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28 octobre 2017

Ecrire à Rimbaud ? 10, Kaléidoscope (Joe Krapov)

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

“Picture yourself in a (drunken ?) boat on a river
With tangerine trees and marmalade skies
Somebody calls you, you answer quite slowly
A girl with kaleidoscope eyes »

The Beatles – Lucy in the sky 


Aujourd’hui je suis censé, ou insensé, en faire voir de toutes les couleurs. Mais je vais surtout m’étonner de ton travail à moitié fait, de ton inconstance et de tes revirements. Peut-être es-tu au fond pareil à cet enfant à qui on a offert un kaléidoscope. Il secoue le tube en carton, regarde le résultat, ressort de là les yeux illuminés, secoue à nouveau le tube, recommence, recommence, recommence…

Si au départ était le Verbe, si au départ était la lettre – celle du voyant lumineux ! – il faut bien constater, à l’arrivée, que tu nous as posé un lapin et que tu n’as là peint que les voyelles. Et encore, pas toutes ! L’I-grec, on ne l’y trouve pas dans le fameux sonnet ! Il peut bien aller se faire voir chez les Québécois libres !

DDS 498 Juillet-1967_-Vive-le-Quebec-libre

C’est pourquoi, en vue de suppléer à ta trop fumeuse rumba du pinceau, je me suis permis de colorier, sur ta lancée, les consonnes ! J’eusse aimé concocter une «Ballade des consonnes» mais c’eût été trop difficile et trop court. Aussi ai-je choisi, pour construire les éléments de ce kaléidoscope langagier la forme du poème en prose qui fut celle des  insomniaques "Illuminations".

Rimbaud voyelles luque_les_hommes_daujoudhui_500B ! Outremer profond des bleuités béantes où s’élance le bateau livre. Il fait vibrer les baies de la bibliothèque, Titanic mal barré voguant vers l’iceberg forcément bruxellois, puisque c’est à Bruxelles que tout le monde est chou.

C ! Rouge cardinal, œil ouvert et béant du bon roi Henri II dans le couloir des lices et la douleur lui fait lancer au Ciel des cris désespérés cependant que la Mort, la cruelle crécelle tournoie dans un ciel blanc de craies et crissements. Désolé Montgomery, mais une lance chez Heni II, ça se plante dans le buffet, pas aileurs !

Le D, chapeau d’argent au doigt des couturières, brillant, déclamatoire, du désir d’en découdre ou gris perle pour dire en douce la folie du Camp du Drap d’Or : le hasard n’abolit jamais les coups qu’on se prend sur les doigts.

Pour les fleurs du chemin, pour les femmes absentes, pour les filles d’auberge, aux flasques de liqueur, aux forêts des Ardennes, aux fortins en Dancalie, pour les pétales des roses, pour la force du destin, pour le fil court des Parques, nous donnerons au F, extrait du nuancier des fadas de l’Olympe la couleur « cuisse de nymphe émue ».

DDS 478 K arc-en-ciel

Délire des couleurs au kaléidoscope ! Pour défendre son K peignons le d’arc-en-ciel, faisons tourner le tout il en sortira blanc : c’est la métamorphose du procès Kafkaïen !

La « n » de Napochose est vert empire des batailles qu’on livre aux nuits de l’insomnie. Comment sera-t-on demain ? Ne vaut-il pas mieux laisser la réponse à Chopin sous forme d’énigmes nocturnes ? Est-ce qu’une nuit blanche vaut deux nuits noires ? Qu’est-ce qui croche ? Qu’est-ce qui cloche ? Déjà celle de sept heures du mat’ ? Car la « n » n’est jamais brillante.

Pour ce foireux de P aucun doute possible : terre de sienne brûlée pour le plaideur marron !

Du q, rose tyrien, ne dis rien, rebondis ! L’oiseau Quetzalcoal nous a prêté ses plumes. Il ne fait plus très bon, mon pauvre Saint-Antoine, promener son cochon, tout se barre en quenouille ! Alors rabattons-nous sur la quintessence du rose, le flamant : tenir debout sur une patte, n’avoir bon bec que de paris et tant pis si ces dames ont plumes au derrière, si Zizi chante Queneau en croquant les diamants : descendons bien les escaliers de l’Alquazar, mon général ! Songez que la Quamargue n’a jamais rien pardonné à personne. Encore moins à quiconque massacre l’orthographe de son nom !

S ! Sinuosités turquoises de la Seine et des serpents marins aux eaux bleues des Seychelles, souffle tournant du Sirocco, soulèvement des sables jusqu’aux strato-nimbus, écrin de ciel servant de scène aux farces de celui qui se veut digne fils du soleil et puis souffre, seul, en silence.

V jaune d’or, scintillement de la victoire, de la couleur du vêtement que revête le vainqueur de la course à vélo, couleur-douleur du foie que dévore, vorace, l’aigle des vieilles divinités qui punissent de leur vice tous les voleurs de feu. 

DDS 478MAG01__2

Comment peindre sous X autrement qu’en vert pomme ? Au croisement de femme et d’homme, Dieu le Père chapeaumelonne. « Ne Lessinons pas sur les frais » a dit Eve en croquant le fruit. Vous voyez d’ici le tableau lacéré d’une croix juteuse ? Pas étonnant qu’il ait chassé le couple du Cabaret vert !

Z ! Zinzolin, forcé ! Les pagnes des zoulous, les costumes des zazous, les robes des danseuses de la zarzuela, le foulard de Zorro et son épée qui zèbre d’un éclair déchirant le ventre de Garcia ! Les zigzags du voyant zézayant aux Abruzzes.

Je m’arrête ici. Elles ne sont pas toutes là mais maintenant nous avons matière à poncer !

Repose en paix, Arthur ! Je travaille pour toi comme on roulait pour nous jadis ! 

blablabla-diapo-cdn-besancon-franche-comte

Ceci est l'affiche du spectacle Blablabla qui permet à qui le souhaite
de découvrir un formidable kaléidoscope sonore.

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21 octobre 2017

Il ne faut jamais dire "fontaine" (Joe Krapov)

DDS 477 juventusA part Madame Najat Vallaud-Belkacem – repose en paix, camarade ! – peu de gens par ici ignorent que « jouvence » vient du latin «juventus» qui signifie «jeunesse». Notre amie Najat qui rêvait que l’on supprimât le latin des apprentissages scolaires croyait que «juventus» signifiait «bande d’idiots qui courent après un ballon dans un stade à Turin». Elle n’a du reste jamais proposé, pour mettre fin aux violences des hooligans après le match, que l’on distribuât un ballon à chacun des joueurs histoire de calmer le jeu. Le manque d’imagination de nos politiques, quand même !

Juventus a donné «juvénile», «jouvenceau» «jouvencelle» et «jouvence». Ce dernier terme nous rappelle juste «Fontaine» qui était lui aussi un footballeur mais également un lieu affable où coule une eau si spéciale que, dixit Madame Wikipe, «quiconque boit de cette eau ou s'y baigne est guéri de ses maladies, rajeunit ou ne vieillit plus».

"Dixit Madame Wikipe", ma chère Najat, ça signifie que c’est Wikipédia qui l’a dit.

Moi vous me connaissez, je suis comme Obélix : la fontaine de jouvence j’ai dû tomber dedans lorsque j’étais petit. Du haut de mes huit ans et demi d’âge mental, je ne me suis toujours pas éloigné de ma prime jeunesse et je n’ai pas envie de prendre un bain. Pas tout de suite, toujours.

Je ne vais pas pour autant me fâcher avec mon oncle préféré et je vais donc vous parler, à sa demande, de l’année 1971, histoire de… ne pas vous rajeunir ! Comme l’a dit le célèbre poète dont j’ai oublié le nom «On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans».


A l’époque j’écrivais déjà des conneries dans des cahiers à petits carreaux. Je n’étais pas un fan de Marguerite Duras dont Pierre Desproges a dit « Elle n’écrivait pas que des conneries : elle en a filmées aussi ! ». Cependant, tout comme elle, j’écrivais des conneries et j’en dessinais également.


Tout cela se trouve dans une valise bien poussiéreuse, là-haut, dans mon grenier. J’ai failli en faire un roman, « La valise à Scherzos » dont on trouve des bribes sur Internet.


J’y suis monté tout à l’heure, au grenier. Je voulais retrouver un passage où j’avais entrepris d’analyser « la musicalité dans les œuvres d’Arthur Rimbaud » - ça y est, je me suis souvenu, du nom du poète de dix-sept ans ! - mais je suis tombé sur dix cahiers de mon écriture irrégulière et ça m’a découragé de chercher plus loin.


En lieu et place de ce pensum, je vous livre quelques petits dessins faits à l’époque et retravaillés à l’ordi spécialement pour vous cette semaine. J’étais déjà un rigolo, à l’époque, non ?
 

Et je le suis toujours, je crois. Mille excuses à toi, camarade Najat ! "Jouvence" vient en fait de l’adjectif «juvenis» qui signifie «de jeunesse» et pas du nom «juventus», qui se disait plutôt «juventa» du reste. Tu vois qu’il y a du boulot et que moi aussi, quelque part je devrais retourner à l’école… réapprendre le latin.

Gaston Lagaffe ! Yo !

Quand même ! Dans l’un des deux classeurs où j’ai retrouvé ces dessins, j’ai aussi mis la main sur celui-ci qui s’intitule «Portrait de Jean-Arthur Rimbaud». "C’est beau, la constance, non ?" comme demandait Mozart à sa groupie du pianiste.

A part ça, portez-vous bien, jeunes gens !

65 Portrait de Jean-Arthur Rimbaud V2

14 octobre 2017

Suivre le voyant à la lettre (Joe Krapov)

DDS 476 escher-mainLorsque Vitalie Cuif, précédée de son jeune fils, entra dans la salle d’attente du Docteur Zigmund, celle-ci se trouvait vide et elle-même n’était pas très remplie d’enthousiasme. Il allait encore falloir déballer le linge sale de la famille, expliquer à un médecin inconnu les vices nombreux du deuxième fils, le prénommé Arthur qui lui rendait la vie si dure. Elle devrait raconter au marabout, car elle en était rendue là de la quête d’un diagnostic efficace, que le père du gars, le capitaine Frédéric R. avait mis les bouts (de ficelle !) à la naissance de la petite Isabelle, quatrième des enfants du couple. Ceci expliquait peut-être cela ? Mais, désolée, ce ne sont pas des choses qui se font chez les catholiques bon teint mondain, même à Charleville-Mézières, vu que le mariage était une chose sacrée et le divorce pas encore inventé. N’est-ce pas, Docteur ?

Arthur s’était assis sagement et avait replongé le nez dans le prix d’excellence qu’on lui avait remis en fin d’année scolaire. C’était encore un livre de ce misérable de Victor Hugot, comme disait Vitalie en prononçant le « t » et il s’appelait, justement, « Les Misérables ». Là-dessus, une autre patiente impatiente avait pénétré dans la salle d’attente du Dr Zigmund, suivie d’un gamin du même âge qu’Arthur.

 

DDS 476AR71_cheveux longs_300x434_trans

Les deux dames se saluèrent car elles se connaissaient bien et les deux gamins échangèrent très vite un regard entendu : « Motus et bouche cousue, Nénesse ! » « T’inquiète, Tutur, je serai muet comme une catacombe !».

Madame Delahaye posa son manteau et son chapeau sur le siège à côté d’elle, en face de Vitalie, et Ernest sortit son cahier de dessin dans lequel il se mit à gribouiller.

- Alors, Vitalie, toujours des soucis avec ce chenapan d’Arthur ?

- Ne m’en parle pas, Elisa ! Comme tu peux le constater, j’en suis réduite à consulter un voyant ! On n’a pas trouvé de solution dans la médecine traditionnelle. De toute façon, on est grillés chez tous les praticiens de Charleville. Arthur a mordu le docteur Mengele, il a frappé le docteur Knock, il a traité de foldingue le docteur Folamour, accusé le docteur Mabuse de l’avoir violé et chez le docteur No il est allé jusqu’à faire des bonds insensés sur son bureau, cassant tout et faisant mine de tirer au pistolet avec sa pipe tenue fourreau à l’envers. Il a traité le docteur Jivago d’esclavagiste tsariste et le docteur Jekyll de schizophrène ! Il n’y a qu’avec le docteur Petiot que ça s‘est bien passé. Ce toubib-là lui a montré sa collection de valises et Arthur a été fasciné. Petiot nous a expliqué que tout était normal, qu’Arthur était juste « un petit peu iatrophobe ». C’est lui qui nous a conseillé de voir ce docteur Zigmund pour le guérir définitivement.

- Si ce n’est que ça, Vitalie, ce n’est rien, rassurez-vous ! Iatrophobe, iatrophobe, tout le monde a peur d’aller chez le médecin ! Petiot a raison ! Par contre personne ne craint d’aller chez le rebouteux, le marabout, la voyante extra-lucide, l’astrologue ou la diseuse de bonne aventure !

DDS 476 table zigmund- Et vous, Elisa, qu’est-ce qu’il vous fait, votre Ernest ?

- Il me dessine des cochonneries partout ! Vous vous rendez compte, à son âge ? Des choses innommables ! On l’a même accusé d’avoir écrit « Merde à Dieu ! » sur le mur de l’église ! Et pourtant je suis sûre que ce n’est pas lui : on était chez ma sœur à Reims le jour où ça s’est fait !

Heureusement pour Arthur, la porte du cabinet s’est ouverte et le médecin, un grand type à cheveux blancs et moustache a lancé : « Madame Cuif ? ».

Vitalie et Arthur se sont levés, sont entrés dans l’antre du Docteur Zigmund, se sont assis sur les deux sièges devant la table de travail. Quel chantier, cette table ! Elle était couverte de piles de papiers de toutes sortes, d’objets qui n’avaient rien à y faire : un parapluie, une machine à coudre, un jeu de go, des lunettes pour contempler des éclipses de soleil, les oeuvres de Dr Fu Manchu. Il y avait même un chat vivant dont le sourire et le pelage changeaient à chaque entrée d’un nouveau patient dans la pièce.

Sur le mur du fond, face aux visiteurs, il y avait une affiche représentant le docteur Zigmund en train de jouer aux échecs contre une femme entièrement nue !

DDS 476 Duchamp joue aux échecs

Vitalie n’avait pu faire autrement que se signer, consternée et choquée par le décor, alors qu’Arthur s’était plongé dans une contemplation effrénée de la dame de l’affiche. Il songeait malgré lui : « Elle doit s’appeler Gabrielle et quand elle joue avec les blancs elle ouvre de 1.f4 ! ».

Le docteur Zigmund s’était assis sans rien dire et il contemplait dans le blanc des yeux ses deux visiteurs différemment effarés. Au bout d’une minute de ce silence absolu il ouvrit la bouche et déclara :

- Je vois ce que c’est. Madame Cuif, voulez-vous bien me régler le prix de la consultation et ressortir discuter le bout de gras avec Madame Delahaye dans la salle d’attente ?

Comme subjuguée, Vitalie sortit son portefeuille et déposa le nombre de billets souhaités puis elle sortit de cet antre du diable comme elle le décrivit ensuite à Elisa.

- Alors Arthur, demanda le docteur Zigmund, pourquoi ne veux-tu pas retourner à l’école ?

- La vraie vie est ailleurs. Marre de faire des vers en latin !


- Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ?


- Pas plus tard, tout de suite. Je veux devenir riche et célèbre. Mais je ne veux pas travailler.

Le docteur Zigmund posa une pierre blanche sur le plateau de go.

- Riche et célèbre, tu le deviendras. Mais très tard. Les saturniens se réalisent très tard. Sache le dès maintenant, ça ne t’apportera pas le bonheur pour autant. Est-ce que tu connais le proverbe chinois de l’imbécile et du doigt ?

- Quand on lui montre la Lune, l’imbécile regarde le doigt ?

- Oui. Eh bien tu vois, toi c’est l’inverse. Imagine maintenant un rhinocéros. Le rhinocéros regarde la Lune. Il croit que c’est une énorme boule d’or qui brille dans le ciel. Il sait que l’or, ça vaut du fric, alors il court toute sa vie pour décrocher la Lune. Et il oublie de voir ce que tout rhinocéros est obligé de voir, quoi qu’il regarde.

- Et quoi donc, Docteur Zigmund ?

- Sa corne ! C’est sa corne qui vaut bonbon. Sa fortune est devant son nez sous forme d’une corne d’abondance. En Afrique on chasse le rhinocéros pour exploiter sa corne. On en fait un puissant Afrodisiaque.

- Ca s’écrit « aphrodisiaque », ça vient d’Aphrodite ! releva Arthur qui avait décelé le jeu de mots rien qu’à la prononciation du praticien.

- Tu manques singulièrement d’humour, Arthur, et c’est ce qui te perdra. Mais tu es sur la bonne voie. La richesse est déjà en toi, vois-tu ? La solution pour toi c’est d’aller de l’avant, de ne plus t’arrêter. Fonce comme ce rhinocéros. Voyage, fais tout ce que tu veux, ne te soucie pas des conventions, deviens voyant, voyeur, voyou, voyageur, mets des couleurs aux voyelles, enivre-toi de bateaux et d’absinthe, va à Londres – j’y vais souvent, c’est très bien, Londres ! – va à Vienne, évite Bruxelles si tu peux, va loin, deviens le Cuif errant mais…

Arthur ouvrait des yeux en billes de loto.

- … mais ne cesse jamais d’être iatrophobe ! Ne mets jamais les pieds à l’hôpital, ce serait ta perte, malheureux !

- Comment fait-on pour être voyant ?

- Quand tu sauras monter une tente marabout pour huit personnes dans un camping de la Sarthe pour passer un week-end de tai chi chuan et de dégustation de vin de Jasnières, tu seras un homme, mon fils ! Je plaisante. Ou pas. On devient voyant par recensement-dézingage de toutes les règles, par dérèglement de tous les sens. Tu peux aller, maintenant. Je te rends à ta liberté libre. Deviens ce que tu es ! Et surtout, suis mes conseils à la lettre !

 

DDS 476 jeu de go

Le soir-même Arthur Rimbaud planta sa mère et ses sœurs sur la promenade où les tilleuls verts sentaient bon. Il alla prendre le train pour Charleroi puis bifurqua vers Paris mais ceci est une autre histoire.

DDS 476 jeu de go

Bien des années plus tard, alors qu’il était en train de compter sa fortune dans la corne de l’Afrique, il se souvint du rhinocéros du docteur Zigmund. Il ne rêvait plus que d’une chose, à l’époque : rentrer en France et vivre une Lune de miel avec une Gabrielle aussi jolie que celle du poster.

Et sur son coup f4 il eût répondu e5 !

 

DDS 476 chat zigmund

 N.B. Pour qui ne connaîtrait pas le Dr Zigmund et son rhinocéros, c'est ici ou ici que ça se passe. 

La majeure partie des photos de ce billet lui a été empruntée. Amitiés, Docteur Zig !

7 octobre 2017

De Rimbaine à Verlaud. 1, Hypocondriaque (Joe Krapov)

M. Arthur Rimbaine
Explorateur de voies intraveineuses
et de traditions orales ou à mettre dans les annales
8, quai Arthur Rimbaud
08000 Charleville-Mézières

Monsieur Paul Verlaud
Société de géographie des Maladives et du Miraginaire
73, rue Sonneleur
62812 Vent-Mauvais


Charleville, le 4 octobre 2017

Mon cher Paul

Collage_JER_11_Rimbaud_l__aviateur

Voici mon premier rapport sur l’île de Tamalou, anciennement dénommée Hypocondrie, où je me suis rendu à votre demande afin de vérifier et compléter les informations dont vous disposiez ou pas.

La capitale de cette petite île s’appelle bien Gébobola comme vous le supputiez. L’île est traversée d’Est en Ouest par une rivière que les autochtones appellent la Fièvre diffuse. Un genre de Sèvre niortaise mais en moins long que cette rivière charentaise qui pantoufle aussi en Vendée et dans les Deux-Sèvres. C’est un fleuve relativement impassible qui prend sa source sur le plateau de Maloku et s’épand en de nombreux méandres une fois qu’il est rendu dans la plaine de Malokrane. Ses principaux affluents sont la Migrène, l’Hémorroide, la Savouchatouïe et la Savougratouïe.

Au Sud de l’île se trouve une chaîne de montagnes assez bien élevées qui tutoient les cieux mais avec respect et que l’on nomme les Pyravenirs. L’été les Tamaloussas y organisent des courses de vélo très disputées. Ils essaient de franchir le plus rapidement possible le Col du Fémur, celui du Tournemalet puis escaladent l’Aubisquerage, sinuent sur les lacets du mont Eiffel-Argan, grimpent au sommet du Savapété, un volcan qui n’est du reste pas encore tout à fait éteint. « Avec le temps va tout volcan mais c’est comme le cul du fanon, ça met un certain temps » dit un proverbe local qui les fait rire comme des baleines, car, vous le verrez tout à l’heure, mon cher Paul, ils sont très joueurs, les Tamaloussas.

Le tour de Tamalou se poursuit dans la plaine avec des étapes de plat disputées entre Enséfalogram et Toutanémié. L’épreuve contre la montre a lieu sur le circuit de Poukibavitalarivé. Le dopage est autorisé. Une des curiosités de l’ile est d’ailleurs l’usine pharmaceutique de Kilébon-Monmédoc où l’on produit le sirop Typhon, la capsule Gémini et la gélule Dernier-Vargas qui soignent toutes les maladies mais uniquement sur place.

Les autres industries locales sont la confection de blagues Carambar et l’invention de maladies asymptomatiques, les bobobénins, destinés à rassurer les gens sur leur bonheur présent, à prendre en vaccin sous forme de doses homéopathiques de caramel mou et huit jours. Un autre proverbe tamaloussa dit d’ailleurs « Si t’as que ça, reste chez toi, va pas creuser Troudlaséku ni enrichir les charlatans !».

DDS 475 Les-blagues-Carambar-2


Si cela vous intéresse, j’ai ramené des échantillons des troubles psychosomatiques suivants, qui m’ont semblé intéressants :

- La Rimbaldite aiguë : peur de n’avoir pas été très sérieux à l’âge de dix-sept ans ;

- Le Tintinoreleczéma : maladie de peau qui se déclenche quand on pense qu’on aura un jour soixante-dix-sept ans et que l’on n’aura pas, à relire les aventures de Tintin et Milou, un plaisir égal à celui qu’on éprouva à les découvrir à sept ans ;

- La dissentryphonite : peur de chier un pendule ayant appartenu à un savant sourd ;

- L’épanchement de cuisine novice : trouble obsessionnel compulsif qui consiste à craindre de mourir en ayant oublié de fermer le gaz sous la cocotte alors qu’on concoctait une recette nouvelle.

Je vous l’avais dit, mon cher Paul, les Tamaloussas ou Hypocondriaques sont de drôles de zigs, un petit peu malades dans leur tête, mais bon, qui ne l’est pas de nos jours ?

Pour vous rendre dans leur île il faut partir de Kuala Lumpur en Malaisie. Il y a un vol régulier qui dure une demi-heure et vous dépose sur l’aérosyndrome de Münchhausen puis on prend ensuite une navette automobile, un bus en fait, qui vous amène au centre-ville de Gébobola, terme-omettre de votre « voillage » comme nous disions jadis, vous et moi, quand nous bourlinguions de concert.

DDS 475 malaisie_2


Je joins ma facture à cette missive. Vous constaterez que je n’ai pas pratiqué le coup de fusil comme on le fait ces temps-ci dans le secteur non-conventionné.

Si vous avez une autre mission d’exploration à me confier, n’hésitez pas à me joindre où vous savez.

Bien amicalement

Arthur R.

30 septembre 2017

Ecrire à Walrus. 1, Gramophone (Joe Krapov)

Le Boss
Quelque part en Belgique
Derrière la laisse d’un Jack Russell très autonome

"Sur mon phono /Mon bon vieux phono /Sans m’ déranger
J’ peux écouter / L’ premier numéro / De Chevalier
J’ vois La Scala /L'Eldorado /Et moi, en l’ver d’ rideau
Sur mon phono / Mon bon vieux phono / Qui chante faux

Vincent Scotto - Mon bon vieux phono" 

Cher oncle Walrus,

 

170924 265 076

Est-ce bien raisonnable de proposer
Un gramophone aux graphomanes ?

Et pourquoi pas bientôt, peut-être,
Des hormones de croissance à Superman,
Un nain jaune aux nymphomanes,
Un mégaphone au quadrumane,
Un hygiaphone au pétomane,
Une mégatonne à Rocket-man,
Un Gaffophone aux mélomanes ?

Un gramophone aux graphomanes !

Dans la cire si malléable du langage
Ils vont y creuser leur sillon,
Evoquer tous leurs craquements,
Leur stupeur et leurs tremblements,
Pondre des fables à la Chaîne,
S’terrer auprès de Caruso,
Faire soixante-dix-huit tours ou plus sur le plateau
Puis remettre l’aiguille au début
Et saturer le pavillon de tes oreilles
En racontant comme des sourds
Leurs symphonies de siphonnés,
Leurs sanglots longs de sonotones,
DDS 474 Porgy_bessLeurs rayures de bagnards du verbe
Jusqu’à ce qu’ils entendent
Le bras en bout de course se lever
Et donner le signal à tes nerfs fatigués
Et voient le chien blanc d’EMI
Un Jack Russell, assurément,
Assis devant le gramophone
Ecoutant la voix des maîtres du son
Et qui n’entend plus suivre
La voie qu’avait choisie son maître.

Un gramophone aux graphomanes !

Pourquoi ne pas proposer
« Nyctalope » à Pénélope ?
Faire l’obole de « Vinyle » au Discobole ?

Ignores-tu que nous avons été vaccinés avec une aiguille de phonographe,
Que pour combler le zézaiement des éléments
Nous pratiquons, toujours avides, le trop Zeppelin avant l’aphone ?
Que nous brassons de l’air pour en faire des chansons
Et tant pis pour la bière sur laquelle nous dansons !

Vois-tu comme j’ai été bon aujourd’hui, à faire si bref ? J’aurais très bien pu te parler longuement de Charles Cros qui voulut inventer cette machine-là, l’image en couleurs et des tas d’autres choses et qui s’en vint surtout avec l’ami Verlaine accueillir à la gare un dénommé… Comment déjà ? Ah oui ! Rimbaud !

Ce sera pour une autre fois ou pour ailleurs, cher oncle ! Porte-toi bien ! Tiens bien la laisse !
 

DDS 474 kitle

 

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23 septembre 2017

Ecrire à Rimbaud ? 8, Fripouille (Joe Krapov)

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière 
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

« - Fripouille ! Andouille ! Arsouille !
- Ah non, non, non ! Pas les rimes en ouille ! »

Juliette Noureddine (Mémère dans les orties)

Revoilà, vas-tu te dire, l’autre casse-couilles aves ses bafouilles !

En vérité, tu ne vas rien te dire. Tous les échanges à la surface de la Terre, qu’ils soient de papouilles ou de carabistouilles, te passent désormais par-dessus alors que, de ton vivant, c’est toi qui survolais tout, ne t’attardais nulle part sauf pendant cette année terrible, 1872-1873 où tu collas aux basques de Verlaine, à moins que ce ne fût l’inverse ! Ou l’inverti. Ou l’inversitude. 

DDS 473 reviens

Je viens de terminer cette semaine la lecture de «Reviens, reviens, cher ami : Rimbaud-Verlaine, l’affaire de Bruxelles» de Bernard Bousmanne et j’en sors quelque peu abasourdi : que d’embrouilles dans votre vadrouille !

Cette société du XIXe siècle que tu enjolivas de tes mots de sauvagerie ne me semble composée que de fripouilles plus ou moins notables ou notoires. «Des noms ! Des noms !» me réclame la foule excitée qui n’a plus le temps de lire les pavés à la plage ou sous la plage ! Je n’en livrerai pas ou alors j’en citerai peu.

Je n’épouserai aucune cause, pas même la tienne, gueule d’ange échappée de la maison de redressement ! On constate dans ta relation avec le Pauvre Lélian – c’est l’anagramme de Paul Verlaine – une certaine radicalité. Et lui dont on nous fait poser sur un piédestal en airain sa poésie si musicale est peut-être bien le plus sale type de la bande. J’espère ne pas commettre d’impair en écrivant cela, même si c’est, paraît-il, préférable, l’impair, en temps de pluie, quand Gribouille se débarbouille dans la Meuse.

Je ne ferai pas son procès. D’autres s’en sont chargés après qu’il t’eût lardé d’un coup de pistolet. Parmi eux il y avait le juge Théodore t’Serstevens, être sévère qui incarcère les gens qui jouent du revolver et fait examiner pénis et fondement des mauvais garnements. Ce n’est pas une fripouille, c’est juste l’instrument de la loi. C’est un homme avec ses petits défauts : entre deux jugements, même avant le dîner, il se gave de petits gâteaux rue de la Régence. Le docteur qui procède à l’examen s’appelle Semal et je n’en dirai pas de bien mais je suis mauvais juge car je suis iatrophobe !

Verlaine, quand même ! Un homme marié de frais qui se soûle toutes les nuits avec du mauvais vin, qui bat sa jeune épouse, abandonne son jeune fils pour partir sur les routes et en capilotade avec un jeune fou débarqué des Ardennes, Boudu sauvé des eaux de la ferme de Roche, Rimbaud, pas mieux que lui, qui rythme la lecture des poèmes des autres d’irrespecteux «Merde ! C’est de la merde !». Qui le lacère à coups de canif ! C’est réellement un club sado-maso, l’atelier d’écriture, chez vous ?

Ah les vilains bonshommes ! Ne peut-on transformer le cercle zutique en cercle mutique ? Ah les vilains poètes cymbalistes ! Soiffards ! Alcooliques ! Parasites pas rasés ! 

mathilde mauté 2

Que faites-vous dans l’univers des de Fleurville ? Certes la particule est usurpée, la demoiselle est un peu godiche mais son blaze en jette un max, non ? Mathilde Mauté de Fleurville ! Doigt en l’air et tasse de thé, tout juste sortie du pensionnat, méritait-elle vraiment que vous lui écrivissiez cette chanson infâme, «Maudite Mathilde, puisque te v’là !» ?

Quels crétins vous fûtes, aussi, d’avoir laissé traîner en les tiroirs de sa maison ton manuscrit de «La Chasse spiriruelle»et ces lettres que tu adressas à Verlaine, celles que vous appeliez la «correspondance martyrique», notamment celle où tu lui dis «Ne me quitte pas ! Il faut oublier ! Tout peut s'oublier qui s'enfuit déjà, oublier le temps des malentendus et le temps perdu à savoir comment oublier ces heures qui tuaient parfois à coups de pourquoi le cœur du bonheur. Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas !». 

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Il est très intéressant ce bouquin et me laisse avec plein de questions. Peut-on ranger parmi les fripouilles le préfet de police de Paris qui accable Verlaine auprès de la justice belge en mentionnant ses liens avec les Communards et le fait qu’il ait continué à trravailler à l’hôtel de ville pendant la Commune de Paris ? Ils ont fait quoi, les préfets de police entre 1940 et 1944. Ils n'ont pas continué à bosser ? Ils ont quoi ? Collaboré à la bonne marche du monde ? Tant pis si  la marche est bancale et si les gens trébuchent. C’est juste la définition du voyou qui fluctue. Un type qui signe des contrats de vente d’armes avec la Turquie et voyage avec Donald T. dans son avion n’est plus un voyou de nos jours. C’est juste une aimable fripouille. Un patriote économique. C'est sympa, "fripouille", au finale. De la petite bière !

Et l’indicateur Lombard ? Son résumé des faits concernant l’affaire «Robert» Verlaine mériterait d’être reproduit ici in extenso. Je me limite à ceci : «Le ménage [Paul et Mathilde] allait assez bien, en dépit des toquades insensées de Verlaine dont le cerveau est depuis longtemps détraqué, lorsque le malheur amena à Paris un gamin, Raimbaud, originaire de Charleville, qui vint tout seul présenter ses œuvres aux Parnassiens. Comme moral et comme talent, ce Raimbaud, âgé de 15 ou 16 ans, était et est une monstruosité. Il a la mécanique des vers comme personne, seulement ses œuvres sont absolument inintelligibles et repoussants. Verlaine devint amoureux de Rimbaud qui partagea sa flamme et ils allèrent goûter en Belgique la paix du cœur et ce qui s’ensuit. […] Verlaine eut avec son amie [sic] Raimbaud une dispute à propos d’argent et après toutes les injures imaginables tira un coup de pistolet sur Raimbaud qui cria à l’assassin.».

Et M. Google books ? A-t-il le droit de reproduire partiellement le livre «Arthur Rimbaud et le foutoir zutique» de Bernard Teyssèdre ? N’est-ce pas surtout un crime effroyable de le faire de manière partielle et de couper le récit juste au moment où tu entres, Arthur, dans la maison des Mauté ?

Et Leonardo Di Caprio ? Etait-il bien raisonnable qu’il incarnât ton rôle dans un film «Hollywoodien» à souhait qui a l’air d'être un maximum crispant si j’en juge d’après le «trailer» ? Car on ne dit plus «bande-annonce» maintenant, c’est trop ringard d’utiliser la langue française. On dit «biopic» pour «biographie à l’écran», «talk show» pour «émission de parlote» et «think tank» pour "cercle de pensée" mais "chez ces gens-là, on ne pense pas, Monsieur" ou alors en 140 caractères sur Twitter. Autant se taire. Shut up ! Ce film craint tellement que j’ai déjà oublié son titre ! Ah oui, «Rimbaud-Verlaine : Total eclipse» ! Fondu au noir !

Et j’oublie le Paterne Berrichon, le Paul Claudel, l’Alfred Valette, tous ces gens propres sur eux qui ont rêvé de faire disparaitre «Une Saison en enfer» et de te présenter en chantre plus très mou de la catholicitude. Et ceux qui, en Belgique, ont bloqué l’accès aux pièces du procès de Verlaine jusqu’en 1985 !

Et Hubert-Félix Thiéfaine ? C’est quoi son «Horreur Harar Arthur» qui me traîne dans la tête depuis que je l’ai découvert ?

Et Thierry Beinstingel avec son roman « Vie prolongée d’Arthur Rimbaud » dont je n’arrive pas à décrocher tant il est bien écrit et me tient en haleine mais dont je sens qu'il va finir en eau de rose ou en eau de boudin ?

Et ce dévédé de «Rimbaud, l’homme aux semelles de vent», quand est-ce que je vais pouvoir le regarder ?

C‘est vrai ! Pourquoi je m’intéresse à tout ça, moi ? J’ai dû choper la fièvre à Charlestown cet été !

C’est que vois-tu, mon cher Arthur, je suis une fripouille normale, moi ! Je ne suis pas un héros, un voyant, un voyou, juste peut-être un voyeur, un voyageur ou un dévoyé : j’ai la saison 5 de «Girls» à regarder et mon Défi du samedi à écrire ! Ah non, ça y est, ça c’est fait !

Salut à toi cher vieux fripon fripé ! A un de ces samedis pour une autre bafouille sur ta tambouille poético-existentielle et les nombreuses magouilles autour de ta dépouille !
 

16 septembre 2017

Ecrire à Rimbaud ? 7, Extase (Joe Krapov)

 Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

«Il y avait un jardin qu’on appelait la Terre
Il brillait au soleil comme un fruit défendu
Non ce n’était pas le paradis ni l’enfer
Ni rien de déjà vu ou déjà entendu»

Georges Moustaki

 


Cette semaine on me demande de parler d’extase. Et mon commanditaire de préciser : « Et ne levez pas les yeux au Ciel, hein ! ».
 

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Dans ce cas c’est tant pis pour les nuages de Barfleur, pour ceux du Cul-de-loup à Morsalines qu’Eugène Boudin chérissait, tant pis pour les vitraux de la basilique de Mézières, ceux de Dieppe ou Varengeville et basta pour le partage de la meilleure des journées, celle des 32 kilomètres de marche sous la pluie de Saint-Vaast-La-Hougue, exit la merveilleuse étape au restaurant « La Bisquine » qui entrecoupa cette randonnée. Je ne parlerai pas non plus de l’étrange grenier de ton musée à Charleville, de ses chaises grises et des enceintes suspendues d’où sort l’étrange musique de tes mots traduits et emmêlés en différentes langues.

L’extase, dont Madame Wikipe nous dit qu’elle désigne un état où l'individu se ressent comme « transporté hors de lui-même », caractérisé par un ravissement, une vision, une jouissance ou une joie extrême, n’a pas grand-chose à voir avec l’exorcisme qui consiste à faire sortir de soi le je qui est un autre. 

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Mon extase principale de cet été est et restera bien longtemps encore la découverte de cette boîte à lettres fantastique, posée dans le cimetière de Charleville-Mézières, sans mention des heures de levées – tu ne te lèveras plus pour lire mes bêtises – à destination unique : Arthur Rimbaud.

Arthur Rimbaud ! Arthur Rimbaud ! Vous êtes arrivés à Arthur Rimbaud, terminus de la ligne ! Assurez-vous que vous n’avez rien oublié avant de descendre du véhicule !

L’été de Rimbaud ! Extase de la marche autour du lac des Vieilles forges, au-dessus de la Meuse à Monthermé, sur le chemin d’Hautot-sur-Mer à Dieppe ou le long de la mer au phare de Gatteville !

S’il y a bien quelque chose qui nous unit, toi et moi, quelque part, c’est bien ce goût pour la musique des mots, pour ce qui sort de soi et fait qu’un auditeur cesse d’être lui-même pour écouter, entendre ce parler différent, découvrir un coin nouveau de ce jardin humain que chante Moustaki.

Celles et ceux qui pratiquent la musique et la poésie savent le temps que cela prend et le travail qu’il faut fournir avant de parvenir à ces quelques secondes du bonheur de chanter ou d’entendre chanter.

Nous aurons ajouté, cet été de Rimbaud, à notre phonothèque et à nos souvenirs les aventures de Marina B. et Gisèle C. qui s’étaient inscrites à un stage de chant en quatuor et qui, tous les soirs, me contaient les pérégrinations de leur bateau ivre au pays du diapason 415, du canon à 24 voix, des montées de pression entre les voyageurs de ce projet étrange. C’est tout juste si on ne se tira pas dessus au revolver, cette année-là, au conservatoire de Dieppe et à l’Académie Bach ! Normal, on était à Arques-la-Bataille !

Mais au moment du concert, le vendredi soir, silence, admiration, extase : finies, les discussions de spécialistes, les pinaillages sur la prononciation, les fous-rires en cherchant la voiture ou la sortie dans le parking souterrain. Autant en emporte le vent !

 
A l’écoute de ces dames j’eus presque des frissons. Comment ? La divine mélodie de la Renaissance sortait vraiment de cette même bouche qui me dit quelquefois « T’as mal fermé le frigo » ou « Ca manque de poivre à mon goût » ? – Oui, ne t’inquiète pas, Arthur, chez moi l’extase ne dure jamais très longtemps. Mais, heureusement, ses effets sont impérissables .

J’ai failli ajouter que la voix me susurrait aussi « Chéri fais-moi l’amour, fous ce réveil en l’air et fais-moi du café brûlant comme tes lèvres » mais de fait, je confonds :  c’est la copine de Pierre Perret qui lui dit ça quand le soleil entre dans sa maison et en plus j’ai toujours des doutes sur l’orthographe de « susurrer » qui me fait d’ailleurs plus penser à Ferdinand le linguiste qu’à une fièvre érotique.

Celle de ce dimanche 10 septembre, d’extase, me marquera aussi. Nous nous produisions en concert privé avec mes ami(e)s du groupe Am’nez zique et les Biches aux jardins Rocambole à Bourgbarré (Tu parles d’un blaze ! Tout est annoncé dès que tu tombes dans le panneau !). Un jardin extraordinaire qui aurait plu à Moustaki comme à Trénet.

Vers la fin de ce concert de rengaines « métézorrologiques » nous avons interprété cette chanson plombante, « Nantes » de Barbara, dont je n’aurais jamais cru que j’aurais à la chanter un jour mais, vois-tu, tout arrive, qu'est-ce que je ne ferais pas pour faire plaisir aux copines ! Je crois que nous ne l’avions jamais aussi bien interprétée que ce jour-là. Je la dédie, a posteriori, à toutes les filles qui ont perdu leur père et plus particulièrement à cette semeuse d’étoiles de ma famille à qui c’est arrivé récemment.

 
Dommage que tu ne puisses pas entendre ces documents sonores, cher semeur d’étoiles des Ardennes !

A ce jour, même mal, le monde continue de tourner et nous, en avançant, de chasser sa folie, les ennuis et l’ennui, tant que faire se peut. De façon extatique et sans besoin du Ciel mais, comme dit la chanson, « Chacun fait, fait, fait, c’qui lui plaît, plaît, plaît ».

A un de ces samedis, cher Arthur !

P.S. Histoire de rigoler un peu après cette lettre tout compte fait assez sérieuse je te livre une des krapoveries que j’avais pondues comme premier jet d’une participation possible à ce Défi « extase » :

« L’extase du navigateur, c’est quand son sextant. ».

9 septembre 2017

Famille, je vous hais ? (Joe Krapov)

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« Le doryphore déferle sans beaucoup d’efforts
Mais avec grand effet
Sur les pommes de terre du Mont-Dore
Comme Anquetil sur Poulidor :
On est bluffé !

Le doryphore est homicide
Dans le jardin des Hespérides
Où la tomate est pomme d’or
Et le Jupiter impavide :
Le jeune Hercule tète encore.

Le chrysomélidé, l’abominable insecte,
Désespère tout jardinier qui se respecte,
L’esprit placide,
Et n’emploie pas d’insecticide
Contre les soldats allemands ;
Question d’affect,
Evidemment.

Le doryphore est très doué pour l’oxymore
En timide sans-gêne
Qui bouffe ton oxygène,
En aimable gredin
Qui bousille ton jardin,
En Dalton de banlieue,
Rayé de jaune et noir
Toxique dans vesprée,
Déchirant robe des champs
Au pourpre du soleil ».

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Ce sont là ses derniers mots, ceux que l’oncle Jean-Henri Piquechoux a inscrits dans son cahier d’observations scientifiques et poétiques. Après avoir écrit « soleil », il s’est éteint, victime d’une foudroyante crise cardiaque.

L’oncle Piquechoux avait fait fortune en fabriquant et en commercialisant des chaussures à talons aiguilles de luxe. A part l’appât du gain et l’entomologie, il n’avait aucune passion dans la vie et surtout pas celle de la famille.

Tout l’argent qu’il avait gagné était entreposé dans un coffre gigantesque, un espace fermé de la taille d’une salle de cinéma. La légende raconte qu’il venait parfois y plonger, y nager, dans son argent liquide. Il croulait sous le blé, crawlait dans son oseille, faisait de la natation dans ses millions. Il trempait sa barbaque dans ses plaques, faisait le fortiche dans son artiche, noyait son blues dans le flouze.

Parce que le vieux était un grincheux. Le fabriquant de pompes était avaricieux, n’en déplaise à tous ses envieux de neveux. Il y avait Donald le costumier de théâtre qui tirait le diable par la queue. Il y avait Henri, Philippe et Louis qui en étaient réduits à traquer le castor en tant que biographes de Simone de Beauvoir. Tous les quatre furent fort étonnés d’apprendre qu’avant de décéder l’oncle Piquechoux les avait couchés sur son testament. Du coup ils se levèrent, quittèrent le huis-clos de leur salle de bain où ils avaient lavé leurs mains sales et vinrent s’abattre comme des mouches sur les fauteuils de maître Jean-Paul Lanozé, le notaire, pour écouter les dernières volontés du vieil oncle.

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Tous craignaient le pire. Le vieux grigou avait sûrement posé des conditions draconiennes à remplir avant que chacun d’eux ne puisse toucher à une part minime du pactole. Sans doute ordonnait-il qu’on prenne soin de ses ruches, de ses serres à mygales, de ses vitrines de papillons ? Donald trouvait patibulaires ces bêtes à mandibules qui s’envoyaient en l’air et les castors juniors avaient pris pour devise « Les insectes nous débectent ».

Et pourtant non, pas de clause tordue. Quand le notaire se fut tu Cardwell se demanda où était l’entourloupe, pourquoi il n’y avait pas coup de théâtre ce soir. Donald, Phi-Phi, Riri et Loulou touchaient bien la totalité du pactole à parts égales. Sans conditions aucunes.

Maître Lanozé leur remit la paperasse l’attestant, les clés et la combinaison du coffre. C’est peu de dire qu’ils s’y précipitèrent.

Las ! Ils n’y trouvèrent que billets en poussières, pièces plus percées que des galettes de Polydor, lambeaux de rêves et miettes d’espoirs.

C’était là la dernière farce du tonton flingueur. Sachant sa mort prochaine il avait introduit, en guise de dernière calembredaine, sa collection d’insectes dans sa tirelire géante. Il était advenu ce qu’avait entrevu cet oncle psychopathe : les doryphores avaient bouffé toutes ses patates !

2 septembre 2017

Ecrire à Rimbaud ? 6, Grand-père (Joe Krapov)

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

« C’est pour toi que je joue, Grand père, c’est pour toi
Tous les autres m’écoutent mais toi tu m’entends »”»

Georges Moustaki 

Cette semaine on me demande de raconter des histoires de grand-père. J’étais justement en train de me demander si la biographie peut expliquer mieux que l’astrologie la personnalité de gens tels que toi.

Est-ce que c’est important pour les lecteurs de ton œuvre météoritique de connaître la vie de tes parents, le capitaine Frédéric Rimbaud et la paysanne Vitalie Cuif ? Peut-on établir un lien entre ta fin tragique et le fait que ce couple fut boiteux ? Que le militaire fasse campagne et laisse son épouse dans la sienne, soit. Qu’il lui fabrique un enfant chaque année et se barre définitivement après sept ans et demie de ce drôle de ménage-manège en lui laissant quatre mômes sur les bras, quelle influence cela a-t-il sur le cours de ta vie et sur ta littérature ?

Est-ce que c’est important de n’avoir pas de père ou d’avoir un père absent ? Et n’avoir pas de grand-père ? Aucun biographe ne mentionne l’existence des grands-parents Cuif ou Rimbaud. Au secours les généalogistes ! Mais c’est vrai qu’on décédait plus jeune qu’aujourd’hui à cette époque. 

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Astrologie, disais-je ? Mon grand père maternel à moi, celui dont je parlais la semaine dernière, était ainsi que toi natif du signe de la balance. Lui avait cinq ans quand son père est mort sur le front, en 1915, lors de la grande boucherie qui sévissait alors et qui porte le nom de première guerre mondiale. Le portrait de cet arrière-grand-père à moustache avait trôné longtemps sur un buffet de sa cuisine.

Avant de devenir espion pour le compte d’une puissance étrangère, - je suis désolé, mais quand on me demande de raconter des histoires, je raconte des histoires et pas l’Histoire ! - avant même de devenir mon grand-père, il avait été un jeune coq plutôt petit et mince, nourri de religion au point d’avoir été enfant de chœur, puis apprenti-boulanger, athlète vosgien (il avait gagné, paraît-il, le «Tour de Charmes» à la fin des années 20 après s’être entraîné à courir derrière la motocyclette de son parrain), apprenti boulanger, mineur de fond, syndicaliste, membre du Bureau International du Travail, décoré de l’ordre national du Mérite, maire de sa petite commune…

Il n’a jamais demandé, ainsi que tu le fis pour ton propre passé littéraire, qu’on brûlât les poèmes qu’il avait écrits dans sa jeunesse pour celle qui devint ma grand-mère. Par contre il n’a pas laissé d’écrits sur sa vie professionnelle et personnelle et pourtant il a connu la guerre, la prison, les combats syndicaux et politiques, a eu ses moments de gloriole, a voyagé énormément : Chypre, le Chili, la Mongolie, la Hongrie…

Simplement, quand il est mort, tout a disparu avec lui ! Ses livres, sa collection de minéraux, ses papiers qu’il couvrait d’une écriture presque illisible, les poèmes d’adolescence aussi, ainsi même que le portrait du grand père à moustache et également ma propre collection de timbres restée dans un tiroir de son incroyable bureau. Qui a pu embarquer tout ça ? Qu’ont-ils bien pu faire des œuvres de Kim Il Sung qu’il recevait Dieu seul sait pourquoi et comment et Il s’en fout bien, Dieu, ça n’était pas ses affaires, ces histoires de chicore et de chicorée, Nord contre Sud, Est contre Ouest, entre les Yankees et les Soviets, entre les Joe et les Krapov, les Fischer et les Spassky. Qui a vidé la maison ? Qui a joué le rôle des rois de la récupe ? Quelles peurs et quels appétits rôdent autour du brasier quand la bibliothèque ou le Parlement de Bretagne brûlent ? Pourquoi se fichait-il de transmettre ou pas quelque chose après lui ? Faut-il rêver ou pas de transmission, la préparer ou juste goûter tant qu’on peut au sel éperdu de la vie ? Et le jeu d’échecs pliant dont je me souviens d’un seul coup, où est-il passé ? 

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J’ai encore l’air de me plaindre mais non, je ne suis en manque de rien, sauf de son regard bienveillant. Mon grand-père m’a toujours couvert de cadeaux très étranges voire étrangers : une guitare polonaise, des jeux d’échecs aux pièces bizarres en provenance d’autres pays de l’Est, des disques importés de Tchécoslovaquie – mon frère disait «Tchévavaquie» ! – des livres d’Aragon ou d’Alexis Tolstoï. C’est lui qui m’a poussé à apprendre le russe au collège.

En retour il a toujours été admiratif devant mes choix, parcours et lubies. Que je lusse autant, que j’écrivisse des poèmes dès l’âge de quinze ans, que je maîtrisasse le subjonctif passé le comblait de fierté. Mon frère et moi jouions de la musique, je travaillais dans une grande institution culturelle, j’avais choisi de vivre ailleurs, d’épouser une étrangère, de faire des enfants, de voyager avec elle sur ses propres traces… Il avait, comme toi, à la fois ce rêve d’un autre monde et cet attachement quasi clanique à la famille.

Nous étions, lui et moi, malgré les années et nos différences, dans un genre de total respect, amusés et surtout enrichis l’un de l’autre. C’est aussi ce lien-là que je ressens vis-à-vis de toi et je ne serais pas moi-même sans une pirouette finale qui consiste à te livrer des extraits de ton portrait lus sur «Astrothème.fr» qui m’ont bien fait rire.

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Vive la communication et la mobilité, Arthur Rimbaud ! La prédominance des signes d'Air dans votre thème favorise et amplifie votre goût pour les relations avec autrui et les déplacements de toutes sortes, qu'ils soient réels - voyages - ou symboliques - idées nouvelles, évasion par l'esprit. Vous gagnez en souplesse et en adaptabilité ce qui peut vous manquer éventuellement en affirmation ou en sens du concret.

Le mode Cardinal prédomine chez vous, Arthur Rimbaud, et indique une prédisposition à l'action, et plus exactement à l'impulsion et à la capacité d'entreprendre : vous avez à cœur d'initier les projets que vous avez en tête, de démarrer les choses, de les créer. C'est pour vous la partie la plus importante qui vous donne enthousiasme et adrénaline, sans lesquels vous pouvez rapidement vous lasser.

Les maisons cadentes – le groupe des maisons 3, 6, 9 et 12 – sont les plus importantes dans votre thème natal, Arthur Rimbaud :vous savez vous sortir de tous les mauvais pas grâce à votre mobilité et à votre légèreté, dans le bon sens du terme. (Fastoche, la légèreté, quand on a des semelles de vent !).

Vous avez un côté artiste et vous ne négligez jamais dans vos actes et dans votre façon de communiquer des concepts très clairs, bien que subjectifs : le plaisir et la beauté, voire aussi la sensualité, tout cela parfois au détriment de l'efficacité, de la durée, de la logique, et... du détachement.

Votre vulnérabilité de Solarien peut quelquefois venir du péché d'orgueil ou encore d'une autorité un peu trop prononcée. La frontière entre l'orgueil et la vanité est ténue : à vous de ne pas la franchir et de garder en vous cette noblesse de cœur qui fait une bonne partie de votre charme.

Comme tout bon Jupitérien, vous êtes chaleureux, ouvert, liant, consensuel et actif : optimiste, vous savez utiliser votre confiance en vous pour convaincre, gommer les différences d'opinions et laisser aux spécialistes le soin d'analyser et de parfaire les choses. (Ils ne confondent pas un peu avec Macron, là ?)

Forcément, vous trouverez toujours des mécontents qui vous reprocheront votre manque d'authenticité ou votre tiédeur voire votre manque de courage, mais pour vous, la victoire, c'est de vous faire aimer, et sur ce terrain, vous serez sans doute le champion toutes catégories ! (Pas autant que Justin Bieber mais pas loin !)

Le Cancer est un des signes dominants de votre thème de naissance et vous apporte une imagination et une sensibilité d'une finesse extraordinaire. Bien que méfiant au premier abord – et même au second... - dès que l'on vous connaît et que l'on a gagné votre confiance, on devine chez vous un cœur d'or malgré votre discrétion et votre important désir de sécurité qui vous fait rentrer dans votre coquille à la moindre alerte ! Vous êtes en réalité un poète (Oh ?) et si parfois on peut vous reprocher un peu de nostalgie ou de paresse, c'est en réalité parce que pendant ce temps, votre vie intérieure, elle, fonctionne à plein régime.

Votre domaine pourra être celui de l'action dans l'ombre, des causes humanitaires, de l'aide aux défavorisés ou à autrui d'une façon générale, du travail dans des endroits calmes et retirés (Vous prendrez bien un petit désert, par exemple ?) et dans beaucoup de cas, vous pourrez obtenir des domaines cachés autant de trésors que ceux qui ont des destinées publiques.


Bon allez j’arrête là les boniments de Madame Soleil !

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C’est marrant : j’aurais surtout voulu te parler, aujourd’hui, dans cette lettre, du lien entre le jeu d’échecs et le voyage des idées et des gens dans le monde, de la Sicilienne, de la Scandinave, de Kasparov et de Bobby Fischer mais ça ne s’est pas présenté ou très peu. Comme toujours Grand père a confisqué l’histoire pour la réécrire ! Mais ça n’est pas grave, ça reste assez drôle au fond. L’essentiel, comme disait Pierre Desproges, c’est de vivre heureux en attendant la mort. Et je préconise pour ma part de rigoler un max’ en posant qu’elle n’existe pas.

C’est pour cela que je lève mon verre de vodka à votre santé, Messieurs de la balance !


P.S. Les généalogistes me disent que ton grand-père Didier Rimbaud est mort deux ans avant ta naissance et que ton grand-père maternel, Jean-Nicolas Cuif est décédé quand tu avais quatre ans.
T’as vraiment pas eu de bol, Arthur !

P.S. Sur le capitaine Rimbaud, on peut lire aussi ceci.

26 août 2017

ECRIRE A RIMBAUD ? 5, Fantôme (Joe Krapov)

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

« And is this that you want,
to live in a house that is haunted 
by the ghost of you and me ?”»

Leonard Cohen encore !

 

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 Cette semaine on me demande si je crois aux fantômes. Sans doute que la réponse est oui. Sinon que serais-je allé faire dans la «Maison des ailleurs», cette demeure où tu habitas, en plein Charleville, sur le bord de la Meuse, face au moulin et le dos tourné à la place ducale cent mètres derrière.

Il y régnait une atmosphère fantomatique, liée aux éclairages choisis, aux plans des villes que tu as visitées dessinés à même le parquet et surtout aux étranges vidéos conçues par des plasticiens contemporains.

 

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Je suis actuellement coincé par la pluie dans un camping tout près de Dieppe. J'y termine la lecture du «Temps des assassins», un livre consacré à toi par Henry Miller, un écrivain priapique de l’admirant-idole. Je déduis de ses phrases que chacun de nous à son Arthur Rimbaud ou son fantôme d’Arthur qui le hante à jamais. Mon projet n’étant pas de dévoiler le mien – ça ferait bien suaire mes lecteurs et lectrices, je pense – je vais plutôt te parler ce jour d’Arthur le fantôme. Ca me permettra d’évoquer mes propres limbes et de vagabonder en icelles.

Arthur le fantôme ! Il s’agit d’une bande dessinée, d’un récit en images si tu préfères, dont la publication a commencé en 1953 dans un hebdomadaire destiné à la jeunesse et intitulé « Vaillant, le journal le plus captivant ». Le créateur de la série «Arthur le fantôme justicier» s’appelait Jean Cézard.

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Arthur est un ectoplasme aux formes arrondies, enfin pas trop au début, qui n’a que deux boulets de charbon à la place des yeux dans le visage, qui a une houppette en guise de cheveux et, à la place des jambes, une espèce de queue. Oui, un peu comme Henry Miller. Ou comme toi, Arthur, à la fin de ta vie : un fantôme sans jambes.

Arthur, à ses débuts, est doté d’un papa et d’une maman ! Il habite avec eux un château moyenâgeux à l’abandon dans une sombre forêt - les Ardennes ? -. Histoire de coller encore plus la frousse – «les miquettes» comme dit Alexandre Astier qui joue le rôle du roi Arthur dans «Kaamelott» – aux gamins, Cézard leur apprend le mot «oubliettes» en en dessinant à l'occasion. Il leur faudra attendre la leçon d’histoire sur les cages de Louis XI pour découvrir  que le pouvoir rend cruel et con celui qui le possède. Mais ne nous égarons pas dans le labyrinthe, nous risquerions d’y rencontrer le Minotaure, çui-là qui tord les minots et leur dit «Thésée vous ou sinon vous allez perdre le fil de la fusée Ariane et du récit d'oncle Krapov».

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A part le premier gag en une planche, les aventures d’Arthur dans le journal Vaillant constituent un long récit de 366 pages qui paraît à raison d’une page par semaine. Chaque planche contient une douzaine d’images, en noir et blanc au départ, en couleurs ensuite.

Chaque semaine Cézard a livré son épisode à la rédaction et dans le même temps il dessinait d’autres histoires pour d’autres journaux (Billy Bonbon, Kiwi). Tu imagines le boulot ! Inventer des aventures à Arthur le fantôme chaque semaine que Dieu fait ! Avec mission d’être drôle à chaque fois. Comme dit l’autre «impaussible n’est pas français» ! 

Je ne sais plus si Jean Cézard me faisait vraiment rire. Sur ce plan-là, René Goscinny, Charles M. Schulz et Marcel Gotlib sont les premiers sur mon podium. Mais j’étais scotché par son dessin, ses châteaux branlants, ses vieux tacots, ses bateaux de corsaires, son Far-West avec des trognes de cow-boys pas possibles. La série s’est enrichie de personnages secondaires attachants (ou attachés, comme Verlaine le fut pour toi ?) : le professeur Mathanstock a amené sa machine sphérique avec laquelle Arthur a voyagé dans le temps.

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Lorsque Vaillant est devenu « Vaillant le journal de Pif » les aventures d'Arthur, toujours à suivre, ont adopté le format album classique, autour de 48 pages par récit, et ont été publiées à raison de quatre planches par semaine. En 1969 le journal devient « Pif gadget » et publie des aventures complètes de sept pages du fantôme justicier.  Le faire-valoir du héros est alors un magicien diplômé qui s’appelle le père Passe-Passe. Au cours d’un de ses voyages Arthur rencontre les Rigolus et les Tristus qui vivront ensuite leur vie dans une série indépendante. Les rouges contre les verts, les gais contre les tristes. Inutile de te dire quel camp j’avais choisi !

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Oui, celui des Rigolus. Et pourtant ça me désole de n’avoir pu localiser sur les cartes de Monsieur Google la maison de Bonneuil-sur-Marne où mes grands-parents nous emmenaient, mon frère et moi, à l’époque où nous avions ces lectures-là. La voisine s’appelait Madame Bidart, elle avait un superbe jardin et un chat – comme toutes les voisines de cette époque-là -. Nostalgie ! Nostalgie !

Je me souviens aussi d’un appartement prêté au grand-père par un de ses collègues, un nommé Achille, dont le fils, prénommé Serge, avait conservé une bonne collection de recueils de «Vaillant». J’avais lu là-dedans «La Grande descente», une aventure de Richard et Charlie par Tabary et j’y avais découvert Vlugubu, un personnage miniature avec une flamme sur la tête. L’histoire était un décalque du « Voyage au centre de la terre » de Jules Verne, une sorte de « Saison en Enfer » mais en beaucoup plus drôle.

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Accessoirement, nous avions été quelque peu choqués de découvrir, chez ce jeune lecteur de publications "communardes" comme nous, des véhicules militaires Dinky toys en pagaille (et en métal). Ce fut une bonne leçon. Le prosaïsme de la réalité a toujours vite fait de détruire la poésie de Norev. Normal, c’est du plastique ! Du plastoc, disions-nous.

Mais je ne t’ennuie pas plus. A relire Miller, je retrouve un autre fantôme : ce jeune homme que j’ai été, qui fréquentait les bibliothèques municipale et universitaires de Lille, qui dévorait Rimbaud, Kérouac, Miller, Scott Fitzgerald et des tas d’autres disparus plus ou moins notoires. De ce lecteur-là, je n’ai plus rien à dire, sinon que lui ne s’est pas arrêté d’écrire.

Je reparlerais bien par contre du même bonhomme un poil plus âgé qui a redécouvert hier à Dieppe, en spectateur, l’ambiance des tournois d’échecs. Une autre tranche de vie, ailleurs. 

Comment ne pas croire aux fantômes pour peu qu’on ait une mémoire affective, voire affectueuse ? Nous en promenons tous avec nous, à commencer par celui de nous-mêmes !

Salut à toi et à bientôt, camarade Arthur, ami poète, mon très cher roi de cœur « sans cœur » !

DDS 469 tacot

19 août 2017

Ecrire à Rimbaud ? 4, Sourire (Joe Krapov)

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

« C'est moi que je suis la Joconde.
Que de mots vains on m'inonde.
Critiques, artistes abondent
En intarissables facondes. »

 

2017 08 17 mona lisa RimbaudCette semaine on me demande de faire sourire ! Ce n’est pas bien difficile pour moi qui passe désormais ma vie à ne faire que cela ! Je fais sourire et je prête même souvent à rire à taux de z’héros !

Je pourrais bien aller piocher dans mes collages de Jean-Emile Rabatjoie, par exemple. Jean-Emile R. est un avatar de moi-même qui découpe des images dans des vieux magazines et les colle ailleurs, cela pour suivre les traces artistiques et iconoclastes de Jacques Prévert. Je pourrais endosser à nouveau son costume pour concocter d’autres rapprochements improbables et, par exemple, coiffer Mona Lisa avec les chapeaux de la reine d’Angleterre.

Le plus simple à vrai dire serait de recopier ici mon journal de voyage à Charleville-Mézières et de publier un diaporama photographique rassemblant les enseignes et effigies « dédiées à ta gloire » que j’ai pu contempler dans ton Ardenne natale. Mais le sourire serait un peu jaune, peut-être.

 

Je préfère t’annoncer que j’ai bien reçu ton « pitch ». Le pitch, toi qui fus angliciste mais ignores les tics du langage français moderne, c’est le scénario d’un film, c’est la trame d’un récit, le sujet d’une œuvre, le thème d’un poème.

Il est intéressant, ton story-board kaléidoscopique mais je trouve qu’il manque de musique et… qu’il ne prête pas précisément à sourire, même si les notes de bas de page laissent à penser qu’il y a plein de sous-entendus coquins et cultivés là-dessous. Ou pas.

C’est pourquoi je me suis permis de chausser mes gros sabots et d’en réécrire trois. J’ai pitié des Défiant(e)s du samedi qui en ont déjà marre sans doute de cette correspondance idiote entre deux types qui n’ont rien à voir ensemble sinon qu’ils sont un peu, comment dire, chacun dans leur genre, « illuminés ». Je n’en livre donc ici qu’un seul, « Hortense », libre transposition krapovienne du texte intitulé « H » à la page 278 de l’édition en Pocket de tes œuvres complètes.

 

HORTENSE

Ne demande pas la main d’Hortense :
Elle s’occupe à fourrager
Beaucoup plus bas que sa voilette.

N’attends pas d’Hortense
Un doigt d’indulgence :
Il s’applique à la mécanique
Hygiénique et il met
- Ô monstruosité ! –
De la frivolité
Au sein de sa pilosité.

Hortense a des gestes atroces,
Des passions, des actions violentes,
Des manigances érotiques.

A force de frotter
Elle fait tout reluire
D’un beau vernis de mandoline.

Pour la dynamique amoureuse,
Pour ce qui va la rendre heureuse,
Elle paye, depuis l’enfance,
Un tribut de portes ouvertes,
De décorporation salace,
De travaux de mise en lumière
Car elle est reine d’éclairage.
C’est là sa mauvaise habitude.

Et surtout ne paie pas Hortense
D’un rubis sur l’ongle :
Elle rira sous sa pelisse
De ton frisson d’amour novice.

Attends juste qu’elle finisse,
Arthur appuyé au chambranle,
Sa toilette.

Les amateurs de littérature comparée iront lire l’original ici.

Ca les fera peut-être sourire. Ou pas.

Sur ce je repars m’activer une semaine en Normandie. Bon repos à toi, cher poète de mes dix-sept ans !

12 août 2017

Ecrire à Rimbaud ? 3, Drôles d'oiseaux (Joe Krapov)

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière
08000 Charleville-Mézières

 

Mon cher Arthur

« Like a bird on the wire
Like a drunk in a midnight choir
I have tried on my way to be free »

Quand on a une cervelle de piaf, tout se bouscule au portillon !

Posons d’abord que cet extrait de chanson est de Léonard Cohen, un autre poète voyageur qui sema quelques perles de poésie et de musique avant de, récemment, disparaître vers un monde de plus en plus noir. 

170804 265 010

« Des Ardennes au désert », le recueil de tes œuvres chez l’éditeur « Pocket » m’accompagne encore, même ici chez moi où je suis rentré après une autre semaine de marche dans un autre pays de nuages, de semelles et de vent. A croiser tes mots avec des paysages nouveaux, des idées me viennent en nombre. Les quatre moineaux de la photo m’invitent à te parler ce jour de Twitter, le réseau de l’oiseau bleu, et de l’Angleterre où tu es allé traîner tes guêtres avec Verlaine d’abord puis avec Germain Nouveau.

Comment t’expliquer le principe idiot et la vogue paradoxale de Twitter à toi qui as fait dans le « tout ou rien » ? Arthur Rimbaud ? 230 pages de poésie écrites en même pas cinq ans puis le silence total pendant vingt ans après (comme aurait dit Alexandre Dumas). Il paraît que le top du top en notre XXIe siècle pour l’être humain est d’émettre des gazouillis à tous vents. Des messages limités à 140 caractères typographiques. Difficile d’installer un bateau ivre dans ce Port-Racine où tout le monde s’engouffre cependant. 

DDS 467 twitter

 

J’ai moi-même ouvert jadis un compte sur ce « réseau social » où l’on discute, de fait, avec zéro zoziaux ! J’y ai publié des haïkus à la petite semaine. J’ai le sentiment que l’on pourrait faire encore plus court, encore plus ludique avec tes poèmes. En résumant par exemple le premier vers de chacun de ceux-ci par les initiales des mots qui le composent. 

 

J’adore inventer des jeux pour mes blogami(e)s. Ils et elles devineront peut-être ceux-là :

CJDDFI
CEUTDVOCUR
ONEPSQOADSA
JMEALPDMPC
HLTTCLM

Le dernier est un piège : c’est un vers de Baudelaire !

DDS 467 So irresistible

 

Mais cessons de divaguer, fermons les yeux, repensons à l’Angleterre et revenons à la chansonnette du début. Un usage intéressant de Twitter consisterait à y publier des aphorismes anglo-saxons. Je viens justement de lire cet été deux recueils de Jean-Loup Chiflet, « So irresistible ! » et « So incredible ! ». J’en conseille vivement la lecture à qui souhaite se dilater la rate.

Quelques exemples ?  En voici :

L’autre jour j’étais tranquillement chez moi en train d’écouter un disque de Leonard Cohen et quelqu’un a sonné à la porte alors j’ai retiré le revolver de ma bouche. (Vernon Chatman)

Je ne me considère pas comme un pessimiste. Pour moi un pessimiste c’est celui qui attend qu’il pleuve. Moi je suis tout le temps trempé. (Leonard Cohen)

Quand Bob Dylan a chanté pour lui le pape a dit « Je parle pourtant plus de huit langues mais je n’ai rien compris. » (Conan O’Brien)

Le flamand n’est pas vraiment une langue, c’est plutôt une maladie de la gorge. (Mark Twain)

L’hiver anglais se termine en juillet et recommence en août. (George Gordon)

L’Enfer : un chauffeur français, un flic allemand, un cuisinier anglais, un amant suisse, le tout dirigé par des Italiens (John Elliott)


Un qui me fait beaucoup rire aussi ces temps-ci c’est le philosophe Michel Onfray dont on peut entendre les conférences sur le Cosmos chaque après-midi à 16 heures sur France-Culture. En voilà un qui n’entrera jamais, lui non plus, dans le cadre très limité de Twitter ! Entre les 28 minutes qu’il met à répondre à une Québécoise pour lui dire qu’il n’a pas de réponse à sa question et les 23 minutes de bla-bla qui précèdent la réponse "oui" à la demande « Est-ce que vous croyez à l’amour ? », cet homme est dans le hors cadre total ! Mais, sans être un voyou dans ton genre, je pense que c’est ce qu’il faut être et je trouve passionnant et amusant d’écouter ses dissertations.

Voilà, mon cher Arthur, les autres drôles d’oiseaux en compagnie desquels je passe mon été. Désolé de ne pouvoir pas mieux partager avec toi ces gouttes de rosée, ou plutôt ce « vin de vigueur » qui permet de faire front.

Amitiés et bon vent à toi, Arthur, qui as cessé de battre la semelle !

 

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P.S. Les réponses du petit jeu :

Comme Je Descendais Des Fleuves Impassibles

C’Est Un Trou De Verdure Où Coule Une Rivière

On N’Est Pas Sérieux Quand On A Dix Sept Ans


Je M’En Allais Les Poings Dans Mes Poches Crevées


Homme Libre Toujours Tu Chériras La Mer

 

5 août 2017

Ecrire à Rimbaud. 2, Marionnettes (Joe Krapov)

DDS 466 cardinal

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière 
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

« Moi je construis des marionnettes
Avec de la ficelle et du papier »

Je te fais grâce de cette chansonnette d’un chanteur pré-nommé Christophe. Celles et ceux qui l’aiment prendront le train de M. Youtube pour aller l’écouter si ça leur chante.

Cette semaine, l’image de départ me ferait dire plutôt ceci : Après «Fanfan la Tulipe», «Les Trois mousquetaires» ?

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Il faudrait que je le revoie ce film de Bertrand Tavernier, «La Fille de D’Artagnan». C’est Sophie Marceau qui tenait le rôle. Est-ce-là que Claude Rich jouait Mazarin ? Y était-il un « cardinal bien tapé » comme le dit la légende de la photo ci-dessus ? Un coup d’œil à Wikipédia me répond que non, que c’est au théâtre dans « Le Diable rouge » qu’il a tenu ce rôle et y a excellé.

Mais revenons à la « superbement idiote entre les petites villes de province », Charleville-Mézières ou Charlestown comme tu la nommais toi-même sans prévoir que tu reviendrais y danser de douleur un autre charleston beaucoup moins drôle pour ton chant du départ.

Il y avait de très beaux mousquetaires au Musée de l’Ardenne dans l’exposition temporaire consacrée aux marionnettes du Nord de la France et de la Belgique proche. Il y avait aussi de magnifiques trésors théâtraux dans les deux salles dédiées de la collection permanente.

Je sais, personnellement, de longue date, les liens de Charleville avec ces figurines dont on tire les ficelles – ou dans lesquelles on met les doigts, ce qui est, avouons-le un peu dégoûtant (ou pas) -. J’ai connu au début des années 1980 une dame qui occupait son temps libre à dresser la liste de tout ce qui avait été écrit de par le monde concernant Pinocchio, Guignol, le Gendarme et consorts pour les montrer dans le petit castelet. C’est elle qui m’a appris l’existence du Festival mondial des théâtres de marionnettes. Peut-être viendrons-nous y assister un jour de folie !

170710 Nikon 039

Le temps me manque ce jour pour explorer plus avant les liens potentiels entre tes œuvres et cette spécificité festivalière locale. A part le fait que pour une marionnette aussi « je est un autre », que, pour la faire parler et bouger il faut être résolument ventriloque plutôt que absolument moderne, habile manipulateur plutôt que fleuve impassible, à part ta phrase disant que «la vie est la farce à mener par tous» je ne vois rien qui te lie plus que ça, mon cher Arthur, au théâtre et aux figurines à bouche immobile, même si tu as dû, comme tout le monde, croiser des pantins à Pantruche et des guignols à Charlestown !

Mais revenons au cardinal tapé qui m’interrompt. « Et Dieu dans tout ça ? » me demande-t-il en s’étonnant que je n’ai pas encore écrit les deux mots « pourpre cardinalice » qui brûlent le bout de mon stylo depuis que j’ai entamé l’écriture de cette deuxième lettre. J’adore connaître des mots qu’on n’utilise jamais !

Eh bien, Dieu… Mon Dieu, comme c’est drôle ! C’est Isabelle la catholique… (Si, si, Dieu est une femme !)… Excusez-moi, cardinal, je vous réponds mais en m’adressant à Arthur !

C’est Isabelle Rimbaud, ta très catholique sœur, qui t’a, paraît-il ramené à lui ou L’a ramené vers toi dans tes derniers moments. Tout cela est décrit en long et en large dans l’exposition au 2e étage de ton musée dans le vieux moulin sur la Meuse. On voit même des photos d’elle et des portraits réalisés par son mari, le peintre Paterne Berrichon. Paterne Berrichon ! Tu parles d’un blaze ! Pourquoi pas Baderne Perrichon comme tu aurais pu le rebaptiser avec insolence.

- Qui vous êtes, vous ?
- Baderne Perrichon, je suis le beauf d’Arthur.
- Avec un nom pareil, vous devez beaucoup voyager, non ?
- Non, c’est lui, surtout, qui marche ! Enfin, qui marchait !

170712 265 012

Mais ne soyons pas méchants. Ce couple n’est pas pour rien dans ta célébrité et ta gloire posthumes.

J’ai quand même des doutes, Monsieur le cardinal dont j’ai toujours garde, sur le sens de tout cela. Un musée consacré à un ado fugueur, à un poète génial, à un marchand d’armes et à un moribond unijambiste ? Et un autre où l’on trouve deux pièces pleines de vitrines emplies de marionnettes ? Quel rapport entre les deux sinon que pour un prix modique, 5 euros en 2017, on peut entrer dans les deux ainsi que dans la maison des Ailleurs où Arthur a vécu de 1869 à 1875 et passer quelques heures à être émerveillé par le passage des hommes dans le travers du temps, par ce qu’il en reste après coup, un plan de Vienne déchiré, un portrait du roi Ménélik, une lance mérovingienne, une légende du temps de Charlemagne, celle des quatre Fils Aymon, racontée par un grand automate, place Winston Churchill à chaque heure que Dieu fait sonner en posant la grande aiguille sur le douze.

Aucun rapport, entre tout ça. Ou si, un seul : Charleville-Mézières, c’est comme le Harrar, il faut le voir pour le croire

***

Et puis ce matin au réveil, illumination ! Illumination !

Je l’ai retrouvé dans mon hypermnésie galopante le lien entre la famille Rimbaud et le théâtre ! Je viens de scanner l’image pour la partager. Riez, amies lectrices ! Préparez-vous à rire, amis lecteurs. A Riez, charmant village de Provence où nous avons passé nos vacances à l’été de 1987, j’avais photographié, dans le paisible et joli cimetière cette tombe-ci, celle de Hamlet Rimbaud !
Etonnant, non ?

Amitiés et bon vent à toi, Arthur qui as cessé de battre la semelle !

DDS 466 Hamlet Rimbaud

29 juillet 2017

Ecrire à Rimbaud. 1 (Joe Krapov)

170715 Nikon B 012

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière 
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

«En avant Fanfan la Tulipe
En avant, La Tulipe, en avant !»

Comment puis-je nommer autrement que «Poésie» ce dérèglement de tous mes sens qui va me faire écrire, partant d’une photo de tulipes, sur Gérard Philipe, les Choeurs de l’Armée rouge et le cimetière marin de Sète ?

«Alchimie du verbe » ? Le Défi du samedi, depuis de nombreuses années déjà, nous incite à mélanger les nôtres avec des adjectifs et des noms propres (ou pas), ce sous la houlette d’un chimiste en chef promu depuis peu expert en «éprouvettes» (ou alors c’est moi qui fatigue !).

DDS 465 affiche Fanfan la tulipe

«Yoyotage de la touffe» ou «Alzheimer précoce» ? Peut-être ! Ces résurgences de  «pop culture» qui me taraudent et qui m’occupent te feront, sans doute aucun, une belle jambe à toi qui dors sans l’une et même sans étoiles sous la terre de Charleville.

C’est donc bien l’interprète du «Fanfan la Tulipe» de Christian-Jacque, le sieur Gérard Philipe, que cette photo de tulipes m’évoque en passant par le biais de la chansonnette introductive d’Emile Debraux, pondue en 1819.

J’ai dû voir ce film quand j’étais enfant et cela ne rajeunit personne. La télé était en noir et blanc, le film aussi et la vie en sépia ou, au mieux, en couleurs de Polaroïd. Pour les gens de ma famille ce Gérard Philipe était déjà une icône de la même manière que toi, mon Arthur sans saisons ni châteaux, tu en es une pour moi.

Il y avait à la maison le disque 33 tours du «Petit prince» sur lequel le plus admirable des acteurs prénommés Gérard prêtait sa voix à l’avia-narra-teur tombé en panne dans le désert et à qui Georges Poujouly demandait : «S’il vous plaît, dessine-moi un mouton ?».

DDS 465 Le Cid

Quelques années plus tard nous l’avons retrouvé en Cid campeador dans le Petit classique Larousse de la classe de 6e ou 5e et son portrait dans ce costume positionnait beaucoup plus haut dans nos esprits, par-dessus la guerre froide et les «Ôte-moi d’un doute », la grandeur de la littérature et du théâtre classiques.

On aurait sans doute pu nous donner encore à voir «Le Rouge et le noir» et «Le Diable au corps» mais entre-temps la musique yéyé, les duels Anquetil-Poulidor, la rivalité Stones-Beatles, Astérix et les héros de«Pilote mâtin quel journal» étaient arrivés et ça nous intéressait aussi. C’est ça, la pop culture : c’est ce qui te détourne de la littérature et de la réflexiture.

Chez nous Gérard Philipe était surtout «un camarade». Un des «copains» de mon grand-père à l’instar d’Aragon, Picasso et Jean Ferrat et de ceux qui ont suivi, comme tu le fis toi-même pendant la Commune de Paris, le rêve d’un Homme résolument moderne voire nouveau. Pour ma part je ne mets pas de majuscule à «homme» et j’ai toujours préféré l’antique !

J’ai bien repensé à cette époque-là l’autre jour en cherchant sur Internet les paroles forcément bretonnes et les accords heureusement simples du premier tube d’Alan Stivell, «Tri Martolod yaouank». C’est que je suis tombé alors sur cette vidéo-ci et je me suis trouvé très heureux de ce partage inattendu de langues, de musiques et de culture populaire entre ces Russes et ces Bretons-là, réunis pour le plus grand plaisir de mon seul et unique neurone. 

 

DDS 465 fanfan

De la même manière ce sont des camarades roumains qui m’ont permis de remettre la main sur cette bande dessinée-là, qui paraissait dans un journal de la même famille d’utopistes, où Gaty et Nortier avaient redonné à Fanfan la Tulipe les traits de Gérard Philipe.

Comme je pense tout à coup à Claude Rich qui vient de disparaître et que j’aimais bien aussi depuis «Je t’aime, je t’aime» d’Alain Resnais, et en me rappelant également une autre icône de ce temps-là, le cosmonaute Youri Gagarine, j’en viens à me demander comment il se fait que certaines personnes ont cette aura si particulière, cette humanité sans fanfaronnade, ce sourire charmant et ce pétillement dans le regard qui nous les rendent si proches de nous et, à jamais, aimables ?

Je suis retourné récemment dans le village où tous ces souvenirs d’enfance avaient, autrefois, statut de réalité ambiante. Comme je m’y adonnais à des travaux de peinture de porte et que dans la pièce à côté un reportage télévisé sur la ville de Sète était diffusé, je me suis interrompu pour aller admirer des images paisibles du cimetière marin de cette cité. Je me suis dit que j’irai un jour saluer l’oncle Georges qui chantait à l’époque de «Fanfan» et de «Lorenzaccio» ses gaudrioles uniques, poétiques et essentielles.

Si je passe un jour à Ramatuelle, j’irai saluer Gérard Philipe. Je déposerai peut-être une tulipe sur sa tombe ? Pas sûr. C’est que je ne suis pas très doué en matière de recueillement mélancolique. A ce propos d’ailleurs, mon cher Arthur, je suis désolé de n’avoir pas fleuri ta demeure dernière. Je ne suis pas du genre à jeter des fleurs aux gens qui sont toujours vivants en moi.

Mais le cœur y est !

DDS 465 gerard-philipe-le-cid-1305Bon vent à toi !

 

P.S. 1 : Réponse supposée d’Arthur :

- Et la tombe de Gina Lollobrigida, Joe Krapov, elle sent la mozzarella ?
- Désolé, Arthur, cette dame est toujours vivante !

P.S. 2 :

Dérèglement de tous les sens ? Dérèglement de tous les sens ? En consultant Wikipédia je découvre un autre lien surprenant entre Arthur Rimbaud et Gérard Philipe : tous les deux sont décédés à l’âge de 37 ans !

22 juillet 2017

Le Mystère de la sphinge à barbe (Joe Krapov)

DDS 464 sphinge à barbe

Nous n’aurions pas dû être surpris. Les temps sont jupitériens, les foudres de guerre courent les rues et nous avions planté notre tente au pied du mont Olympe.

Pas étonnant dès lors que nous fussions arrêtés chaque jour, au bout de la passerelle qui mène à la ville, près du vieux moulin à eau, par cette créature mythologique bigrement questionnante. Par référence à l’histoire complexe d’Œdipe et du fait que ce bestiau nous posait chaque jour une énigme différente autant que stupide, nous l’avions baptisé « sphynge à barbe ».

Comme aurait dit Totor Hugo :
« C’était un haut-relief de l’armée en déroute,
Corps de chien, tête d’homme, allure de douanier
Il piochait sa question dans un petit panier
Et au retour, cruel, il nous barrait la route
Pour obtenir réponse à ses absurdités.

Si l’on répondait faux, avec des crudités
Et d’autres condiments, la bête promettait
- Tous les voleurs de feu font ainsi des serments -
De nous avaler goulûment ».

 

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1er jour, 1ère question :

- Comment appelle-ton les habitants de Charleville-Mézières ?

Ça, je m’en souvenais pour avoir déliré récemment sur ces noms improbables que l’on nous fait porter du fait de la naissance ou de la domiciliation :

- Les Carolomacériens !

- C’est bon, passez ! a dit la bête.

 

170713 265 0412e jour, 2e question :

- Pourquoi n’y a-t-il que dix bateaux dans le port de plaisance de Charleville-Mézières ?

Pas de bol, ma barbue ! En vacances je lis le quotidien local. Ici il s’appelle « L’Ardennais », il est bien documenté et remonté contre les absurderies de la mairie.

- Pour entrer dans le port les bateaux doivent passer sous une passerelle piétonne. La hauteur maximale des bateaux étant limitée à trois mètres la plupart d’entre eux doivent faire demi-tour et stationner ailleurs que dans le bassin prévu à cet effet.


170712 265 0363e jour, 3e question :

- Quel est le plus célèbre des natifs de Charleville-Mézières ?

- Trop fastoche ! Tu déconnes ou quoi, Madame Sphinge ? Pourquoi crois-tu qu’on soit venus ici ? Pour sea, sex and sun ? Pour le duc de Gonzague ? Pour Boris Ravignon ? C’est bien sûr Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud. Son musée est très beau, sa maison des ailleurs très sobre mais alors, le pauvre gars, s’il voyait ce que les marchands du temple ont fait de son effigie ! Entre la Rimbaud’tech, incubateur d’entreprises innovantes, Hair com Rimbaud, coupeur de cheveux et la cuvée d’Arthur, bière et limonade, y’a comme dirait Souchon de la récup’ dans l’air !


4e jour, 4e question :

- Pourquoi Rimbaud est-il parti en abandonnant tout ?


- Parce qu’il est comme nous : il aime bien Charleville mais… z’hier ! Parce qu’à force d’entendre tous les quarts d’heure le carillon de la mairie entonner le « Chant du départ » de Méhul ben ça ne donne pas d’envie de rester, Ursule ! Parce que les fêtes nocturnes des kékés locaux avec musique à fond et claquements de portières jusqu’à cinq heures du matin juste à côté du camping, ça ne donne pas très envie de revenir, Olympe !

 

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5e jour, 5e question :

- A quelle heure sera tiré le feu d’artifice local ?

- A 22 h 40 selon l’Ardennais ; à 23 heures selon le bulletin municipal ; à 10 h 20 selon la police qui divise tout par deux dès qu’il s’agit de compter. C’est l’Ardennais qui a dit vrai mais, en raison de ce je viens de dire au sujet des noctambules carolomacériens, après les Illuminations suit une Saison en enfer !

Je vous fais grâce des autres question de la femme à barbe. Ou pas, tiens !

- Oui c’est bien au Belgium coffee snack qu’on déguste la meilleure carbonade de France et de Navarre.

- Oui, c’est bien un labyrinthe qu’on trouve entre Gernelle et Rumel mais vous vous attendiez à quoi en longeant le ruisseau « L’Infernal » ? A un sentier de randonnée balisé en bonne et due forme ? Ils ne sont pas fous, ces Ardennais ! Ils ne vont quand même pas bosser pour attirer chez eux des touristes autres que les Néerlandais de passage !


170715 265 010- Oui c’est bien le sanglier qui est l’emblème de la région, enfin, du département !


- Oui, il est bien fait mention d’une partie d’échecs dans la légende des quatre fils Aymon racontée à l’horloge du grand marionnettiste. Mais nous n’y sommes pour rien si elle est restée coincée au tableau douze le samedi soir !


- Oui, il y a bien un comité anti-éoliennes au pays de l’homme aux semelles de vent !

Au bout de la semaine d’interrogation des Krapov, la bête est restée sur sa faim. Nous on avait comblé la nôtre avec bonheur : croisière sur la Meuse, ascension de la crête au-dessus de la boucle de la Meuse à Monthermé, tour du lac des Vieilles forges, dégustation de bières locales, visite du très beau Musée des Ardennes…

Si elle avait voulu, la mystérieuse sphinge à barbe, elle aurait pu nous dévorer dès le premier jour. Il lui suffisait de demander : « Qui suis-je ? ».

A l’heure actuelle, je n’ai toujours pas trouvé, entre gorgone, méduse, phœnix et hydre de Lerne où je pourrais classer cet animal hybride. Sphinx égyptien, peut-être ?

Au secours, Miss Map ! De ne pas savoir me ronge ! Je suis comme ça !

Ô saisons, ô chateaux !
Quelle âme est sans défauts ?

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8 juillet 2017

La Clepsydre et la phoniatre (S + 7 à ma sauce) (Joe Krapov)

DDS 462 clepsydreLa Clepsydre, ayant chuinté
Tout l'étiage
Se trouva fort dépitée
Quand la bonde fut venteuse :

Pas un seul petit morceau
De mouillage ou de verseau.

Elle alla crier fatigue
Chez la phoniatre sa dealeuse,
La priant de lui prêter
Quelques gouttes pour susurrer
Jusqu'à la scansion nuptiale.

- Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'aube, foi d'appareil,
Interphone et proverbial.

La phoniatre n'est pas princière ;
C'est là sa morne dégaine.

- Que feuliez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à l’émulsionneuse.

- Nuit et jour, à tout vibrant,
Je chuintais, ne vous déplaise.

- Vous chuintiez ? J'en suis fort aise !
Et bien ! Dentalisez maintenant !

Plaque_perec (christophe Verdon)
Cette plaque est une oeuvre de Christophe Verdon

1 juillet 2017

Tentative inaboutie de dérouillage de la mécanique cérébrale (Joe Krapov)

Le bidouillage est bien souvent informatique et nécessite de la pratique (ou pas !).

Le tripatouillage est politique, électoral ou financier et nécessite du secret.

Le magouillage est identique et nécessite au moins un François Béranger pour le transformer en blues.

Le lichouillage est érotique et nécessite un consentement mutuel sinon on va tout droit de la case Sofitel à la case prison.

Le trifouillage est narinaire et nécessite de savoir jusqu’où on peut aller trop loin sans que ça ne se transforme en joyeux tango des bouchers de la Villette : faut pas qu’ça saigne !

Le zigouillage est systématique et nécessite un régime dictatorial ou tyrannique ou une misanthropie relevant du cas clinique.

Le cafouillage est endémique et nécessite des rétropédalages, des démissions, des changements de braquet – ou pas !

Le mouillage est à la halte nautique et nécessite une ancre et aussi des amarres. Vous verrez, c’est plus loin, juste à côté du cirque !

Le mâchouillage est l’apanage des boulimiques et nécessite du chewing-gum, des crayons de bois ou n’importe quoi d’un peu mou (chique de tabac, etc.).

Le farfouillage est bordélique et nécessite une galerie La Fayette ou une période de soldes. C’est justement en ce moment !

L’Allelouillage est catholique et nécessite que le Léonard soit Cohen et que la Bigoudène soit coite.

L’agenouillage est malaisé chez l’arthritique et nécessite un bon coussin pour les genoux.

L’épouillage tourne Serge en Gainsbourrique et nécessite une Elisa.

DDS 461 Jan_Siberechts_-Cour_de_ferme-_détail_Scène_d'épouillage

Le verrouillage est aristocratique et nécessite un Fragonard qui ferme la porte. Paradoxalement, dans ce qui suit ce geste, tout reste ouvert !

Le gazouillage est encyclopédique à condition de ne pas dépasser 140 signes. Exemple : «Pourquoi est-ce que tu t’en-quin-tettes à envoyer des tweets, Schubert ?»

Le gribouillage est hiéroglyphique et nécessite parfois de démêler le tien du mien, l’égyptien du mésopotamien et Pierre de Rosette (Pierre et Rosette sont les personnages du « Verrou » de Fragonard évoqué plus haut).

Le scribouillage est la marque de fabrique du prolifique et nécessite un mauvais style. Ici personne ne scribouille, on se livre à des bidouillages esthètes et à des jeux oulipiens. Pour tous ceux qui tiennent à oublier Proust, c’est une nécessité vitale !

Le grattouillage est guitaristique et nécessite qu’on fiche la paix une fois pour toutes à la rengaine « Jeux interdits » qui se joue, elle, en arpèges. Les accords de Do, Fa et Sol 7 devraient suffire à nos bonheurs de jolis chants autour de ce foutu feu de camp qui ne veut pas prendre ! On a des scouts dans l’assistance ?

Le bafouillage est bien comique mais il faut pour cela le talent d’un Pierre Repp ou d’un Francis Perrin pour que ça fasse du bien à nos zygomatiques (voir ce mot).

DDS 461 Peanuts

Emporté par mon élan, j’ai failli ajouter :


L’échouillage est du genre Atlantique et nécessite un Titanic (avec deux glaçons, s’il vous plaît).

La carabistouillage est peut-être lié à la Gueuze Lambic et nécessite de pratiquer les Hauts de France et/ou les Bas de Belgique.

Le cornegidouillage est ubuesque et Jarrythmétique et nécessite un crochet à phynance et un royaume de Pologne.

Le tatouillage n’est pas épisodique et nécessite, - quelle abjection ! - une injection d’encre non sympathique !


Notons que «bidouillage», qui était notre point de départ, a en commun avec «gribouillage», «grattouillage» et «gazouillage» de tolérer un suffixe en «is» : on peut donc dire aussi «bidouillis», «gribouillis», «grattouillis» et «gazouillis». Par contre bigoudi n’a rien à faire dans cette liste, même s’il est porté par la Bigoudène mentionnée sous «Allelouiage».

Mais du coup, comment appelle-t-on l’action de bouillir sans génie ? La «cent degrés y’a» ?

J’ajouterai pour terminer que dans leur chasse aux vocables pour illustrer le «Dictionnaire-bêtisier du Défi du samedi» certaines andouilles ne reviennent jamais bredouilles : c’est le cas pour moi cette semaine. Et je trouve que je l’ai bien bidouillée, cette contribution ! Car «en même temps», comme on dit maintenant, elle ne dit absolument rien de ce que je bidouille dans ma vraie vie !

P.S. Si jamais, pour cause de vacances et de vadrouillage, je ne puis être là la semaine prochaine, je vous souhaite à toutes et à tous, pour cet été, un bon et excellent «glandouillage» !

24 juin 2017

Quatre auteur(e)s sur la hauteur (Joe Krapov)

1

DDS 460 Vargas

Forcément
Retors
Et
Décalé

Voici
Adamsberg de
Retour.
Gare à l’
Araignée
Sournoise !


2

DDS 460 madeleine-proust

Mortifèrement
Affalé,
Reclus,
Cherchant l’
Endormissement
Libérateur, ce

Plumitif
Refile à notre
Oncle
Une allergie au
Snobisme
Terrifiante !


3

DDS 460 molièreJoie 
Baroque !

Médecin
Origénial !
L’
Ironie
Est
Royalement
Envoyée !

 

4

C’est
Hebdomadaire,
Eblouissant,
Roboratif,
Eclatant !

DDS 460 IowaJ’
Ouïs son
Yoddle
Enthousiasmant,

Drôlissime,

Issu
Orgasthmatiquement du Middle-
West
Américain.

 

17 juin 2017

Drôle de zig ! (Joe Krapov)

Les zygomatiques ! Ah ! Ah ! Ah ! Laissez moi rire !

J’ai tellement souffert autrefois sur «L’eau et les rêves» de Gaston Bachelard et sur «Le rire» d’Henri Bergson que je n’en conseillerais même pas la lecture à mon pire ennemi. A vrai dire, de pire ennemi, je n’en ai pas, ou alors, si j’en ai, c’est sans le savoir et il n’a sans doute pas survécu à la vague de dégagisme qui vient de déferler sur la France cette année. Le général de Gaulle a tort : les Français ne sont pas des veaux car ils viennent de voter comme un seul mouton pour le chien du berger !

Mais revenons à cette histoire de muscle. A la bibliothèque des Champs libres, tout à l’heure, j’ai trouvé dans le rayon «humour», 847 chez M. Dewey qui classalsifie tout, le «Que sais-je ?» sur l’humour juif. Je me suis bien gardé de l’emprunter. Mieux vaut relire «Plumard de cheval» de Groucho Marx ou regarder une énième fois «La Soupe au canard» du même avec ses frères pour savoir ce que c’est.

Et donc je crains fort qu’une dissertation sur les zygomatiques ne fasse rien d’autre que de vous extirper des bâillements. C’est pourquoi, quitte à être hors sujet, je vous livre une chanson sur le bâillement qui vous décoincera peut-être les zygomatiques ! Allez savoir !

Et j’en ajoute une deuxième inspirée par Joye et son «Witloof frommi tuyau» un peu adapté pour la cirque-constance !

Il y a de drôles de zigs, quand même, sur ce Défi du samedi ! ;-)
 



 

10 juin 2017

Jeter l'éponge (Joe Krapov)

Yaka planquer Yoko Tsuno dans le yucca !

Yaka consulter le Yi King !

Yaka demander à Yukong de déplacer les montagnes !

Yaka faire cuire le yack en sukiyaki dans un wok !

Yaka chanter “Yankee doodle”!

Yaka promener le Youki !

Yaka dire que Zola était un yakuza !

Yaka ri chez le dentiste, s’il y a carie !

Yaka tre marins sur la mer, loin de leurs amitiés !

Yaka tre filles du Docteur Marsh sinon crève !

Yaka ry Grant qui pose des charades à Audrey Hepburn !

Yaka lifornie !

Yaka diens, toutes les yakadiennes vont chanter vont danser sur le violon, la faute à qui donc ? La faute à Napoléon !

Yaka pulco !

Yaka faire comme si Yoko Ono se mettait sous un drap et hululait sur scène à Totonto !

Yaka rien !

Yaka Seltzer !

 

Yaka blement terrible et soudain !

Yaka dire qu’après Z et après Keith j’arrête !

 

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Le défi du samedi
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