Dominique (Moon)
Il n’y avait que trois endroits où je n’aurais pas voulu être.
Chez ma mère à Charleville :
« Je m'ennuie beaucoup, toujours ; je n'ai même jamais connu personne qui s'ennuyât autant que moi. »
A Louxor dans le temple avec Philippe.
« Je n’écrirai plus sur les murs qui virent la majesté. »
A Ashoqa, pas loin de Kandahar, le jour où on a découvert les pendaisons.
« Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées, un morceau de chair tremble à leur maigre menton »
Mais aujourd’hui, je n’étais pas loin d’en ajouter un quatrième. Celui où je me trouvais.
Au moment où le réveil avait sonné, j’avais regretté d’avoir accepté ce voyage.
Ce voyage à Coëtquidan qui avait décidé de ma vie aujourd’hui…
Bien entendu la carrière militaire avait toujours été une éventualité pour moi, papa était le héros de mon enfance et ses missions, ses départs, ses retours avaient rythmé mes jours et mes rêves de fillette.
Mais le commandement… Qu’est-ce qui m’avait pris ? Qu’est-ce que j’allais faire avec ce régiment qui n’avait jamais vu une femme à sa tête ? Comment allaient-ils me regarder et quels murmures allais-je entendre dans mon dos ? Aurais-je encore à prouver qu’on peut être une femme de rigueur sans être agressive ?
Que dirais-je à tous ces journalistes qui s’extasieraient sur mon parcours ?
Qu’est-ce que j’allais surtout dire à tout le régiment aujourd’hui pour expliquer que j’allais les mener à la dissolution en si peu de temps ?
« Vous êtes heureux d’apprendre que je vais vous disperser dans d’autres unités… »
Et si je retournais au lit me plonger dans mon beau volume de la Pléiade que m’a offert Philippe avant de partir ? Le papier bible est si doux aux mots de Rimbaud…