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Le défi du samedi
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7 juin 2014

Le Magagicien (EnlumériA)

Le village se détachait de la mangrove en une sorte d’élancement immobile et feutré. Formant une hésitante avant-garde, quelques constructions semblables à des chörtens tibétains aux reflets moirés de galuchat s’avançaient sur la plage comme des sentinelles timides et égarées. La plupart des maisons ressemblaient à des pagodes de bambou élaborées par de scrupuleux architectes. La rue principale, bordée de boutiques obscures, s’enfonçait entre les bâtisses comme une saignée dans un jeu d’échec. Un peu plus loin, de rares bateaux rouges et bleus patientaient dans un port de pêche rudimentaire d’où jaillissait un embarcadère pavoisé d’oriflammes. Malgré la nuit qui s’annonçait déjà, aucune lumière ne brillait. Le lieu semblait désert.

Damien pénétra dans le village avec la prudence inhérente aux découvreurs de citées perdues. Kaelia suivait à quelques pas en tirebouchonnant nerveusement le haut de sa jupe. Elle murmura comme pour elle-même que cet endroit ne lui disait rien qui vaille.

— Moi non plus, ce patelin ne me plait pas trop, dit Damien, mais si vous avez une autre idée, je suis toute ouïe.

Il s’arrêta, la main droite tendue derrière lui en signe de mise en garde.

— Regardez, là-bas, dit-il à voix basse. Vous voyez ? Il y a de la lumière.

— Bon ! Allons voir. On ne va pas y passer le réveillon, grommela Kaelia en passant devant.

La lumière sourdait d’une boutique légèrement en retrait située une centaine de mètres plus loin. La devanture peinte en vert s’ouvrait sur une large vitrine poussiéreuse vide d’achalandage. Au-dessus, on lisait « BAZAR A BARON ». Une enseigne représentant une tête de chevreau avec un serpent enroulé autour des cornes se balançait doucement au-dessus de la porte. Kaelia actionna la poignée en porcelaine et entra.

L’intérieur de la boutique était aussi vide que la vitrine… enfin presque. Au centre de la pièce se dressait un guéridon de style victorien sur lequel étaient posé un pot de fleur et un tout petit arrosoir de métal peint. Dans un coin, se trouvait un de ces porte-manteaux qu’on appelle valet de nuit. Une redingote et un haut-de-forme traînaient sur le sol. La lumière, pâlichonne, provenait d’un lustre florentin à motifs de fleurs.

Damien s’approcha du guéridon.

— J’ai comme une impression de déjà-vu, fit-il en brandissant le bristol blanc qu’il venait de trouver à côté de l’arrosoir. Regardez ! Il est écrit là-dessus : « Plantez-moi ! » Vu qu’il y a un pot de fleurs et un arrosoir avec… mais oui ! Il est plein d’eau. J’imagine que…

— Comment peut-on planter un bristol ? coupa Kaelia en haussant les épaules. C’est idiot.

— Un bristol, je ne sais pas, mais la fève qui est posée là…

— Eh bien, allez-y ! Qu’attendez-vous ? Au point où nous en sommes.

Damien s’exécuta. Il creusa le terreau du bout de son index, déposa la graine qu’il recouvrit sommairement et arrosa d’une lampée d’eau.

Un bruit étrange parvint de la rue, un peu comme une bicyclette rouillée lancée à fond de train du haut d’une côte. Effet doppler garanti ! Puis plus rien.

Damien afficha le rictus désemparé du gars qui vient de s’apercevoir que son chien mâchouille à belles dents le très rare exemplaire relié pleine peau des Pensées et Maximes de Jean-Claude Van Damme qu’il vient d’acquérir à grand prix.

Kaelia regardait le bout de ses ballerines.

— Vous ne croyez pas qu’on a l’air assez ridicule comme ça, là ? hasarda-t-elle.

Dans la rue, la bicyclette folle remonta la côte comme si son cycliste avait le diable aux trousses. Un chuintement sirupeux s’exhala du pot de fleur. Une plante vermeille s’en échappa aussitôt et son feuillage instantané ruissela sur le parquet pour bientôt entreprendre d’escalader les murs. Partout dans la pièce, des comptoirs et des rayonnages se mirent à proliférer et à bourgeonner en de multiples fractals. Des bibliothèques se remplissaient d’une myriade de grimoires et palimpsestes tandis  que les étagères se garnissaient simultanément de toutes sortes de denrées et accessoires, de fioles médicinales en tous genres et d’alambiques remplis de potions fluorescentes. Classeurs et cartonniers fermaient la marche. Entre temps, la lueur pâle du plafonnier s’était muée en une ample lumière dorée comme une brioche un matin de Pâques.

— Eh bien, voilà autre chose, s’écria Damien en observant l’étendu du phénomène. Kaelia tournait lentement sur elle-même en zieutant partout d’un air émerveillé.

— Vous ne sentez pas, dit-elle dans un souffle. Cela fait comme ce battement de cœur en trop qui se faufile dans la poitrine des amoureux. Vous ne sentez pas ?

 Damien eut une moue dubitative.

— Bof ! Non. Pourquoi ?

Kaelia eut un mouvement d’impatience.

— Vous êtes blasé de tout vous, hein ? Ça vous ferait mal de reconnaître qu’il vient de se passer quelque chose de miraculeux ?

— Miraculeux, je ne sais pas. Bizarre, oui, ça c’est sûr. En attendant, il n’y a toujours personne. – Il se retourna et désigna une porte dans le fond du magasin – Peut-être que dans l’arrière-boutique ? Je vais voir.

L’arrière-boutique était le royaume d’un invraisemblable bric-à-brac en désespoir de magasinier, mais il n’y avait personne non plus. Quand Damien revint sur ses pas, il trouva Kaelia fouillant les poches de la redingote.

— Rien dans les poches, rien dans les manches, je parie, s’exclama-t-il.

Kaelia ne répondit rien. Elle suspendit la redingote sur le valet de nuit et se baissa pour ramasser le haut-de-forme qu’elle posa sur sa tête en souriant aux anges.

— Vous me trouvez comment ? demanda-t-elle en virevoltant.

— Vous voulez vraiment le savoir ? Vous feriez mieux de poser ce galurin sur le porte-manteau. Il faut qu’on réfléchisse.

Kaelia s’exécuta. Il y eut aussitôt un toussotement, un vague courant d’air frais et…

Un grand échalas bâti comme une arbalète se tenait campé devant eux. Il affichait cet air condescendant et suspicieux des gens de maison. Il se découvrit, s’inclina et dit sobrement :

— Si cette noble assistance m’y autorise, je crois qu’il serait de bon ton de faire les présentations, n’est-il pas ? Devant vos yeux admiratifs, Zéphyrin Sépulcre, Marquis du Vendredi, Magagicien en chef de ce vénérable établissement.

Kaelia pouffa.

— Magagi… quoi ?

L’autre, sans se départir de son air compassé se recoiffa et expliqua :

— Magagicien, madame ! Expert en magasinage magique. Pour vous servir. Et vous… ?

Kaelia se tourna vers Damien.

— Damien Dexter, écrivain raté reconverti dans le cynisme de cuisine. Et moi, je suis Ev… Pardon ! Kaelia. Reconvertie dans la plongée à sens unique.

— Bon ! Eh bien, je vois que nous n’en saurons pas plus. Qu’est-ce qui vous amène dans ma modeste boutique

Damien relata en quelques mots les dernières péripéties qui les avaient conduits au village. Au passage, il apprit que celui-ci s’appelait Yemanja. Il expliqua encore qu’ils cherchaient un abri pour la nuit et que le lendemain ils comptaient continuer leur route jusqu’à la cité de cristal. À ces mots, Zéphyrin Sépulcre poussa de hauts cris. On aurait dit qu’une averse de grenouilles lui tombait sur le paletot.

— Mais vous êtes malades ! Allez à Kêrys tous seuls ? Déjà par la plage ce n’est pas possible. À quelques miles d’ici, il y a l’estuaire du fleuve Candomblé. Il vous faudra passer par le gué du Satrape Conciliant, plus à l’Est. Vous y rencontrerez des caravanes. C’est plus sûr, croyez-moi. Mon dernier client, un capitaine à la retraite a eu plus de chance que vous. Il a profité de l’estafette mensuelle.

— Il avait une barbe, ce capitaine, demanda Damien, stupéfait.

— Je ne m’en souviens pas. Probablement. Tous les marins ont une barbe non ? Mais, attendez !

Le magagicien attrapa un livre tout en haut d’une armoire. C’était un ouvrage d’apparence antique à la reliure armoriée. Un serpent à plumes doré à l’or fin en ornait la couverture. Il le remit à Damien en précisant qu’il s’agissait de la dernière édition du Guide du Broussard. Un excellent compagnon de voyage. Damien le remercia et Kaelia, plus pragmatique, demanda où ils pourraient trouver refuge pour la nuit.

— Comment ? s’exclama Zéphyrin. Mais vous ne connaissez pas notre célèbre auberge du Palefrenier Narquois. C’est juste là, à droite en sortant. Vous y trouverez le gîte et le couvert. En attendant, vous là, Damien, regardez sous la commode là derrière vous. Oui, là. Il y a des chaussures à votre pointure. Mais attendez ! J’oubliais.

Il se mit à farfouiller dans des tiroirs en grommelant, ouvrant celui-ci, fermant celui-là.

— Mais où donc les ai-je rangés ? Ah ! les voilà. – Il tenait deux petits sacs de satin noir desquels il sortit deux colliers de graines.

— J’ai de la chance, l’interrompit Damien, ces godasses me vont comme un gant.

— Vaudrait mieux qu’elles vous aillent comme des chaussures, railla le magagicien. Tenez ! Portez ça autour du cou. Ce sont des chapelets Naqshbandis. Ils vous protégeront. Cela vous fera douze ducats. Prix d’ami !

Kaelia écarta les mains en signe d’impuissance. Elle n’avait pas d’argent sur elle. Damien expliqua au commerçant qu’il était pauvre comme Job.

— Regardez dans vos poches, ordonna le magagicien.

— Dans mes poches ? Je n’ai que ces quelques coqu…

Ceux-ci s’étaient transformés en monnaie sonnante et trébuchante.

— Vous voyez bien que vous êtes plus riche que vous ne pensez, souligna Zéphyrin Sépulcre, en empochant ses douze ducats. Allez ! Je dois fermer – Il ouvrit la porte – Là ! Tout de suite à droite. Au Palefrenier Narquois. Ils proposent un gombo de renard de mer, je ne vous dis que ça.

Dehors, la rue, illuminée de mille feux, était le théâtre d’une intense animation. Le chaland se pressait aux portes des boutiques festonnées et de la musique s’échappait des gargotes. On aurait dit une rue de la Nouvelle-Orléans un soir de mardi gras.

— Je crois bien que cet olibrius a rencontré mon oncle, expliqua Damien.

— C’est bien possible, mais moi j’ai faim. On reparlera de tout ça devant une assiettée de gombo. Il doit bien vous rester un de ces coquillages pour payer l’addition, non ?

Sur ces mots, Kaelia s’engagea vers l’auberge d’un pas vif.

 

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7 juin 2014

Magie étincelante (Célestine)

Je me suis calé les fesses dans l’herbe tendre, avec deux trois épaisseurs quand même.Tous mes schtroumpfs autour de moi.

L’air de la montagne est frais, le soir, même en juin. On claque vite des dents à attendre sans bouger le spectacle stellaire. Un voyage saisissant, qui change à tout jamais celui qui a la chance de le faire.

Une demi-lune splendide monte à l’est. Toute en ombres et lumières, en nuances et en cratères. Le crépuscule s’effondre, remplacé par symphonie de diamant et de velours.

-Maîtresse, maîtresse ! Regarde !  La reine Casse-les-Pieds !

Je souris…c’est ainsi que l’animateur d’astronomie leur a présenté  Cassiopée. Difficile d’imaginer une reine dans ce simple

W !

  

-Maîtresse, maîtresse ! La grande Casserole !

Mais où ça, une maîtresse d'école ? Je suis la fée des étoiles, voyons, et je répands ma magie blanche dans vos yeux, par la vertu de mon stylo-laser qui scintille de son rayon vert.

 La couleur grenadine d’Antarès la Rouge annonce déjà le Scorpion et sa forme gracile qui raviront les observateurs de l’été.

 

Au-dessus de vos têtes, presque au zénith, le Bouvier a la forme d’un gigantesque cerf-volant, et la Couronne Boréale est à ses côtés un diadème précieux.

 

A leur âge, les enfants, s’ils ne sont pas encore sensibles à la magique fureur étincelante et glacée de l’univers et à sa dimension philosophique, se laissent emporter par les légendes qu’ils se récitent comme des psalmistes. Des histoires de reines déchues, de héros mythologiques aux pouvoirs insensés, de bêtes étranges ou monstrueuses, dragon, centaure, cheval ailé.

-Maîtresse, maîtresse ! Montrez-nous le Cygne !   le Dauphin ! Et le Triangle des Belles de l’été, Altaïr, Vega et Deneb!

Et la fée des étoiles reprend inlassablement sa baguette, pour graver dans le coeur de ses élèves un peu de la passion qu'elle éprouve, et de cette étrange sérénité qui l'envahit.

En même temps que la conscience soudain très aiguë de la vanité de toute chose sur terre.  Comme nous sommes seuls, éperdument seuls dans un univers hostile de gaz, de glace et de poussière! Perdus et éperdus sur notre point bleu pâle...

Elle voudrait tant trouver la paix dans la contemplation de ces nuits somptueuses, et refuser avec énergie la vieillesse, la peur, la mort  et l'oubli et toutes ces petites idées bizarres qui viennent parfois lui grignoter l'âme comme des termites!

 

Alors elle lance un grand cri silencieux à ses doutes,  et retourne en riant vers la joie des enfants. Comme une fée.

 

7 juin 2014

L'Enchanteur Malin (Epamine)

Devant le magasin, elle s'arrête une fois encore. Dans la vitrine, il y a des hauts chapeaux, des boîtes de magie, des foulards multicolores, des accessoires pour faire des tours spectaculaires... Donc, c'est sûr, elle trouvera ici ce qu'elle cherche!

Avec courage, la frêle fillette pousse des deux mains la lourde porte vitrée sur laquelle il y a des inscriptions qu'elle parvient à peine à lire. Elle est toute petite et ne sait pas encore grand chose des écrits des grands.

En entrant, elle fait tinter le carillon qui pend juste au-dessus de la porte. Il n'y a personne dans le magasin. Elle plonge sa menotte dans sa poche pour vérifier de nouveau que ses économies sont bien là. De tout coeur, elle espère qu'elle aura assez d'argent.

Quelques instants plus tard arrive... un magicien ! Enfin, le marchand, déguisé en enchanteur, avec toute la panoplie nécessaire pour se donner des airs de Gandalf, de Merlin et de Panoramix réunis...

Impressionnée par le personnage, la fillette réussit cependant à demander:

"Bonjour Monsieur le Magicien! Je voudrais une baguette de fée, s'il vous plaît!

- Bonjour Mademoiselle! Excellente idée ! Je vais vous montrer ce que j'ai en magasin."

Quelques minutes plus tard, l'Enchanteur revient avec tout un bouquet de jolies baguettes de fée, petites merveilles du "kitch style" : du rose, du bleu pâle, du mauve, des petits coeurs scintillants, des rubans, des perles, des paillettes, des papillons phosphorescents, des strass, de la poudre dorée ou argentée, des dentelles, du velours, du satin, des étoiles qui clignotent...

"Laquelle préfères-tu? demande Gandalf en présentant sa collection à la fillette, comme on présenterait des friandises.

- Aucune. Je ne vous ai pas demandé une fausse baguette pour les petites filles qui jouent à la fée. Moi, je veux une "vraie" baguette de fée.

- Aaaah! Une baguette magique, tu veux dire. Une "vraie" baguette magique! Je n'avais pas compris... Tu as raison, ce n'est pas du tout pareil... Ne bouge pas, je reviens!"

A son retour, il porte une haute pile de jolis coffrets de bois sculpté, de cuir repoussé, de papier gaufré ou embossé, de verre poli...

"Je pense que tu trouveras ce que tu veux là-dedans! Tu vas pouvoir choisir!"

Et sur le comptoir, avec des gestes lents, il ouvre tous les coffrets, dégage précieusement chaque baguette de son écrin de velours, de soie, d'indienne ou de satin et les dépose délicatement une à une, en travers, sur les bords des boîtes.

Au fil de l'inventaire, les yeux de la fillette se remplissent d'étoiles, de paillettes, de papillons, de poudre dorée et argentée... mais aucune de celles qu'elle voit ne lui convient vraiment. Elle est désenchantée, désespérée et désappointée car il ne reste plus qu'une seule boîte à ouvrir.

"Et celle-là? demande l'Enchanteur Malin en ouvrant le dernier coffret.675710 - Copie

Et la magie de la baguette opère alors...

En un instant, la fillette est conquise.

"Oui, Monsieur, c'est celle-là que je veux!

- Tu veux l'essayer?

- Oh! Non, pas du tout! Je ne suis pas une fée, moi! Elle est pour ma maîtresse. Elle nous a dit un jour qu'elle était une fée (je crois qu'elle s'appelle la Fée Esperluette!) et qu'on lui avait volé sa baguette. Alors comme cadeau de fin d'année, je vais lui offrir celle-ci... Elle coûte combien? J'espère que j'aurai assez de sous car elle est très belle et elle doit coûter cher!

- Les fées et les magiciens doivent payer leur baguette mais quand c'est pour en faire cadeau, elles sont gratuites. Je vais te faire un joli paquet."

Le fillette remercie poliment l'Enchanteur, prend délicatement le sachet dans lequel est enfermé le cadeau puis sort du magasin de magie toute impatiente d'être au dernier jour de classe pour offrir à sa fée préférée la plus belle des baguettes magiques.

esperluetteCliquez sur l'illustration et vous verrez l'artiste au travail...

Cette histoire est inspirée d'un fait réel: une de mes très anciennes petites élèves était persuadée que j'étais une fée. Une des plantes de la classe était quasi morte un soir. Le lendemain, elle était splendide: je l'avais juste arrosée mais j'ai eu la  malice de dire que j'étais une fée et que je parlais aux plantes pour les soigner. La petite en a été convaincue longtemps d'autant plus que quelques anecdotes propres au monde de l'école sont survenues et ont renforcé son idée ...  malgré mes démentis!

 

 

 

 

7 juin 2014

Abracadabrantesque (Vegas sur sarthe)

Ouatson avait une voix bizarre, non pas qu'en temps normal il eut une voix normale, mais il avait vraiment une voix bizarre, bref ça donnait ça:
“Allo-lo inspecteu-teur!”
“Qu'est ce qui s'passe Ouatson? Vous avez une voix bizarre”
“Vous avez rai-raison chef, j'ai une voix d'outre-ton-tombe”
“Vous êtes où encore?”
“Chez Ali Baba-ba, chef”
“C'est quoi? Une boîte de nuit?”
“Pi-pire que ça inspecteur... une boîte de jour et de nuit, une boîte à double fon-fond si vous préférez, une vraie ca-caverne quoi!”
“Et qu'est-ce que vou-vous fou-foutez là-dedans?”
“Ah ça vous le fait aussi-si chef? C'est impressionant, hein? C'est justemen-ment ce que me disait Ouatelse à l'instan-tant”
“Parce que Ouatelse est avec vous?”
“Euh... elle est là et elle est pas là... ça dépend des mo-moments chef”
“Bon Dieu Ouatson! Passez-la moi”
“Euh... en ce mo-moment elle est pas là mais elle va pas tarder à être là de nou-nouveau. Vous allez voir, chef”
“Vous êtes sûr que ça va bien, Ouatson? Vous avez vraiment une voix bizarre”
“Attendez-dez chef! Je vais dire la formule ma-magique et Ouatelse va apparaître... HOCUS POCUS!!”
(Silence)
“Allo, Ouatson? Vous êtes là?”
“Non inspecteur, ici c'est Ouatelse... Ouatson était là il y a un instant”
“Pouvez m'dire c'que vous foutez tous les deux à jouer à cache-cache chez cet Ali Baba?”
“Euh... on a reçu un appel d'urgence, inspecteur! Une femme qui disait qu'on allait la couper en deux!”
“Et alors?”
“Et ben cette femme disait vrai”
“Comment ça?”
“Et ben elle est bien coupée en deux, inspecteur”
“Bon Dieu! Vous m'balancez ça tranquill'ment, comme si y s'agissait d'une merguez pendant qu'vot'collègue joue à cache-cache!! Et arrêtez d'dire Et ben!”
“C'est plus fort que lui inspecteur, depuis qu'il a appris à dire HOCUS POCUS ...”
(Silence)
“Allo, Ouatelse? Vous êtes toujours là?”
“Non-non inspecteur, ici-ci c'est Ouatson... Ouatelse était là-là il y a deux secondes”
“Oh ça va... Vot'petit jeu m'amuse pas! Qui est cette femme coupée en deux?”
“Quelle femme cou-coupée en deu-deux, chef?”
“Vous avez bu ou fumé quelque chose récemment, tous les deux?”
“Non chef, mais si je peu-peux me permettre, je vous trouve une voix bi-bizarre”
“Bon Dieu Ouatson! Y'a quelqu'un d'autre ici à qui j'pourrais parler normalement?”
“Euh... y avait Oua-ouatelse, chef mais elle est pas là en ce mo-moment”
“J'ai qu'deux mots à vous dire, Ouatson! HOCUS POCUS!!”
(Silence)
“Allo? Y a quelqu'un au bout du fil?”
“Inspecteur La Bavure à l'appareil. Qui êtes-vous?”
“Je m'appelle Ali Baba. Pourriez-vous venir chercher les deux loustics qui jouent depuis une heure avec mes accessoires? J'ai pas que ça à faire, moi!!”

 

7 juin 2014

La boutique de la magie par bongopinot

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Je me promène dans les rues encore endormies
La ville va bientôt s'éveiller s'animer
Je passe devant la boutique de la magie
Un homme est là devant la porte et me dit : " entrez, entrez "

La pluie arrive, soudaine, je rentre dans cet endroit sans me faire prier
Il est en tenue de magicien avec un chapeau pointu et une barbe blanche
Il me fait visiter ce lieu impressionnant de beauté
Je le suis dans son univers et je le sens je m'en approche

Je regarde à ma droite il y a de beaux chapeaux
Abracadabra il en sort des lapins des colombes
A ma gauche jeu de cartes, jeu de dés s'envolent par dessus le rideau
Et sur moi arrivent et me frôlent tourbillonnent et retombent.

 

Un guéridon entame un véritable ballet en lévitation
Un stylo passe au travers d'une serviette sans faire de trou
Un foulard tombe à mes pieds je me baisse et là une apparition
Elle est là devant moi elle est belle me sourit je reste à genou

En robe blanche elle ressemble à un ange c'est ma mère
Grande illusion, ce magicien réalise des merveilles
Et elle disparaît le foulard retombe, mon cœur s’accélère
Alors rêve ou réalité? Dans tous les cas il n'a pas son pareil,

Avec ses astuces, ses tours, et son art aux mille manières
Baguette à la main, la magie d'une rencontre, qui surgit d'ailleurs
C'est un Merlin qui nous fait croiser les personnes qui nous sont chers
Tous ceux qui nous manquent et qui dorment dans nos cœurs.

 

Si un jour vous passez devant cette boutique

Vous verrez il y règne une atmosphère apaisante

Et même si vous avez un esprit critique

Vous ne serez pas déçus par ces heures étourdissantes.

 

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7 juin 2014

La cure de repos d'Isaure Chassériau (Joe Krapov)

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Situé en lisière d’un bois, l'hôpital psychiatrique était un vaste complexe gris comme notre immeuble. La procédure d’admission dans l’établissement fut relativement simple. On enregistra son nom et son prénom, Chassériau Isaure, sa date de naissance, 1er avril 1818 et les raisons de son admission pour une cure de repos : « hallucinations inexplicables ». On lui donna une chambre agréable avec une fenêtre sans barreaux. Elle se mit tout de suite à la fenêtre, contempla l'immensité bleue du ciel et ne rêva plus de sortir pour partir à la recherche de « sa ville idéale».

Dans un cahier à petits carreaux, elle se mit à noter ses rêves, à parler de ce monde à elle qui l’avait envahie et lui avait fait perdre le sens des convenances nécessaires à la vie bourgeoise en cet an de grâce 1845. Dans le premier cahier elle parle d’un établissement nommé « Le vieux Saint-Etienne », sis rue de Dinan dans une ville nommée Rennes-en-Délires. Derrière le comptoir de ce mastroquet imaginaire, il y avait le patron, un type nommé Camille Cinq-Sens, son « oncle », chez qui passer un samedi sans rire relevait du défi pur et simple. Là en effet se réunissaient de drôles de clients qui jouaient aux cartes en philosophant à haute voix sous forme de « brèves de comptoir » ou de dialogues plus ou moins absurdes.

- Il ne faut pas oublier que dans « Brèves de comptoir, il y a « toir » !
- Et il faut songer que c’est hasardeux d’aller à Thouars !
- J’y suis allé, moi, l’année où j’ai participé au Festival des jeux de Parthenay. Il y avait une jolie fontaine à laquelle il ne fallait pas dire « je ne boirai pas deux tonneaux ».
- Tout ça, c’est une histoire de capacité. Pour un poète ne pas avoir de capacité en droit est moins gênant qu’avoir une incapacité en vers !
- Et contre tous !

D’autres fois Camille Cinq-Sens, Jacques-Henri Casanova et Jean-Emile Rabatjoie s’asseyaient autour d’une table et découpaient des images dans des magazines illustrés.

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- Encore un que les clients du coiffeur ne liront pas, disait l’un en jetant le périodique désossé dans la grande corbeille amenée à cet effet !
- Ils ne risqueront pas, c’est un « Télérama ». Je l’ai piqué chez le dentiste.
- Dis donc, il y a longtemps qu’on n’a rien découpé avec les carrés verts ?
- Ah oui, le jeu des douze images en 4x4 ! Mais ça c’est pour écrire et là vous découpez pour que je puisse faire des collages.

D’autres jours, il y avait des animations musicales dans l’établissement. Un guitariste et un accordéoniste venaient s’exciter sur « La Java bleue », « Tel qu’il est » ou « Quitte-moi pendant la coupe du monde » et sur leurs instruments respectifs tandis que deux chanteuses blondes et une rousse papotaient plus qu’elles ne vocalisaient. De toute façon les deux musiciens russes, Krapov et Kaïrakovsky, n’en finissaient jamais de ne pas se mettre d’accord sur la tonalité du morceau, le nombre de croches que le pianiste à bretelles modifiait sur la partition commise par le gratteux à ceinture sur Noteworthy Composer.
- C’est des noires ! Rechante- le pour voir!
- Chanter c’est pour écouter, c’est pas pour voir !

Cette équipe-là, plus jeune, avait un travail et de ce fait ils semblaient plus épuisés et épuisants que les papys découpeurs et fendeurs de cœur.
- Un jour, je serai libre à jamais ! lançait parfois Joe Krapov. J'ai fait tout le chemin qui va de l'école au collège, du collège au lycée, du lycée à la fac, de la fac au travail, j'ai changé plusieurs fois de boîte et pour la première fois on me laissera sortir pour ne plus revenir. Je ne sais pas ce que j'aurai gagné. Un aller simple pour un voyage chez Kirikou l'Ankou ? Le droit de réécrire en phrases courtes la « Recherche du Temps perdu » ? Ou le plaisir du temps retrouvé et des apprentissages aussi tardifs que les vendanges ? Apprendre la sculpture, le dessin animé image par image avec des statuettes en pâte à modeler, faire du théâtre et jouer avec une robe et des chaussures à talons hauts un rôle travesti ? J’ai toujours rêvé d’interpréter le répertoire de Fréhel avec une perruque de Sabine Azéma, un collier de perles et du rouge aux lèvres !
- Maintenant que ce sont des femmes à barbe qui remportent le concours de chant de l’Eurovision, tu peux faire ce que tu veux, tu ne surprendras plus personne ! De toute façon, en Ille-et-Vilaine, tout le monde s’en fout de la musique. Le plus important, c’est de bagouler avec sa voisine et avec une galette-saucisse à la main !
- Je sais ! Je sais ! Je sais que je ne suis pas là pour surprendre le monde mais j’avoue que le monde, lui, me surprend ! Avant on avait le droit de cracher dans la soupe : elle était vraiment mauvaise. Maintenant il n’y en a plus assez pour tout le monde et plus personne ne dit rien. Pire que ça, les gens s’en vont élire des cracheurs professionnels qui seront payés onze mille euros par mois pour foutre le feu à la cuisine !
- Arrête donc de parler de tes glaires, Krapov, on va passer à table d’ici peu, nous ! l’interrompt Camille.
- C’est sûr qu’avant, c’était mieux, commente Kaïrakovsky. Je me souviens que Gabriel, mon frère, piquait des pinces à linge à maman. Il s'en servait pour attacher un bout de carton sur le cadre de son vélo. A chaque tour de roue, cela faisait un bruit de pétarade. Il jouait à faire de la mobylette en gueulant par-dessus ça comme un Apache jusqu'au carrefour. Mais c'est vrai qu'on est devenus tous un peu fous depuis la disparition d'Isaure Chassériau.
- La dernière fois qu'on a eu de ses nouvelles elle était dans le petit village de pêcheurs de Trentemoult, près de Nantes.
- Est-ce qu’elle s’habillait toujours en rose ?
- Paraîtrait que non.

L’oncle Camille s’immisçait volontiers dans la conversation du Club des cinq.

- Avant ça, il y a d'abord eu un autre événement, majeur, primordial en ce qui nous concerne. Nous avons refusé de lire « La Bicyclette bleue » et nous avons préféré fréquenter les filles des forges, dont la fameuse Régine, celle qui avait un boa. Il faut toujours préférer la vie aux livres car les jouissances sont plus diverses et l’exercice ça ne fait pas plus de mal aux gens que de manger cinq fruits ou légumes par jour, même si chez nous c’était plutôt bidoche, patates et charcutaille, histoire d’alimenter sans le savoir notre taux de cholestérock’n’roll !
- Moi je n’en ai pas eu longtemps de cette maladie-là ! répond Krapov. J’ai supprimé le beurre et l’argent du beurre c’est Marina B. qui le dépense quand elle promène son QI sur les remparts de Varsovie ou son quant-à-soi sur les ramblas de Barcelone. Mais c’est vrai, quand Isaure est partie de chez nous, j’ai bien profité de ses archives pour alimenter un site web nommé Rennes-en-Délires. Il fallait faire montre de fantaisie, visiter la cité avec un regard neuf, y piocher de quoi rire ou sourire, réécrire l'histoire de cette ville d'art et de bizarre qu’est Rennes.

***

Isaure neige

Elle prit vite ses habitudes à l’hôpital. Le personnel était gentil et l’effet des cachets qu’on lui donnait ne se faisait sentir que le soir. Comme si, dans la journée, les infirmières s’étaient trompées de médicament. Ou bien, comme quand, après une longue marche, on a les endorphines qui travaillent encore et on se sent prêt à embrayer sur un autre exercice physique.

Comment se faisait-il qu’elle soit autant inspirée ? Au fil des jours les cahiers, car il lui en fallut plusieurs, se remplissaient. D’où venaient tous ces personnages bavards qui coupaient la parole à sa plume, avec lesquels elle semblait tout à fait complice alors que d’habitude, le regard presque éteint, l’apparence toujours réservée, elle semblait posée là, discrète et immobile, comme une cousine de province en visite à Paris, comme si elle était habitée par la peur de déranger un grain de poussière de la surface du monde, comme si elle veillait à ce que, du bouquet d’églantines de sa coiffure, aucune fleur ne tombât jamais ?

- J’ai la réponse, ricanait l’oncle Camille. C’est comme quand ils m’ont donné du Fludex pour mon hypertension. C’était marqué sur la notice ! Ca faisait le même effet que l’EPO en intraveineuse à un cycliste qui planque du fric en Suisse et qui regarde le Tourmalet et Isaac et l’Aubisque de homard les yeux dans les yeux en disant que, sans mentir, c’est Zigomar et Pussomar qui m’ont tuer ! Tes cachets, ma pauvre Isaure, ce sont eux qui font tout le boulot ! Comme le chapeau d’Amélie Nothomb. Retire-le lui et il n’y a plus d’écrivaine. Ou comme celui de Neil Young ! A croire qu’ils dorment avec la nuit ! Des chapeaux de magiciens dont il sort des lapins à profusion et certains ne valent pas un pet.
- Putain ! Et il s’y connaît l’oncle en cuniculiculture !
- En même temps, dit une des deux blondes, ca doit pas être top d’épouser un presti-digi-tâteur ! On ne doit avoir droit qu’à des coïts furtifs !

Fallait-il y voir un signe du destin? Lorsque la nuit tombait les nuages s'assombrissaient, leurs formes devenaient inquiétantes et un enfant apeuré ou un être trop imaginatif y auraient vu peut-être 99 dragons aux aguets attendant Saint-Georges de pied ferme, la gueule prête à cracher le feu. Quand ses paupières devenaient lourdes, Isaure, apaisée, sereine, reposait la plume dans l’encrier et allait se mettre au lit. Elle s’endormait alors très vite et toutes les nuits, elle rêvait qu’elle allait visiter un musée. Elle passait devant une chasse au tigre, des oiseaux hollandais, une jeune mère et son nouveau-né, une scène biblique et lorsqu’elle arrivait devant le tableau ovale avec le magasin de magie, elle entrait dans le tableau, poussait la porte  et elle oubliait tout.

 

DDS 301 isaure et la boutique de magie

7 juin 2014

La Boutique de la Magie (Mauleskine)

La boutique de la magie est au n°8 de ma rue, entre la Pharmacie Possion et la Cordonnerie Septlieues, qui, elles aussi, font miroiter leurs miracles aux passants.
La Boutique de la Magie affiche une vitrine vide. La porte est fermée et la lumière éteinte.
L'homme qui tient commerce est simple et frêle, gris, un peu mou.
Il semble n'avoir aucune ambition, et encore moins de marchandise à vendre.
Il ne recherche pas le client et méprise le profit.
Il refuse tout argent et substitut, et n'entretient pas la conversation.
A celui qui, par erreur, pousse sa porte, il ne demande ni n'offre rien.
Il attend. Au plus curieux, il explique en quelques mots que ce vide est indispensable à la vraie magie et que ceux qui font croire le contraire sont des crieurs de foire.
Il appartient donc au client de demander.
Car dans la Boutique de la Magie, tout peut être demandé, mais rien n'est acquis. Encore faut-il savoir formuler son souhait.
Ainsi, une timide jeune fille pâle peut-elle obtenir une modification subtile de la coloration de ses joues. Il lui faudra évoquer la mélancolie des soleils couchants.
L'enfant délaissé obtiendra réconfort et chaleur s'il trouve les mots de caramel et de citron, de lait et de café, pour décrire la mère dont il rêve.
L'idiot sera fait poète s'il se trompe de plume et réclame celle de l'oiseau.
La trapéziste prise de vertige sera promue funambule, si elle propose de payer en pelotes de lin. L'homme lui fera cadeau du parapluie si elle lui délivre une larme, qu'il conservera au bout du comptoir dans un minuscule flacon.
Au vieillard qui viendra chercher la compagnie et un peu de conversation, il offrira en sus d'un canari, le don d'entendre les gouttes de pluie et les sanglots des cantatrices (ce où qu'elles soient).
Aux malfoutus, il distribue ce qu'ils demandent : élégance, lunettes d'or, queues de pies, hauts-de-forme, canes d'ébène, pochettes de soie et lavallières à petits pois.
Au chat, au rat et à l'oiseau, il donne du temps, et de la distance, sans qu'ils aient même à exiger.
Le petit homme simple ne demande jamais rien pour lui-même. Si ce n'est à la nuit tombée. Dans le vide propice de la boutique sombre, il fait surgir des lucioles du tout petit flacon et convoque à la parade la timide, l'enfant délaissé, le vieillard béat, l'idiot écrivain, un paralytique sur un monocycle (qui n'avait rien demandé!) et la vertigineuse sur son fil, les malfoutus, le chat, l'oiseau, enfin le rat, qui vous dispersera bien vite toute cette petite troupe à la fin de la fête.
Car sa magie est une magie de fête foraine, et quand toutes les boutiques sont fermées, au n°8 de ma rue, seule la Boutique de la Magie diffuse encore sa lueur de lampion et son parfum de caramel et de citron.
Quand toutes les boutiques sont enfin fermées, toute ma rue n'est que magie.  
7 juin 2014

Orage d’été (Fairywen)

 

 

 

L’orage avait éclaté d’un coup, comme ça, sans prévenir, et en à peine quelques secondes, il avait été trempé de la tête aux pieds, irrémédiablement trempé, jusqu’au slip, comme il le constata avec un certain désespoir. La pluie redoublant, il se jeta dans la première boutique venue, refermant avec soulagement la porte sur les éléments déchaînés. Seulement alors il regarda autour de lui… et ferma les yeux d’accablement en constatant qu’il était entré dans une boutique de magie. Il ne manquait plus que ça… En plus de ce temps détestable, voilà qu’il se retrouvait dans une de ces boutiques pour cinglés tenues par d’autres cinglés qui croyaient aux vertus de plantes, de pierres, de potions magiques et dieu sait quoi encore ! Une douce odeur de miel et de lavande régnait dans le petit magasin amoureusement agencé, aux étagères bien rangées, sur lesquelles on pouvait voir des cristaux, des sachets de plantes, des bijoux, des bibelots… Complètement abattu, il hésitait entre se résigner à son sort ou retourner affronter la pluie, le vent et les éclairs lorsque brusquement il s’aperçut qu’une silhouette l’observait avec amusement de derrière le comptoir, la silhouette d’une jeune femme aux longs cheveux noirs et aux yeux violets, vêtue d’un jean délavé et d’un T-shirt rose pâle. Elle le regardait sans rien dire, mais un rire moqueur pétillait dans ses yeux, et sans savoir pourquoi, il se retint de lui lancer les réparties cinglantes qu’il réservait d’ordinaire aux irrationnels dans son genre.

« La pluie…, fit-il sans trop savoir quoi ajouter.

-Je vois ça. »

Elle détaillait ironiquement son jean trempé et son T-shirt qui ressemblait à une serpillère avant essorage et lui collait à la peau. Elle avait tout de suite compris que ce grand costaud n’aurait en temps ordinaire jamais franchi le seuil de sa boutique, et elle trouvait vraiment amusant de le voir s’égoutter pitoyablement devant elle. Provocante, elle reprit :

« J’ai un charme contre les cheveux mouillés. »

Elle le vit nettement se hérisser, préparer une riposte bien sentie… et ouvrir de grands yeux ronds lorsqu’elle lui tendit une serviette éponge.

« Euh…, merci, bafouilla-t-il en la prenant, gêné.

-J’ai aussi un sortilège pour sécher les vêtements trempés, et une potion magique pour réchauffer les personnes gelées. »

Tout en parlant, elle lui avait fait signe de le suivre dans l’arrière-boutique. Déstabilisé, il la suivit, et se retrouva bientôt assis dans un fauteuil, vêtu d’un vieux survêtement appartenant au frère de la jeune femme, une tasse de café brûlante à la main, tandis que ses vêtements tournaient dans le sèche-linge. Il la détailla plus attentivement tandis qu’elle se servait à son tour. Elle respirait la joie de vivre, souriait tout le temps, et visiblement, son look de voyou ne l’impressionnait pas le moins du monde.

« Tu y crois vraiment ? lança-t-il brusquement.

-A quoi ?

-A… tout ça. Ce que tu vends. La magie.

-Toi, tu n’y crois pas.

-Pas une seconde !

-C’est important ?

-Quoi ?

-Que j’y crois ou pas. »

Il ne sut quoi répondre. Le silence retomba entre eux. Elle ne s’occupait plus de lui, triant en chantonnant des cartons de fourniture. Lorsque ses habits furent secs et la pluie calmée, il partit sans un mot.

 

Mais le lendemain, il revint :

« Je ne t’ai pas remerciée, hier. 

-Je n’attendais pas de remerciements. Mais tu tombes bien; j’ai reçu des gros colis. Tu m’aides à les déplacer ? »

Il s’exécuta bien volontiers, et resta le temps d’un autre café, se disant que ce n’était qu’une façon de lui rendre la pareille, et qu’ensuite il oublierait toute cette histoire.

Mais le jour suivant le vit à nouveau dans la boutique, et le suivant aussi, et un beau jour, il n’en repartit plus. Il n’est toujours pas complètement convaincu que la magie existe vraiment, ce qui la fait rire, pourtant il a répondu “oui” à la question qu’elle lui a posée le jour où il lui a dit “je t’aime” :

« Tu ne crois pas que l’amour est la plus belle des magies… ? »

 

Défi 301 du samedi 31 mai 2014

7 juin 2014

LA MAGIE (Lorraine)

La magie, si j’y crois ? Entrez donc, je vous prie,

Dans ce comptoir des jeux, où boîtes et écrins

Plumes noires effilées, formes soudain surgies,

Poussière d’argent bleu ou de perlinpimpin

 

Offrent leur dérisoire instant de nostalgie

A tous les sortilèges, enfouis et turlupins,

Je préfère la flamme irréelle et rougie

Du cierge vacillant qui d’un bel escarpin

 

Fait jaillir une fée au bord de la prairie

Ses ailes ont la douceur que le passé dépeint

Et ceux qui l’ont croisée en sa mélancolie

Disent son pied léger par-dessus les lupins

 

Et son chant cristallin, doux comme une élégie

Me hèle quelquefois dans le soir incertain.

Je m’en viens lentement et si j’entre en magie

C’est pour bercer mon cœur au son du clavecin

 

7 juin 2014

Magie (par joye)

 

7 juin 2014

La marchande de BONHEUR (KatyL)

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J’adore ma boutique arrangée avec goût, on y trouve de tout, du bonheur en paillettes pour en jeter plein les yeux de ceux qui ont perdu cette étincelle au fond du regard, du plaisir à donner pour des nuits sans fin à des gens qui passent des nuits blanches à ruminer leurs défaites, des délices pour papilles qui ont trop fumé et qui ne savent plus la douceur des choses, des fleurs odoriférantes qui répandent un parfum si exceptionnel pour  ceux dont le nez a perdu toute sensibilité , des crèmes de jouvence au bleuet, des poudres à rendre un homme (avachi par des années de football à la télé) fou de sa femme au point qu’elle croira avoir à faire à Apollon lui-même descendu de l’Olympe pour la combler d’amour.

J’ai mis toutes ces poudres dans des flacons anciens aux couleurs si belles.

Ah ! j’en étais là dans mes pensées caressant mon chat noir, lorsqu’elle a ouvert la porte de ma boutique.

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Mademoiselle Barbara Zemotte n’était pas petite (comme son nom ne l’indique pas) mais juste dans la moyenne, presque laide, car mal fagotée jogging et gros baskets !! et la coiffure !! Une passe partout ! Et c’était bien là son drame, pensez donc dans une société où la beauté est critère à tous les coins de rues !

Elle entra timidement et me dit de sa voix cassée.

-« Bonjour Madame Vénus, je suis venue dans votre boutique de magie car il parait que vous connaissez tous les secrets du bonheur et que pour chaque cas vous trouvez la solution. »

-«  quel est votre souci majeur Barbara vous permettez que je vous prénomme Barbara depuis le temps que je vous vois passer devant ma boutique sans jamais en ouvrir la porte, j’ai demandé à notre voisin Tartan Pion qui vous étiez et il m’a tout dit de vous, alors que désirez-vous Barbara ? »

-« voilà, je voudrais être jolie, être désirée et être aimée par un homme qui ne me regarde pas et que j’aime en secret, que pouvez-vous faire pour moi ? »

-« tout mon enfant je peux tout si vous suivez mes conseils à la lettre, ici c’est un magasin de magie

Je suis magicienne et j’offre du Bonheur mais il faut le chercher ce bonheur ça ne vient pas tout seul »

-«  je suivrai tout ce que vous me direz dit-elle en reniflant dans un mouchoir déjà bien froissé ! »

-« asseyez-vous là, déjà vos cheveux il faut faire quelque chose, cette coiffure à la brosse avec une couleur grisaille ! On va commencer par la tête, avalez cette poudre de blond vénitien recueillie sur les toits de Venise avec un grand verre d’eau ! »

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Elle but et au bout de 5 mn ses cheveux se mirent à pousser dans un reflet de champ de blés en été c’en était un enchantement, du coup tout son visage se détendit et elle rajeunit de 10 ans !

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Barbara lui dit merci avec ses grands yeux tout embués de reconnaissance.

Maintenant passons à vos habits , elle alla fouiller dans une grande malle à trésors où elle avait des robes à couper le souffle du plus mufle et du plus imbécile d’homme qui ne veut rien voir, et elle étala une robe rose de taffetas avec des petites fleurs en ruban cousues au bord de l’ourlet avec une délicatesse digne d’une petite main de chez « DOIR », des chaussures à talons assortis, un jupon en tulle pour ébouriffer la tenue, des rubans dans les cheveux, Barbara était transformée.

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Mais ce n’était pas tout il fallait s’attaquer à l’état d’esprit il fallait qu’elle se voit belle, qu’elle y croie et surtout qu’elle sache émoustiller ce godelureau dont elle était amoureuse, d’ailleurs Vénus s’occuperait de ce Monsieur plus tard !

Elle lui versa au creux de l’épaule là ou des saillies si féminines ne peuvent que toucher le cœur des plus irréductibles, une lotion d’eau de violette de sa composition qui devait rendre Barbara enfin sûre d’elle, et faire succomber le nigaud.

Aussitôt la lotion coulante entre les seins charnus de Barbara elle sentit un frisson inconnu lui parcourir le ventre, sa tête se mit à lui raconter des choses que les oreilles chastes ne peuvent entendre sans en rougir de plaisir.

Vénus s’approcha et vit que ses lotions et ingrédients faisaient leur effet, les yeux de Barbara étaient devenus des paillettes et ses joues devinrent roses comme une corolle qui s’étire au jardin des amours, et dont les lèvres gonflèrent dans un frémissement divin qui reçoit le baiser.

-« bon ce n’est pas tout ma petite Barbara il va falloir que votre Monsieur au fait comment se prénomme-t-il ? Il me faut son prénom pour faire agir mes potions sur lui, avez-vous une photo de lui ?

-« oui la voici il s’appelle Achille ! »

Vénus prit la photo entre ses mains elle le trouvait bien falot et entreprit de faire un travail assez poussé sur cette image, elle émit quelques sons aigus et chanta la barcarole à l’envers histoire de réveiller le terne personnage qu’elle avait sous les yeux, et comme par magie la photographie renvoya un Achille sûr de lui souriant et bellâtre.

Barbara en était toute émue comme une jeune jouvencelle qui se rend au bal un samedi soir.

Vénus lui dit de mettre cette photo dans son corsage tout près de son cœur et de réciter en rentrant chez elle une poésie de Ronsard, puis elle donna à Barbara des gélules de sa composition contenant gingembre et ginseng,  paprika et poivre vert, et autres plantes dont elle avait le secret et qui devaient redonner vigueur à ce piètre amoureux, elle recommanda à Barbara d’aller le voir ce soir prétextant de lui demander un livre de Stephen KING et tandis qu’il la ferait entrer et lui demanderait si elle veut  boire un verre, de lui verser ces poudres dans le sien sans qu’il s’en aperçoive.

Ce qui fut dit fut fait.

Barbara maintenant déambule aux bras de son Adonis d’Achille qui fait le paon tout fier d’avoir cette donzelle si chaude et voluptueuse à son bras, étonné de ses propres prouesses !

Et ils coulèrent des nuits heureuses à rendre jaloux cupidon, et tous les siens, grâce à Melle Vénus et sa boutique de magie.

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Moralité : si vous voyez une boutique de magie ! ENTREZ et demandez la marchande de bonheur!!!

 

7 juin 2014

Un secret bien gardé ! (MAP)

Couvercle fermé

Dedans mon chaudron magique

Je  cache un secret !

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Un secret magique

 

 

 

 

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Le défi du samedi
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