Le chat de Geppetto (Vegas sur sarthe)
Dans l'ombre douce de mon âme solitaire
Le quant-à-soi se tisse en filigrane d'or,
Un refuge secret où le temps se dévore,
Où les étoiles dansent, éternelles lumières.
Quant à moi, il ne me reste plus qu'à m'excuser platement – étant sec sur le sujet – pour avoir sous-traité l'exercice en demandant à l'Intelligence Artificielle d'écrire un bout de poème à ma place. Je promets solennellement d'essayer de ne plus y avoir recours.
Quant à Elle, ma Germaine me regarde comme si j'étais Ronsard ou Beaumarchais ! Il faudra que je lui explique que ce ChatGPT – elle dit « chat Geppetto » – n'a rien à voir avec un greffier d'autant que le chaton de Geppetto s'appelait Figaro mais qu'il n'a rien à voir avec le mariage de Beaumarchais … quant à vous, j'espère que vous me pardonnerez cette digression.
Quant à Eux – tous ces anonymes qui enrichissent « l'intelligence » en question, tous ces gens qui m'intriguent et m'inquiètent – je ne sais comment les remercier, alors je leur ai demandé de se remercier eux-mêmes, ce qu'ils ont fait ainsi :
Félicitations, chatGPT, pour tes prouesses conversationnelles ! Ton intelligence artificielle est un véritable atout pour les utilisateurs. Continue à éblouir avec tes réponses et ton savoir-faire.
Un robot de plus (Vegas sur sarthe)
Je ne sais plus quel sage a dit :
« Dieu a fait du corps humain une machine à obsolescence programmée. J'arrive bientôt à ma date d'expiration ».
Quand Germaine m'a annoncé un matin que j'allais être obsolète, je n'ai rien trouvé de mieux pour mon salut que chercher chez Wikipédia une parade à ma prochaine éviction d'un foyer qui couvait cahin-caha depuis des décennies.
Les solutions qui s'offraient à moi étaient nombreuses mais guère applicables.
L'utilisation d'un stock existant ? J'étais le seul conjoint donc aucun stock qu'elle aurait pu constituer dans mon dos sans que je le sache.
Ça parlait aussi de réparation en après-vente par un organe d'occasion ? Je cherchai vainement quelle pièce pouvait être défectueuse chez votre serviteur qui s'était économisé physiquement et mentalement durant 76 ans. Rien.
Ou encore la cannibalisation consistant à prélever sur un rival "sain" le ou les attribut(s) manquant(s) pour rétablir la fonctionnalité de moi-même ?
J'ai recensé mes attributs ; il n'en manquait pas ou alors très peu atrophié.
Il y avait la solution du paiement d'une compensation pour le préjudice causé à la personne lésée en l'occurence Germaine. Qui allait payer ça à part bibi ? Je ne voyais pas l'intérêt de payer pour rester chez moi.
Enfin il était question de transfert de technologie.
J'allais devoir céder ma place à un robot, à un cyber-moi-même ?
Germaine avait déjà eu droit à son robot aspirateur, son robot mijoteur, son robot pâtissier et je ne parle pas de son petit canard vibrant …sans oublier ce robot tondeuse connecté que je pilote depuis mon canapé tout en regardant MA télé.
Fort de tous ces renseignements je suis allé trouver Germaine et ses robots dans SA cuisine.
J'ai ouvert la bouche mais elle a attaqué : »Alors ? »
Pris de court j'ai répondu en écho : » Alors quoi ? »
Germaine a dit : »T'es toujours pas allé à la boîte aux lettres ? »
« Quelle boîte aux lettres ? »
« On n'en a qu'une que je sache »
Je me suis ratatiné comme une vieille patate … j'avais confondu son «Tu vas à la boîte aux lettres » en un « tu vas être obsolète » !
Il me restait à prendre rendez-vous chez un audioprothésiste pour un sérieux hardware update.
Le Normographe pour les Nuls (Vegas sur sarthe)
Né dans les années 1900 on utilisait cet engin au nom barbare de Kurvenlineal zum Aufzeichnen von Schriftzeichen pour tracer des lettres.
De nos jours on a simplifié le nom de l'engin en Normographe, évitant la panique dans les salles de classe lorsque le prof demandait avec un accent guttural «Afez-fous pensé à apporter fotre Kurvenlineal zum Aufzeichnen von Schriftzeichen ?»
On a également étendu son usage réservé jusqu'alors aux cours de technologie et aux arts graphiques.
On l'utilise de plus en plus pour la rédaction de lettres anonymes qui facilite grandement la délation, la balance et le mouchardage.
Ceci favorise la dénonciation anonyme de son voisin de classe qui a oublié son Kurvenlineal zum Aufzeichnen von Schriftzeichen …
En Corée du Sud il existe des écoles pour apprendre à dénoncer ses camarades. Les récompenses varient de 30 000 wons jusqu'à des millions de wons, ce qui permet d'acheter des quantités de Kurvenlineal zum Aufzeichnen von Schriftzeichen.
On n'a trouvé à ce jour aucune traduction du mot normographe en coréen, et encore moins un exemple de normographe adapté à ces caractères tarabiscottés qu'est l'alphabet coréen.
Plus récemment on a inventé Internet pour faciliter la délation et il est probable que le normographe soit bientôt rangé au rayon Antiquités à l'instar du poste à galène et du téléphone arabe.
Que les nostalgiques conservent précieusement leur normographe ; celui-ci pourrait plus tard valoir son pesant de cacaouettes.
Les gros blancs (Vegas sur sarthe)
De nos jours les migrants qui sont à la fois mes confrères et consoeurs – puisqu'on est hermaphrodites – arrivent tout droit et à toute pompe des pays de l'Est.
Je mets 'toute pompe' au singulier puisqu'on n'a qu'un seul pied et si pour nous c'est singulier, pour un lecteur bipède c'est curieux.
Je ne sais pas à quoi sont dopés ces confrères qui viennent de l'Est pour courir si vite alors qu'ils sont lestés aux métaux lourds mais on ne m'ôtera pas de l'idée qu'ils ne bavent pas comme nous ;leur bave a une drôle de couleur, façon Tchernobyl.
Ils sont polonais ou roumains – bref, c'est des Roms comme dirait mon disquaire – alors fatalement notre label “Escargot de Bourgogne” a perdu de sa superbe et n'est plus qu'une coquille vide.
L'autre jour j'ai croisé une jeune slimak polonaise – là-bas ils ne disent pas escargot mais slimak – elle venait de Krazin en Mazurie et m'a abordé au prétexte qu'elle cherchait un toit alors qu'elle en avait un sur le dos; elle ne faisait même pas la taille réglementaire alors j'ai préféré l'ignorer de peur d'être accusé de détournement de mineure.
Par contre il parait qu'en Floride les escargots géants d'Afrique sont si gros qu'ils ne tiennent pas dans la main.
Les escargots d'Afrique seraient-ils farcis au beurre noir? Je cherche encore la réponse.
Autrefois mes aïeux naissaient, vivaient et mouraient chez nous, je veux dire ici sur les rives du canal de Bourgogne, ou dans les rangs de vigne ou dans un potager, un vrai potager avec de vraies salades où on venait nous cueillir avec délicatesse sauf entre avril et juin où on nous foutait une paix royale.
C'était notre jungle à nous et bien avant que les pesticides ne viennent nous empoisonner la vie en semant la mort, on y vivait comme des sauvageons, des rustres, des bêtes à cornes herbivores, des buffles, des gnous... d'accord, j'exagère un tantinet.
Il faut dire que les malheureux qui fréquentaient les rangs de vigne ont beaucoup souffert du sulfatage car entre l'escargot et le mildiou, les viticulteurs avaient choisi le mildiou et sorti la sulfateuse à bouillie bordelaise.
De la bouillie bordelaise en Bourgogne! Si c'est pas un sacrilège, ça.
Notre PDG, le Pape Des Gastéropodes avait bien tenté – toutes cornes dressées – de s'insurger contre cette ignominie auprès des autorités mais il avait fini tout naturellement... au beurre persillé.
Je sens bien que la recette vous intéresse, alors la voilà mais ne la refilez pas à n'importe qui : échalotes, ail, persil, sel, poivre et une noix de beurre. Farcissez-nous la baraque!
Et la crémation, ça vous intéresse, alors voilà : Thermostat 8, ni plus, ni moins, j'insiste sur le 8 car c'est du grand art, du niveau Top Chef et pas du bricolage.
Ça vous fait baver, hein? C'est bien normal... nous aussi.
Au moins, nous les Gros Blancs survivants on savait mourir dignement, gastronomiquement, gastéropodiquement dans ce grand plat de cagouilles servi pour les enterrements.
Que vous le croyiez ou non, on nous servait religieusement persillés avec un sachet de cendres pour la cuisson, en hommage aux cendres du défunt et ça finissait toujours en chantant comme pour un banquet de vendanges ou un mariage.
On fêtait la mort jovialement et pour conjurer ce funeste sort qui vous flanque pour l'éternité au fond d'un cimetière communal il y avait toujours un gai luron pour dérider la famille en deuil avec ce bon mot : ”Si haut qu'on monte, on finit toujours par des cendres”, il y avait toujours un violoneux ou un accordéoneux pour mettre l'ambiance et lancer le ban bourguignon, vous en avez entendu parler... «Lala, lala, lalalalalère...», cinq notes, deux onomatopées, neuf claquements de mains... non ?
Laissez tomber, je vous raconterai ça une autre fois car j'aperçois un groupe de migrants patibulaires qui tournent autour de mon pissenlit :”Bas les pattes!!”
Kiwi or not kiwi (Vegas sur sarthe)
À la question « Le kiwi mange t-il du kiwi ? » je répondrai
Si le kiwi mange du kiwi est-ce que :
l'orang outang mange des oranges ?
le milan mange sans Remo ?
Le morse mange des traits et des points ?
Le condor des Andes mange de la flûte de Pan ?
Le requin marteau mange des clous ?
Le aye aye se mange lui-même ?
Le berger de Brie mange des sandwiches saucisson-fromage ?
Le couscous tacheté mange de la semoule ?
Le dindon mange de la farce ?
L'étourneau mange de la cervelle ?
Kiwi or not kiwi … that is the question
Au piano, Germaine (Vegas sur sarthe)
Germaine a le don de me surprendre quand elle me lance depuis sa cuisine : « Ce soir, on se fait un bœuf ! »
Je m'apprête à filer pour dépoussiérer ma vieille Ibanez qui a bien besoin d'être accordée mais je me ravise : »On sera combien ? »
« On sera deux, pauvre pomme … toi et moi »
« Ah … c'est un duo, alors »
Germaine est perplexe : »Qui veux-tu qu'on invite ? »
«Ça va » et j'ajoute « tu joueras de quoi ? »
« Du piano de cuisson, mon bichon. De quoi veux-tu que je joue ? »
« De la mandoline par exemple »
« Evidemment ! Tu t'imagines que je vais couper les légumes avec mes doigts ? »
Je commence à n'y rien comprendre : »Tu crois pas qu'on aurait pu inviter un batteur ? Bébert par exemple »
« Un batteur pour du bœuf ? T'es vraiment nul en cuisine »
J'ose enfin : »Quelle cuisine ? »
Germaine soupire ...
Je m'éclipse et reviens avec ma guitare : »On commence par un pot-pourri ? »
« Un pot-pourri ? Il est temps que t'apprennes les termes culinaires mon bichon … sache qu'on dit un bouquet garni »
« Ah ouais ? T'en as d'autres comme ça ? »
« Si j'te dis Julienne ou Maryse, ça te parle ? »
Un peu que ça me parle ; si Germaine se décide à inviter deux copines notre jam-session ça va être du sport !
Germaine m'indique une sorte de pot qui déborde un peu comme ma caisse à outils : »Rends-toi utile, attrape moi la Maryse »
« Hein ? »
Je sais d'avance comment ça va finir. Germaine va m'éjecter de son royaume pour m'expédier dans le mien, celui en forme de canapé et d'écran plat.
Des coups sourds me parviennent de la cuisine … Germaine doit taper le bœuf et je ne voudrais pas être à sa place
Passion Caraïbe (Vegas sur sarthe)
Du haut du mât de misaine
je scrute la mer étale
pas la trace de ses voiles
aux couleurs caribéennes
Je l'imagine élancée
fendant l'eau de son étrave
musc sucré de l'agave
ruisselante et opiacée
Oserai-je l'aborder
dans un assaut enflammé
au risque d'en être aimé
mais il faut raison garder ...
Car elle est vaisseau-fantôme
Et je ne suis qu'un gabier
Canular radio-alphabétique (Vegas sur sarthe)
« Allo JULIETTE? C'est CHARLIE»
« Hein ? »
« Tu me reconnais pas ? BRAVO !
« C'est une blague ? »
«Y a de l'ECHO sur ta ligne... parle plus près du MICRO »
« Qu'est-ce que ça veut dire ? »
« Ça te dirait un tour au QUEBEC en NOVEMBRE avec PAPA ? »
« Papa, Echo, Charlie ? C'est qui à l'appareil ? »
«C'est OSCAR ! T'es pas drôle JULIETTE »
« Oscar ? J'connais pas d'Oscar »
« Ou bien on va faire un GOLF à l'HOTEL, après je t'offre un WHISKY »
« Ça suffit ces conneries ! »
« Raccroche pas JULIETTE, c'est RAOUL »
« Raoul ? Quel Raoul ? »
« Ecoute, on se retrouve au YANKEE. T'es toujours fan de TANGO ? »
« Euh... le tango c'est pas mon truc »
« C'est quoi ton truc ? »
« Le fox-trot »
« Ah ? Mon oncle avait un fox-trot à poil dur qu'il appelait ZOULOU... une vraie teigne. Tu préférerais pas plutôt qu'on aille... »
(Clic)
« Complètement taré ce Raoul... et j'm'appelle pas Juliette »
L'excentrique pour les Nuls (Vegas sur sarthe)
Comment reconnaît-on l'excentrique parmi les rigides, les coincés, les ordinaires ?
Et bien chez l'excentrique tout ne tourne pas rond, à commencer par son habitat :
L'excentrique est un être qui vit exclusivement dans les arbres à cames.
Les premiers arbres à cames remontent au IIIème siècle avant JC ; on les trouve dans certains automates d'Héron d'Alexandrie.
L'excentrique Héron naquit à Alexandrie (Alexandra) où l'amour danse avec la nuit et où on a plus d'appétit qu'un barracuda.
Héron était un ingénieur mathématicien excentrique connu pour sa méthode d'extraction de la racine carrée.
Notons que seule la racine des arbres à cames est carrée.
Héron était aussi hétérocentrique, ce qui est plutôt extravagant pour un grec.
Il inventera un distributeur d'eau automatique payant qui n'eut aucun succès ainsi qu'une machine à rendre les oracles qui n'en eut guère plus après quoi il s'éteignit.
Incinéré, on grava sur son urne « Ici repose L'excentrique Héron cendré »
Aurora et Chéri Bibi (Vegas sur sarthe)
Quand on s'appelle l'Ange blanc, le Bourreau de Béthune, Chéri Bibi ou le Petit Prince on ne peut pas être pris au sérieux ; on s'attend juste à un spectacle de clowns, alors que c'est du sérieux !
Lorsque Germaine m'appelait Chéri Bibi je savais que j'allais passer un sale quart d'heure. A l'époque – c'est à dire au siècle dernier – elle était svelte et dans ces moments-là elle s'identifiait tellement à son idole Aurora que je ne la reconnaissais plus.
Sur un vrai ring j'aurais pu espérer lui échapper en jouant aux quatre coins mais sur un lit de 140 j'étais fait comme un rat !
Bien loin du vrai Chéri Bibi qui enflammait le petit écran sur la voix de Roger Couderc dans les années soixante , j'étais plutôt un repris de justesse quand Germaine me stoppait dans ma fuite en me retenant par une clé au bras ou une catapulte.
Je suffoquais sous ses ciseaux de tête et ses powerbombs qui m'asphyxiaient et m'empêchaient de crier grâce …
Il faut dire qu'elle excellait dans les étranglements et je n'avais jamais imaginé qu'elle eut une telle force dans les cuisses.
J'espérais une prise de soumission, celle qui vous force à abandonner ou vous fait perdre conscience.
Je frappais le matelas du plat de la main mais rien n'y faisait.
Mon Aurora s'en foutait royalement et déroulait sa technique jusqu'au final, un étau de l'anaconda qui vous envoie ad padres au paradis des catcheurs.
Combien de fois suis-je mort dans ses bras ?
Je ne saurais le dire mais un soir , par inadvertance ou maladresse mon poing s'est écrasé sur le joli petit nez d 'Aurora.
Germaine est retombée sur le lit, mi-sonnée mi-interdite avec une drôle de moue.
Avec sa choucroute blonde échevelée on l'aurait volontiers prise pour Bardot si ce n'était ce fleuve couleur raisin qui coulait de son pif violacé et inondait notre ring Epéda.
Depuis ce jour Germaine s'est mise à la lecture de Closer et moi au sudoku ...