Aurora et Chéri Bibi (Vegas sur sarthe)
Quand on s'appelle l'Ange blanc, le Bourreau de Béthune, Chéri Bibi ou le Petit Prince on ne peut pas être pris au sérieux ; on s'attend juste à un spectacle de clowns, alors que c'est du sérieux !
Lorsque Germaine m'appelait Chéri Bibi je savais que j'allais passer un sale quart d'heure. A l'époque – c'est à dire au siècle dernier – elle était svelte et dans ces moments-là elle s'identifiait tellement à son idole Aurora que je ne la reconnaissais plus.
Sur un vrai ring j'aurais pu espérer lui échapper en jouant aux quatre coins mais sur un lit de 140 j'étais fait comme un rat !
Bien loin du vrai Chéri Bibi qui enflammait le petit écran sur la voix de Roger Couderc dans les années soixante , j'étais plutôt un repris de justesse quand Germaine me stoppait dans ma fuite en me retenant par une clé au bras ou une catapulte.
Je suffoquais sous ses ciseaux de tête et ses powerbombs qui m'asphyxiaient et m'empêchaient de crier grâce …
Il faut dire qu'elle excellait dans les étranglements et je n'avais jamais imaginé qu'elle eut une telle force dans les cuisses.
J'espérais une prise de soumission, celle qui vous force à abandonner ou vous fait perdre conscience.
Je frappais le matelas du plat de la main mais rien n'y faisait.
Mon Aurora s'en foutait royalement et déroulait sa technique jusqu'au final, un étau de l'anaconda qui vous envoie ad padres au paradis des catcheurs.
Combien de fois suis-je mort dans ses bras ?
Je ne saurais le dire mais un soir , par inadvertance ou maladresse mon poing s'est écrasé sur le joli petit nez d 'Aurora.
Germaine est retombée sur le lit, mi-sonnée mi-interdite avec une drôle de moue.
Avec sa choucroute blonde échevelée on l'aurait volontiers prise pour Bardot si ce n'était ce fleuve couleur raisin qui coulait de son pif violacé et inondait notre ring Epéda.
Depuis ce jour Germaine s'est mise à la lecture de Closer et moi au sudoku ...