succèdent sans réponse. Je fais le tour de mes possessions, un vieux treillis, une chemise déchirée. D’épais souliers. Une barbe déjà bien fournie. Bon Dieu mais qu’est-ce que je fous ici ? Et pourquoi ?

Le temps passe et personne ne vient. Si seulement ma tête ne me faisait pas autant souffrir, j’arriverai peut-être à mettre bout à bout deux idées. Je prends ma tête dans mes mains. Elle est si lourde. Aïe ! Je sens sous mes doigts écorchés une bosse de la taille d’un œuf de pigeon.

Alors que mes forces diminuent, cette expression stupide se colle à mes pensées. Rester les yeux ouverts, ne pas sombrer dans le noir absolu. Je revois un groupe qui parcourt des forêts et gravit des montagnes. Le rire d’une femme. Le bruit des balles et une cellule, une autre à peine moins sombre. Une course à travers la jungle et… Comment vais-je m’en sortir ? Là, je n’en peux plus. Je sens des larmes amères sur mes lèvres et mon corps qui s’affaisse. Me laisser aller, c’est ça. Oublier.

J’ouvre une derrière fois les yeux et je la vois. Cette fleur, cette orchidée, de la taille d’un œuf de pigeon, rouge sang… Elle…

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Le défi du samedi
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