Magie étincelante (Célestine)
Je me suis calé les fesses dans l’herbe tendre, avec deux trois épaisseurs quand même.Tous mes schtroumpfs autour de moi.
L’air de la montagne est frais, le soir, même en juin. On claque vite des dents à attendre sans bouger le spectacle stellaire. Un voyage saisissant, qui change à tout jamais celui qui a la chance de le faire.
Une demi-lune splendide monte à l’est. Toute en ombres et lumières, en nuances et en cratères. Le crépuscule s’effondre, remplacé par symphonie de diamant et de velours.
-Maîtresse, maîtresse ! Regarde ! La reine Casse-les-Pieds !
Je souris…c’est ainsi que l’animateur d’astronomie leur a présenté Cassiopée. Difficile d’imaginer une reine dans ce simple
W !
-Maîtresse, maîtresse ! La grande Casserole !
Mais où ça, une maîtresse d'école ? Je suis la fée des étoiles, voyons, et je répands ma magie blanche dans vos yeux, par la vertu de mon stylo-laser qui scintille de son rayon vert.
La couleur grenadine d’Antarès la Rouge annonce déjà le Scorpion et sa forme gracile qui raviront les observateurs de l’été.
Au-dessus de vos têtes, presque au zénith, le Bouvier a la forme d’un gigantesque cerf-volant, et la Couronne Boréale est à ses côtés un diadème précieux.
A leur âge, les enfants, s’ils ne sont pas encore sensibles à la magique fureur étincelante et glacée de l’univers et à sa dimension philosophique, se laissent emporter par les légendes qu’ils se récitent comme des psalmistes. Des histoires de reines déchues, de héros mythologiques aux pouvoirs insensés, de bêtes étranges ou monstrueuses, dragon, centaure, cheval ailé.
-Maîtresse, maîtresse ! Montrez-nous le Cygne ! le Dauphin ! Et le Triangle des Belles de l’été, Altaïr, Vega et Deneb!
Et la fée des étoiles reprend inlassablement sa baguette, pour graver dans le coeur de ses élèves un peu de la passion qu'elle éprouve, et de cette étrange sérénité qui l'envahit.
En même temps que la conscience soudain très aiguë de la vanité de toute chose sur terre. Comme nous sommes seuls, éperdument seuls dans un univers hostile de gaz, de glace et de poussière! Perdus et éperdus sur notre point bleu pâle...
Elle voudrait tant trouver la paix dans la contemplation de ces nuits somptueuses, et refuser avec énergie la vieillesse, la peur, la mort et l'oubli et toutes ces petites idées bizarres qui viennent parfois lui grignoter l'âme comme des termites!
Alors elle lance un grand cri silencieux à ses doutes, et retourne en riant vers la joie des enfants. Comme une fée.