Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 050 468
Derniers commentaires
Archives
2 août 2014

Participation de Nhand

AU VOLEUR !

 

C'était devenu le sujet favori des villageois, on ne parlait plus que de ça au bistro, à la boulangerie, au terrain de pétanque ; monsieur le curé en avait perdu l'appétit, son gros bidon gavé de vin messe fondait à vue d’œil.

Mais où diable étaient passées les chaises de l'église ? Qui aurait pu être assez fou pour les subtiliser, et pour en faire quoi au juste ? D'accord, elles valaient leur pesant de velours pourpre et de bois doré. Chacun le savait bien, puisque tout le monde – ou presque – avait généreusement lâché les cordons de sa bourse pour contribuer au remplacement des vieux bancs mités, érodés par au moins sept générations de culs de grenouilles de bénitier, qui les avaient précédées.

Le mystère demeurait entier. Dédé, le menuisier, avait bien sa petite idée sur la question.

« A tous les coups, c'est les gitans, fulmina-t-il.
- Mais oui que c'est eux, rétorqua Yvette, la femme de Gilou le bistrotier. Qui veux-tu que ce soit d'autre ?
- Z'ont pas fait une descente au campement ces branquignoles de gendarmes ?
- Tu parles, s'exclama Gilou. A part organiser des tournantes à la caserne avec les putes de la belge ou chercher des poux aux gens honnêtes, i' sont bons à quoi ?
- Quand j' pense au nombre d'heures qu' j'ai grillées pour les fabriquer... J'ai jamais compté les nuits blanches mais y en a eu un paquet !
- Ah ça, c'est sur...
- Y a qu'à les éradiquer de la surface de la terre, ces cafards, j' comprends même pas qu' l'autre con les laisse en liberté.
- Qui ça ?
- Scooterman, tu sais bien, qui squatte l'Elysée à nos frais.
- Ouais, ça s' voit qu'i' sait pas c' que c'est d'avoir sa baraque vidée par les voleurs, lui.
- Penses-tu ! L'est bien trop occupé à forniquer à gauche, et même à droite.
- Et avec ça, c'est nous qu'on lui paie son caviar, qu'i' s'étouffe avec !
- Ou alors, c'est les routiers, s'en mêla Denis, le charcutier.
- Les routiers...
- Qu'ont piqué les chaises !
- C'est pas bête, ça...
- Moi, j' l'ai dit hein, j'étais sûr qu'en construisant cette aire de repos à l'entrée du village on allait avoir des embrouilles !
- En plus, i' sont tous louches, ces zigotos-là.
- Ouais, des arabes, des albanais, des kosovars, des machins qu'on sait même pas d'où ça sort.
- Et c'est facile pour eux, i' s'y mettent à plusieurs, i' fracassent la porte de l'église en pleine nuit, i' chapardent les chaises, i' les mettent dans leurs camions... Ensuite, i' r'partent... Ni vu, ni connu !
- Vivement 2017, qu' la Marine nous débarrasse de tous les profiteurs ! »

Dédé eut à peine le temps de terminer sa phrase que des visiteurs inattendus firent irruption dans le bistro et s'approchèrent du comptoir : le maréchal des logis chef Bouzon en personne, escorté des brigadiers Comard et Miteau.

« Monsieur Mollard ?
- Oui, qu'est-ce qu'i' y a, demanda Dédé.
- Veuillez nous suivre, s'il vous plaît, nous avons quelques questions à vous poser.
- Bah, posez-les, y a qu' des potes ici, j'ai rien à cacher, moi !
- Permettez-nous d'en douter, monsieur.
- Occupez-vous plutôt d' trouver qui c'est qu'a vidé l'église au lieu d' venir m'emmerder...
- Ne nous obligez pas à vous menotter !
- J' suis coupable de quoi, d'abord ?
- Nous en discuterons au calme, suivez-nous sans faire d'histoires.
- Quoi encore, un excès de vitesse ? Z'êtes venus me r'tirer mon p'tit pap'lard rose ? Tenez, cadeau ! »

Dédé tira son portefeuille du fond de la poche arrière de son pantalon, en délogea son permis de conduire qu'il jeta avec force sur le comptoir. Comme il continua à vociférer, arrosant copieusement les fonctionnaires de tous les noms de volatiles, Comard et Miteau le plaquèrent contre le mur, lui enfilèrent les menottes et le prirent par le col pour l'emmener jusqu'au fourgon.

Il s'avéra que le menuisier était l'auteur du vol dont tout le monde parlait. Sa propre épouse, voulant en finir avec lui, le dénonça.

Devant le capitaine Martinet, il reconnut son geste, le justifiant ainsi : puisque le paiement total qu'il devait percevoir pour la conception des chaises tardait à lui parvenir, il eut l'idée de les subtiliser pour les revendre au noir, à des particuliers du département voisin. Il trouva par ailleurs là une occasion d'incriminer les gitans, dont la présence dans les environs lui donnait des boutons.

 

Nhand

Publicité
Commentaires
J
Bien vu<br /> <br /> <br /> <br /> Propos de bistrot,s, de comptoirs,, qui hélàs perdurent dans certains lieux, ici et ailleurs , d'ailleurs...<br /> <br /> C'est tellement facile pour quelques uns de dire c'est la "faute de l'autre!".
Répondre
E
Sans vouloir faire du touchepasmonpote à deux balles, je suis intimement persuadé que les Français ont pour beaucoup conservé un vieux fonds pétainiste sur des relents de Vel d'hiv. Parce que ce genre de conversation, je l'ai tellement entendu que parfois j'ai ressenti le besoin de me désinfecter les oreilles. Bien observer et surtout bien relater.
Répondre
N
*inspiréEs (les phrases, bien sûr ! grrrrr)
Répondre
J
Ah, Nhand, la belle histoire, superbement construite, et qui sent bien le vécu, jusqu'aux petits détails (hélas pour les malhonnêtes prêtres et menuisiers !).<br /> <br /> <br /> <br /> Moralité : L'Église n'a qu'à bien régler ses commandes !<br /> <br /> <br /> <br /> ;-)
Répondre
B
ah ! ah ! quelle histoire géniale le vilain menuisier c'est fait avoir, sa femme le trouvant insupportable de bêtises (s'en doute) l'a dénoncé ah ! ah ! j'adore <br /> <br /> <br /> <br /> Bravo très intéressant ton texte Nhand
Répondre
W
L'aurait mieux fait d'acheter une pommade antihistaminique...
Répondre
E
une savoureuse histoire villageoise, les noms des protagonistes sont super
Répondre
N
Oh tu sais, le racisme existe sur toute la planète ! Bien sûr la France a les siens, mais hélas, de ce côté-là, n'a rien à envier aux autres. <br /> <br /> Quant à la diversité, toi et moi on est pour, mais pas sûr que ça plaise à tout le monde... (Oh la la, on va se faire virer si on commence à parler militantisme, engagement, politique... :D)
Répondre
K
oui d'autant plus que je suis ancienne militante d'Amesty international ( j'ai gardé mes idées) et que mes amies et mais pensent comme moi, la France a ses racistes mais bon !! beaucoup de gens sont de diverses origines familiales alors !<br /> <br /> la diversité est un charme et un atout<br /> <br /> et fait de si beaux enfants !!!!!!
Répondre
N
L'étranger intrigue, irrite, exaspère, voire dégoûte, suscite la haine, est perçu comme la cause de tous les maux qui peut frapper une société... Mais attention, mon histoire se déroule dans un cadre précis, hors de question de généraliser ce racisme insupportable !
Répondre
K
mais de rien d'autant plus que je partage ton point de vue plus général sur le regard que l'on porte trop vite fait sur "l'étranger", montrer les autres du doigt est si simple, surtout si tout le monde est d'accord au départ !!<br /> <br /> tu as bien fait le rappel du vaccin !<br /> <br /> bravo
Répondre
K
ben dis donc pas moral au café du coin<br /> <br /> les vendre aux noirs !! non au noir !! bref le vendu est celui qui déblatère !!<br /> <br /> et oui on met tout sur le dos des autres plus facile !!<br /> <br /> bien assise ton histoire Nhand
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité