Le culte de Paros (-Guirec !) (Joe Krapov)
Département de Seine-Maritime
Ville de Vascoeuil
Service de police municipale
N° 67/2012
Le 14 juillet 2012
Rapport d'intervention
Le brigadier-chef Gadoon
A Monsieur le Maire
Sous couvert de la voie hiérarchique
Objet : Arrestation de trois jeunes mineures pour attentat à la pudeur
Le 13 juillet, exécutant notre ronde de surveillance de la localité afin d'empêcher les débordements liés à la célébration de la prise de la Bastille et de quelques libations subséquentes, l'agent Gweltaz de Santrèze et moi-même le brigadier-chef Brice Gadoon avons interpellé trois gamines court-vêtues. Très courts-vêtues. A vrai dire il y avait même attentat à la pudeur vu que lesdites demoiselles étaient toutes nues.
Les avons sommées de nous présenter leurs papiers. Elles n'en possédaient pas présentement. Leur avons demandé de décliner leur identité, rogntudju.
L'aînée des trois a dit s'appeler Euphrozyne Kharitès, être la fille de Mathurin-Joséphin Zeus et d'Eurynomée-Aude Issava.
La seconde des sœurs, car il s'agit de sœurs a dit que pas du tout, leur papa s'appelait Hélios Iliaque et leur maman Eglé-Eglé Hellèdénôutre. Elle-même s'appelait Thalie et accusait son aînée de cacher son vrai prénom Charis.
La troisième a prétendu que les deux autres avaient bu et fumé et racontaient n'importe quoi. Leur père était Archibald Dyonisos et leur mère Coronis Corona, que c'était pas de la petite bière et qu'elle-même s'appelait Aglagla Aglaé.
- Pas du tout, à rétorqué l'aînée. Tu t'appelles Pasithée et tu es promise en mariage à Hypnos, l'opticien du village.
- Et toi , par Pausanias, tu t'appelles Cléta et je ne dirai pas les bruits qui courent sur toi, comme quoi tu es la spécialiste de la la sexualité en dehors du mariage !
- Arrête, Auxo, a dit la seconde. Si tu crois qu'on t'a attendue pour croquer la pomme et mener la danse !
Hégémone les a interrompues.
- En tant qu'aînée, si vous ne cessez pas de proférer des insanités, je vais faire appel à Antéros, Pothos et Thémis
- Parce qu'à titre grâcieux et avec constance mademoiselle joue les Bonacieux pour ces trois mousquetaires ? Laisse-moi rire, Phaenna !
L'agent de Santrèze et moi-même avons-mis fin à la diatribe des hétaïres en leur passant les menottes et en les poussant dans le fourgon où elles ont continué à raconter leurs salades.
Les avons mises en cellule de dégrisement puis avons tapé ce compte-rendu. Comme elles en étaient rendues à protester bruyamment et à nous dire d'aller nous faire voir chez les Grecs pour un motif que nous avons oublié, nous sommes allés ensuite terminer de surveiller la fête nationale qui est bien sympa aussi chez les Normands. Le Calvados vaut le détour et les gisquettes sont bien girondes.
Nos respects à vous-même et bien le bonjour à votre dame, Monsieur le maire !
***
- Bonjour. Ce serait pour déposer une plainte.
- Bien sûr, Monsieur. De quoi s'agit-il ?
- Je suis Monsieur Carzou, le conservateur du château-musée de Vascoeuil. Des individus malveillants ont profité de la fête nationale pour dérober dans le parc un groupe sculpté représentant les Trois Grâces.
- Les trois Grâces ? Vous savez leur nom ?
- Eh bien... A vrai dire, non.
- Nous non plus mais je pense que mes hommes les ont coffrées hier. Venez-voir.
Il entraîne le visiteur vers la cellule.
- Ce sont elles ? Vous reconnaissez les faits ? Euh, les fesses ?
- Miracle ! Dieu soit loué ! En me présentant ces fesses, vous me tirez une belle épine du pied !
- C'est à mon corps défendant. Je vous prie d'accepter mes excuses au nom de mes troupes. On a arrosé un départ en retraite hier soir. Je pense qu'ils se sont livrés ensuite, un peu imbibés, à un enlèvement de statue. Ca arrive souvent à Rennes aux statues des baigneuses de la place de Bretagne.
- Mais... nous ne sommes pas en Bretagne ?
- Nous non mais Brice Gadoon et Gwen.. Gwerlt... l'agent de Santrèze viennent d'être mutés ici par sanction disciplinaire. Le chouchen tape dur là-bas, plus que le soleil dans le ciel et je ne sais pas si c'est une bonne idée, pour leur reconversion, de les avoir envoyés en Normandie. Je vous ferai livrer la statue au château cet après-midi par ces deux idiots, ça leur fera les pieds.
- Merci infiniment à vous commissaire. Commissaire... ?
- Gérard Mancinque !
- Mille grâces à vous, commissaire Mancinque !
***
Après le départ de l'homme de l'art, le commissaire se replonge dans la lecture de « C'est un métier d'homme » et il pense :
- C'est bizarre que plus personne ne connaisse les noms des trois Grâces. Il me semble que DeMonac, Amazing et Gunther, c'est pourtant facile à retenir, non ? »