Trotte dans ma tête (Kate)
De la trottinette de mon enfance, il me reste la couleur rouge si désirable, la lourdeur de l'engin pas forcément désiré, le frein central surprenant et l'impression de déséquilibre obligeant à avoir la plupart du temps une jambe posée sur la plate-forme alors que l'autre frappe énergiquement le bitume, le tout procurant un champ d'action réduit et une lassitude programmée.
Rien à voir avec les envies de vélo : le petit à roulettes puis sans roulettes et ensuite mon premier vrai vélo blanc muni de trois vitesses, j'ai six ans, c'est le mois de juillet et je ne voudrais pas rentrer en collision avec le triporteur de ma petite soeur.
Et la trottinette, il y a quelques années a fait un retour en force, des enfants aux adultes en passant par les ados pour se décliner sous toutes les formes possibles, des plus simples au plus chères... Aujourd'hui, un enfant de trois ans en a déjà plusieurs et se réjouit de posséder un tel parc !
Ah, trotter ! Trotte dans ma tête le poème "Impression fausse" de Paul Verlaine, écrit en prison, à Mons, si j'en crois Wiki (et non pas Sainte Anne à Avignon comme j'ai pu le lire aussi sur la Toile).
Oui, Dame souris trotte... en prison mais elle amène la vie, la liberté et la conscience d'être en prison, qu'elle n'a sûrement pas, elle !
Avignon, juillet 2014 : l'expo phare du Festival était "La disparition des lucioles", dans la prison désaffectée depuis des années.
Y aller ou pas, en prison ? Oui ! Un matin traverser la ville s'éveillant à peine, la chaleur montant déjà et, derrière le Palais des Papes, trouver la petite rue menant à l'entrée. Fermée depuis longtemps et exceptionnellement cet été-là transfigurée en lieu d'expo d'art contemporain mais on n'entre dans un tel lieu sans ressentir des émotions contradictoires. Déjà dès l'entrée, ambiance lourde, chargée d'histoires d'hommes et de femmes détenus, murs délabrés, couverts de graffiti, de restes d'affichettes, petites lucarnes, lourdes serrures, cadenas, vétusté conservée...
Pas vu de souris trotter mais la cour avec des lucioles géantes suspendues tournoyant lentement et inondant de reflets lumineux les murs piteux déjà brûlants de soleil ou obstinément sombres et lugubres...
Pensé à ceux et celles qui ont passé des jours et des années là, à leur espoir peut-être possible en voyant que "le ciel est, par-dessus le toit si bleu, si calme !"... ou leur désespoir de savoir que le peu de ciel et peut-être le dernier qu'ils pouvaient voir était dans cette prison.
"Dame souris trotte" : compagne d'infortune, signe de vie, lueur d'espoir... Si dame liberté trotte dans ma tête, sur les trottoirs se méfier des trottinettes et sur la chaussée aussi puisqu'elles y prospèrent au péril de nos vies de piétons autant que d'automobilistes !