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15 juin 2009

de retour (Poupoune)

Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage.

Ecrasée de chaleur malgré l'heure matinale, j'étais comme collée au matelas par la sueur. Entre le ronron lancinant du ventilateur qui ne servait qu'à brasser un peu d'air chaud et un moustique tenace que je n'avais pas réussi à tuer, je n'avais pour ainsi dire pas dormi.

Je me suis extirpée du lit avec lenteur, comme dans du coton, le moindre de mes gestes nécessitant un effort dans la moiteur de cette chambre d'hôtel miteux.

J'ai essayé de me rafraîchir sous le fin filet d'eau qu'offrait la douche, mais en vain. A peine sèche, j'étais de nouveau humide de sueur. J'ai enfilé une robe légère, noué mes cheveux sur ma nuque et je suis descendue déjeuner.

Je me suis installée au bout d'une grande tablée de touristes fraîchement débarqués avec qui j'ai échangé quelques mots polis et je me suis forcée à manger un peu de pain sec et de beurre rance, que j'ai fait passer avec du mauvais café.

Je n'arrivais toujours pas à comprendre ce qui m'avait poussée à accepter de venir... Dix ans avaient passé et je m'étais juré de ne jamais remettre les pieds ici. Il avait pourtant suffi d'un coup de fil.

J'ai décliné les offres de chauffeurs de taxi plus ou moins autorisés qui se proposaient de m'emmener à peu près n'importe où et je suis partie à pieds.

Dix ans, mais rien n'avait changé. Les routes poussiéreuses, les trottoirs inexistants ou défoncés, les étals de viandes côtoyant ceux de vis, boulons et autres écrous graisseux, la cahute branlante du coiffeur adossée au maquis où l'on n'est jamais sûr de trouver une boisson fraîche... et le bruit, le monde, l'effervescence, malgré le poids écrasant d'un soleil déjà de plomb.

Dix ans, mais je n'avais pas oublié le chemin du commissariat. Je croyais avoir pourtant réussi à tout oublier de cette histoire, mais à peine avais-je entendu l'écho caractéristique quand j'avais reçu l'appel que tout m'était revenu. Notre décision précipitée de partir, la préparation hâtive du voyage, notre arrivée et nos premiers déboires à la douane, qui n'avaient entamé ni notre bonne humeur ni notre soif d'aventure. Et puis ce fameux jour où on était partie chacune de son coté... on devait se retrouver à l'hôtel. Je ne l'ai jamais revue.

Ça avait duré des semaines. Chaque jour je m'étais rendue au commissariat, j'avais raconté mon histoire des centaines de fois, passé des heures, dégoulinante de sueur dans une pièce où il devait faire cinquante degrés, à ne reconnaître personne sur des centaines de mauvaises photos qu'on me montrait, rien. J'avais cru que je ne rentrerais jamais, mais les flics avaient fini par me laisser repartir, en promettant de me contacter s'ils avaient du nouveau.

Dix ans.

La communication avait été très mauvaise, mais j'avais compris qu'ils voulaient que je revienne.

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Commentaires
C
Une histoire poisseuse qui colle bien à la peau. une fin, stp...
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T
Superbement décrit, à nous de faire le chemin... j'aime ça...
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T
ouaip, moi j'aime bien les textes à trous (avec du dit en creux) et les dérivations elliptiques...<br /> et 'faut dire que là, ça s'impose !<br /> <br /> fiou, de l'air...!!
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Z
effectivement cette fin ouverte soit sur un espoir(peu probable) soit sur une tragédie...brrr<br /> l'ambiance étouffante(au propre comme au figuré) du pays est très bien rendue.retourner (dans la gueule du loup ?)n'est peut etre pas la meilleure idée
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V
Une suite, une suite, Poupoune !
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J
Moi je ne veux pas lire la suite ! C'est un petit bijou en soi, mystérieux, étouffant, avec des notations impressionnistes qui en disent suffisamment : dix ans, un commissariat, une disparition, un retour dans un pays chaud... Whouf !<br /> <br /> PS En référence à un comm' sur un texte récent de Tiniak : <br /> - Mais alors... tu es noire ?<br /> <br /> Ok, je sors et je retourne à Jersey !
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M
J'ai l'impression d'y être allée dans cet endroit... Assez précis tout en étant ouvert, chacun peut y insérer ce qu'il lui plait de voir. J'aime beaucoup et, comme d'autres, j'en aurais bien repris un petit chapitre ou deux...
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P
Le regret de s'être laissé attirer là-bas est bien palpable ; mais que diable était-elle allée faire dans cette galère ?
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V
Moi aussi j'aurais aimé lire une suite. Je reste sur ma faim, moi, Poupoune. J'étais prise par l'histoire...<br /> Demain? ;)
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W
Avec la qualité de la communication, elle n'avait pas bien compris les paroles, mais elle avait reconnu la mélodie :<br /> "Reviens, veux-tu,<br /> Ton absence a brisé ma vie..."
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B
Excellent description ... on l'imagine bien ce pays ! <br /> Bravo Pouponne !
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J
Dépiction nickel du climat lourd, bravissima, poupoune !!!
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T
Super! L'endroit est tellement bien décrit que je ressens cette chaleur étouffante... Une suite, ce serait bien...
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P
On imagine le pire, et y a pas de pire. Epatant. Il faut rompre avec les habitudes. Super bien écrit en tous cas.
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M
Oui, je confirme. Parce que là on peut imaginer le pire !!!<br /> Ce pays en tout cas n'a pas vraiment l'air très accueillant !<br /> C'est très bien raconté Poupoune ...
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V
Dix ans, poupoune! Y sont pugnaces ces flics... j'aurais adoré une petite suite, juste pour ne pas imaginer le pire.
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