Consigne 87 (Virgibri)
Texte 1 : Tu m’enivres.
Vivre en toi, vivre avec toi, vivre de toi, voilà ma sève, mon essence, ma folie.
Je ne sais plus les jours, ni les secondes ; j’ai oublié mes amis ; je ne décroche plus le téléphone –sauf si c’est toi.
Je n’ose plus tomber dans la réalité de l’existence –les courses, le travail, le rangement, les factures, les plaies quotidiennes. Tu me suffis.
Non, tu suffis à mon amnésie que je sais temporaire. Qu’il est doux de tout oublier, et de ne voir le monde que par toi !
Ta peau est ma route ; étrange chemin sans pancartes ni balises, où il fait toujours beau : ce n’est que sable chaud qui adoucit, que tempête de pain d’épices, qu’oasis fraiche…
J’y place mes propres repères, j’y laisse mes traces, aussi fugaces soient-elles.
La passion nous dévore, oui, peut-être, mais je te dévore, et j’observe ton cœur incandescent qui ne brûle que pour moi, comme un flambeau dans la nuit.
Je suis tout attachée à ma proie, disait le poète.
Texte 2 : Tu me fais tanguer.
Vivre en dehors de toi, vivre sans toi, vivre des autres, voilà ma souffrance, mon horreur, mon vide.
Je regarde les heures défiler sur le cadran, et chaque minute frappe et cogne ; tout le monde me dit que c’est mieux ainsi et je voudrais hurler ; je ne leur réponds plus au téléphone, c’est déjà ça.
J’ai branché le pilote automatique pour te détester, me dire que j’en suis réduite aux factures, au train-train, aux cauchemars quotidiens. Abattre les corvées est une victoire, chaque jour.
Chaque chose me rappelle toi, et je voudrais fuir pour t’oublier.
Je crois pourtant que j’ai peu à peu perdu le goût de ta peau. D’autres y laissent leurs sécrétions, leur désir, leurs mains que je veux maladroites, leur empreinte, et je suis sûre que tu ne sais plus la douceur de mes doigts depuis longtemps. Ton désir s’est éteint, avec la passion.
Je regarde ton cœur battre pour d’autres que je juge indignes de toi. Je cherche un flambeau pour illuminer mon tunnel sans fin ; en vain.
Tu t’es détachée. Et je suis pieds et poings liés…