L'heure walrus (Caro_Carito)
L’horloge sommeille
dans la pénombre glacée. Cliquetis de métal dans la solitude des vieilles
pierres. Les Parques glissent entre leurs doigts flutés les fils de nos vies,
défaisant l’écheveau emmêlé de nos destins. Une ombre passe dans le square
abandonné. Un courant glacé effleure le manteau de la cheminée. Telle une
sentinelle muette aux abords d’une salle à manger vêtue de rires et de
lumière. Minuit au loin. Les
Parques suspendent leurs gestes. Un rayon de lune se pose sur le mécanisme à
peine vieilli par les siècles. La grande aiguille de métal recouvre la petite.
Douze coups et une brèche béante. Quelques minutes glissées là par les facéties
d’un calendrier. Chaque année voit se nicher quelques minutes dérobées jusqu’à
ce 31 décembre ; là le décalage se fait fracture. Le grand Horloger suspend
le ballet des secondes et lance les dés. Les ombres se font plus pressantes. Le
silence enveloppe chaque geste. Le Maître va-t-il, au gré d’une face blanche de
jeu de hasard, envoyer le monde ad patres ? Faille béante, invisible à nos
yeux, dans laquelle notre monde peut, en un battement de cil,
basculer.
La course du dé se
fait plus hésitante, oscille encore quand une main s’en saisit. Les parques
retournent à leurs métiers, les ombres se font à nouveau discrètes et quelques
dieux toussent. Dans l’ombre, le grand Horloger sourit, il est inutile de forcer
le destin. Ebrécher le temps, vanité des vanités... Le rayon de lune
s’estompe, la roue dentée reprend sa course. Il est minuit
passé.