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Le défi du samedi
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15 octobre 2022

Roussel et Corbillat (Yvanne)


Au petit matin Roussel traverse le grand pré pour regagner la forêt. Il chemine, penaud, la langue pendante, la queue basse et le ventre vide. Il n'a rien mangé depuis trois jours. Fini le temps où il lui suffisait de s'approcher de l'élevage de poulets en plein air. C'était gagnant-gagnant à tous les coups. Dans un coin de la clôture il avait creusé un trou presque invisible par lequel il s'infiltrait en se contorsionnant et c'était ensuite un jeu d'enfant de s'emparer d'une volaille peu farouche.

Il n'avait pas besoin d'errer lamentablement – et en vain - comme toute cette nuit dernière pour trouver de quoi se mettre sous les crocs. Ah, il en a fait des festins, nourri sa femelle et ses petits sans peine au printemps dernier. Le fermier a fini par s'apercevoir de ses larcins et a électrifié toute son enclos. Quel ennui ! De plus, il n'y a plus un seul lapin de garenne, tous décimés par la maladie. D'ailleurs, il est tellement fatigué qu'il n'arrive même pas à courir après la moindre proie.

Il se désespère et s'apprête à regagner son terrier pour se reposer. Soudain il aperçoit, juste au-dessus de sa tête, sur la branche basse d'un arbre dégarni par l'hiver, son voisin Corbillat. L'oiseau le regarde fixement de son œil noir et brillant comme une pierre d'onyx. Roussel  note que le volatile tient entre ses pattes un mulot gros et gras. Très intéressant. Sa fatigue disparaît comme par enchantement. Il lui faut cet animal de peu coûte que coûte. C'est une question de survie.

Roussel s'assoit sous le châtaignier où est installé l'oiseau et lève un museau bavant de convoitise.
 - Salut Corbillat  !  Dis, tu es frais comme un gardon et quelle prestance ! Tu n'as pas trop froid là-haut ?
 - Tiens donc ! Roussel. Que fais-tu par ici mon brave ?
 - Je rentre chez moi. Je n'en peux plus mon cher ami. J'ai tellement faim. Tu ne voudrais pas me donner un peu de ta charogne ? Promis. Je te rendrai au centuple quand j'aurai repris quelques forces.
 - Taratata ! On te connaît le rouquin. Passe ton chemin. Et va te refaire le poil que tu ressembles à de la vieille moquette pisseuse.
 - Oh là ! Pas sympa. Mais tu as raison : j'ai mauvaise mine. C'est pour ça que je t'implore, te supplie...
 - Tu ne m'apitoies pas et je n'ai pas du tout envie d'être sympa avec toi. Cesse donc de geindre. Cette fois tu ne me feras pas le coup tordu du fromage. Tu te souviens ?  Et, à propos de cou, à tendre le tien comme tu le fais tu vas attraper un torticolis. Tu n'as pas besoin de ça mon pauvre...Aaaah !

Le mulot n'est pas mort. Profitant d'un mouvement d'inattention de son prédateur pour se dégourdir les pattes, il se laisse tomber au sol et s'enfuit.
Roussel n'a rien perdu de la scène. Il utilise ses dernières forces et d'un coup de griffe récupère le petit rongeur. C'est sans compter sur la promptitude du corbeau qui s'abat d'un coup d'aile sur le renard. S'en suit une bataille rangée qui permet au mulot de sauver sa peau, cette fois pour de bon.

Tapi dans le fossé, le rat observe d'un œil ironique le carnage. Il n'est pas très fier de sa mésaventure mais il se dit avec philosophie :
Je l'ai échappé belle et je m'en sors bien.
« En toute chose il faut considérer la fin. »

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Commentaires
T
recustomisée cette fable me plait
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T
Un fabliau qui résonne comme une belle volée de nouvelle... parole.
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L
belle fable
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K
"Le renard et le bouc" se conclut par cette morale que tu illustres à merveille ici, Yvanne !
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L
le corbeau et le renard sont immortels ainsi que la faim qui nous fait manger nos congénères animaux ... et maintenant insectes !
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J
Il ne faut jamais dire "La Fontaine je ne boirai pas de ton tonneau !"<br /> <br /> <br /> <br /> La preuve c'est qu'on peut encore y puiser de quoi abreuver notre soif d'histoires !
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V
Comment tordre le cou aux fables poussiéreuses :)
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W
Ce corbeau n'est pas... affable ! (Et pourtant...)
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J
Très joliment raconté, Yvanne !
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