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Le défi du samedi
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9 janvier 2010

Diners d'enfance (Papistache)

Maman n’entrait pas dans la cuisine : elle vivait dans la cuisine. Son tablier écossais noué dans le dos, elle présidait à la composition des repas. Certains soirs, elle sortait la poêle du placard sous l’évier.

Culottée, la poêle, comme chaudron du diable ! Une poêle en fer, pas en inox, en fer noirci à la flamme. Maman y laissait tomber, de son couteau, un fort copeau de margarine. La margarine Astra, conditionnée en cubes de 10 cm sur 10 cm. La flamme bleue du gaz sautait ; la margarine grésillait. Maman jetait les restes du repas de midi dans la graisse liquide ; parfois c’étaient des pâtes, des pommes de terre ou des carottes,  mais aussi, parfois, c’étaient des haricots. Ces haricots mis en conserve ou en saumure qui revenaient régulièrement sur la table.

Les haricots rissolaient. Sûrement Papa devait aimer les haricots saisis, ou Maman, ou mes sœurs, enfin quelqu’un, certainement. Cinq enfants ! Maman devait avoir vingt bras ! Il ne devait manquer que le vingt-et-unième pour touiller les haricots ou alors la poêle était-elle en cause. La tambouille attachait. Autant le petit Papistache se régalait des haricots cuits à l’eau et servis au déjeuner, autant sa langue et son palais se contractaient au contact des légumes desséchés, les bons soirs, charbonneux plus souvent.

Assez vite, il envisagea de terminer le plat à midi pour éviter qu’il en restât pour le dîner :
— Ils sont bien bons, tes haricots, Maman, je peux en avoir encore un peu ?
Regard dans la casserole :
— Non, mon grand, il en reste juste assez pour ce soir. Mange donc un morceau de pain si tu as encore faim.

De même qu’il était inconcevable de quitter la table en laissant un morceau de pain à côté de son assiette, chez nous, il était inenvisageable de vider le contenu de son assiette ailleurs que dans son estomac.

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9 janvier 2010

Un carnet vert (PHIL)

Il aurait pu arborer une autre couleur. Mais il était vert.

Ce carnet, je l’ai rangé dans un des alvéoles de mon sac photo. En compagnie d’un stylo bille orné de marguerites qu’une de mes filles m’avait offert. Ainsi serais-je en mesure de prendre des notes lors de mes déambulations. Ou de noter les idées qui me passeraient par la tête à la suite de telle ou telle impression, et qui voudraient bien s’organiser sous forme de textes. Je noterais seulement l’idée, quitte à rédiger le texte ultérieurement. Ou je rédigerais une note brève ou un poème directement sur le carnet. Tout était possible. Avec un carnet en poche, je me sentais en sécurité. Je me sentais habillé.

Un jour, plus tard, on m’a fait présent d’un sac photo plus pratique. Le carnet vert y a trouvé sa place, ainsi que le stylo aux marguerites.

La couverture verte du carnet vert a légèrement terni avec le temps. C’est un carnet qui a voyagé. Pas très loin, mais il a voyagé.

Le carnet vert est vierge. Je peux compter les pages. Elles sont toutes là. Vierges.

Le carnet vierge serait-il inutile ? Non. Il est une sorte d’assurance. Ou de vêtement. Il m’habille.

J’exagère, mais à peine. Toutes les pages du carnet sont vierges. Mais il en manque deux.

Ces deux pages, je les ai déchirées le même jour.

A Cognac.

Cela aurait pu être ailleurs. Mais c’était à Cognac. Je m’appropriais la ville tandis que ma fille passait un examen. Au lieu d’attendre bêtement. A un moment je me suis assis sur un banc, dans un jardin public, et j’ai voulu écrire sur la part des anges. Ça n’a pas réussi. J’ai déchiré la page.

Et puis j’ai voulu gloser sur une idiotie que j’avais lue sur un panneau d’affichage, devant la maison de la presse. Ça n’a pas réussi. J’ai déchiré la page.

Quelle était l’idiotie en question ? Hum. C’est quelque chose que j’aurais volontiers intitulé « poids et mesures ». Le panneau d’affichage disposé devant la maison de la presse vantait une feuille de chou que j’imaginais destinée à des lecteurs plus qu’à des lectrices, puisqu’on devait y découvrir le classement des 100 stars féminines les plus sexys, c’était le gros titre de la chose. Cela laissait augurer d’un contenu d’une grande richesse, voire d’une qualité rédactionnelle exceptionnelle. Il était d’ailleurs précisé en plus petit, à côté de la photo d’une pin-up quelconque, que la pin-up en question, une certaine Paris Hilton (je ne sais pas où les américains vont chercher leurs prénoms, mais quelle idée…), que je ne connaissais ni des lèvres ni des dents, comme disait Bérurier, s’y trouvait nue à 99,3%. Dans la revue. Dont je n’ai pas mémorisé le titre, ce qui est peut-être dommage. N’empêche que ça me plongeait dans un abîme de perplexité. Comment pouvait-elle être nue à 99,3% ? Comment avaient-ils mesuré ? En quoi pouvaient bien consister les 0,7% restant ?

Je me suis dit, tandis que j’arpentais les rues de Cognac, que ce serait idiot de noircir les pages de mon carnet avec de telles inepties. Comme je l’ai dit, j’ai donc déchiré la page et j’ai décidé de n’utiliser le carnet qu’à bon escient.

Je ne sais pas si l’escient était bon lorsque j’ai photographié le carnet vert.

Oui, je l’ai photographié.

J’aurais pu tout aussi bien photographier le stylo aux marguerites ou la sacoche photo elle-même. Mais non. J’ai préféré immortaliser le carnet vert.

Que pouvais-je donc faire d’une telle image ? S’étonnera-t-on. Et bien la réponse, la voici : je l’ai postée en conclusion d’un blogue défunt. Il suffisait au visiteur de cliquer sur l’image du carnet vert pour accéder au blogue naissant. Le titre de ce nouveau blogue ? Le carnet vert, évidemment.

3 janvier 2010

Se sont déjà mis au vert

vertJoye ; Poupoune ; Vegas sur sarthe ; enfolie ; Sebarjo ; trainmusical ; rsylvie ; Captaine Lili ; Papistache ; PHIL ; MAP ; Zigmund ; Moon ; Teb ; Val ; Tiniak ; Oncle Dan ; Joe Krapov ; Brigou ; Virgibri ; Caro_carito...

20 textes à 20 heures,
21 textes à 21 heures, vendredi...

2 janvier 2010

Consigne 88

Pour cette nouvelle consigne

N°88

Je vous propose d'écrire

dans la forme qui vous plaira

ce que vous évoque une couleur.

Et ce sera

le VERT !

Vos envois colorés sont à envoyer à notre célèbre adresse :

samedifefi@hotmail.fr

A vos pinceaux !!!

2 janvier 2010

Trois petits dés (MAP)

Au milieu des herbes froissées
j’ai retrouvé trois petits dés.
Quand j’ai voulu les ramasser
une mésange m’a chanté :

Ne touche pas à ce butin
il appartient aux trois lutins
qui viennent danser au matin
une ronde sous les sapins.

Mais enfin ces dés sont à moi
sans eux je me pique les doigts
en cousant –oui, c’est mon emploi-
les habits de notre bon Roi !
………………………………..
Ils n’auraient pas dû les voler
mais ils étaient si assoiffés
qu’ils ont trinqué à ma santé
en buvant leur dé de « rosée !»

               ***

Même Version  après avoir bu :

»¡ ǝésoɹ « ǝp ép ɹnǝl ʇuɐʌnq uǝ
éʇuɐs ɐɯ à énbuıɹʇ ʇuo slı’nb
séɟɟıossɐ ıs ʇuǝıɐʇé slı sıɐɯ
ɹǝloʌ sǝl ûp sɐd ʇuǝıɐɹnɐ’u slı

¡ ıoɹ uoq ǝɹʇou ǝp sʇıqɐɥ sǝl
-ıoldɯǝ uoɯ ʇsǝ’ɔ 'ıno– ʇuɐsnoɔ uǝ
sʇƃıop sǝl ǝnbıd ǝɯ ǝɾ xnǝ suɐs
ıoɯ à ʇuos sép sǝɔ uıɟuǝ sıɐɯ

˙suıdɐs sǝl snos ǝpuoɹ ǝun
uıʇɐɯ nɐ ɹǝsuɐp ʇuǝuuǝıʌ ınb
suıʇnl sıoɹʇ xnɐ ʇuǝıʇɹɐddɐ lı
uıʇnq ǝɔ à sɐd ǝɥɔnoʇ ǝu

: éʇuɐɥɔ ɐ’ɯ ǝƃuɐséɯ ǝun
ɹǝssɐɯɐɹ sǝl nlnoʌ ıɐ’ɾ puɐnb
sép sʇıʇǝd sıoɹʇ éʌnoɹʇǝɹ ıɐ’ɾ
sǝéssıoɹɟ sǝqɹǝɥ sǝp nǝılıɯ nɐ

Journ_e___ros_e

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2 janvier 2010

Défi 87 (Vegas sur sarthe)

La tirade de l'ivresse    2 versions... (boire) voire plus 
par vegas sur sarthe      http://vegas-sur-sarthe.over-blog.com

Agressif : "Je déguste, monsieur, je suis un connaisseur!
c'est toi qui l'a payé? et ta soeur, elle bat l'beurre?"

Amical : "T'as tout bu mon cochon, maintenant t'es des nôtres
t'as rien laissé au fond, t'as bu comme les autres"

Campagnard : "Vain diou c'est du picrate ou je m'y connais pas!
y a du raisin là d'dans, du fruit, enfin je crois..."

Curieux : "Quel est donc ce breuvage, cet étrange nectar
que cache ce rapiat au fond de son placard?"

Descriptif : "Du bouquet, du velours, c'est rond et c'est puissant...
t'as pas deux aspirines ou bien du Primpéran?"

Dramatique : "Dans mon whisky pur malt ils ont mis des glaçons!
c'est la désolation, la déshydratation"

Lyrique : "C'est un petit Jesus en culott' de velours
qui m'a porté aux nues, converti pour toujours"

Naïf : "J'ai la tête farcie, un peu comme une courge
On m'avait pourtant dit blanc sur rouge rien ne bouge"

Pédant : "N'en déplaise aux Parker, bacheliers, bachelières,
le plaisir du palais c'est d'abord du Jasnières"

Prévenant : "Méfie-toi, malheureux, un seul verre c'est bancal
reprends en encore un, c'est bon, c'est du local!"

Tendre : "Couché sous l'oreiller, je l'ai mis à chambrer,
j'ai toujours cajolé mes petits beaujolais"

2 janvier 2010

jusqu'à l'ivresse (Joye)

je savoure
ton arôme
épicé

charnu
et charpenté
tu plais aux papilles

long
en
bouche
et généreux

comme
un baiser
onctueux
et
inoubliable

constant,
solide,
mais souple

doux
mais fort
et tendre
quand il faut...

je te boirai,
mon amour,
jusqu'à l'ivresse

et encore

***

i savor

your spicy

aroma

fleshy

and well-framed

you please my tastebuds

long

in

the mouth

and generous

like

a smooth

and

unforgettable

kiss

constant,

solid,

but supple

sweet

but strong

and tender

when needed

i will drink you,

my love,

to intoxication

and beyond

2 janvier 2010

FATALES IVRESSES (Tiniak)

Le monde ouvre les yeux et c'est de moi qu'il rêve
La couronne et la fève
je les ai tous les deux
Au plus fort de l'hiver entre l'année nouvelle
Je bois de l'hydromel à son regain fiévreux

  Que dit ce firmament venu froisser le ciel
  au ras des horizons brisés que les toitures
  alignent en fatras de cohésions obscures
  dont je suis sans savoir le serpent qui ruissèle
  et draine en contrebas l'ennui dans les fissures
  hein ?

Le monde ouvre les bras et c'est moi qui l'emporte
Je suis la mère forte
la vie à chaque pas
De sourdes profondeurs je puise à l'essentiel
Ma course est naturelle et m'élance au-delà

  Qui reprend en écho ma rauque ritournelle
  au flanc des murs crépis qui m'écorchent la voix
  quand j'avise une vrille où des feuilles tournoient
  et que je les poursuis au bas de la tourelle
  en laissant aux créneaux mon écharpe de soie
  dis ?

Le monde ouvre les jambes et c'est moi qu'il accueille
Je suis nu sur son seuil
et j'ai le premier cri
Au plus fort de la nuit entre l'âme nouvelle
et son doux hydromel j'en bois tout à l'envi

  - Qui pleure ?
  - C'est la pluie.

2 janvier 2010

ivres (d’amour ?) (Poupoune)

Aaaaaaaaah… Aaaaaaahaaaaaaaaaaah ! J’ai toujours l’impression de pisser plus que j’bois ! Hé hé !... Aaaaaaah… mais que tu la s’coues ou que tu la… quoi déjà ? Que tu l’astiques que tu… nan. Bref. La dernière goutte est pour le split, quoi. Ah non, tiens. Hé hé ! L’est pour la nunette ! Pis pas qu’la dernière ! Vache ! J’en ai mis d’dans quomême ?... Bon, un p’tit dernier avant d’aller m’piquer une ronflette… Vaaaala… Merde, j’y ai d’jà bourré l’cul ou non ? J’sais pu… ‘tends voir… j’bande ou pas ?... Ouuuuuh la ! Ben non, hein ! C’est qu’ça doit êt’ fait. Peux roupiller tranquille. Allez… Ah ben t’façon ça tombe bien, elle est pas là. Ben où qu’elle est encore ?... doit être chez sa mère. Elle est toujours chez sa mère. J’crois. Quoique… j’sais pu si elle est pas morte sa mère… pfffrrrrt !

 

***

 

Merde. Je l’ai déjà vu, lui. J’aurais dû aller à l’autre hôpital. Il me regarde bizarrement. Pourvu qu’il ne me pose pas de questions. Une fois j’ai failli craquer… mais je ne veux pas qu’on me l’arrête. Il n’a rien à faire en prison. Il faut juste qu’il se soigne… Il n’est plus vraiment lui dans ces moments-là… Je le sais bien. Dès qu’il arrêtera de boire… tout ça s’arrêtera aussi. Il est tellement… tellement… oh la la, je l’aime, quoi ! Comme une folle… Si je le perds je me perds. Alors je dois l’aider. Autant que je peux… à quel moment on sait qu’on ne peut plus ?... Je crois qu’il m’a recassé le poignet. Je devais être encore un peu fragile. Peut-être que cette fois il s’excusera. Et qu’il m’écoutera. Je sais bien qu’il m’aime aussi. Elle est belle notre histoire. Alors ça va finir par s’arranger. C’est sûr.

 

2 janvier 2010

Ivresse impossible (Zigmund)

Paul :

"qu’est ce que je fous là, moi,  assis dans ce pub seul face au mur éclusant verre sur verre, fumant clope sur clope*. Personne n’osera s’assoir près de moi, c’est tout juste s’ils osent me regarder. Ma réputation de champion d’arts martiaux me précède et les impressionne. J’essaie d’oublier qu’elle s’est barrée avec le môme. La con…e, comment a-t-elle pu  me faire çà, à moi, qui suis craint et  respecté par mes élèves et les autres pratiquants ?

Et c’est quoi cette petite frappe  qui discute là bas avec mon pote Claude  en regardant vers moi, son appareil photo braqué sur tout ce qui bouge ? qu’il essaie sur moi et je lui démolis le portrait vite fait !…

 

Bon faut que je me calme moi, c’est pour çà qu’elle est partie …

ah ! garçon, une autre bouteille, non, on ne  touche pas aux bouteilles vides  sur la table… ( hips !)"

 


 Dans un autre coin du pub deux amis discutent en regardant vers Paul

 

Dom : -"dis donc, Claude,  tu as vu Paul, là bas tout seul, il va pas bien ?"

 

Claude : -"ben, tu  sais, un jour qu’il avait trop bu,  il a tapé sur sa copine et elle s’est barrée avec le gamin depuis un mois. Depuis, il noie son chagrin." 

 

Dom : -"voilà  pourquoi il a délaissé la bière et pourquoi  il a cet air encore plus teigneux que d’habitude ; dis donc,  t’as vu toutes les bouteilles vides qu’il a bues, alignées devant lui, il les fixe d’un œil mauvais, il a interdit au serveur de les ramasser…

 

 Je ferais bien une photo, mais s’il me voit, je suis mort ! Dommage, j’imagine la photo et surtout la légende " :  « Noyer son chagrin dans l’eau pétillante, et se saouler  au Per…er,  c’est quand même bien  plus long et beaucoup  plus  difficile ! »    


*cette histoire vraie date d'il y a 10 ans  d'où la possibilité de fumer clope sur clope à l'intérieur.


     

2 janvier 2010

Le pommier (Phil)

Phil

On va se faire un pommier, avait dit Jacques.
Un pommier !
Certes. Et soit.
Il avait expliqué, c’est le cocktail national de chez nous, au fond du bout de la Bretagne. Chouette, avais-je répliqué, j’adore le jus de pomme. Et nous avions continué de déambuler dans la touffeur du début d’été.
Nous déambulions, oui. Le samedi après-midi. Quelques fois à pied. Le plus souvent en solex. En soldo, on disait. Ou en voiture, c’était d’un grand chic depuis que j’avais mon permis et une vieille 4L bleu marine. A trois vitesses, vingt dieux. Une pièce de musée pour ainsi dire.
Nous étions obligés de déambuler, quasiment. Pour avoir la paix. Parce que chez lui, comme chez moi, comme chez d’autres copains, il y avait des parents qui veillaient au grain. Des mères surtout. Nous étions des garçons relativement raisonnables, mais fallait pas exagérer, quand même. M’enfin. On pouvait bien fumer ce qu’on voulait sans que le monde s’écroule. Ou faire semblant. Comme mettre du thé dans les gauloises pour que ça sente bizarre. Ou faire des pommiers.
En l’occurrence nous déambulions à deux rues poussiéreuses de chez moi. A pied. Et pommier en tête, nous obliquâmes vers le supermarché.
A propos de pommier : mais non, avait dit Jacques, y a pas de jus de pomme dans le pommier, c’est breton ! Ce qui semblait expliquer tout. De fait le pommier se composait de gnole (de pomme, je présume, mais chez moi on n’avait que du schnaps de gewurz, cela ferait l’affaire, et comment ! y avait plus qu’à piquer une bouteille discrètement dans la cave), de vin blanc genre muscadet, bien acide, et de vin rouge, style du gros qui tache, bien lourd, comme on en trouve à tous les coins de rues en Bretagne, paraît-il. Et chez nous aussi, évidemment. Hum. L’affaire se présentait sévère. Mais j’avais dit ok pour le pommier, je ne pouvais pas me dédire. Et puis nous étions des garçons raisonnables, je vous dis. La preuve : Jacques, bien que breton, jouait au rugby. Le rugby est bien un gage de raisonnabilité de garçon, non ? Oui, mais les troisièmes mi-temps… Allons, allons, pas d’inquiétude : les mères de garçons raisonnables ignorent l’existence des troisièmes mi-temps.
Le pommier, je ne me rappelle plus dans quelle sorte de récipient on l’a préparé. Ce que je sais, c’est qu’on l’a trimballé chez un vague copain fils de dentiste qui habitait au fin fond des rues poussiéreuses. Un pavillon kitsch, comme tous les pavillons, mais assez sélect quand même, un dentiste, pensez. C’était tellement au fin fond qu’on ne pouvait raisonnablement pas y aller à pied. Alors on a pris la 4L. C’était plus pratique que les soldos pour transporter le pommier. Et plus convivial peut-être.
Je ne sais plus si on a goûté le pommier avant d’aller là-bas. En tout cas ne me demandez pas de vous expliquer exactement où c’était. Ni même de vous dire quoi que ce soit de la soirée. Je me souviens vaguement qu’à un moment Rémi enlaçait tendrement la cuvette des wc en dégoisant je ne sais quoi d’inintelligible. Je me souviens encore que le dentiste possédait un berger allemand auquel je m’efforçais de parler avec le plus bel accent alsacien, des fois qu’il aurait eu des accointances. Allemand, alsacien, il y a des similitudes. Je me souviens encore que tard dans la nuit quelqu’un m’a raccompagné en mobylette jusqu’à chez moi. Je veux dire le type roulait en mobylette, assez lentement, et je le suivais comme je pouvais avec la 4L. Je ne sais pas où était passé Jacques cette nuit-là. Arrivés tant bien que mal à bon port, le type m’a fait un signe de la main et s’est éloigné, mission accomplie. Moi, j’ai reculé pour entrer en marche arrière dans l’allée du garage, comme on fait d’habitude. La grille était fermée, mais je suis entré quand même, ça a dû faire un barouf du diable. Les lumières se sont allumées. Ma mère est sortie. Plus abasourdie qu’en colère. Un garçon si raisonnable ! J’ai eu du mal à me transporter jusqu’au lit vide le plus proche. Livide moi aussi. Malade. J’avais l’air fin, on peut le dire. Le fichu lit tanguait tant qu’il pouvait. Puis j’ai sombré dans le néant.

Jacques

L’autre samedi, j’ai inventé une boisson traditionnelle de chez nous : le pommier. Un tiers de calva, un tiers de vin rouge, un tiers de vin blanc. Avec Phil, nous sommes allés au supermarché du coin et nous avons acheté du vin blanc, genre celui que ma mère met dans le lapin en gibelotte, du bien acide en bouteilles de plastique. Puis du rouge : du gros qui tache. On n’en a pas trouvé en bouteilles de plastique, alors on en a pris du en litre étoilé. Frelaté mais pas cher. On s’est vaguement dit que ça pourrait nous fusiller des salves de neurones plus rapidement qu’avec la fumette, mais ça ne nous a même pas flanqué les flubes.
Je serais bien passé chez moi récupérer la bouteille de calva de mon père, mais j’ai franchement eu peur des représailles. Phil a dit qu’ils avaient plein de gnôle dans leur cave et que ça ferait l’affaire. Banco.
On a transporté les munitions chez un copain qui faisait une fête impromptue. On a mélangé le tout dans la cocotte minute et on a commencé à picoler.
A un moment je suis sorti pisser dans le jardin, à cause que Rémi monopolisait les chiottes. En fait il s’y était endormi par terre en enlaçant tendrement la cuvette.
Je ne sais pas ce qui s’est passé. J’ai un vache de trou noir. Je me suis réveillé allongé sur un banc en bois à moitié bouffé par la pourriture. Il faisait déjà jour. J’ai voulu me lever, mais je n’ai pas pu tout de suite. Il y avait un arbre au dessus de moi, je voyais ses branches s’agiter dangereusement, pourtant il n’y avait pas de vent. Le banc tanguait pas mal, j’avais comme une espèce de mal de mer. J’ai eu l’impression que l’arbre venait à ma rencontre et que j’allais en prendre plein la gueule. Je me suis frotté les yeux vigoureusement mais ça a été sans effet sur la migraine qui commençait à me terrasser. Fugitivement, j’ai quand même eu envie de me marrer, parce que l’arbre en question, qui agitait mollement ses branches pleines de petits fruits encore verts, je l’ai reconnu aisément, c’était un pommier.

2 janvier 2010

Consigne 87 (rsylvie)

 

Ivresse des sentiments,

Déferlante d‘amour,

Tsunami d‘affection.

 

Titubant au gré des oscillations du verbe aimer,

telle une frêle embarcation, qui lutte toutes voiles dehors,

verre après verre contre des cartes truquées.

Je sombre dans l’abîme de l’amour sans retour.

Hurle ma douleur,

Saigne mon cœur, quand

se brisent les chaînes qui me retiennent à ce visage au mien pareil.

Le vent me grise.

La houle me saoule.

Je titube de douleurs, incapable que je suis,

de résister à l’appel trouble des eaux amers.

Mais, tel un roc je me dresse, face à ce rivage inconnu.

Défiant les vents, j’écume de rage de 45 années perdues.

Sans défaillir, je lutte de toutes mes forces contre l’orage

qui gronde ne moi, quand je vois ton sosie dans mon miroir.

 

La haine me grise,

La douleur me saoule.

Petit cœur déchiré je m’évanouis, incapable d’entendre

le chant, de la mère qui m’appelle, sans renier

la complainte, de celle qui me bercerait encore, aujourd’hui.

Ivre de colère, poupée démantibulée,

Je voudrais vomir l’amertume qui me brise l’âme

de te blesser source d’eau vive.

Engendrée, non pas élevée,

Je me maudis, par delà les océans,
De ne savoir t’aimer, pourtant

2 janvier 2010

Ivresse des cimes (Moon)

Dix jours que nous tenons dans ce vent terrible... La lumière sur les sommets est sidérante. Mais que c'est dur ! Le camp 1 a été atteint sans difficulté, nous avons tous une solide expérience.
De là nous sommes montés en journée et redescendus pour dormir afin de  dompter les globules rouges !
L'ingénieur météo nous a ensuite annoncé une accalmie et nous en avons profité pour rejoindre le camp 2 à 6400 m. La face sud sera impossible : trop de glace ! Je dois renoncer encore une fois...
Avec Ed, nous décidons de tenter la grande arête Est et nous atteignons le camp 3 où il faut refaire la préparation finale. On nous prédit 3 jours sans vent, il faut partir maintenant.
Un peu mal à la tête le jour du départ mais je me dis que je n'ai pas assez dormi, c'est tout.
L'arrête semble interminable et le bivouac à 7400 est le bienvenu. Je parle par radio avec  Kristina à Katmandu. Elle me dit que tout va bien pour elle. Elle a hâte que je redescende.  J'avoue que moi aussi. Je pense à Phil qui doit être content, de là haut. Tu vois Phil, je suis revenu. Tu n'es pas tombé pour rien. Si j'arrive en haut, je marquerai ton nom dans la neige.
Bon sang, j'ai peur, le parcours qui nous reste est pourri : pas de neige, de la roche de mauvaise qualité. Ed a l'air plus en forme que moi. Il a bon moral.
Bivouac à 7900. C'est pour demain.
Quand Ed m'a réveillé, j'ai regardé l'heure. Je n'arrivais pas à comprendre la position des aiguilles. Je ne lui ai pas dit. Nous avons attaqué aux piolets. Quel bruit, mes oreilles sont un peu cotonneuses !
Tiens mon gant est tombé quand j'ai attrapé à boire. Ed est au dessus. Il me regarde et me demande pourquoi je n'ai pas sorti un autre gant...  J'en ai un autre ? Ed me dit qu'il faut redescendre, que je n'y arriverai pas. Je ris bien ! T'es fou ? Il nous reste 150 mètres. De merde d'accord ! Allez, avance ! je crie dans le vent. Le vent ? Ah ben oui tiens, il est revenu... Mon crampon a glissé. Qu'est-ce que je dois faire ? Ed a l'air inquiet. Je me demande pourquoi... Je pensais pas que 150 mètres, c'était si long.
Ah, ah, 150 m aux calanques ! Jolie mer en dessous, on ferait bien un petit plongeon, non ? Allez chiche ?

**************************************************************************

Dix jours que je suis dans cet hôtel bruyant. Je n'en peux plus ! La prochaine fois, je resterai en France pour l'attendre. Enfin, non je suis idiote, ça me fait plaisir de penser que je le retrouverai très vite après le sommet et que nous serons ensemble pour partager sa victoire. Pas comme la dernière fois où je voyais sa photo de partout, ses images à la télévision mais qu'il a fallu patienter quinze jours pour qu'il soit dans mes bras.
Je lui ai donné les bulletins météo au début mais là, je n'ai plus de nouvelles depuis leur départ du camp 3. Grégoire m'a appelée du camp de base pour me dire que les bivouacs avaient l'air de bien se passer.
Je ne sais plus quoi faire de mes journées, j'ai testé toutes sortes de nourriture : les momos tibétains, la pizza italienne de Maximo, les dal baths népalis, les pancakes du café américain... Je vais prendre trois kilos si je continue. Je voudrais bien avoir des nouvelles...
Je suis même allée tourner le moulin à prières du temple tibétain voisin et je regarde par la fenêtre les cerfs volants des enfants au dessus des toits.
Tiens, si je goutais à la boulette que Paul m'a trouvée hier. Il est gentil, il m'a dit : tiens si tu veux faire redescendre le stress, essaie ça ! Je suis pas experte en roulage moi. D'habitude, j'ai un homme pour ça. Mais bon, j'arrive à faire un petit truc un peu tordu avec deux feuilles. Ca sent super bon, on en mangerait ! Mon doudou, tiens bon là-haut ! Tu es bientôt au bout de tes rêves. Tu dois penser à Philippe.
Ouch ! C'est fort ce machin ! Oh, j'avais pas remarqué le gecko au dessus de moi au plafond. T'as raison mon gars, bouffe les moustiques !  Ce foulard de soie que j'ai acheté au marché hier, il me semblait pas  qu'il était si doux ? Je te le mettrai autour du cou quand tu arriveras, comme les Tibétains... Il fait chaud, non ? Non remarque, il y a à nouveau du vent. J'espère les cerfs volants vont pas emporter les geckos trop haut. Moi, j'aimerais bien voir un gecko sur une trottinette  mais parfois ce sont les libellules qui étendent leurs grandes ailes comme des foulards de soie.
Mais c'est quoi ce bruit ? Y'a de la musique à côté ? Non c'est assez près... J'ai pas allumé la télé ? Mais non, c'est mon portable ! Allo ! Qui c'est ? Tombé ?

2 janvier 2010

Ivre de vous (Caro_Carito)

17 octobre : Gabi

Le portable gémit encore une fois, jeté avec son sac sur le siège avant. Elle l’agrippe et l’éteint malgré la courbe qui se déhanche dangereusement. C’est elle sans doute. Pat, Patricia. Elle chasse d’une pensée deux regrets : ne pas avoir téléphoné et esquiver lâchement la voix, attentionnée, soucieuse. Pressante. Zut. Ne peut-on pas la laisser tranquille. Elle baisse le son du cd jusqu’à ce que les graves se mêlent au bruit de la voiture, ne formant plus qu’un bourdonnement mélodieux, étrange, de mécanique feutrée et d’une voix éraflée et chantonnante. Elle croise un 4x4 noir dont elle ne discerne pas le conducteur. Ou la conductrice. D’emblée, elle ne les aime pas, avec leur façon insolente de frôler la ligne blanche et de ne pas savoir que la route exige certaines limites. Elle se moque. Surtout, elle ne supporte pas qu’il ou elle partage, cet après-midi là, la route de campagne fraîchement asphaltée qui mène à la forêt. Et avant la forêt, l’étang de Saint Hubert et la chaussée Napoléon.

La route est déserte. Elle se laisse aller, toute au vagabondage qui l’emporte, à l’automne qui mord les feuilles. Platanes, chênes. Parfois un érable. Elle aimerait croiser sa Saab noire, imaginer qu’il sursaute parce qu’il la croit ailleurs. Amorce d’une fin dont il n’a pas su se prémunir. Qu’elle pressent parce la vitesse enfle, allante, entre franges des arbres et prairies ombragées. Elle s’amuse du soleil moucheté, des ocres et des sanguines, de l’air encore chaud de l’été qui affleure par nappes généreuses. Elle aurait seize ans, elle répéterait sans fin « je suis amoureuse » comme la fillette qui a sauté d’un trait jusqu’au paradis de la marelle. Le temps a filé, défaisant aux passages quelques illusions tricotées par l’enfance. Sa peau vacille au souvenir d’un regard hardi sur sa nuque, de mots entrechoqués de silence et d’étreintes timides. De rencontres brèves et brûlantes. Le feu de ses aveux, chaque fois plus pressant, roule encore tout au long de son corps. Si vivante… Les jours ont acquis ce poids étrange où tout semble à sa place. Où chaque gorgée d’air ajoute à l’ivresse d’être. Il n’est rien, ce Fabien. Dès demain elle oubliera son visage, ce grain de beauté perdu en haut de l’omoplate. Elle ne se souviendra que d’elle-même, de son âme lourde, gorgée d’ivresse. Elle savourera pleinement l’étrange rencontre du désir de l’autre. Ce fragment d’incandescence où tout chavire, et la tête et les sens. Ce qu’elle a obtusément cherché, méthodiquement, avant d’en accepter l’arrivée impromptue et le départ tout aussi précipité. Etrange paradoxe, emberlificotée entre deux hommes, elle se découvre à nouveau libre. Demain ou jeudi, elle savourera la soie de son visage. Elle l’effleurera des ses lèvres et glissera, les yeux clos : « Je suis ivre de vous. » Il s’émouvra du vouvoiement. Elle taira les autres, leurs mains, les regards, les balbutiements éperdus, confondus en un unique vous, en un même trouble délicieux. Qui la saisira longtemps après la tempête.

 

21 octobre : Pat

Pat a ignoré depuis quelques jours la boîte aux lettres décorées d’hirondelles par un des anciens propriétaires. Mais le facteur l’a rattrapé au creux de la clôture et lui a tendu un recommandé accompagné d’une enveloppe grège. Elle a reconnu, et l’encre violine, et les pattes de mouches appliquées. Inchangées depuis leur adolescence conjointe. Elle ne l’ouvre pas de suite. Elle sourit à l’homme en bleu et prend le temps de voir la camionnette s’éloigner avant de rentrer. Dix jours que Gabi n’appelle pas. Elle sait pourquoi. Elle entend encore leurs dernières conversations, ses absences et ses rires à contretemps. Ce prénom qu’elle feint d’ignorer ou qu’elle gomme maladroitement comme si il envahissait trop ses pensées. Fabien… Evasive et étrangement exaltée. Suivent les habituels jours sans nouvelles, le sursaut avant la fin, comme toujours. Elle sait son amie heureuse, emportée, exultante.

Elle est arrivée à la porte, se penche pour arracher une mauvaise herbe. Elle recule le moment où l’enveloppe se déchirera, où la dernière phase du mauvais scénario sera écrite. Elle pose le courrier sur la toile cirée, se sert une tasse de café tiède. Elle repense à cette conversation. Trois ans déjà. Les mots qu’elle lui a assenés et qu’elle regrette encore. Paroles biaisés, malheureuses qui masquaient mal ses tourments. Peur de ce qui pouvaient lui arriver, à elle, sa presque sœur, la déception attendue, les conséquences de ses folies. Craintes qu’elle alimentait à son propre passé, cette blessure toujours vive. Elle avait traversé en solitaire les mêmes affres, les mêmes ivresses, le même espoir ténu, jusqu’à ce qu’il fasse volte face brusquement, sans une explication. Elle avait traversé les mois qui suivirent, en aveugle, solitaire, brisée. Quand elle avait voulu se confier, il était trop tard. Elle s’était tue.

Elle ouvre maladroitement l’enveloppe. Soupire. Elle revoit ses instants chatoyants où elle se sentait portée, légère. Elle les entraperçoit parfois quand le regard d’un homme se pose sur elle, comme une étincelle fugace. Brûlante. Une larme tombe. Puis une autre. Elle tient dans sa main une feuille maculée de tâches pâles. Elle n’ose se regarder dans une glace, elle y trouverait ce visage rougie de lendemain de noces.

 

2 janvier 2010

Sans alcool (Walrus)

J'ai dix ans, c'est l'été, la cour de la centrale où j'habite est déserte : le soir il ne reste que les équipes de production occupées à l'intérieur. Je me colle face contre l'arrête du bâtiment et penche la tête en arrière.  Le coin sombre tout là-haut vomit des nuages qui se ruent à l'assaut du bleu du ciel. La hauteur de l'édifice et ce surgissement saccadé des nues me plongent dans une sorte d'ivresse et le vertige naît, qui m'oblige à m'accrocher du bout des doigts aux briques rugueuses.

Un long escalier métallique aux marches à claire-voie. Tout en haut une porte et une plaque émaillée : "Interdit aux personnes étrangères au service". M'en fous, là-haut, dans la salle de contrôle, il n'y a que Gilbert, le wattman, je le connais. Encore quelques volées d'escaliers et je déboule sur la passerelle des turbines et des alternateurs. Je vais me camper derrière une excitatrice, face au vide donnant sur la pénombre de la chaufferie, les mains accrochées à la rambarde. Le sol transmet à mon corps les vibrations des machines. C'est comme si toute l'énergie de cette monstrueuse machinerie tournant à plein régime entrait en moi, je la sens qui m'envahit et se répand dans tout mon être, je l'irradie. L'autre là, à la proue du Titanic, n'a qu'à bien se tenir, le maître du monde, c'est moi ! Quelle ivresse...

2 janvier 2010

Consigne 87‏ (Virgibri)

 

Texte 1 : Tu m’enivres.

Vivre en toi, vivre avec toi, vivre de toi, voilà ma sève, mon essence, ma folie.

Je ne sais plus les jours, ni les secondes ; j’ai oublié mes amis ; je ne décroche plus le téléphone –sauf si c’est toi.

Je n’ose plus tomber dans la réalité de l’existence –les courses, le travail, le rangement, les factures, les plaies quotidiennes. Tu me suffis.

Non, tu suffis à mon amnésie que je sais temporaire. Qu’il est doux de tout oublier, et de ne voir le monde que par toi !

Ta peau est ma route ; étrange chemin sans pancartes ni balises, où il fait toujours beau : ce n’est que sable chaud qui adoucit, que tempête de pain d’épices, qu’oasis fraiche…

J’y place mes propres repères, j’y laisse mes traces, aussi fugaces soient-elles.

La passion nous dévore, oui, peut-être, mais je te dévore, et j’observe ton cœur incandescent qui ne brûle que pour moi, comme un flambeau dans la nuit.

Je suis tout attachée à ma proie, disait le poète.

 

Texte 2 : Tu me fais tanguer.

Vivre en dehors de toi, vivre sans toi, vivre des autres, voilà ma souffrance, mon horreur, mon vide.

Je regarde les heures défiler sur le cadran, et chaque minute frappe et cogne ; tout le monde me dit que c’est mieux ainsi et je voudrais hurler ; je ne leur réponds plus au téléphone, c’est déjà ça.

J’ai branché le pilote automatique pour te détester, me dire que j’en suis réduite aux factures, au train-train, aux cauchemars quotidiens. Abattre les corvées est une victoire, chaque jour.

Chaque chose me rappelle toi, et je voudrais fuir pour t’oublier.

Je crois pourtant que j’ai peu à peu perdu le goût de ta peau. D’autres y laissent leurs sécrétions, leur désir, leurs mains que je veux maladroites, leur empreinte, et je suis sûre que tu ne sais plus la douceur de mes doigts depuis longtemps. Ton désir s’est éteint, avec la passion.

Je regarde ton cœur battre pour d’autres que je juge indignes de toi. Je cherche un flambeau pour illuminer mon tunnel sans fin ; en vain.

Tu t’es détachée. Et je suis pieds et poings liés…

 

2 janvier 2010

De l'ivresse à l'ivrogne (Joe Krapov)

Version 1

Cheminement 1 : 0,5 anagrammes d’alcool dans le sang
091227_1089
IVRESSE : SIRE, ce dont vous avez REVE est SERVI dans ces VERRES. N’abusez pas de la SERIE : lorsque l’alcool aura SEVI vous serez IVRE. Alors tout tourne et VIRE et l’on REVISE jusqu’à l’IRE la bile qu’on a dans le foie comme la foi qu’on a dans Bill (Clinton qui d’amour s’enivra).

Cheminement 2 : sujet, gerbe, compliments

091227_636BLe roi boit. Ce n’est pas qu’il a soif, c’est qu’il veut oublier. Il veut oublier ses sujets. Le verbe agit-il ainsi ? Mais le verbe n’a qu’un sujet.
Si le roi n’avait qu’un sujet peut-être boirait-il moins ? Mais quel sujet donner au roi ? Un sujet de conversation ? Un sujet à polémique ?
Peut-être préférerait-il, à un sujet, une sujette ? Une sujette à l’anis ?
Ou alors un objet ? Un objet de désir ?
Il y a dans tout ceci matière à réflexion. Offrons-lui un miroir. S’il se voit quand il boit, s’il s’est vu quand il a bu, peut-être réfléchira-t-il ?
Il n’est pas supportable en tout cas pour un esclave que le roi boive.
Car après ces tristes prémisses, il se peut que le roi vomisse
Et c’est l’esclave qui nettoie.

Cheminement 3 : hommage à Claude Nougaro

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Je composais des séréna-a-des
Pour mon amie Shéhéraza-a-de
Mais, toujours fourrée au balcon,
Elle trouvait mon madrigal nul.



Cheminement 4 : Crise de foi

091227_998IVROGNE : La VIGNE et son VIN en font un ROI ENERVE qu’on peut VOIR quelquefois en ROGNE en train de GROGNER sur la voie publique.On dit alors qu’il est NOIR. Le résultat est assez GORE surtout s’il a bu du GENIEVRE chez GENEVIEVE la REINE des NEIGEs ou si c’était à GERGOVIE avec des NERVIs sans VERGOGNE. L’IVROGNE, si sa VIE est longue, c’est qu’il est VERNI. Ils n’a foi que dans l’alcool qui l’ENIVRE mais RONGE son foie. On IGNORE de quoi il se VENGE ainsi. De son mauvais GENIE ? Du GIRON maternel qui n’offrait que du lait ?




Cheminement 5 : Noël à Strasbourg

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L’ivresse que je préfère est celle du labyrinthe insulaire. Il y a eu Burano, Bréhat, Groix, Sein, Jersey et maintenant il y a cette île qu’enserre l’Ill : le centre historique de Strasbourg, ces artères étroites autour de la cathédrale et l’espace piéton plus réduit encore entre les nombreux chalets des marchés de Noël. Pour achever de vous perdre, pour parachever l’ivresse flotte partout autour de vous l’odeur du vin chaud à la canelle. L’appétit est aiguisé par les tartes flambées, les bretzels au sucre et les pavés au jasmin. C’est un labyrinthe où l’on n’a pas à s’inquiéter de son estomac, où l’on n’a pas besoin d’abattre le Minotaure pour y découper des biftecks : les autochtones en ont déjà fait des saucisses ! Ce premier après-midi nous en sommes revenus dans la nuit de 18 h 30 avec une seule hâte : y retourner le lendemain avec cette même fièvre qui pousse toujours l’ivrogne vers le bistrot.


Version 2

091227_048De l’ivresse
Naît l’ivrogne
Qui titube
En sortant de la Winstub :
Ce con-là s’est encore
Strasbourré la gueule !

P.S. Comme quoi, si je voulais, je pourrais faire aussi court que Walrus ! Mais, pour parodier la bonne du curé, « J’pourrais bien mais j’veux point ! ».

A part ça, bonne année, bonne santé ! Je bois à la vôtre !

2 janvier 2010

Ivresses vues par trainmusical

1. Ivresse de quoi

 

Ivresse de l’alcool

Ivresse de la violence

Ivresse de la passion

Ivresse du volant

Ivresse de l’amitié

Ivresse d’elle

Ivresse de lui

Ivresse de l’amour

Ivresse des arts

Ivresse de la musique

Ivresse de la vie

Ivresse de l’écriture

IVRESSE DE TOUT

 

 

2. Pincer des… par ivresse

 

Bilan néfaste de toute cette ivresse

Après avoir abusé de la liqueur de Ségur appelée comtesse

Dans le beau village charentais d’Esse

Après une sortie triomphale de messe

Aux côtés d’une grande archiduchesse

Les conséquences d’un esprit en paresse

Comme on l’a eu vu en pays de Hesse

Pour se permettre de pincer des fesses

Qui ne représente point une digne tendresse

Pour tenter de respecter une princesse

L’ordre donné que cette parodie cesse

Avant que ce ne soit mentionné dans la presse

Sachez qu’il y a bien meilleure caresse

Même pour une ardente tigresse

Qui ne sont pas toutes des bougresses

Il faut dès cet instant tenir sa promesse

Pour ne plus retomber dans l’ivresse.

2 janvier 2010

Bibit ille, bibunt omnes (Berthoise)

Bibit ille, bibunt omnes

Voici deux façons de concevoir l'ivresse.

ssbert

Les plaisirs de la taverne.
Faits et dits mémorables de Valère Maxime ( 1er s.), XVe s. - Paris, BnF, Ms. Fr.

In taberna

Bibit hera, bibit herus,          
bibit miles, bibit clerus,         
bibit ille, bibit illa,            
bibit servus cum ancilla,         
bibit velox, bibit piger,         
bibit albus, bibit niger,          
bibit constans, bibit vagus,      
bibit rudis, bibit magus.
Bibit pauper et egrotus,            
bibit exul et ignotus,             
bibit puer, bibit canus,
bibit presul et decanus,            
bibit soror, bibit frater,         
bibit anus, bibit mater,            
bibit ista, bibit ille,            
bibunt centum, bibunt mille
Parum sexcente nummate             
durant, cum immoderate             
bibunt omnes sine meta.            
Quamvis bibant mente leta,         
sic nos rodunt omnes gentes         
et sic erimus egentes.            
Qui nos rodunt confundantur

Carmina Burana mis en musique par Carl Orff

Hypocras, boisson à base de vin et d'épices commune au Moyen-Âge.

Ingrédients :

- 1 bouteille de vin rouge. Du Bourgogne, j'aime bien le Bourgogne.
- 100 g de miel de forêt. Le miel de forêt est fort en goût, surtout le miel de châtaignier.
- 30 g de cannelle en bâtons. Avez-vous lu de Jorge Amado, "Grabiella, Girofle et Cannelle" ?
- 60 g de gingembre frais. Le gingembre frais est excellent pour ranimer les ardeurs endormies.
- 10 clous de girofle. Ce que ça évoque, est plus désagréable, le dentiste ou l'oignon piqué du pot au feu
- 10 gousses de cardamome. La cardamome me rappelle l'Inde. Les laddhous sont un avant-goût du paradis.

Préparation :

Versez le vin et le miel dans un récipient.
Râpez le gingembre.

Broyez les épices dans un joli petit creuset avec son pilon, ( si vous n'en avez pas, posez-les dans un torchon et un rouleau à pâtisserie fera l'affaire), et  versez-les dans une toile ( une étamine, c'est un joli mot étamine) que l'on noue, ou dans un filtre à café, c'est moins poétique mais plus pratique.
Mettez la toile ( l'étamine, oui j'insiste) contenant les épices dans le breuvage ( c'est le vin et le miel mélangés) et recouvrir.
Laissez macérer au moins pendant 4 heures. C'est vraiment le minimum, 4 heures, 24, c'est mieux.
Après 24 heures, invitez quelques amis, sortez les verres, les beaux, ceux qui font plein de jolies lumières quand on les mire,  partagez la boisson en vous laissant aller à raconter sottises, sornettes et billevesées et en riant très fort.

Vous pouvez aussi boire tout seul du picrate dans un verre à moutarde, mais c'est nettement moins drôle.

Sans_titre_berth


Le buveur, Bernard Buffet, 1948

Je bois
N'importe quel jaja
Pourvu qu'il fasse ses douze degrés cinque
Je bois
La pire des vinasses
C'est dégueulasse, mais ça fait passer l'temps

La vie est-elle tell'ment marrante
La vie est-elle tell'ment vivante
Je pose ces deux questions
La vie vaut-elle d'être vécue
L'amour vaut-il qu'on soit cocu
Je pose ces deux questions
Auxquelles personne ne répond... et

Je bois de Boris Vian

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